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strasbourg

  • Garde à vue : la Cour européenne des droits de l'homme condamne Paris

    La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné, jeudi 14 octobre, la France dans une affaire de garde à vue, comme l'affirmait France Info. Les juges européens ont estimé que les personnes gardées à vue doivent pouvoir bénéficier d'un avocat dès le début de la procédure et durant tous les interrogatoires et insisté pour que soit respecté le droit d'un mis en cause de garder le silence. "Le droit français ne répond pas aux exigences du procès équitable", écrivent-ils.

    La CEDH était saisie du cas d'un homme dont le droit au silence en garde à vue n'avait pas été respecté. En 1999, le requérant, Claude Brusco, avait prêté serment de dire "toute la vérité, rien que la vérité" en tant que témoin devant des policiers, alors qu'il se trouvait en fait déjà en situation de garde à vue comme suspect dans une affaire d'agression. Une loi de 2004 a depuis supprimé l'obligation de prêter serment pour les personnes placées en garde à vue dans le cadre d'une commission rogatoire.

    Les juges de Strasbourg constatent néanmoins que le requérant n'a "pas été informé au début de son interrogatoire du droit de se taire, de ne pas répondre aux questions posées ou encore de ne répondre qu'aux questions qu'il souhaitait", et qu'il "n'a pu être assisté d'un avocat que vingt heures après le début de la garde à vue". "Il y a eu, en l'espèce, atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence", affirment unanimement les sept juges européens, qui accordent 5 000 euros au requérant en réparation de son dommage moral.

    DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION ATTENDUE POUR LE 19 OCTOBRE

    C'est la première fois que la France est directement condamnée par la CEDH au sujet de la garde à vue. En revanche, elle avait été indirectement mise en cause par deux arrêts qui réaffirmaient la nécessité de la présence d'un avocat lors de toute privation de liberté :  l'arrêt Salduz contre Turquie, du 27 novembre 2008, dans lequel la Cour indique que "le prévenu peut bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police" ; et l'arrêt Dayanan contre Turquie, du 13 décembre 2009, qui estime que "l'équité d'une procédure pénale requiert d'une manière générale que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire."

    La décision de la CEDH intervient quelques jours après que le parquet général de la Cour de cassation a recommandé de déclarer les dispositions régissant la présence de l'avocat en garde à vue non conformes aux règles européennes, y compris pour les régimes dérogatoires (stupéfiants, terrorisme, criminalité organisée). La Cour de cassation rendra sa décision le 19 octobre. La chambre criminelle de la haute juridiction était saisie de trois pourvois dans trois procédures distinctes, soulevant la question de la conformité de la garde à vue française à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

    Le 30 juillet, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré le régime français de garde à vue au regard des droits et libertés garantis au citoyen. Les "Sages" ont donné au gouvernement jusqu'au 1er juillet 2011 pour mettre en œuvre une nouvelle loi, plus respectueuse des droits de la défense. En revanche, le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause les régimes dérogatoires de la garde à vue (concernant notamment les faits de terrorisme ou liés à la criminalité organisée). Dans la foulée de cette décision, la chancellerie a rédigé un nouveau projet de loi qui autorise l'avocat à assister aux auditions des suspects durant toute la garde à vue, avec des dérogations que critiquent les professionnels du barreau. Plus de 790 000 mesures de gardes à vue ont été décidées en 2009, dont plus de 170 000 pour les seuls délits routiers.

     

    Le Monde, 14/10/2010