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Facebook ou la liberté d’expression du salarié, face à l’obligation de loyauté


« Attention à ce que vous postez sur Facebook,
cela pourrait se retourner contre vous tôt ou tard ".

Barack Obama, Président des Etats Unis


Lors d’un discours, le Président Barack Obama a mis en garde le peuple américain sur les effets négatifs possibles des nouvelles technologies du net et plus particulièrement des blogs, réseaux sociaux comme Facebook et autres Twitter.

Récemment, dans de nombreux Etats la question de la censure de Facebook mais aussi de son interdiction sur les postes de travail s’est posée. Aujourd’hui, la vie d’un citoyen se décompose en trois sphères : la sphère strictement privée, la sphère publique, et la sphère professionnelle ; or parfois la frontière entre ses sphères est délicate.

En France, le débat vient de rebondir sur la question des messages postés sur le réseau Facebook alors que leur contenu était critique vis à vis de la direction de la société qui employait les émetteurs du message.

L’employeur a tendance à vouloir limiter le temps passé par ses salariés durant les pauses-cafés ainsi que les tentations de se connecter sur Internet durant les heures de travail. Plusieurs sociétés ont mis en place des filtres interdisant la connexion à des Sites tels que Facebook ou l’accès à certaines messageries comme Msn sur les postes de travail des salariés. L’Employeur veille ainsi au travail effectif de ses salariés.

La motivation de l’employeur apparaît légitime : obtenir le meilleur rendement de son salarié et veiller à ce qu’il respecte son obligation de loyauté.

Or, il apparaît que le temps passé sur le net au travail peut perturber la relation de travail. Le salarié doit exécuter ses fonctions sans être distrait. Le net a remplacé les appels téléphoniques personnels d’antan fait sur le compte de la société.
Si l’Employeur veille ainsi au travail effectif de ses salariés, il semble bien démuni face au salarié-citoyen qui s’exprime sur Facebook sur sa vie professionnelle.

Cette libre expression du salarié-citoyen relève t’elle de la sphère exclusivement privée ? Y-a-t-il confusion avec la sphère professionnelle ? L’employeur peut-il utiliser son pouvoir disciplinaire à l’encontre des salariés ? Cette liberté de parole a t’elle crée un trouble objectif caractérisé pour l’entreprise ?

Ces questions montrent le fragile équilibre qui existe entre le domaine de la vie privée du salarié-citoyen et l’intérêt légitime de l’entreprise.

1. Vie privée, vie professionnelle, vie  publique : une frontière de plus en plus floue


En principe, un fait relevant de la vie privée ne peut caractériser une faute du salarié (Cass. soc., 17 avr. 1991, n° 90-42.636 : Juris-Data n° 1991-001156 ; Bull. civ. 1991, V, n° 201). 

Le respect de la vie privée est un droit fondamental qui assure la dignité, l'intégrité et la liberté de l'être humain. La personne du salarié – et les droits et libertés qui y sont attachés – ne disparaît pas à raison du lien de subordination né de la relation de travail.

Cette protection de la vie privée est prévue à l'article 9 du Code civil et englobe la protection de la correspondance privée. Correspondance papier ou électronique.

L'employeur ne peut, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40.803, P+B+R+I, A. c/ SA Haironville : Juris-Data n° 2007-038898).

Les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel relèvent assurément de la même protection. D’autant qu’en principe, l'accès aux informations personnelles des participants est en principe restreint aux membres de la communauté.

La difficulté pour le juge est de parvenir à délimiter la sphère à laquelle relève les propos   tenus. La logique juridique ressemble alors à celle permettant en matière de droit de la    presse de distinguer l’injure privée de l’injure publique.
En vertu de l'article L. 2281-1 du Code du travail, les salariés bénéficient comme tous    les citoyens d'un droit de s'exprimer « sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail ».

La Cour de cassation a ainsi décidé que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance de l'inspecteur du travail des faits concernant l'entreprise et lui paraissant anormaux, qu'ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute » (Cass. soc., 14 mars 2000, n° 97-43.268 : JurisData n° 2000-000983 ; Bull. civ. 2000, V, n° 104 ; RJS 2000, n° 388).

Les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel relèvent assurément de la même protection.

Toutefois, le salarié reste tenu envers l'employeur d'une obligation née du contrat de travail qui est permanente et par conséquent se poursuit même en dehors du travail : c'est l'obligation de loyauté des parties dans l’exécution du contrat de travail.

La jurisprudence a posé deux exceptions.

Cette protection s'arrête lorsque les propos d'un salarié causent un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise (Cass. soc., 20 nov. 1991 : Juris-Data n° 1991-003219 ; Bull. civ. 1991, V, n° 512) et lorsque la correspondance n'est plus privée, car elle est diffusée.
L'employeur peut se servir de la correspondance privée d'un salarié pour le licencier, si le contenu du message a été révélé par l'un des destinataires qui s'en est plaint à l'employeur et qu'il y a trouble manifeste pour l'entreprise.

2.L’obligation de loyauté du salarié

Deux ex-salariés du groupe Alten ont saisi le Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour contester leurs licenciements motivés par la publication depuis leur domicile sur Facebook de propos critiques sur leur hiérarchie par le biais de leur ordinateurs personnels.

Sur leur page Facebook, les salariés écrivaient sur leur hiérarchie, la Direction des   Ressources Humaines et ironisent sur le fait d’appartenir à un "club des néfastes" ; deux autres salariées impliquées dans le litige s'en étaient amusées en répondant : "bienvenue au club".

La direction d’Alten a alors invoqué les motifs d’« Incitation à la rébellion » et de « dénigrement de l'entreprise » pour justifier les licenciements intervenus. Notons que le licenciement est la sanction disciplinaire la plus grave.

Me Grégory Saint-Michel, défend l'idée qu'il s'agissait là d'une conversation privée, du même type que celle qui pourrait être tenue autour d'un dîner, un soir, entre amis. Et qu'en aucun cas, elle ne devait sortir de ce cadre privé.

Le Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt n’a pas réussi à trouver une position commune, l’affaire a été renvoyée en départage.
En départage, et éventuellement en appel, les licenciements devraient être qualifiés de sans cause réelle et sérieuse en l’absence de trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise et du procédé sans doute déloyal de l’employeur pour avoir eu connaissance de ses propos.  

La loyauté de l’information transmise à l’employeur demeure incertaine (sans doute émanant d’un autre salarié).  Il semble également que le terme « néfaste » ait pu être utilisé en premier lieu  par  la direction du groupe.  Les faits restent à apprécier et qualifier ; mais d’ores et déjà   il apparaît clair que les propos tenus sur Facebook (quelque soit  leur  retentissement) relèvent exclusivement de la vie privée.

Cette affaire illustre à quel point l’apparition des nouveaux réseaux  pose à l’employeur de nouvelles questions quant à son mode de management et l’espace de liberté et d’autonomie conféré au salarié.

3. Du juste usage des nouvelles technologies:

Etre connecté à Facebook ou à un site d’actualité peut permettre de se détendre ; il remplace par certains égards la pause-café, ou les bavardages de couloirs. Temps de pause nécessaire au bien être du salarié et au final à une amélioration de ses performances.

Les entreprises américaines et japonaises, et en particulier les start-up ont compris cette nécessité du développement personnel au travail pour obtenir le meilleur de ses salariés (salle de sport, coaching,  crèches d’entreprises…).
Le temps de décompression, la pause, n’est pas du temps superflu pour l’employeur s’il permet une meilleure ambiance de travail. Le développement des maladies liées au travail montre qu’à long terme une ambiance sereine permet une meilleure croissance et réduit les risques psycho-sociaux.

Certaines entreprises ont fait le choix de purement et simplement bloquer tout accès à Internet Facebook, Msn et autres privilégiant un Intranet. Evidemment, le tout est une question de dosage : le cadre qui passe 4 heures par semaine sur le net et celui qui en passe 40 ne sont pas dans le même type de comportement (amusement/addiction).

A l’évidence, tout ne relève pas du judiciaire, et le salarié qui s’exprime sur sa société doit veiller à ne pas violer son obligation de loyauté.

Le respect de sa hiérarchie et de la bonne organisation de l’entreprise relève avant tout de la responsabilité individuelle du salarié, ce que l’on pense et raconte entre amis ou collègues sur ses managers ne doit pas toujours faire l’objet d’un post.

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