Irak, la défaite des néoconservateurs ?
Le retrait des forces américaines en Irak s’achève et tout le monde semble s’en désintéresser, alors que pendant neuf ans ce conflit a dessiné la nouvelle géostratégie mondiale.
Les néoconservateurs américains rêvaient de démocratiser le Moyen orient et penser au nom d’une guerre juste contre le terrorisme renverser les dictatures et bénéficier du soutien du peuple irakien opprimé.
L’histoire aura été plus complexe.
Le 20 mars 2003 Georges Bush déclenchait unilatéralement les hostilités contre le régime de Saddam Hussein par l’opération « Liberté pour l’Irak ».
Après les attentats du 11 septembre 2001, les américains ont estimé que l’Irak de Saddam Hussein faisait partie avec l’Iran et la Corée du Nord de l’axe du mal (Discours du président G.W. Bush du 29 janvier 2002) de collaborer avec Al-Qaïda et de posséder des armes de destruction massive. A ce titre, une guerre préventive a été menée (Doctrine Bush).
L’arrivée des troupes américaines à Bagdad avaient été triomphale, les américains étaient des libérateurs. En optant pour l’occupation, les américains ont perdu en quelques semaines le crédit de leur victoire militaire ; d’autant que Colin Powell et ses preuves de présence d’armes de destruction massive furent discrédités.
Après la victoire militaire officiellement déclarée le 1er mai 2003, la traque du dictateur avait commencé tandis que le bourbier irakien mobilisa les masses contre ce nouvel impérialisme américain.
Le 19 août 2003, un attentat au camion piégé détruit le siège des Nations Unis à Bagdad tuant 22 personnes dont le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU le Brésilien Sergio Vieira de Mello. Cette sinistre attaque marqua le début d'un cycle de violences dans le pays contre les forces américaines et les civils irakiens.
En novembre 2008, les gouvernements irakien et américain ont signé un pacte bilatéral incluant le Status of Forces Agreement (SOFA) qui fixe à la fin 2011 le terme de la présence militaire des États-Unis.
La victoire électorale de Barak Obama doit beaucoup à sa position précoce contre l’intervention ainsi qu’au rejet de l’opinion américaine de cette guerre devenue inutile et incompréhensible contre des ennemis invisibles. Paradoxalement, la politique étrangère des néoconservateurs a conduit en 2008 à la défaite électorale de leur camp.
Un conflit qui a ouvert la voie à la démocratisation des pays musulmans ?
Saddam Hussein a perdu la guerre et fut exécuté en décembre 2006 ; il fut le premier d’une longue liste de potentats voués à disparaître (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…).
En effet, l’impact psychologique de la deuxième guerre du golfe n’est pas à négliger dans l’émergence des révolutions arabes ; constater que le Raïs Saddam Hussein a fuit ses palais présidentiels pour se terrer dans « une cache » et se laissé capturer vivant a montré aux peuples arabes que nul tyran n'est désormais à l'abri de la justice.
Cette déchéance de Saddam marque définitivement la fin du nationalisme arabe et justifie pour les néoconservateurs américains l’intervention menée.
Reste à savoir si la théorie des dominos s’est appliquée à postériori et si les révolutions arabes d’aujourd’hui ne sont pas les conséquences indirectes de l’intervention américaine en Irak ?
La défaite morale de la superpuissance américaine
Encore une fois, ce conflit a montré que la guerre moderne avec son « zéro perte » est un leurre et que la domination du ciel est insuffisante pour sanctuariser un territoire.
Les 170.000 soldats déployés n’ont jamais réussis à sécurisé l’ensemble du pays. Cette guerre a montré les limites du matériel conventionnel et la nécessiter d’adapter les armées aux batailles urbaines contre des kamikazes, des martyrs, (protection pour les jambes, les bras, gilets-pare balles plus performant…) et des insurgés déterminés.
Surtout, l’Irak est devenu la patrie des combattants du Djihad, des milliers de jeunes se sont vus endoctriner et proposer d’aller combattre « le grand Satan ». Le groupe d’Abou Moussab al-Zarqaoui avait même été adoubé par Ben Laden comme membre d’Al-Qaida.
Des filières ont été organisées, et ces combattants de retours de camps d’entrainement ou de combats sont devenus des cellules dormantes.
En France, plusieurs filières irakiennes ont été démantelées.
La pire défaite américaine a sans aucun doute été la défaite morale. Les images de la prison d'Abou Ghraib, le récit des emprisonnements illégaux, des tortures et mises en scène obscènes ont brisé l’image de la pureté du libérateur américain et renforcé le rejet de cette occupation et la défiance à l'encontre de l'Occident.
Le Président G. W. Bush admis qu’il s’est agit de « la plus grosse erreur" commise par les Etats-Unis en Irak. L’existence de multiples prisons fantômes américaines en Europe a également terni l’image des Etats-Unis.
Il convient malgré tout de reconnaitre que la presse a pu traiter de ses violations et que la justice américaine ont été sévères avec ces tortionnaires reconnus coupables.
Indéniablement, la superpuissance américaine a gagné cette guerre, mais elle n’aura pas su proposer son amitié au peuple irakien. Les efforts de reconstruction n'ont pas amélioré la vie des irakiens, ils n’ont eu comme résultat que « de restaurer les destructions faites pendant l'invasion et les pillages qui s'en sont suivis ».
L’Irak demeure une poudrière
Aujourd’hui, l’Irak est loin d’être stabilisé, la pacification des relations avec l’Iran, la lutte contre la corruption et pour son développement demeure des défis importants.
Surtout, le désarmement de la population et en particulier des milices, et la coexistence pacifique de ces mosaïques de communautés reste le premier défi du nouvel Irak. La survie de cette nouvelle démocratie fait également partie des challenges des prochaines années.
Un bilan au cœur de la prochaine présidentielle américaine
Lors de son discours du 14 décembre 2011 d’accueil de soldats américains d'Irak, le Président Obama exprima la reconnaissance de l’Amérique à ses « Boys » et salua les efforts déployés.
« Etant votre commandant en chef, je suis fier, au nom de la nation reconnaissante, de vous dire enfin ces mots: bienvenue au pays, bienvenue au pays, bienvenue au pays ». « L'Irak n'est pas devenu un endroit parfait. Cependant, nous laissons derrière nous un Irak souverain, stable et à même d'assumer seul ses responsabilités, avec un gouvernement représentatif qui a été élu par le peuple ». Barack Obama aura au moins tenu une promesse celle de faire rentrer les soldats américains d’Irak.
Léon Panetta, premier secrétaire américain à la Défense, surenchérit en ces termes : « Nous avons versé beaucoup de sang ici. Mais tout cela n'a pas été vain. C'était pour achever la mission de rendre ce pays souverain et indépendant et capable de se gouverner et se sécuriser ». « Vous repartez avec fierté, sachant que votre sacrifice a permis aux Irakiens d''éliminer la tyrannie et d'offrir la prospérité et la paix aux futures générations de ce pays »
Au final, le conflit irakien a provoqué la mort de quatre mille cinq cents soldats (4500) américains et en a blessé tente deux mille deux cent vingt six (32.226) ; les chiffres sur les victimes irakiennes sont sous estimés.
Les néoconservateurs américains ont obtenu l’augmentation du budget de l’armée et sa modernisation, l’élimination de Saddam Hussein, l’instauration d’un système politique pluraliste, de nouveaux contrats pour les sociétés américaines et bouté les velléités d’attaques américaines hors du sol des Etats Unis. Les acquis sont réels, mais le discrédit est également puissant.
L’élection de Barak Obama en 2008, l’annonce du retrait des troupes américaines avec un calendrier, la mort de Ben Laden et les révolutions arabes font que désormais le conflit irakien ne passionne plus. A l’heure du bilan de Barack Obama, le retrait américain d‘Irak et la fin des pertes américaines sera pourtant un élément majeur de la prochaine électorale américaine.