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Le Droit de vote des étrangers et le piège du communautarisme

Après trente cinq ans de combats pour l’égalité, le Sénat a adopté ce jeudi 8 décembre 2011 par 173 voix contre 166, une proposition de loi constitutionnelle étendant aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections municipales.

Cette proposition de loi constitutionnelle n°505 relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers non ressortissants de l'UE avait été votée à l’Assemblée Nationale le 3 mai 2000. Le Sénat (composé d’élus locaux) avait toujours refusé de s’en saisir jusqu’au basculement à gauche de la majorité sénatoriale à l’automne 2011.

Le droit de vote des étrangers extra-communautaires, une mesure juste et symbolique

Contrairement aux allégations de Claude Guéant (« Si une personne étrangère souhaite voter et s’impliquer dans la vie de la cité, elle peut demander sa naturalisation. On ne peut découper la citoyenneté en tranches. »), et de Marine Lepen, la nationalité française n’est plus depuis le traité de Maastricht de 1992 liée à la citoyenneté.

Cette dissociation entre nationalité et citoyenneté a été opérée sous l’influence européenne, permettant ainsi aux résidents communautaires (c'est-à-dire, ayant la nationalité de l’un des Etats-membres de l’Union) de participer à la vie politique locale de leur pays de résidence.

Ainsi, en France seuls les étrangers extra-communautaires (hors Union européenne) ne bénéficient pas de ce droit. Cet état de fait constitue une discrimination que la gauche et les humanistes centristes ou de droite ont eu raison de soutenir. Cette mesure est juste et symbolique.

Pour le sénateur socialiste François Rebsamen, « les étrangers non-communautaires en situation régulière doivent pouvoir voter aux élections municipales ».

Cette proposition porte en elle : deux idées forces. Tout d’abord, le résident étranger qui participe à la vie associative, à la vie professionnelle, qui paie ses impôts et qui scolarise ses éventuels enfants en France participe pleinement à la vie de la Cité ce qui justifie l’octroi de ce droit de vote.

Lors du débat sénatorial, la sénatrice communiste Eliane Assassi déclara « nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d'éligibilité des milliers de résidents étrangers qui participent (...) à la vie de la cité, à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative, etc. ». Il participe souvent d’ailleurs aux élections professionnelles, prud'homales ainsi qu’à des Conseils de quartiers, de parents d'élèves ou des Conseils de résidents étrangers.

La seconde idée est que si la naturalisation est encouragée par la France (bien que dans la réalité celle-ci s’acquiert de plus en plus difficilement), la conservation de sa nationalité d’origine n’interdit pas, dans un monde globalisé, l’intégration à la vie locale de son pays de résidence.

Cette mesure va dans le bon sens, elle permettra à l’ensemble des résidents en France de participer (s’ils le souhaitent) à l’échelle locale à la vie de la Cité. Cette mesure rendra aussi une certaine fierté aux descendants de ces étrangers qui ont tout abandonnés pour travailler à la construction de la France sans en avoir les remerciements attendus.

Le fait qu’un français résidant à l’étranger ne dispose pas forcément de ce droit n’est pas une raison de ne pas accorder un tel droit ; en la matière, il n’existe aucune obligation de réciprocité. Au contraire, cette mesure devrait permettre à la France de négocier l’octroi de tels droits pour les Français de l’étranger avec les pays tiers.

Surtout, cette mesure démontre que la gauche de gouvernement (souvent accusée de trahison) tient parole même si c’est avec retard et qu’elle refusera de se soumettre aux diktats de l’extrême droite (malgré son poids électoral et idéologique indéniable).

 

 

 

L'adoption de cette mesure ne doit pas justifier l’absence de volontarisme à améliorer les conditions d’accueil des étrangers et surtout à investir dans le changement de nos quartiers ghettos.

Le communautarisme n’est souvent que la marque de la faillite de notre modèle républicain

Le Ministre de l’intérieur, Claude Guéant, a eu tort de tenter de justifier le rejet de cette proposition de Loi relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers non ressortissants de l'UE par le danger communautariste. Le communautarisme n’est souvent que la marque de la faillite de notre modèle républicain.

Pour Pierre-André Taguieff, le communautarisme est un mode d'auto-organisation d'un groupe social, fondé sur une « parenté ethnique » plus ou moins fictive (mais objet de croyance), dans une perspective ethnocentrique plus ou moins idéologisée, sur le modèle « nous versus les autres » (« nous » : les meilleurs des humains, les plus humains d'entre les humains).

Les forces communautaristes proposent une vision essentialiste des groupes humains, ce qui signifie que chacun est doté d'une identité essentielle dont on suppose qu'elle est partagée par tous ses membres ou représentants. Comme l’écrit Alain-Gérard Slama, « l'idéologie identitaire substitue la subjectivité à l'intelligence, le particulier à l'universel ; elle exclut, par définition, le débat démocratique entre des individus autonomes et responsables ».

Depuis des années, je dénonce avec d’autres l’existence de tensions intercommunautaires sur le territoire français, d’achat de la paix sociale par certaines municipalités et le financement d’associations communautaristes. Les exemples de concessions sont connus et nombreux.

La montée en puissance du communautarisme est si puissante que l’on a réussi à créer de véritables quartiers ethniques.

Le danger n’est pas comme aux Etats Unis un danger électoral puisque la plupart des candidats issus de la diversité présentant des listes communautaires font des scores minables.

Le piège communautariste est ailleurs.

Les quartiers et campagnes de France sont depuis des années délaissés, ils manquent d’emplois, d’équipements mais surtout de présence humaine (éducateurs, enseignants compétents, services publics…). Le creuset républicain, l’Ecole publique, ce sanctuaire a été bradé au profit des logiques de ghettoïsation.

A l’évidence, la ségrégation scolaire apparue cette dernière décennie est le trait le plus saillant de cette victoire du communautarisme.

Après les bandes ethniques, après les clubs de foot monocolores, les classes « ethniques » ont proliféré.

Après les ghettos pour pauvres, on a eu les ghettos pour riches ; après l’école publique pour tous on a eu la prolifération des écoles privées et la myriade de structures relais privées de soutiens scolaires.

Face au métissage de la société, il bien existe une tentation du développement séparé qu’il faut affronter au lieu de l’éluder.

Les victoires communautaristes ne sont pas du à l’éventuel poids électoral de telle ou telle partie de la population, mais au renoncement de nos élus à promouvoir un modèle républicain vidé de sa substance.

En effet, si le communautarisme tend aujourd’hui à se développer, la raison majeure en est la crise de confiance dans les institutions républicaines et l’absence de perspectives communes permettant de penser qu’Ensemble notre avenir sera meilleur.

Après le 21 avril 2002 et les émeutes urbaines de 2005 les gouvernements de la France avaient la possibilité de sortir par le haut de ces crises, ils ont préféré les atermoiements (absence de plans sérieux pour les quartiers, pour l’école, absence de lutte contre les discriminations…), la communication (création du Ministère de l’identité nationale) au détriment d ‘une politique active.

Face aux logiques individualistes, à l’appât du gain rapide et à l’absence de moyens, de réponses préventives ou judiciaires pertinentes, le modèle méritocratique atteint trop souvent ses limites.

Ainsi, il faut se féliciter de l’adoption d‘un texte hautement symbolique qui pour entrer en vigueur nécessitera le paraphe du Président actuel ou à venir. La gauche ne doit cependant pas en rester à cette mesure symbolique, elle doit proposer des chemins d’intégration.

Il convient de sortir des caricatures, de cesser d’éluder les véritables défis de la nouvelle France, et proposer des mesures fortes pour redonner du sens au modèle français.

 

 

 

 

 

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