Rénovation d'un ilot insalubre
Squat Petit, quand la Solidarité fait reculer Ghetto !
Cette histoire est celle d'un quartier et de sa population, elle prouve qu'on peut responsabiliser les Citoyens et obtenir des victoires. La ghettoïsation n'est pas une fatalité.
Le dix-neuvième arrondissement de Paris est connu pour son grand métissage et la coexistence pacifique de nombreuses communautés. Et oui, coexistence, car de plus en plus chaque Communauté tend à s'approprier une portion du territoire : tel quartier pour les Noirs, tel autre pour les Bobos, tel autre pour les Feujs…
Le combat qui a débuté, en 1997, au sein du quartier Petit rejette ce modèle au profit de la reconquête symbolique et pratique de l'espace public par et pour Tous.
Le quartier Petit (du nom d'un général de l'armée napoléonienne) est un territoire isolé et enclavé entre l'avenue Jean Jaurès au Nord, et le Parc des Buttes Chaumont au Sud avec ses abords résidentiels de standing. Aux alentours, on trouve deux foyers de travailleurs africains, qui hébergent plus de deux cents résidents dans des conditions d'exiguïté difficiles.
Ici la séparation entre les Citoyens d'origines diverses est physique : du côté pair, on trouve un habitat composé d'un groupe de logements sociaux récents, et du côté impair des immeubles anciens relativement bas, qui entourent une petite place.
Quartier Idyllique ? Sans doute à un époque, mais cette période est révolue, et seuls les Anciens se souviennent encore de cet age d'or…
Ces dernières années, la réalité aura été la constitution au cœur de la Capitale Parisienne du " plus grand taudis de la capitale". (Libération 18 mars 2002).
Ces immeubles délabrés, insalubres, accueillaient plus de soixante-trois familles d'origine africaine ; pour rester pudiques nous dirons qu'elles ont connu : des difficultés administratives, le saturnisme et la précarité.
En 1995, les habitants du quartier s'organisent pour obtenir le relogement des familles de l'îlot insalubre, la valorisation du quartier et des ressources de ses habitants, la réalisation d'ateliers artistiques et d'une fête de quartier, l'organisation de rencontres entre les habitants des deux côtés de la rue…
Pour mettre en œuvre ces objectifs, se constitue l'association : Jaurès Pantin Petit (J2P).
La responsable de l'association J2P, Jane Winterbert, nous rappelle la naissance de la mobilisation Citoyenne :
" longtemps ces familles et cette communauté a été les boucs émissaires du mal-être environnant. Devant ce constat, des habitants se sont demandés : Pouvons-nous, ensemble, agir sur le devenir de notre quartier ?, Face aux peurs, au repli, au désenchantement, comment faire pour que les gens trouvent intérêt à participer à la chose publique ?".
Après cinq années de luttes sociales, médiatiques et juridiques avec les habitants, et de nombreux militants d'organisation très diverses (SOS Racisme 19ème, Ligue des Droits de l'Homme, MRAP, Fondation Abbé Pierre, Médecins du Monde…), les habitants du quartier obtiennent gain de cause : " en juin 2001, la Ville de Paris a décidé de faire de cet îlot le symbole de la mise en place de sa politique de résorption de l'habitat insalubre de la capitale. Aujourd'hui, près de 50 familles ont été relogées ".
Le relogement était en bonne marche, quand vient le doute : que deviendraient les Sans Papiers ? Ces derniers résidents : célibataires, mariés, pères ou mères de familles qui ne pouvaient pas bénéficier d'un relogement en raison des règles d'attribution du parc social ; mais envers qui les pouvoirs publics avaient une dette morale pour les avoir abandonnés dans ce taudis pendant des années.
Et bien, au mois de juin 2002 les vingt et une personnes restantes ont apprit une excellente nouvelle : leur calvaire prenait fin ; elles ont toutes obtenu un titre provisoire de séjour régulier les autorisant à travailler, titre qui devrait se transformer en titre de séjour de 1 an dans les prochaines semaines.
La solidarité des habitants et leur pugnacité auront été efficace face aux rouages administratifs et permis d'imaginer la rénovation d'un quartier ouvert sur le monde et fier de son métissage.
Pour fêter cette bonne nouvelle : une fête de quartier se déroulera le samedi 29 Juin 2002, rue petit 75019 Paris, métro Laumiere.
Mahor CHICHE
Article parut dans le Pote à Pote N°72 de Juillet 2002.