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  • Pour la Constitution Européenne

     OUI à l’Europe politique ! OUI à la Constitution européenne ! 

    Depuis son ouverture, le débat qui agite le parti socialiste sur le projet de Traité constitutionnel balance entre un OUI résigné, un OUI mou, un OUI du bout des lèvres et un NON empreint de démagogie et populisme.

    L’Europe s’identifie aux délocalisations, à la perte des acquis sociaux, au Cheval de Troie du libéralisme, on asséne cette affirmation en croyant être en adéquation avec la vision des Français, d’une Europe dominée par l’ultralibéralisme. Laissé à l’écart du processus politique européen, ils ont fini par s’en détourner pour se poser une interrogation, qui reflète l’emprise du paradigme individualiste,  « est-ce que l’Europe c’est bon pour moi ? ».

     

    Les citoyens se transforment en consommateurs d’Europe ! Et certains socialistes, encouragent cet instinct à force de discours flagorneurs.

    En fait, après avoir, collectivement, mené campagne en juin pour l’Europe sociale, les socialistes ont presque oublié que l’enjeu du référendum militant se situe sur un plan juridico-politique : que va changer le projet de Traité constitutionnel sur la vie des citoyens européens ? Préserve -t-il  pour l’avenir la capacité d’action des socialistes en faveur d’une Europe plus démocratique, plus sociale, plus indépendante ?

    Ces questions divisent, puisque l’ensemble des socialistes partage l’analyse des dysfonctionnements de la construction européenne actuelle : déficit démocratique et technocratie, opacité et influence néfaste des groupes de pression, nature libérale de l’essentiel des politiques économiques européennes menées. Pourtant, les sondages le répètent les Français et à fortiori les socialistes sont attachés à l’idée européenne.

    Cette dimension renferme d’importants arguments qu’il convient de présenter pour convaincre d’œuvrer pour un OUI politique offensif. 

    Le camp du OUI doit se mobiliser

     Le camp du OUI doit se réveiller et se préparer à une longue et difficile bataille ; s’il tire les leçons de sa campagne de 1992, il aura assez de ressort pour convaincre les socialistes puis les Français de l’indispensable ratification.

    Pour convaincre, il faut oser parler de l’édifice européen, du mauvais Traité de Nice, des dysfonctionnements, des solutions apportées par le Traité constitutionnel… En somme, le camp du OUI doit rattraper en quelques mois cinquante-quatre ans de silence sur les contours définitifs du projet européen et de distanciation croissante entre les citoyens européens et les élites politiques. Ce camp du OUI ne doit pas se laisser enfermer dans des diversions (référendum pro-Chirac, nécessité d’un référendum sur l’entrée de la Turquie…), il se doit d’être à l’offensive.

    Le taux d’abstention majeur des élections européennes du 13 juin 2004 est une sérieuse alerte, il faut faire œuvre de pédagogie sur l’utilité de l’Europe et le contenu du texte constitutionnel. Il faut oser traiter ce sujet complexe sans esquive, sans détour, sans grand écart.

    Cette rigueur intellectuelle est essentielle à la crédibilité de l’action des socialistes. A chaque fois qu’elle nous a manquée, il nous en a coûté. En 1997, avant de devenir Premier Ministre, Lionel Jospin qualifiait le Traité d’Amsterdam de « SuperMaastricht » ; au pouvoir il refusa l’affrontement avec le Président Chirac et se rallia à sa ratification. L’échec du 21 avril 2002 trouve en partie sa source dans ces hésitations européennes.

    Qui peut croire qu’une prise de position du parti socialiste en faveur du NON aujourd’hui pourrait tenir demain à l’heure de la prise de responsabilités ? Personne.

    La cohérence et l’application du principe « je dis dans l’opposition ce que je ferai au gouvernement, je fais au gouvernement ce que j’ai dit dans l’opposition » interdisent les grands écarts et jeux d’équilibristes. Désillusions, promesses non tenues, développement de la crise civique, montée des extrêmes… sont en définitifs le douloureux prix de ce genre de positionnements.

    La double victoire socialiste :

    Lorsque Jöschka Fischer lança son appel à une Constitution européenne, nous étions peu à croire qu’elle puisse naître dans la décennie. Malgré ses lacunes, l’existence même d’un texte de nature constitutionnel est une victoire politique ! L’Union Européenne ne restera pas un simple Marché économique, elle a définitivement vocation à devenir une entité politique (l’adoption de la Charte des droits fondamentaux et le renforcement des droits du Parlement européen en sont les premières pierres).

    La future Constitution européenne est une victoire politique sur les forces souverainistes et les eurosceptiques. Elle est la concrétisation du pari de Maastricht : l’intégration économique apportera l’intégration politique ; la construction économique de l’Europe conduit enfin à l’émergence d’un centre politique européen. L’adoption de la Constitution européenne ouvrira la voie à la fédéralisation.

    Certes, ce texte n’est pas la Constitution parfaite dont rêvent les socialistes depuis la Convention de 1793, mais indiscutablement celui-ci marque d’importantes avancées démocratiques.  Si le Traité de Bruxelles n’est pas l’œuvre d’une constituante, son mode d’élaboration transparent est déjà une victoire sur les modalités classiques de négociation, sur les diplomaties de couloirs.L’autre victoire socialiste consiste dans le mode de ratification choisi : l’exigence démocratique imposait que le peuple souverain, tout comme les socialistes, soient consultés, ils le seront.

    La dilution politique de l’Europe tant redoutée par les partisans du NON de gauche est un leurre, elle sera entérinée si le projet de Constitution échoue. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander si l’Angleterre si hostile à l’idée d’Europe politique souhaite l’adoption de ce texte ? La réponse est évidente, dans leur grande majorité les Anglais qui n’ont pas de Constitution nationale écrite ne sont pas disposés à en adopter une supra-nationale. Un OUI à la Constitution européenne consiste bel et bien en un OUI à l’Europe politique !

    Le Droit européen est d’ores et déjà supérieur aux Lois élaborées par le Parlement français :

    Cette prévalence des normes européennes sur les Lois n’a pas été décidée par le citoyen ou par le Parlement, elle a été le fait des juges (DC, élections législatives du Val d’Oise,1988 ; CE, Nicolo,1989) ; ce qui du point de vue de sa légitimité est contestable.

    La Cour de Justice des Communautés Européennes, dans son arrêt Tanja Kreil de 2000 a posé en principe général la primauté du droit communautaire sur les Constitutions des Etats membres.

    Le Conseil Constitutionnel (DC, Sarran, 1998) et le Conseil d’Etat (CE, syndicat des industries pharmaceutiques, 2001) font encore primer la Constitution française sur les textes européens. Mais pour combien de temps encore ? Une récente décision du Conseil Constitutionnel en date du 10 juin 2004 suggère une prochaine reconnaissance de la supériorité des Traités européens sur la Constitution française.

    L’européanisation de notre Droit influe désormais sur l’ensemble de la société. Aussi il me semble préférable de contrôler ces évolutions, de les accompagner, en déléguant volontairement une part de notre souveraineté nationale plutôt que de laisser la jurisprudence et en définitive le pouvoir des juges entériner ces bouleversements. Mieux vaut une Constitution choisie que l’œuvre créatrice du juge !

    In fine, le projet de Constitution réintroduit véritablement de la politique dans le processus européen.

    Le projet de Constitution n’est pas un horizon indépassable :

    Malgré les récentes victoires électorales, la sociale démocratie française est en crise ; l’accès des forces socialistes au pouvoir n’assure pas la transformation sociale escomptée  (absence de projet global, difficulté d’inventer de nouveaux modes d’interventions, faiblesse des liens avec la société civile…). Le problème du réformisme n’est donc pas une Constitution qui briderait les capacités d’action, mais son aptitude politique à associer les acteurs sociaux et à bouleverser la logique européenne actuelle.

    La leçon des critères de Maastricht et du Pacte de stabilité est qu’aucun Traité n’est immuable, l’orientation politique des choix européens dépend du rapport de force crée ! Le projet constitutionnel ne comporte -t- il pas pour la première fois la possibilité de retrait d’un Etat membre ? Parce que nous sommes l’un des plus grands partis socialistes d’Europe, le PS français doit proposer à ses partenaires européens d’organiser des Etats Généraux en vue de l’élaboration d’un nouveau Traité européen complément au projet de Constitution actuel.

    Redonner du souffle à l’idée européenne, c’est nourrir le projet socialiste, c’est permettre à la sociale démocratie de sortir de sa torpeur. L’élargissement à Vingt-cinq, le Traité de Bruxelles et les prochaines étapes de la construction européenne sont une chance historique pour le mouvement socialiste ; ils appellent à une rupture avec le concept destructeur de Fédération d’Etats Nations, pour enfin admettre que l’Europe Fédérale ne signifie pas la fin du modèle républicain !

    L’illusoire efficacité du NON

    Si les NON danois, irlandais, ou gaulliens ont pu à court terme apporter des gains politiques aux gouvernements nationaux en place sur quelques dossiers clefs ; en définitive, l’isolement provoqué, l’opprobre jeté sur ces choix provoquèrent peu de gains véritables. Pire, certains NON furent complètement ignorés par le système européen.

    Aujourd’hui, un NON de la France n’empêcherait pas l’Europe d’aller de l’avant. Il maintiendrait pour un certain temps la France hors course, et une fois revenue à la table européenne ni la France ni l’Europe n’en sortiraient plus forte. Le NON protestataire c’est refuser la trithérapie en espérant la découverte du remède miracle.

    Les partisans du NON portent une illusion, celle qui consiste à croire que l’on pourrait ignorer la construction en cours pour démarrer une nouvelle aventure avec les six Etats fondateurs. Leur projet est impossible, car fondé uniquement sur un prisme franco-français. L’Union Européenne doit être réformée avec nos alliés européens de l’intérieur !

    Les prochaines étapes importantes et délicates pour l’avenir de la construction européenne ne permettent pas de douter. Entre cette Constitution et les Traités précédents, entre cette Constitution et un atermoiement européen notre choix doit être clair : un OUI politique offensif pour changer le cap de l’Europe !

    Mahor CHICHE Conseiller municipal PS chargé des Droits de l’Homme, Paris XIXème.

  • La NIKE GENERATION

     La solidarité est la forme la plus noble de la Révolte.

    La NIKE GENERATION n'est pas naufragée,

    elle est capable de répondre présent quand on a besoin d'elle.

  • HANDICAP ET CITOYENNETE

    Ce premier débat s’intitulait L'accès aux droits civiques: S'informer - Participer – Décider ; avec la participation de Hamou BOUAKKAZ (conseiller de Bertrand DELANOE pour les personnes handicapées.) - les élus (Amadou BA et Mahor CHICHE) - le Pôle Handicap et Citoyenneté"


    Mesdames et Messieurs,

    Bonjour, et merci de votre présence aussi nombreuse pour discuter de l’accès aux Droits civiques.
    Geneviève vient de nous rappeler que la question du handicap est prioritaire, elle nous concerne tous : car, avec la vieillesse le handicap se développe.
    Comme vous le savez, cette journée s’intitule et à juste titre handicap et Citoyenneté, car notre désir n’est pas de stigmatiser une catégorie de personnes, un groupe, ou de faire une fois l’an une initiative en faveur des personnes handicapées. Parler de handicap c’est parler de problématiques bien diverses : il existe des handicaps plus ou moins légers ou plus ou moins lourds.

    L’objectif de cette journée est bien de favoriser la citoyenneté de tous, et ce quelque soit sa différence ; car dans notre République, ce qui fonde les Droits c’est l’appartenance à une communauté de destin. Il ne saurait-y’ avoir une catégorie de Citoyens de seconde zone ! Certes, l’existence d’un handicap peut rendre pour des raisons pratiques la participation Citoyenne plus épineuse. Nous venons de le voir : l’accessibilité est un combat de tous les instants (l’ascenseur permettant l’accès à la salle des mariages ne fonctionnait pas). Encore que, parfois on trouve de formidables énergies. Mais j’y reviendrai.

    Pour lancer le débat, je ferai, pour ma part, un point sur le principe de non-discrimination et l’égalité des chances dans le champ du handicap à travers le Droit européen et le Droit français, et un second point sur la participation citoyenne.

    Si l’Europe apparaît souvent comme une simple zone de libre échange, il faut savoir que l'Union Européenne est aussi fondée sur les principes de la liberté, de la Démocratie, du respect des Droits de l'homme et de l'État de Droit, principes qui sont communs aux États membres.
    En particulier l’Union Européenne s’inscrit contre toutes les formes de discriminations.
    L’année 2003 est proclamée Année européenne des personnes handicapées. Cette année doit favoriser le progrès vers l'égalité des Droits pour les personnes handicapées. Aux quatre coins de l'Europe, des initiatives comme celle d’aujourd’hui sont organisées pour attirer l'attention sur les nombreux domaines de notre société où des barrières et des discriminations existent encore pour les 37 millions de personnes handicapées dans l’Union européenne, soit plus de 10 % d'Européens. Discriminations en matière de Logement, loisir emploi…

    En 1997, l'article 13 du Traité d’Amsterdam a renforcé les instruments juridiques nécessaires à la lutte contre les discriminations. Ainsi, le Conseil européen est désormais autorisé à prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

    Rapidement je vais vous définir la notion de Discrimination : en termes simples, la réalité de la discrimination recouvre une différence de traitement entre personnes similaires.

    De manière plus juridique on distingue deux types de discriminations : la discrimination directe et la discrimination indirecte.
    - Une discrimination directe se produit lorsque, sur la base d'un des motifs visés à l'article 13, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été, ou ne le serait;
    - une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible de produire un effet défavorable pour une ou des personnes auxquelles s'applique un des motifs visés à l'article 13. Par exemple, si pour être accessible un concours de police pose comme condition une taille minimum de 1,80 mètres, il s’agit d’une règle en théorie neutre, d’un critère objectif ; mais dans les faits au regard de la taille moyenne des femmes en Europe, bien des femmes seraient exclues.

    Que ces discriminations soient directes ou indirectes, elles constituent autant inégalités insupportables.

    Mais comme toute interdiction, cette seconde catégorie de discrimination a ses exceptions : les États membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à un des motifs de discrimination visés à l'article 13 ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée.
    En bref, être discriminé, c’est être traité de manière inégalitaire.

    Si l’on doit regretter que l’article 13 demeure trop souvent une déclaration de principe et que les discriminations à l’égard des personnes handicapées demeurent ; on doit se féliciter de cette prise de conscience collective, en particulier que l’Europe s’intéresse aux Droits des Citoyens !
    Mais, vous l’avez compris, la question de l’effectivité de ces Droits et de leurs protections est posée. Malgré tout, ils existent, ils ont été reconnus ; Et force est de reconnaître que pour une fois l’Europe nous apparaît concrète et utile. A nous de savoir exploiter ces dispositions.
    Comme souvent c’est donc le Droit national, le Droit français qui est protecteur.
    Ainsi, depuis les années 70 le Conseil d’Etat condamne fermement la pratique des discriminations des pouvoirs publics.

    Récemment, on a vu la question de la charge de la preuve s’inversée en partie en matière d’emploi. Bref notre Droit évolue.

    Pour reprendre le titre de cette table ronde S'informer - Participer – Décider sont les premier pas pour faire reculer les discriminations ; car le seul moyen efficace en dehors des techniques purement juridiques pour combattre les discriminations : c’est la participation citoyenne, c’est que les handicapés défendent leurs Droits.
    Les personnes handicapées sont des Citoyens possédant les mêmes Droits que tout autre Citoyen. Ce sont des travailleurs, des consommateurs, des contribuables. Vous pouvez faire respecter vos Droits en jouant le rôle d’un groupe de pression.
    En sociologie, on dit que pour chaque Citoyen la reconnaissance de Droits constitue un besoin fondamental. Aujourd’hui le Citoyen doit devenir un acteur, on a vu des au niveau mondial des ONG (organisation non gouvernementale) avoir plus de poids que des Etats ; par exemple sur la question des médicaments génériques à destination de l’Afrique !
    Au niveau européen il existe le Forum européen des personnes handicapées (FEPH). A l’image de la Confédération Syndicale Européenne, il regroupe l’ensemble des structures nationales œuvrant pour améliorer le sort des handicapés.

    - Pour s’informer, Pour participer, Pour décider :

    L’Année européenne des personnes handicapées est une opportunité historique ; l’appel à projet est accueilli avec faveur. De même, l’ensemble des secteurs (entreprises, administrations…) sont sensibilisés à cette question, ce qui doit susciter un changement positif dans la manière dont nos sociétés intègrent les personnes handicapées.
    Il existe de nombreuses associations et un site Internet européen www.europa.ue.int ; et à notre échelon dans le 19ème il existe le pôle handicap, les instruments de Démocratie participative que sont les différents conseils : conseils de quartier, de la jeunesse… et bien sur l’ensemble des élus.
    Je veux insister sur l’importance de ces instruments de Démocratie participative, car c’est là que des décisions concrètes se prennent. Par exemple en matière de travaux ou de voirie. Ainsi, les places réservées sont le fruit de ce combat et de la forte volonté politique du Maire de Paris Monsieur Bertrand DELANOE.De même, le Conseil jeune a un rôle important : car lorsqu’on est jeune et handicapé, je dirai que l’on cumule les difficultés. L’accessibilité du lycée Henri Bergson et des autres lieux publics se réalise aussi grâce à la mobilisation de ces jeunes Citoyens.

    En somme, seule la mobilisation citoyenne, la prise de conscience, la lutte sur soi même contre la solitude et l’isolement feront que la condition des personnes handicapées en Europe soit améliorée !
    Espérons donc que cette année 2003 marquera le début d’une nouvelle ère, une nouvelle façon pour la société de considérer les personnes handicapées, à savoir les considérés comme des Citoyens égaux en Droits.

  • La nouvelle vague d'antisémitisme

    La banalisation des actes antijuifs,
    nouvelle cause de tensions urbaines

    L'enquête du "Monde" à Sarcelles (Val-d'Oise) et dans le 19e arrondissement de Paris décrit le malaise qui s'est emparé de la communauté juive du fait de la multiplication des "actes d'hostilité". Ce climat s'inscrit dans un contexte général d'ethnicisation des rapports entre populations d'origines diverses.
    Synagogues brûlées, écoles et bus scolaires attaqués, passants insultés... A entendre des représentants de la communauté juive, un mauvais climat semble régner en France depuis un an.

    La polémique a enflé depuis que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a publié, le 1er décembre, une liste de 300 "actes hostiles" commis en région parisienne entre septembre 2000 et novembre 2001. Un an après le déclenchement de la deuxième Intifada en Palestine, les jeunes Arabes de France étaient désignés comme les premiers responsables de ce "nouvel antisémitisme". La réalité, notamment dans deux endroits où la communauté juive est fortement implantée, le 19e arrondissement de Paris et Sarcelles (Val-d'Oise), semble plus nuancée. Mais la peur y est présente.

    Dans ce coin de l'Est parisien, de nombreux orthodoxes ont ouvert commerces, restaurants et écoles depuis quelques années. Le 19e arrondissement, déjà très mélangé, est devenu le bastion des loubavitch. Hommes en costume noir coiffés d'un chapeau, enfants dont la casquette masque à peine les papillotes, femmes dont les chevilles et les poignets sont couverts : le paysage a lentement changé et les signes religieux ont fleuri sans que les autres habitants, français et immigrés, manifestent d'hostilité. Jusqu'à l'automne 2000.

    Dans la nuit du 13 au 14 octobre, une cinquantaine de jeunes, majoritairement d'origine arabe, encerclent un restaurant de la rue Manin en hurlant des "Sales juifs !". La bagarre avec d'autres jeunes juifs venus en renfort dure une heure et demie avant que la police intervienne. Trois jours auparavant, des pierres avaient été jetées à la sortie de la synagogue de la rue Henri-Murger, et une autre avait été saccagée. Des graffitis "Mort aux juifs !" ont fleuri sur des murs adjacents. "On ne s'attendait pas à ça dans le quartier. La cohabitation se passait plutôt bien jusqu'alors, même si les débats s'animaient quand il était question d'Israël", raconte Mahor Chiche, animateur de SOS-Racisme dans l'arrondissement. Depuis, la pression est retombée, les actes les plus violents ne se sont pas reproduits. Mais le climat ne s'est pas assaini.

    LES JOURS DE SHABBAT

    Les juifs du quartier ressentent un malaise réel. Les kippas se font plus rares, les enfants préférant la casquette, plus discrète. Les jours de shabbat, la vigilance est de mise. "Les gens nous rapportent les insultes qui fusent lors du passage de femmes juives, les enfants qui se font "traiter" à l'école", affirme Gabriel Kabla, président de l'Amicale des juifs de Jerba. "Ce sont des regards mauvais, des blagues douteuses, renchérit M. Chiche. Il y a deux mois, une quarantaine de voitures ont été rayées d'étoiles de David, allée des Eiders. Une amie qui portait une médaille s'est entendue dire par un jeune "Bouge de là, ton étoile me gêne". On assiste à un lent enracinement de l'antisémitisme. C'est vrai que les jeunes Arabes se servent du combat antisioniste pour justifier leurs dérapages."

    Pour le rabbin loubavitch Joseph Pezner, il n'y a pas d'hésitation possible : "Un certain tabou a lâché." Il en veut pour preuve les coups de fil répétés de familles insultées et menacées dans les cités, les tags sur les portes des appartements. "Mes collaborateurs ne laissent plus sortir leurs femme et enfants après 21 heures." Là encore, ce sont les "jeunes Maghrébins" qui sont en cause.

    Le maire (PS), Roger Madec, ne nie pas les faits : "Il ne faut pas faire d'angélisme. Nous avons dans l'arrondissement une bande de jeunes d'origine musulmane qui commettent des actes d'incivilité contre les juifs. Pour eux, c'est la communauté juive qui est opulente et qui a tout. C'est faux, et il faut le dire."

    Pourtant, nombre d'observateurs veulent croire que ces actes ne sont pas réfléchis et demeurent l'apanage de jeunes déjà marqués par la délinquance. "Les juifs sont plus visés aussi par ce qu'ils s'en sortent mieux que les musulmans du 19e", souligne Mahor Chiche, qui organise régulièrement des débats dans les lycées du quartier et des voyages au Mémorial de Caen. "Tout cela se passe dans un climat d'insécurité réelle dans l'arrondissement, avec des règlements de comptes entre petits trafiquants de drogue. Là-dessus viennent se greffer des actes contre les juifs, mais qui restent isolés", assure M. Kabla. Mais, pour ce médecin aux allures rondes, il ne faut pas "généraliser" : "Les rapports avec la communauté [musulmane], même si on n'est pas pareils, se passent très bien."

    C'est aussi l'impression qui se dégage à Sarcelles, lieu d'implantation de la communauté juive séfarade depuis les années 1960, où les musulmans d'origine arabe ou africaine sont également nombreux. Au milieu des barres grises, quelque 80 nationalités se côtoient. Deux mosquées, six synagogues et trois églises : les lieux religieux sont à l'image de ce mélange. Ici aussi la tension est montée très fortement, mais plus tardivement qu'ailleurs. Dans le même quartier, par une nuit de la fin juillet, deux écoles juives ont été visées : l'une a été cambriolée, l'autre a reçu un cocktail Molotov et des pierres. Depuis, à en croire les autorités religieuses, la tension n'est pas retombée. "Des fidèles sont régulièrement agressés et insultés du côté de la cité Chantepie. On a des gens qui ont peur de venir à l'office du soir parce qu'ils se font cracher dessus", assure Mosche Cohen-Sabban, coprésident de la communauté.

    La liste des petites vexations rapportées est longue : des injures, des graffitis sur les boîtes aux lettres, un rabbin harcelé tous les vendredis soir. "Il y a une recrudescence d'actes de délinquance qui visent la communauté. C'est ça qui est angoissant. Mais ce ne sont pas toujours des actes antisémites. J'ai l'impression que ces jeunes agressent ceux qu'ils voient comme les bourgeois de Sarcelles", nuance Marc Djebali, président de la communauté, qui assure avoir d'"excellents rapports" avec les musulmans. A ses yeux, les pouvoirs publics doivent "être en éveil" : "Il faut que la police soit en mesure de discerner les actes antisémites des autres petites délinquances." "Sarcelles est très stigmatisée, mais l'antisémitisme n'y est pas plus fort qu'ailleurs", jure de son côté Jeanine Cohen-Haddad, conseillère municipale. "C'est vrai que des tabous ont sauté, mais pas seulement contre les juifs ; aussi contre les Arabes et les Noirs."

    "DANS LE LANGAGE COURANT"

    Le constat est largement partagé : Saïd Rahmani, chargé des manifestations culturelles à la mairie, estime que "le regain de xénophobie touche toutes les communautés". "Dans le collège où je travaille, les gamins s'insultent régulièrement en se traitant de "Sale juif !" ou "Sale Noir !" C'est passé dans le langage courant, et il faut lutter contre. Mais de là à y voir une banalisation de l'antisémitisme, non !", argumente Mourad Boughanda, conseiller municipal élu sur une liste de jeunes divers gauche. Le maire, François Pupponi (PS), assure avoir "redoublé de vigilance" : "Nous ne voulons pas banaliser ces actes, même s'ils demeurent marginaux. J'ai demandé à la police de prendre toutes les plaintes au sérieux." Une cellule de veille a été mise en place avec les autorités consistoriales du département.

    Le 20 janvier, tous les élus, toutes origines et tendances confondues, ont participé au rassemblement de la communauté de Sarcelles destiné à protester contre l'incendie de la synagogue voisine de Goussainville. Pour montrer qu'on peut continuer à vivre ensemble à Sarcelles.

    Sylvia Zappi
    • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 19.02.02