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La Chine doit abandonner la dictature soudanaise

Mahor CHICHE et Michaël CHETRIT président et secrétaire national de Sauver Le Darfour.

En visite en Chine, Bernard Kouchner s’est réjoui de l’implication de Pékin dans lesdossiers du Darfour : «Nous les accusions d’être du côté du général Béchir [le dictateur soudanais], mais ça n’a pas été tellement difficile de les en détacher et d’en faire une force positive.»

A quelle «force positive» de la Chine au Darfour M. Kouchner peut-il bien faire allusion ? S’agit-il de l’appui de la Chine aux discussions prévues en Libye entre la dictature soudanaise et quelques factions rebelles minoritaires, et qui paraissent,

de l’aveu même des protagonistes, vouées à l’échec ? A cet égard, les visites répétées de la diplomatie française auprès de la junte soudanaise et les menaces à peine voilées d’expulsion du leader rebelle Abdel Wahid el- Nour, réfugié en France, qui refuse de se rendre à la conférence, sont parfaitement incompréhensibles, d’autant que les auspices du colonel libyen Kadhafi ne sont pas pour inspirer confiance.

S’agit-il d’exprimer notre reconnaissance à l’égard de la Chine pour ne pas avoir mis son veto à l’adoption de la résolution 1769 du Conseil de sécurité du 31 juillet dernier, une des vingt résolutions déjà prises sur la crise au Darfour et soeur jumelle de la résolution 1706 adoptée un an auparavant ? Cette résolution, comme les précédentes, a très peu de chance d’aboutir. Elle prévoit le déploiement, sous réserve d’un «accord» final avec le gouvernement soudanais, d’une force hybride ONU-Union africaine (Minuad) composée d’un maximum de 19 555 soldats et de 3 772 agents et officiers de police.

Or la dictature de Khartoum, membre à part entière de l’Union africaine, s’oppose toujours à l’entrée sur son territoire de tout soldat non africain. En outre, les ONG françaises présentes sur le terrain considèrent que cette force sera insuffisante pour sécuriser un territoire grand comme la France, sans compter que son coût, près de 2 milliards de dollars, est jugé exorbitant par les Etats contributeurs au regard des résultats prévisibles, et notamment par le rapporteur du Parlement européen – en plus des 380 millions versés pour l’aide humanitaire.

Dans ce contexte, comme le dit le député européen Thierry Cornillet : «L’Union européenne n’est pas une super ONG, elle doit aussi aider à la résolution politique du conflit.»

Depuis le début de la crise du Darfour, la junte soudanaise est passée maîtresse dans l’art d’éviter les sanctions, ce qui lui a permis de continuer de procéder aux exactions en toute impunité, avec le soutien, précisément, d’un allié de poids, la Chine.

En à peine dix ans, la Chine est devenue le premier partenaire économique du Soudan. Elle achète désormais 71 % des exportations soudanaises, très loin devant le Japon (12 %) et l’Arabie Saoudite (2,8 %). Cela permet en retour au Soudan de lui acheter des armes, que l’on retrouve entre les mains des miliciens à la solde de Khartoum au Darfour, les jenjawids. L’implantation économique de la Chine au Soudan n’est d’ailleurs pas fortuite. Elle est la conséquence de l’abandon du Sud-Soudan par les pays occidentaux suite à une guerre pour le pétrole qui a fait entre 1,5 et 2 millions de morts parmi les populations chrétienne et animiste. On a en effet assisté au départ de l’américain Chevron suite à la mort de plusieurs de ses employés en 1984, du canadien Talisman Energy en 2002 pour mettre fin à une campagne internationale de boycottage, et du français Total, propriétaire d’une concession de quarante ans conclue en 1980 et qu’il n’a jamais pu exploiter.

Dès lors, nos pays démocratiques n’ont presque plus aucun moyen de pression économique direct sur le Soudan.

Il ne reste donc plus qu’une voie : convaincre la Chine, qui est représentée au groupe de contact élargi sur le Darfour, d’abandonner la dictature soudanaise. La chute de la junte devrait suivre, car le Soudan est l’un des pays du monde les plus proches de la faillite selon le classement 2007 des instituts Foreign Policy et Fund for Peace. Elle permettra l’organisation des premières élections libres au Soudan depuis le coup d’Etat du Front islamique national en 1989.

Nos pays démocratiques ont des arguments de poids pour convaincre la Chine : les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et la France représentent en effet à eux seuls 40 % des exportations chinoises totales. La Chine n’est pas encore le géant économique que l’on dit. En dépit d’un taux de croissance de 10 % par an, elle atteint un niveau de PIB légèrement supérieur à celui de la France. Plus encore, les échanges de la Chine avec l’Union européenne sont très favorables à la Chine, qui a enregistré 60 milliards d’euros d’excédent en 2005, et plus de 100 milliards en 2006. Le groupe de contact élargi sur le Darfour doit faire comprendre à la Chine que si celle-ci veut pouvoir bénéficier de relations commerciales internationales indispensables à son développement, elle doit cesser de soutenir le régime soudanais, responsable de la mort de près de 2 millions de personnes en vingt ans.

www.sauverledarfour.org

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