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  • Le jour où Facebook m'a banni

    Débat › Le monde contemporain


    Facebook a atteint, le 21juillet, les 500 millions d'utilisateurs, record battu faisant de ce réseau social un fait historique dans l'ère numérique. Un demi-milliard de citoyens, près de 8 % de la population mondiale, bénéficie du progrès informatique pour échanger. La mondialisation montre en l'espèce ses aspects positifs.


    Ce succès planétaire ne doit pas faire oublier les dangers de ce type de plates-formes communautaires et l'absence de droits pour les utilisateurs. Le président américain, Barack Obama, a mis en garde l'opinion américaine sur ces dangers : "En premier lieu, je veux vous dire qu'il faut être très prudent sur ce que vous publiez sur Facebook, car en cette période de YouTube et autres sites communautaires, tout ce que vous y mettrez pourra être présenté contre vous tout au long de votre vie. Quand on est jeune, on a tendance à faire des choses stupides. J'ai entendu de nombreuses histoires de jeunes personnes qui ont publié des choses sur Facebook qui leur ont porté préjudice notamment pour leur recherche d'emploi".


    Aujourd'hui, près de la moitié des patrons effectuent des recherches sur leurs candidats, ils les "googlisent", avant de les embaucher. Bien entendu la vie sans Facebook est possible, mais il faut reconnaître que cette plate-forme facilite la communication avec ses amis, ses communautés et élargit les horizons de rencontres. Le Net qui déshumanisait il y a peu et rendait antisocial "les addicts" permet, grâce à Facebook, l'éclosion de nouvelles relations sociales. Superficielles ou sincères, celles-ci ne sont finalement pas si différentes de celles de la vraie vie.


    Facebook est au coeur de la vie du Net, une sorte de "second life" qui a touché les coeurs par sa facilité d'utilisation et ses "flux d'actualité" permettant une vraie interactivité. Facebook est un réseau qui vous relie à ceux qui comptent pour vous.
    Pourtant, Facebook reste une zone de non-droit en particulier pour ses utilisateurs. J'ai pu constater à quel point il méprise les principes juridiques fondamentaux tels que la notion d'abus de droit. Le 22 juillet, j'ai essayé de me connecter sur mon profil comme chaque matin ; catastrophe : mon compte a été brutalement désactivé.


    Plus moyen d'accéder à ma liste d'amis, mes albums photos, mes publications, ou encore le "chat on line", je me suis retrouvé par la décision d'un administrateur coupé de ma communauté et privé de mon moyen de communication privilégié. Sans aucune mise en demeure préalable, sans aucun avertissement, et surtout sans aucun motif réel et sérieux, mon compte Facebook que j'ai alimenté depuis des années et qui comptait mes 887 amis a été désactivé.

    Trop de pokes (taquineries) et de demandes d'amis, trop d'articles mis en ligne, peut-être. Facebook n'aime pas les activistes. Facebook préfère prévenir toute violation des droits d'auteurs en désactivant des comptes de manière préventive sans prendre le soin de vérifier et de contrôler la réalité des éventuelles violations commises. D'autant, qu'a contrario, Facebook reste timoré vis-à-vis de la protection de la vie privée.


    La désactivation d'un compte Facebook équivaut au bannissement ; en théorie le compte n'est pas supprimé et peut être réactivé, mais aucun bouton ne le permet automatiquement. Les administrateurs Facebook envoient quant à eux des messages types affirmant sans preuve que la Déclaration des droits a été violée et que leur décision de désactivation est irrévocable. Périple qui arrive à trop de citoyens "facebookiens" démunis face à ce fameux message "votre compte a été désactivé. Si vous avez des questions ou des interrogations, vous pouvez visiter notre page des questions/réponses".


    La relation entre le citoyen "facebookien" et la société Facebook se limite à accepter ou non leur politique, leur Déclaration des droits et responsabilités révisée le 22 avril après une levée de boucliers contre la politique de licence universelle que Facebook voulait imposer. Cette licence rendait Facebook propriétaire des images et des contenus de ses utilisateurs.
    Le réseau Facebook est encore en construction, il doit s'améliorer dans la protection de la vie privée, la lutte contre la pédophilie, ou encore les groupes racistes ; une prise en compte de ces impératifs moraux est essentielle. En Angleterre, les jeunes de 13 à 18 ans auront la possibilité d'installer sur leur profil un bouton "clic CEOP" dispositif permettant de signaler tout adulte qui serait soupçonné de vouloir entrer en contact avec des mineurs.


    Facebook a renforcé sa politique en permettant à ses utilisateurs de limiter la consultation de ses données en se rendant dans "paramètres puis confidentialité". Facebook doit permettre la réactivation des comptes désactivés à tort sans que le "facebookien" doive passer par le tribunal de Santa Clara (Californie).


    En effet, l'article 16 de ces conditions générales indique : "Vous porterez toute plainte afférente à cette Déclaration ou à Facebook exclusivement devant les tribunaux d'Etat et fédéraux sis dans le comté de Santa Clara, en Californie. Le droit de l'Etat de Californie est le droit appliqué à cette Déclaration, de même que toute action entre vous et nous, sans égard aux principes de conflit de lois. Vous acceptez de respecter la juridiction des tribunaux du comté de Santa Clara, en Californie, dans le cadre de telles actions."


    Les utilisateurs de Facebook disposent d'un seul recours juridique ouvert, mais celui-ci est si compliqué et onéreux que beaucoup y renoncent. Nous sommes tous citoyens du monde Facebook jusqu'à ce qu'un robot ou un administrateur "facebookien" décide d'en disposer autrement. Facebook fait régner ses conditions sans armée juste par son monopole.


    Bien entendu, il est toujours possible de recréer un compte, mais cette procédure est fastidieuse et ne prémunit pas d'une nouvelle désactivation. En l'état actuel, il semble que cette procédure est la plus rapide et efficace.


    Mark Zuckerberg, gouverneur suprême du réseau social, doit prendre en compte cet abus de droit qu'exercent les administrateurs de Facebook et tout faire pour réactiver les comptes des "facebookiens" désactivés et bannis par erreur.

    Il est temps que Mark Zuckerberg respecte les utilisateurs de son invention, et il y a urgence.


    Mahor Chiche

    Avocat au barreau de Paris

    Article paru dans l'édition Le Monde du 15.08.10

  • Facebook ou la liberté d’expression du salarié, face à l’obligation de loyauté


    « Attention à ce que vous postez sur Facebook,
    cela pourrait se retourner contre vous tôt ou tard ".

    Barack Obama, Président des Etats Unis


    Lors d’un discours, le Président Barack Obama a mis en garde le peuple américain sur les effets négatifs possibles des nouvelles technologies du net et plus particulièrement des blogs, réseaux sociaux comme Facebook et autres Twitter.

    Récemment, dans de nombreux Etats la question de la censure de Facebook mais aussi de son interdiction sur les postes de travail s’est posée. Aujourd’hui, la vie d’un citoyen se décompose en trois sphères : la sphère strictement privée, la sphère publique, et la sphère professionnelle ; or parfois la frontière entre ses sphères est délicate.

    En France, le débat vient de rebondir sur la question des messages postés sur le réseau Facebook alors que leur contenu était critique vis à vis de la direction de la société qui employait les émetteurs du message.

    L’employeur a tendance à vouloir limiter le temps passé par ses salariés durant les pauses-cafés ainsi que les tentations de se connecter sur Internet durant les heures de travail. Plusieurs sociétés ont mis en place des filtres interdisant la connexion à des Sites tels que Facebook ou l’accès à certaines messageries comme Msn sur les postes de travail des salariés. L’Employeur veille ainsi au travail effectif de ses salariés.

    La motivation de l’employeur apparaît légitime : obtenir le meilleur rendement de son salarié et veiller à ce qu’il respecte son obligation de loyauté.

    Or, il apparaît que le temps passé sur le net au travail peut perturber la relation de travail. Le salarié doit exécuter ses fonctions sans être distrait. Le net a remplacé les appels téléphoniques personnels d’antan fait sur le compte de la société.
    Si l’Employeur veille ainsi au travail effectif de ses salariés, il semble bien démuni face au salarié-citoyen qui s’exprime sur Facebook sur sa vie professionnelle.

    Cette libre expression du salarié-citoyen relève t’elle de la sphère exclusivement privée ? Y-a-t-il confusion avec la sphère professionnelle ? L’employeur peut-il utiliser son pouvoir disciplinaire à l’encontre des salariés ? Cette liberté de parole a t’elle crée un trouble objectif caractérisé pour l’entreprise ?

    Ces questions montrent le fragile équilibre qui existe entre le domaine de la vie privée du salarié-citoyen et l’intérêt légitime de l’entreprise.

    1. Vie privée, vie professionnelle, vie  publique : une frontière de plus en plus floue


    En principe, un fait relevant de la vie privée ne peut caractériser une faute du salarié (Cass. soc., 17 avr. 1991, n° 90-42.636 : Juris-Data n° 1991-001156 ; Bull. civ. 1991, V, n° 201). 

    Le respect de la vie privée est un droit fondamental qui assure la dignité, l'intégrité et la liberté de l'être humain. La personne du salarié – et les droits et libertés qui y sont attachés – ne disparaît pas à raison du lien de subordination né de la relation de travail.

    Cette protection de la vie privée est prévue à l'article 9 du Code civil et englobe la protection de la correspondance privée. Correspondance papier ou électronique.

    L'employeur ne peut, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40.803, P+B+R+I, A. c/ SA Haironville : Juris-Data n° 2007-038898).

    Les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel relèvent assurément de la même protection. D’autant qu’en principe, l'accès aux informations personnelles des participants est en principe restreint aux membres de la communauté.

    La difficulté pour le juge est de parvenir à délimiter la sphère à laquelle relève les propos   tenus. La logique juridique ressemble alors à celle permettant en matière de droit de la    presse de distinguer l’injure privée de l’injure publique.
    En vertu de l'article L. 2281-1 du Code du travail, les salariés bénéficient comme tous    les citoyens d'un droit de s'exprimer « sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail ».

    La Cour de cassation a ainsi décidé que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance de l'inspecteur du travail des faits concernant l'entreprise et lui paraissant anormaux, qu'ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute » (Cass. soc., 14 mars 2000, n° 97-43.268 : JurisData n° 2000-000983 ; Bull. civ. 2000, V, n° 104 ; RJS 2000, n° 388).

    Les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel relèvent assurément de la même protection.

    Toutefois, le salarié reste tenu envers l'employeur d'une obligation née du contrat de travail qui est permanente et par conséquent se poursuit même en dehors du travail : c'est l'obligation de loyauté des parties dans l’exécution du contrat de travail.

    La jurisprudence a posé deux exceptions.

    Cette protection s'arrête lorsque les propos d'un salarié causent un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise (Cass. soc., 20 nov. 1991 : Juris-Data n° 1991-003219 ; Bull. civ. 1991, V, n° 512) et lorsque la correspondance n'est plus privée, car elle est diffusée.
    L'employeur peut se servir de la correspondance privée d'un salarié pour le licencier, si le contenu du message a été révélé par l'un des destinataires qui s'en est plaint à l'employeur et qu'il y a trouble manifeste pour l'entreprise.

    2.L’obligation de loyauté du salarié

    Deux ex-salariés du groupe Alten ont saisi le Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour contester leurs licenciements motivés par la publication depuis leur domicile sur Facebook de propos critiques sur leur hiérarchie par le biais de leur ordinateurs personnels.

    Sur leur page Facebook, les salariés écrivaient sur leur hiérarchie, la Direction des   Ressources Humaines et ironisent sur le fait d’appartenir à un "club des néfastes" ; deux autres salariées impliquées dans le litige s'en étaient amusées en répondant : "bienvenue au club".

    La direction d’Alten a alors invoqué les motifs d’« Incitation à la rébellion » et de « dénigrement de l'entreprise » pour justifier les licenciements intervenus. Notons que le licenciement est la sanction disciplinaire la plus grave.

    Me Grégory Saint-Michel, défend l'idée qu'il s'agissait là d'une conversation privée, du même type que celle qui pourrait être tenue autour d'un dîner, un soir, entre amis. Et qu'en aucun cas, elle ne devait sortir de ce cadre privé.

    Le Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt n’a pas réussi à trouver une position commune, l’affaire a été renvoyée en départage.
    En départage, et éventuellement en appel, les licenciements devraient être qualifiés de sans cause réelle et sérieuse en l’absence de trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise et du procédé sans doute déloyal de l’employeur pour avoir eu connaissance de ses propos.  

    La loyauté de l’information transmise à l’employeur demeure incertaine (sans doute émanant d’un autre salarié).  Il semble également que le terme « néfaste » ait pu être utilisé en premier lieu  par  la direction du groupe.  Les faits restent à apprécier et qualifier ; mais d’ores et déjà   il apparaît clair que les propos tenus sur Facebook (quelque soit  leur  retentissement) relèvent exclusivement de la vie privée.

    Cette affaire illustre à quel point l’apparition des nouveaux réseaux  pose à l’employeur de nouvelles questions quant à son mode de management et l’espace de liberté et d’autonomie conféré au salarié.

    3. Du juste usage des nouvelles technologies:

    Etre connecté à Facebook ou à un site d’actualité peut permettre de se détendre ; il remplace par certains égards la pause-café, ou les bavardages de couloirs. Temps de pause nécessaire au bien être du salarié et au final à une amélioration de ses performances.

    Les entreprises américaines et japonaises, et en particulier les start-up ont compris cette nécessité du développement personnel au travail pour obtenir le meilleur de ses salariés (salle de sport, coaching,  crèches d’entreprises…).
    Le temps de décompression, la pause, n’est pas du temps superflu pour l’employeur s’il permet une meilleure ambiance de travail. Le développement des maladies liées au travail montre qu’à long terme une ambiance sereine permet une meilleure croissance et réduit les risques psycho-sociaux.

    Certaines entreprises ont fait le choix de purement et simplement bloquer tout accès à Internet Facebook, Msn et autres privilégiant un Intranet. Evidemment, le tout est une question de dosage : le cadre qui passe 4 heures par semaine sur le net et celui qui en passe 40 ne sont pas dans le même type de comportement (amusement/addiction).

    A l’évidence, tout ne relève pas du judiciaire, et le salarié qui s’exprime sur sa société doit veiller à ne pas violer son obligation de loyauté.

    Le respect de sa hiérarchie et de la bonne organisation de l’entreprise relève avant tout de la responsabilité individuelle du salarié, ce que l’on pense et raconte entre amis ou collègues sur ses managers ne doit pas toujours faire l’objet d’un post.