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Répercussions en france de la Guerre du Golfe

Les renseignements généraux se préparent en France aux conséquences possibles d'une guerre en Irak
21 février 2003, Par Johan Weisz contact@proche-orient.info


Bernard Squarcini, le directeur adjoint des RG, rappelait dans le « Journal du Dimanche » du 16 février que « chaque fois qu'il y a des tensions au Moyen-Orient, on note (…) des réflexes identitaires chez certains jeunes, qui entrent dans une logique d'écorché vif ». Le numéro 2 des RG s'attend donc à « une augmentation des actes de xénophobie et d'antisémitisme » en France. Il est vrai qu'à mesure que les caméras de télévision se tournent vers les Marines américains stationnés dans le Golfe, la température monte dans certains quartiers. À titre d'exemple, ce « jeûne en solidarité avec le peuple irakien » proclamé pour le 20 février par l'Union des Organisations Islamiques de France - organisation qui, bien que représentant un courant radical de l'islam, proche des Frères musulmans, est en passe de s'imposer dans la Consultation Française du Culte Musulman initiée par Nicolas Sarkozy. « Cette idée de jeûne est une connerie ! », s'énerve Faycal Menia, qui refuse de « céder aux discours de haine et d'importation d'un conflit qui n'est pas français ». Secrétaire général de l'Union des Associations musulmanes de Seine Saint-Denis, Faycal Menia a récemment dénoncé la tentative de prise de contrôle de la mosquée de Noisy-le-Sec par un groupe de salafistes, ces partisans d'un islam rigoriste. Il craint qu'avec une frappe contre l'Irak, « certains adeptes de la pensée radicale n'en profitent pour embrigader des jeunes "paumés socialement" dans leur diabolisation de l'Occident et de la communauté juive. Ils seraient tentés de mettre de l'huile sur le feu et de réaliser leurs visions violentes », ajoute-t-il. Si on laisse faire, même Chirac ne pourra plus rien
Mais pour autant, il est hors de question d'éviter le sujet : Sébastien Pietrasanta est directeur d'Asnières Quartiers Libres, une maison de quartier au nord de Paris. Pour lui, le dossier irakien est loin d'être tabou, puisqu'il a monté un comité local contre la guerre en Irak. Il s'en explique : « Les gens suivent les informations, ils ont besoin de parler… Alors, oui on parle de l'Irak. La discussion, ça permet de poser les choses, d'apaiser les angoisses ». Yasmine raconte : « L'irak, on en parle tout le temps. Parfois, avec les femmes, on reste pour en parler des heures et des heures… ». L'actualité moyen-orientale, cette jeune habitante d'Asnières, la vit effectivement au quotidien : « Ici, tout le monde est contre la guerre, les juifs aussi sont contre la guerre » ; alors elle en veut à Bush et aux États-Unis qui se livrent à « une guerre pour rien ». Récurrent, l'antiaméricanisme se rencontre aussi dans la bouche de ce groupe de jeunes du 95 qui se retrouvent dans un fast-food des Halles, à Paris. Sous le regard attentif du maître des lieux, à savoir l'effigie de Ronald, ils nous expliquent que « si on réfléchit bien, si on laisse faire, l'Amérique va devenir la seule puissance du monde, et même Chirac ne pourra plus rien ». À Paris, tout le monde avait pu constater, lors de la grande manifestation contre la guerre en Irak, la présence importante de Français d'origine arabe. Tout le monde avait également remarqué ces nombreux manifestants qui s'en prenaient en même temps à George W. Bush, à Ariel Sharon, et à l'État d'Israël ; et souvent, les cortèges qui regroupaient beaucoup d'habitants des banlieues n'y allaient pas de main morte. « Ces amalgames me font très peur, de là à s'en prendre aux juifs, il n'y a qu'un pas », s'inquiète Mickaël, 18 ans de Montreuil (92). Malheureusement, ce pas a déjà été franchi. Cette enseignante juive d'un établissement public, insultée et poursuivie par des manifestants pro-palestiniens après un défilé l'an dernier, estime qu'aujourd'hui « la population juive est en danger en France ». Mickaël veut aussi dénoncer cet antisémitisme qu'il subit tous les jours, qui lui fait mal, cette banalisation de l'antisémitisme dans le vocabulaire : « Sale juif, c'est presque plus utilisé que sale con ! Mais qu'est ce que vous voulez qu'on fasse ? On encaisse et puis c'est tout ! » Des armes de poing ont déjà servi, mais que « le pire a pour l'instant été par miracle évité »

Raphaël, qui assure le shabbat la sécurité devant sa synagogue à Val de Fontenay (92), a peur pour sa communauté. « Pendant Jénine, c'était chaud », se souvient le jeune homme. On peut craindre le pire. Sammy Ghozlan, ancien commissaire de police, en est presque convaincu : « Dès que la tension monte de l'autre côté de la Méditerranée, les juifs de France en paient le tribut », explique-t-il. En tant que président du Bureau de Vigilance contre l'Antisémitisme, il a recensé 232 actes antisémites en Ile de France dans les neuf derniers mois de 2002. Sammy Ghozlan a gardé en mémoire la première crise du Golfe : « Partout où il y avait des manifestations, il y avait des tags où des agressions antisémites ». Sa communauté, au Blanc Mesnil, n'avait pas été épargnée. Surtout, il n'a pas oublié ce qu'a déclaré, en septembre dernier, le directeur des RG pour la Seine Saint-Denis, à l'adresse des responsables de la communauté juive : si la guerre éclate, « vous serez en première ligne ». Si le dossier irakien est monté en épingle, Sammy Ghozlan envisage une nouvelle vague de violences antisémites de plus forte intensité que les précédentes. « J'ai peur qu'une femme se fasse poignarder alors qu'elle fait ses courses au marché. Je crains des ratonnades anti-juives », dit-il, en faisant remarquer que des armes de poing ont déjà servi, mais que « le pire a pour l'instant été par miracle évité ». Il conclut : « grâce au Bureau de Vigilance que nous avons créé, les victimes juives ont pu faire recenser leurs plaintes. Notre bureau est un catalyseur positif ; on aide les personnes dans leur démarche, elles nous racontent ce qu'elles ont subi, c'est un exutoire, et on prévient des mécanismes de vengeance privée ». « Le risque, c'est l'accentuation du communautarisme et des ghettos », pense de son côté Mahor Chiche, conseiller municipal (PS) du XIXème arrondissement. Et d'ajouter d'emblée : « Oui la communauté juive a tendance à se replier sur elle-même, mais il s'agit d'une conséquence. Affirmer que les juifs importent le conflit du Proche-Orient en France, c'est du terrorisme intellectuel ! ». Chargé des droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations dans un arrondissement où les communautés musulmanes et juives sont très représentées, Mahor Chiche est là quand le ton monte entre les habitants. Il organise aussi des initiatives pour briser ce qu'il appelle « la logique de ghetto ». Repas de quartier, arbre de Noël pour les enfants, ou voyage de jeunes au Mémorial de Caen sont autant d'efforts pour « recréer l'intégration par les valeurs de la République ». Mais, l'élu soupire. L'esprit de Belleville, quartier métis par excellence, n'est plus tout à fait le même qu'avant : « Aujourd'hui, on s'achemine vers "chacun, juifs et musulmans, sur son trottoir", et c'est dommage ». « Le pouvoir cautionne l'opposition à la guerre, c'est plus qu'un signal pour certains jeunes des cités »
« En refusant la guerre, Jacques Chirac agit en homme d'État », estime Fayçal Menia, le Secrétaire général de l'Union des Associations musulmanes de Seine Saint-Denis. Pour ce responsable musulman, « le geste de Chirac est celui d'un chef d'État qui veut préserver la paix sociale dans son pays ». La position du Président de la République française constitue-t-elle un rempart pour endiguer un embrasement des quartiers ? Philippe, fidèle d'une communauté juive au sud de Paris, résume le malaise que beaucoup ressentent aujourd'hui : « Chirac donne sa caution aux racailles pour passer à l'action », lâche-t-il. Et de critiquer les pouvoirs publics tous azimuts, comme la municipalité de Gentilly qui a organisé en début d'année une double exposition : « Gens d'Irak et Palestine 2001-2002 » : « Ils ne se contentent pas d'agiter le chiffon rouge du Proche-Orient, ils associent délibérément l'Irak et la Palestine. Dans l'exposition, on pouvait lire que les Israéliens se livraient à des "shooting d'enfants ! ». Chez beaucoup de juifs, l'opposion de la France à la guerre est souvent perçue comme un blanc seing pour les actes antisémites. « Le pouvoir cautionne l'opposition à la guerre, c'est plus qu'un signal pour certains jeunes des cités », analyse Raphaël. « Ici, il n'y a pas d'Américains à qui s'attaquer, ils vont faire l'amalgame Bush-Sharon-juifs, … et puis de toute façon, c'est toujours plus facile de s'en prendre aux juifs ! »

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