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Libérez Michel Atangana !

Le matin du 12 mai 1997, Michel Atangana, citoyen français d'origine camerounaise, était arrêté de façon arbitraire à son domicile de Yaoundé par le régime de Paul Biya. Son crime ? Aucun. Sa malchance ? Avoir été considéré comme l'arme utile à l'élimination de l'ancien numéro 2 du régime qui avait eu l'outrecuidance, quelques jours plus tôt, d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle de l'automne 1997.

Voici l'origine du calvaire enduré par Michel Atangana qui, depuis son arrestation, n'a plus connu un seul jour de liberté. Condamné à quinze ans de prison pour détournements de fonds publics à l'issue d'un procès ubuesque, tenu la nuit et sans avocat, il est de nouveau condamné à vingt-cinq ans de prison pour les mêmes faits en octobre 2012.

Victime d'une véritable machine à broyer, Michel Atangana a eu à subir des procédures qui, en chacune de leurs étapes, ont constitué un monument de violation des droits de l'homme et plus particulièrement des droits de la défense.

UNE MAGISTRATE MENACÉE DE MORT

Que l'on en juge ! Michel Atangana, après une première condamnation prononcée à la va-vite, se trouve depuis 2012 condamné à deux reprises pour les mêmes faits, en vertu d'un procès que le tribunal n'avait pas compétence à mener sous les qualifications retenues.

A l'ouverture du procès, on constata que les scellés avaient été volés, on découvra par la suite que l'accusation fit comparaître un prétendu expert  tandis que le procureur produisait des faux sans manquer d'exercer des pressions sur les témoins. A l'issue de cette procédure, une magistrate menacée de mort afin qu'elle rende la décision que le ministère de la justice lui intimait de prendre.

Devant l'émotion légitime soulevée en France par ce scandale judiciaire, Paul Biya, le président camerounais, s'était engagé auprès de François Hollande à laisser la justice suivre librement son cours. Cette promesse fut prononcée le 30 janvier à l'Elysée et publiquement confirmée par son énonciateur devant la presse.

Or, près de onze mois plus tard, que constate-t-on ? Michel Atangana, victime d'une nouvelle violation des délais procéduraux, a vu le pourvoi en cassation qu'il a formé il y a plus d'un an être finalement étudié ces deniers jours. Au regard des audiences qui se sont tenues à la Cour suprême à Yaoundé, c'est un nouvel acte d'arbitraire vers lequel on s'oriente, en raison des pressions exercées par le pouvoir politique camerounais sur sa propre justice.

A l'occasion d'une audience tenue dans la nuit des 27 et 28 novembre entre 19 h 50 et 4 heures du matin, le rapporteur – juge censé éclairer l'avis de ses collègues lors de la décision finale – a demandé que soit confirmée la condamnation de Michel Atangana.

FIERTÉ NATIONALE MAL PLACÉE

Il se trouve que le rapport prononcé à cette occasion a selon toute vraisemblance été rédigé sur les instructions de Laurent Esso, ministre de la justice. Il se trouve donc que le pouvoir camerounais, bien loin des promesses faites par Paul Biya, pèse de tout son poids dans cette affaire afin que Michel Atangana soit maintenu en prison.

Jalousie ? Peur de certains dignitaires de servir de fusibles suite au fiasco politique et diplomatique que représenterait la libération de Michel Atangana ? Fierté nationale mal placée et que réactiverait la position des autorités françaises dans ce dossier ? Quelles que soient les causes de cette attitude jusqu'au-boutiste des autorités camerounaises, elles ne sont pas acceptables.

Elles ne le sont pas pour Michel Atangana, victime de l'arbitraire et privé de ses enfants depuis près de dix-sept ans. Elles ne le sont pas non plus pour les citoyens camerounais qui savent bien, même s'ils doivent trop souvent l'exprimer à voix base, que l'édification de l'Etat de droit constitue une condition sine qua non de la démocratie tout autant que du développement économique et social.

Nous demandons donc à ce que François Hollande demande avec la plus grande fermeté auprès de son homologue camerounais que les poursuites contre Michel Atangana soient immédiatement abandonnées. Il nous semble que là est la seule voie pour que Michel Atangana soit lavé d'un jugement qui a sali son honneur. Il nous semble également que là est la seule voie pour qu'il soit libéré dans un pays dont le régime se trouve être incapable de laisser sa justice en paix et donc libre de dire le droit.

La demande que nous formons de voir Michel Atangana enfin libéré ne nous intéresse pas simplement pour l'individu concerné. Attachés à l'Afrique et au triomphe de la justice, nous savons également que les droits de l'homme ne relèvent pas simplement des débats philosophiques. Ils relèvent toujours de cas concrets dont la résolution positive constitue l'espoir de nouvelles conquêtes.

  • Collectif Collectif (Collectif)

Dominique Sopo, ancien président de SOS Racisme, président du comité de soutien à Michel Atangana en France ; Corinne Lepage, députée au Parlement européen, ancienne ministre ; Kofi Yamgnane, ancien ministre ; Pascal Blanchard, historien ; Greg Germain, comédien, président du festival Off d'Avignon ; Elie Chouraqui, cinéaste ; Josiane Balasko, comédienne ; Patrick Pelloux, médecin urgentiste ; Patrick Klugman, avocat au barreau de Paris, conseiller de Paris ; Mahor Chiche, avocat au barreau de Paris ; Dan Franck, écrivain; François Durpaire, historien ; Rost, rappeur ;Yves Simon,  chanteur et écrivain ; Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point ; Joël Didier Engo, président de l'association Nous pas bouger;  Jacques Martial, comédien, président du Parc de la Villette ; Malek Boutih, député de l'Essonne ; Claudine Lepage, sénatrice des Français établis hors de France ;  Firmine Richard, comédienne ; Lapiro de Mbanga, artiste; Pierre Bergé, homme d'affaires, président du Conseil de surveillance du "Monde" ; Fadela Amara, femme politique française

Le Monde, 16 décembre 2013.

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