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PARTI SOCIALISTE - Page 9

  • Constitution Européenne

    Appel des militants socialistes
    pour le respect de la démocratie


    N’oublions pas le 1er décembre !

    Le 1er décembre 2004, les 125.000 adhérents du Parti socialiste étaient consultés au suffrage universel direct sur le Traité constitutionnel européen.

    Le 1er décembre 2004, 100.000 socialistes se prononçaient à 59% pour le OUI.

    Parce que pour les socialistes la démocratie n’est pas une option facultative mais un principe fondamental, ce référendum, demandé par tous les courants du PS, engage désormais tous les Socialistes !

    Or depuis plusieurs semaines, certains responsables font campagne, jusque dans les médias, en faveur du NON, comme si les militants n’avaient pas voté ; comme si le 1er décembre n’avait jamais existé.

    En faisant campagne contre la position de leur parti, ils méprisent le vote des militants dont ils tiennent pourtant leur mandat. Ils prennent le risque d’être les premiers responsables d’un éventuel échec de notre parti.

    Si la démocratie a un sens pour eux, si le respect du vote des militants trouve écho à leurs oreilles, nous demandons à ces camarades de renoncer à leurs initiatives en faveur du Non. Il ne peut y avoir qu’une seule campagne du parti socialiste : celle en faveur du Oui !

    Le 1er décembre, les militants socialistes ont voté.
    Ne l’oubliez pas ... Ils ne l’oublieront pas !

  • Le PS au lendemain du 21 avril 2002

    Le choix de l’efficacité

    Habile et ayant tiré rapidement ses leçons du 21 avril, la droite passe à l’offensive sociale et idéologique. La nature de la politique conduite par le gouvernement Raffarin ne fait pas mystère : remise en cause des acquis sociaux de la législature, baisses d’impôts – inclus l’ISF, suppressions de postes dans la fonction publique, accent résolument répressif de la politique de lutte contre l’insécurité, tripatouillages des modes de scrutin, annonce de la réforme des retraites, sont autant de mauvaises nouvelles pour le salariat. Elles constituent de graves remises en causes des conquêtes, non seulement récentes, mais aussi plus anciennes comme les 37 annuités et demie dans la fonction publique.
    Sur le plan idéologique, elle est par ailleurs en passe de réussir ce dont elle n’avait jamais osé rêver jusqu’ici : prendre sa revanche sur l’héritage idéologique et sociétal de mai 68.
    Partout dans la société, les valeurs de l’argent roi, de la marchandisation, de la possession et du paraître, de l’individualisme et du communautarisme (qui ne sont contradictoires qu’en apparence) progressent au détriment de celles de la République, de la laïcité, du vivre ensemble, du métissage et de l’avenir commun.
    Faut-il pour autant en conclure que les valeurs du libéralisme ont définitivement triomphé ? Non. Les succès rencontrés par les mouvements alter-mondialisatistes, la réaction massive de la jeunesse entre les deux tours des présidentielles, la formidable mobilisation en faveur de la paix ces dernières semaines, ou encore l’écho suscité par la marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité laissant entrevoir de nouvelles perspectives au féminisme, témoignent que les choses sont plus ambiguës qu’il n’y paraît.
    La gauche, qui affrontera deux nouveaux rendez-vous électoraux dès 2004, doit retrouver son leadership idéologique, sociétal et culturel, afin d’éviter sa division entre deux pôles (gauche radicale d’une part, gauche gestionnaire de l’autre) qui la réduirait à l’impuissance.
    C’est ce type de situation “ à l’italienne ” que nous avons vécue au second tour de l’élection présidentielle : une gauche potentiellement majoritaire en est réduite à arbitrer entre la droite et l’extrême droite. Empêcher qu’elle se reproduise, repartir de l’avant en s’appuyant sur le potentiel de mobilisation de la société : tel est l’objectif qui guide la Gauche socialiste depuis le 21 avril. Il passe par la reconstruction du Parti socialiste.

    Qu’est-ce que la Gauche Socialiste ?

    La Gauche socialiste n’est pas seulement un collectif de militants, ni même un simple “ courant ”du Parti socialiste. Occupant une place originale dans l’histoire du mouvement ouvrier de ces vingt dernières années, au regard de la crise actuelle de la social-démocratie européenne et française, la Gauche Socialiste représente beaucoup plus que cela. Allons à l’essentiel :
    · Elle a permis, par la création de SOS-Racisme, de former plusieurs générations militantes.
    · C’est le courant de la social-démocratie qui a refusé la mise en place du nouveau désordre mondial en votant contre la guerre du Golfe, en 1991.
    · Elle a été à l’origine d’un réarmement idéologique du Parti socialiste ayant conduit à la victoire de la gauche aux élections de 1997, en défendant l’alliance rouge-rose-vert et les 35 heures par la loi sans perte de salaire.
    · Elle a réussi à coordonner l’action des socialistes européens prônant la rupture avec le libéralisme et à l’articuler avec le mouvement alter-mondialiste, grâce à la République Sociale Européenne et à l’investissement dans les Forums sociaux et le combat pour la taxe Tobin.
    Comment tout cela a-t-il été possible ? Non seulement en fonction de nos forces numériques, mais avant tout en nous appuyant sur des principes d’action forts :
    · Le refus de l’avant-gardisme – souvent cache-sexe d’un élitisme antidémocratique – qui fait de nous des militants du Parti socialiste.
    · Le lien constant entre action politique et investissement dans les mouvements sociaux.
    · La recherche, à chaque étape, de la stratégie de rassemblement des forces de transformation sociale adaptée à la situation politique et au mouvement social.
    · Une démarche inclusive, à vocation majoritaire au sein du PS, qui a permis la synergie entre les groupes ayant rejoint à différentes époques ce qui est devenu la Gauche socialiste. Cette démarche reposant sur une méthode : le débat démocratique.

    Et pourtant, la Gauche socialiste a souffert d’une faiblesse qui explique, au-delà du rôle des individus et de l’impact du 21 avril, sa situation actuelle : l’incapacité à bien appréhender les contradictions induites par sa participation – ou sa non-participation - au gouvernement.

    C’est au regard de ces éléments que doivent s’apprécier les événements survenus au sein du pays, du Parti socialiste, et de la Gauche socialiste depuis le 21 avril.

    Que s’est-il passé le 21 avril ?

    La défaite n’est pas un accident de l’histoire. Abstentionnisme, décrochage des couches populaires, vote protestataire avaient déjà entraîné une défaite aux municipales, masquée par les succès de Paris et Lyon. Une autre campagne électorale, sur la forme et surtout sur le fond, aurait peut-être pu éviter la catastrophe. En tout état de cause, le Parti socialiste s’est retrouvé derrière l’extrême droite. Si nous avons perdu, ce n’est certainement pas seulement de la faute… des autres !

    Pourtant la gauche était fière de son bilan. Mais il y a eu deux périodes dans la dernière législature (1997-2000 / 2000-2002). Il y a le temps du volontarisme des conquêtes où la gauche maintient le cap, permettant d’asseoir la croissance économique. Puis, s’empêchant de redistribuer les fruits d’une croissance enfin retrouvée en augmentant les salaires et en réduisant la précarité, le gouvernement baissait les impôts et mettait l’accent sur la réduction des déficits publics. Les ambiguïtés initiales de l’orientation équilibrée du réalisme de gauche ont été ainsi levées de facto.

    Cette défaite clôt en fait un cycle politique tout entier. Pour la troisième fois, la gauche a échoué après avoir gouverné. Après chacun de ces échecs, jamais une doctrine socialiste efficiente n’a été redéfinie. A présent, il faut en tirer toutes les leçons. Retenons les principales :
    · une coupure avec les couches populaires et la société réelle, une incapacité à empêcher la progression des inégalités (ghettos, précarité, salaires) et un autisme politique face à la souffrance sociale (violence, pouvoir d’achat), renforcé par les théories sociales-libérales selon lesquelles les “ classes moyennes ” devenaient le nouveau cœur de l’électorat socialiste,
    · une impuissance du politique face au capitalisme financier transnational (volontarisme de réforme borné par l’acceptation du pacte de stabilité et l’absence d’une véritable stratégie de construction politique de l’Europe pour lutter contre la mondialisation libérale),
    · une crise de la démocratie, conséquence directe des deux premiers points.
    · une défaite culturelle produite par l’absence de résistance et d’idéal collectif à opposer à la domination de l’idéologie libérale, voire une conversion au discours de l’adversaire induisant une délatéralisation,
    · un échec stratégique : l’unité de la gauche a été compromise par l’inversion du calendrier, mais aussi par les limites intrinsèques de la gauche plurielle : pas de contrat de gouvernement, pas d’états généraux réguliers. Elles renvoient à une conception caduque du changement social aggravée par la pratique des institutions de la Vème République, coupant la gauche au pouvoir de sa base sociale.

    Délaissant ceux qu’elle doit défendre, la gauche traverse une crise d’identité d’une très grande ampleur. Il en résulte à présent une coupure entre d’un côté une gauche “ officielle ” et gestionnaire, et de l’autre une gauche “ contestataire ” et radicale qui peut durablement éloigner toute perspective de reconquête.

    Que va devenir le Parti Socialiste ? Quel PS voulons-nous ?

    Le 21 avril ouvre une période radicalement nouvelle pour le PS qui demeure la colonne vertébrale de la gauche. Il se retrouve sans chef-candidat, sans majorité pré-établie tellement le choc est grand. Très vite, l’urgence du débat se fait sentir, les lignes bougent. A ce moment-là, tout est possible pour le congrès de Dijon : le pire comme le meilleur.

    Le pire, c’est la prise de contrôle du PS par son aile libérale, sa “ SFIOïsation ”, le règne des chefs tribaux et des intérêts de wilayas, l’évitement du débat nécessaire et l’impuissance organisée. C’est l’opposition pour de longues années, avec un schisme profond entre deux gauches.

    Le meilleur, c’est un PS de masse et populaire, qui se recompose et entame son travail de refondation politique, idéologique et militante. La reconstruction de la gauche c’est une évidence, ne pourra se faire selon le même schéma qui a prévalu depuis 30 ans. Elle doit être à l’image de la transformation sociale que nous voulons : à l’image d’une société mobilisée, d’une gauche idéologiquement armée et reposant sur un militantisme populaire. Il faut donc mettre en synergie la gauche syndicale, la gauche associative, la gauche alter mondialiste, la gauche sociétale, avec la gauche politique : comme toujours dans l’histoire de la gauche française, c’est la forme et le contenu du front unique qui déterminent le reste. A l’heure de la démocratie participative, c’est l’objectif de la coalition arc-en-ciel que nous proposons. Pour cela, nous avons besoin d’un PS fort et combatif, militant, fraternel, qui propose des perspectives militantes concrètes pour mobiliser autour de lui, se ressourcer et refonder son projet avec les siens et non pas à leur place, un PS efficace dès à présent dans l’opposition face à la droite.

    Après le 21 avril, la spécificité de la GS nous place au centre du débat, c’est-à-dire en position de force pour agir. Solidement armée pour entrer dans cette nouvelle période, la GS est le collectif militant le mieux formé, le plus homogène, et disposant de l’acuité la plus grande sur les causes de l’échec de la gauche. Elle est en capacité de devenir le pivot de la refondation du Parti Socialiste. Notre objectif : que notre orientation soit majoritaire dans le parti et empêcher sa prise de contrôle par les “ sociaux-libéraux ”.

    A cet égard, nous avons posé des premiers actes :
    · Dès le 23 avril 2002, par une déclaration rendue publique, la GS appelait la gauche à tirer toutes les leçons de l’échec et le PS à une réorientation de son programme pour les législatives sur cinq points : refus de toute privatisation des services publics, refus de toute remise en cause des acquis de la retraite à 60 ans, défense du pouvoir d’achat et conférence salariale, politique d’envergure pour casser les ghettos, défense du pacte républicain et de la laïcité contre le communautarisme.
    · Nous avons pesé sur le contenu de la nouvelle plate-forme socialiste pour les législatives, celle-ci marquant une inflexion très nette par rapport au projet de Lionel Jospin qui n’était “ pas socialiste ”.
    · Après les législatives, nous avons suspendu notre participation au secrétariat national du PS pour refuser une réorganisation de la direction qui aurait traduit de facto un changement d’orientation du parti. Il devenait clair, à partir de ce premier succès, que nous devions nous situer au cœur du dispositif de reconstruction du Parti socialiste.

    Pourquoi avons-nous refusé la fusion à marche forcée avec Henri Emmanuelli ?

    Une alliance entre les motions 2 et 3 n’était pas la hauteur de l’enjeu. Argelès a montré clairement que cette démarche interdit d’elle-même les éventuelles autres étapes puisque la dénonciation agressive des errements de la direction du parti, prise comme un tout, n’a contribué qu’à ressouder la majorité. On peut par ailleurs s’étonner du “ flop ” de la contribution de Nouveau Monde, dont la phraséologie pseudo-révolutionnaire ne parvient pas à masquer la faiblesse des propositions.

    Il ne s’agissait pas d’une stratégie de refondation politique, ni sur le fond, ni dans les méthodes employées en rupture avec la pratique du débat démocratique au sein de la GS. Nous avons donc refusé cette fusion avec la motion 3 : elle n’était pas à même d’offrir une voie efficace pour donner au PS une nouvelle majorité ancrée à gauche. Elle enfermait la GS dans un ghetto minoritaire et un rôle de témoignage. La Conférence nationale ouverte que nous avons alors proposé d’organiser, s’inscrivait dans une toute autre logique : la transcroissance.

    Camper dans une minorité délimitée permet de se dire “ le PS va mal, mais moi je suis de gauche et je n’y suis pour rien ”. Mais précisément, si, un courant comme la GS y peut quelque chose, il a un grand rôle à jouer. La scission, dans ces conditions, est un acte criminel. Elle a brisé un collectif militant d’une rare valeur au moment où son utilité pour toute la gauche n’avait jamais été aussi cruciale. Elle a grandement obscurci les perspectives de voir le PS se doter d’une majorité ancrée à gauche. Peut-être a-t-on sous-estimé son incidence. Tous ensemble, nous aurions été plus forts. La GS scissionnée de force, la tâche devient plus dure et nous ne sommes pas sûr de réussir à la mener à bien, même si l’objectif ne varie pas d’un pouce.

    Pourquoi avions-nous fondé le NPS et quelles sont les véritables raisons de l’excommunication de Julien Dray ?

    Face au blocage de la situation après la scission de la GS, nous avons posé une première pierre en créant le NPS avec Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, puis avec Nouvelle Gauche. Cette démarche correspondait à notre volonté exprimée à Nantes de jouer un rôle central dans la refondation du PS. L’effet a été immédiat chez les militants : NPS a suscité une dynamique qui correspondait aux attentes de renouveau et de recomposition. Nous en tirons 2 enseignements.
    · La demande de débat est forte au sein du parti après le 21 avril et les militants veulent une refondation,
    · les lignes commencent à bouger dans tout le parti et donc dans la majorité.

    Le dépôt des contributions générales au congrès de Dijon a confirmé ce constat :
    · le fait que 15 contributions générales issues de la seule majorité aient été déposées est une victoire de NPS. La création de NPS a largement contribué à cet émiettement.
    · tous les observateurs ont noté les convergences sur un certain nombre de questions clés, y compris entre les trois contributions NPS-NM-Hollande.

    Cependant, des difficultés politiques se sont posées au NPS dès la phase de la contribution :
    · des problèmes de fond, notamment sur le financement de la sécurité sociale et sur les retraites, comme sur le choix d’un texte plus accessible, nous différenciant davantage des autres contributions grâce à une contribution incarnant en soi une rénovation des pratiques militantes. Cependant, ces divergences n’étaient pas anormales dans un processus rassemblant des militants venus d’horizons différents. Au final, notre contribution n’en est pas moins un texte de bonne qualité qui doit beaucoup à la GS.
    · un désaccord sur le mode de fonctionnement du NPS, qui n’est ni démocratique ni même collectif quant à ses modes de décision et laisse une trop grande place à des logiques individuelles par rapport à l’expression collective des militants.
    · une divergence stratégique similaire à celle rencontrée à Nantes. Nous n’avons pas refusé de fonder NM pour nous enfermer dans une logique minoritaire comparable. Le NPS n’est pas une fin en soi. Il n’a pas vocation à constituer une petite boutique de plus, ni une écurie présidentielle, mais bien à engager un processus pour faire bouger tout le parti. L’absence d’esprit d’ouverture à l’égard de ceux qui ont fait connaître leurs divergences au sein de la majorité, le refus de participer au débat d’idées avec l’ensemble des contributions générales déposées pour le congrès, dévoient la démarche de NPS.

    Plutôt que d’accepter le nécessaire débat sur la stratégie et le fonctionnement de NPS, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon ont préféré résoudre le problème en considérant que Julien Dray s’était mis “ de lui-même en dehors du NPS ” ( !). Qui peut croire dans ces conditions que le NPS pourrait incarner une rénovation des pratiques ? Mais il y a encore plus grave : cet acte traduit en fait un changement de stratégie. Désormais il s’agit d’organiser un front de motions aux positions disparates et antagonistes, d’Utopia à NM, en passant par Dolez et NPS, pour faire un putsch et renverser la direction du parti, faisant ainsi prévaloir la batailles pour les postes sur le débat d’idées.

    Voilà la véritable raison de cette excommunication : ils voulaient faire prendre à NPS un tournant stratégique en rupture avec l’orientation majoritaire défendue dès le départ et dans laquelle nombre de militants du parti s’étaient engagés sincèrement. Sans la Gauche Socialiste, NPS change de nature et devient une écurie de plus.

    Que peut-on attendre du congrès de Dijon ?

    Le congrès de Dijon est depuis le début annoncé comme un moment essentiel où les socialistes devront tirer les conclusions du cycle politique commencé à Epinay en 1971, et qui vient de se clore le 21 Avril. Ce congrès aurait pour rôle d’une part d’assurer la nécessaire clarification idéologique et culturelle, et d’autre part de dessiner la stratégie et les repères politiques essentiels pour le cycle politique qui s’ouvre. Dans ce congrès, les “ sociaux-libéraux ”se compteraient et un vaste bloc de gauche prendrait la direction du parti : voilà pour le rêve.
    Dans la réalité, à une exception près (qui n’est d’ailleurs pas le congrès d’Epinay) ce type de congrès n’a jamais existé au PS. Et surtout, les sociaux-libéraux, parce que minoritaires dans le parti ont d’emblée refusé de se compter. Fermez le ban !
    Ne faisant pas de la lecture dans le marc de café un guide d’action politique, nous ignorons la forme exacte que prendra le congrès. Nous connaissons en revanche les scenarii possibles :
    · Le scénario “ évitons le débat ” : la gueule de bois du Parti a pu servir de prétexte paradoxal à l’évitement du débat, présenté comme source de divisions et d’affaiblissement .Cela mène au statu quo. Pour les courants du socialisme libéral qui ne veulent pas – et pour cause – sortir du bois, cette dialectique est bien sûr opportune.
    · Le scénario “ 1946 : sortons les sortants” : Ce fut le congrès de la SFIO qui vit Daniel Mayer - ami et proche d’un Léon Blum - se repositionnant nettement après guerre sur la droite du parti - être débarqué par un “ front de refus ” qui mit au pouvoir, gauche du parti en tête, un jeune inconnu nommé Guy Mollet. Les seules qualités de ce dernier ? : se retrouver à la tête d’une puissance fédération et de ne jamais se départir d’une vulgate marxiste parfaitement orthodoxe. Vingt ans de déclin et de honte pour la SFIO devaient s’en suivre.
    · Le scénario congrès de Rennes : le PS n’est pas débarrassé des vieux démons de la Vème. La proximité politique des contributions générales en a surpris plus d’un, et risque de déplacer le débat vers l’affrontement cru des personnes et des ambitions.

    La marge est étroite : il nous faudra imposer le débat, refuser le consensus. Toutes nos difficultés tiennent à l’analyse de l’étroitesse de cette marge, mais il n’est pas d’autre chemin pour rénover notre Parti et refonder le parti socialiste et la gauche. A cette étape, le congrès du Parti Socialiste ne sera pas l’aboutissement du combat contre les “ sociaux-libéraux ”. Il ne sera que son point de départ : à la GS de trouver le positionnement stratégique le plus efficace pour peser dessus et rénover le parti.
    Pour prendre toute notre place au Parti socialiste, il nous faut :
    · Refuser le putschisme et la constitution d’un cartel de motions sans base idéologique ni convergences réelles (un front Utopia-NM-NPS-Dolez n’a aucun cohérence de fond tant les idées défendues par ces contributions sont – sur bien des points – antagoniques). Il ne s’agirait donc plus d’une logique de refondation politique mais d’une révolution de palais. Forts de notre expérience à la direction du parti dans la période 1993-1995, nous savons que ce type de stratégie empêche en fait toute clarification de fond et affaiblit le PS. A terme, elle a conduit en Grande-Bretagne à la victoire de Tony Blair dans le Parti travailliste.
    · Refuser la perpétuation du duo complice qu’offriraient une majorité sociale-libérale d’un côté et une minorité lyrique et impuissante de l’autre. Toute notre action depuis le 21 avril vise à éviter cette dynamique qui entérinerait le déclin du PS.
    · Nous organiser pour peser efficacement sur l’avenir du PS. Le PS a besoin de la Gauche Socialiste a sa tête pour engager sa refondation, sauf à considérer que nous aurions moins de légitimité que les sociaux-libéraux pour le diriger. Notre place se trouve donc bien dans la majorité qui sera issue du congrès de Dijon. Nous n’avons pas vocation à y constituer une quelconque “ aile gauche ”, mais la colonne vertébrale idéologique : c’est dès la phase de rédaction de la motion du Premier secrétaire pour influer au maximum sur son orientation que nous serons présents et actifs.

    Plus que jamais, donc, la Gauche Socialiste continue. Mais elle a tiré les leçons des cinq dernières années, et pris acte de la période qui s’ouvre avec la défaite du 21 avril. C’est désormais dans une fonction d’opérateur, à la tête du Parti socialiste, que doit se situer son action.

  • ETAT D’URGENCE SOCIALE – POUR UNE AUTRE COHERENCE

    Congrès de Brest - 23 novembre 1997
    La Gauche Socialiste vous présente sa motion


    La gauche doit réussir. Ce défi repose principalement sur nous, les socialistes, car notre parti assume la
    première place à gauche et au gouvernement. Nous connaissons notre responsabilité commune : vaincre le
    chômage de masse qui fait le lit de l'extrême droite. C'est cela le véritable enjeu de notre Congrès. Chaque vote
    est utile: nous allons faire un choix pour trois ans. Notre Congrès ne doit pas être réduit à un jeu de rôles ou de
    chaises musicales. La situation dans laquelle nous vivons confronte chaque socialiste à son devoir de sincérité et
    de responsabilité.

    l La défaite électorale que la droite vient de subir est avant tout la traduction de l'état d'urgence sociale dans
    laquelle se trouve le pays. Ni le retour de la gauche au pouvoir, ni les bons sondages du gouvernement n'ont
    transformé la France en une démocratie apaisée. Au contraire. L'attente sociale est plus forte que jamais. La
    pression des milieux financiers et patronaux est exacerbée par la peur des décisions de la majorité de gauche.
    L'influence du Front National s'étend sur une droite de plus en plus complaisante et, pour partie, prête à l'alliance.
    l Dans cette situation tout tient en un impératif : en finir d'urgence avec le chômage de masse. Le plan emploi
    jeunes suscite de grands espoirs dans les familles. L'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire et les
    ouvertures de classes supplémentaires ont satisfait bien des parents et des enseignants. Mais les satisfecit
    doivent-ils empêcher de dire à haute voix que sur des questions essentielles les réponses qui ont été données
    ne sont pas à la hauteur des défis qui nous sont lancés ? En acceptant, à Amsterdam, l'Europe du pacte de
    stabilité, déclarant que 35 heures payées 39 n'aurait jamais été notre mot d'ordre, en continuant les privatisations
    prévues par la droite, en laissant fermer Vilvoorde, en refusant l'abrogation des lois Pasqua-Debré ou celle du
    plan Juppé sur la Sécurité Sociale en surfant sur le populisme contre les enseignants, nous ne créons pas le
    rapport de force dont un gouvernement de gauche a besoin pour affronter efficacement les exigences de la
    mondialisation libérale. Peut-on à la fois répondre à l'urgence sociale et accepter le carcan de l'Europe
    monétariste 7 Peut-on s'attaquer au chômage de masse et accepter le dogme de la baisse du coût du travail et
    de la flexibilité ? Peut-on vouloir peser sur le modèle de développement économique du pays et renoncer à la
    maîtrise publique des fleurons du secteur nationalisé ?
    l Certes, nous savons que pour réussir, une action gouvernementale demande de la durée. Mais cette durée
    doit être mise au service des changements de cap radicaux qu'il faut opérer dès maintenant. Différer c'est
    s'enliser. Nous ne disons pas "tout, tout de suite", nous disons "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras": c'est en
    début de mandat qu'il faut ancrer les objectifs pour se donner les moyens de les atteindre dans la durée. Les
    concessions hâtives ne créent pas les compromis durables. Or, la réussite d'un gouvernement de gauche réside
    dans sa capacité à imposer un nouveau compromis social au patronat et au capital financier. Car la mondialisation
    libérale conduit une guerre sans relâche contre les salariés, leurs acquis sociaux et contre l'autorité des
    Etats-Nations qui régulent aujourd'hui les rapports sociaux. Une crise profonde est ainsi ouverte dans tous les
    pays. Peut-on l'ignorer ? Pense-t-on l'apaiser par des concessions ou doit-on assumer la confrontation ? Là est
    l'alternative, là est notre divergence.
    l Trop de responsables de la social-démocratie européenne conçoivent leur action comme un
    accompagnement social de la mondialisation libérale. La puissance du mouvement socialiste doit
    permettre autre chose. Nous pensons, pour notre part avec d'autres en Europe, que le rôle de la gauche est
    d'organiser la résistance et de réaliser de nouvelles conquêtes sociales. Cette résistance est à la fois
    idéologique, sociale et politique. Les dogmes des libéraux, flexibilité, libre concurrence, équité ne sont pas les
    nôtres. Nous refusons de soumettre la compatibilité des conquêtes sociales aux exigences économiques de la
    mondialisation libérale. Nous n'acceptons pas de troquer les principes de la République contre le modèle de
    société anglo-saxon. Nous en tenons bec et ongles pour une République sociale et européenne.

    l Nous devons assurer la réussite de la gauche car il y a urgence. Une course de vitesse est engagée. Il y a
    urgence parce que les diktats de la mondialisation libérale ont déjà désarticulé les acquis sociaux, culturels,
    économiques de dizaines de pays dans le monde. Il y a urgence, parce que si nous échouons, J'extrême droite
    se tient prête. Souvenons-nous que notre victoire électorale est fragile. La majorité de la gauche tient à trente
    sièges d'avance. Mais 23 d'entre eux ont été acquis dans un face à face avec le Front National et 32 avec moins
    de 45 % des voix dans des triangulaires. Voilà pourquoi ce congrès ne doit être ni une formalité statutaire ni une
    grand-messe unanimiste " Le congrès doit au contraire formuler un message clair. Il doit aussi relayer les
    demandes et les critiques du peuple de gauche qui doit pouvoir se reconnaître dans nos travaux. Il doit produire
    librement sa propre appréciation de la situation. On nous dit parfois qu'il serait "trop tôt pour exprimer des
    critiques et des alternatives". Le prochain congrès est dans trois ans. Il sera alors trop tard. Quand la gauche est
    au pouvoir, nous avons besoin d'un parti de débat capable d'assumer dans la sérénité ses divergences pour
    trouver les moyens de les dépasser. Car c'est de l'avenir concret de notre République dont il est question. La
    responsabilité de chacun des militants socialistes est donc engagée, dès maintenant.

    l Au cours des trois conventions, la Gauche Socialiste a exposé des analyses globales. Elles sont à présent
    connues. Certaines ont été largement reprises dans les textes définitifs du Parti. Ce n'est pas l'objet du congrès
    de reprendre ces débats. A cet instant nous rie cherchons pas à confronter des théories générales ni à présenter
    un programme complet, D'ailleurs les divergences ne concernent pas tous les sujets. Dans notre texte, nous
    partons des questions concrètes que l'actualité des premiers mois de la gauche au pouvoir a soulevées.
    l Souvenons-nous ! C'était hier. Les 35 heures hebdomadaires sans réduction de salaire : tous nos candidats
    s'y sont engagés. La rupture avec l'Europe libérale et les quatre conditions pour changer de cap européen : ce
    fut le coup d'envoi de la campagne législative par Lionel Jospin à l'émission «7 sur 7». L'arrêt des privatisations :
    nous l'avons proclamé publiquement pour affirmer notre volonté de défendre le secteur public. L'abrogation des
    lois Pasqua-Debré : nous l'avons voulue avec des centaines de milliers de jeunes et de citoyens. L'abrogation
    du Plan Juppé : 70 % de l'opinion soutenait la revendication de plus de deux millions de manifestants. C'était le
    premier coup porté par le mouvement social au gouvernement après la victoire de Chirac. Ces thèmes de
    campagne, nous en avons débattus dans nos trois conventions. Nous les avons portés haut et clair : nous
    savions que les Français attendaient de la gauche qu'elle affiche franchement sa volonté de rompre avec le
    libéralisme.
    l La gauche aurait-elle été victorieuse si nous nous étions présentés devant les citoyens en leur expliquant
    que les 35 heures payées 39 n'étaient pas notre mot d'ordre, que les privatisations sont une exigence de la
    compétitivité internationale, que l'Europe libérale est intangible, que l'abrogation des lois Pasqua-Debré relève
    de la sémantique, que nous serions fidèles au Plan Juppé et que Vilvoorde serait fermé ? On peut en douter,
    L'exigence que nous ne fassions pas «la même politique que les autres», et que nous ne soyons pas «comme
    avant » a fixé les termes du contrat que nous avons conclu avec le pays.
    l C'est pourquoi les réponses proposées dans cette motion dessinent une autre cohérence d'action que celle
    qui est à l'oeuvre. Nous l'assumons. Pour la gauche française et européenne, il y a bien deux cohérences
    possibles: l'accompagnement social de la mondialisation libérale ou l'action pour inverser la tendance. Ce débat
    a déjà lieu dans tous les partis de la social-démocratie européenne. En France aussi, les socialistes doivent en
    débattre et choisir.

    1. Oui il faut les 35 heures hebdomadaires tout de suite, sans perte de salaire.
    l La France compte cinq millions de chômeurs et deux millions de précaires. Là est l'origine du ma qui mine
    tous les rapports sociaux. Plus de trois millions de personnes ne perçoivent pour vivre que des revenus e
    minima sociaux compris entre 1.311 F. et 3.433 F. mensuels. Avec leurs familles, six millions de personnes,
    adultes et enfants, sont enfermées dans la misère au coeur d'un pays qui n'a jamais été aussi riche de toute son
    histoire. Le chômage ne nuit pas qu'aux chômeurs. Il nuit aussi à l'école, à la sécurité sociale, à nos quartiers. Il
    produit misère, trafic de drogue, ghettos, racisme et xénophobie. Des millions de gens souffrent durement,
    chaque jour.
    l Nous n'acceptons donc pas le discours fataliste de certains de nos responsables. Faudrait-il, a l'instar du
    ministre de l'Economie, se résigner à constater que le chômage se situera, "à la fin de ce cycle, à un niveau
    supérieur à celui qu'il avait atteint à la fin du cycle précédent', soit un peu moins de 12 % ? S'adapter à ses
    pseudo contraintes c'est s'enfoncer toujours plus dans la société des ghettos, des violences, de la vie au rabais.

    l A crise exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle qui provoque un choc et renversé la tendance. Il
    ne suffira pas d'attendre la croissance américaine, de parier sur l'évolution des taux de change ou d'en appeler à
    la bonne volonté des chefs d'entreprise. L'Etat doit prendre toutes ses responsabilités. L'urgence sociale est
    aussi une urgence politique- La République se meurt lorsqu'elle renonce à s'attaquer de front à "l'horreur
    économique" qui prive de ses droits élémentaires une part aussi importante de la population. Les socialistes ont
    dit et répété que la diminution massive du temps de travail sans perte de salaire était la réponse essentielle et
    durable au défi du chômage de masse. Ils l'ont promis dans leur programme. Les électeurs se sont prononcés,
    C'est donc au gouvernement d'engager par la loi la réduction de la durée du travail à 35 h. hebdomadaires, pour
    tous, tout de suite, sans perte de salaire. Ici, chaque mot compte.

    l 1,4 millions d'emplois sont créés si les 35 h. légales sont mises en oeuvre rapidement, c'est ce qu'affirme
    l'O. F.C.E et il faudrait y ajouter les 680.000 emplois aujourd'hui occupés en heures supplémentaires. Si, au
    contraire, le passage aux 35 heures est étalé dans le temps, gains de productivité et réorganisations du travail
    limiteront les effets en embauche. La loi doit être d'application immédiate pour imposer et fixer le cadre des
    négociations. Ces dernières ne doivent porter que sur la mise en application de la loi et non sur son contenu Car
    les durées du travail sont une règle essentielle de la concurrence. Une règle d'ordre public ne peut être laissée à
    l'appréciation des branches et des entreprises. L'Etat doit en être le garant. Mais c'est aussi un ensemble global
    de décisions qui doivent être prises en même temps pour que la réduction de la durée légale du travail soit
    totalement efficace. Ainsi par exemple la loi doit fixer, non seulement les durées légales à 35 h. hebdomadaires
    et 8 h. quotidiennes mais aussi les durées maxima hebdomadaires à 40 h. et quotidiennes à 9 h. (elles sont
    aujourd'hui de 48 h. et 10 h.). Les heures supplémentaires doivent être contingentées fermement à 5 h. maxima
    par semaine et 100 h. maxima dans l'année. Elles doivent être rendues plus coûteuses que l'embauche (200 %
    dès la première heure supplémentaire).

    l C'est à l'Etat d'aider les entreprises pour que cette formidable réduction du temps de travail soit pleinement
    créatrice d'emplois. Les aides doivent être différenciées selon les seuils sociaux, plus fortes pour les petites
    que pour les moyennes entreprises. Ces aides doivent être strictement contrôlées, et absolument
    subordonnées au respect du Code du travail. Un grand service public unique de l'emploi contribuera à mettre en
    oeuvre ce grand chantier, notamment pour le million d'entreprises de moins de 10 salariés et pour les 150 000
    entreprises de 11 à 49 salariés qui font déjà travailler la moitié du salariat du privé. Une régie nationale du travail,
    intégrée dans ce service public, prendra en charge la gestion et le placement des embauches donnant lieu à
    exonération de cotisations sociales ou à subvention.
    Le financement de ces aides nécessite une redistribution fiscale. On peut y faire face en portant à 50 % le taux
    d'imposition sur les sociétés qui a été réduit à 33 % et en mutualisant ces recettes nouvelles pour les emplois
    nouveaux. L'engagement de notre programme d'asseoir les cotisations sociales patronales sur la valeur ajoutée
    et de modifier aussi dans ce sens l'assiette de la taxe professionnelle doit ici venir compléter ce dispositif et
    aider les P.M.E. et les entreprises de main d'oeuvre à faire face.
    Cet ensemble de mesures forme un tout cohérent et indissociable autour des 35 heures hebdomadaires sans
    perte de salaire.

    l Nous alertons : les conditions d'un marchandage inacceptable entre les salaires et l'emploi sont mises en
    place dès lors que l'on met en débat dans une même conférence ces deux questions et celle de la réduction du
    temps de travail. On sait d'avance de quel côté le patronat voit les "coins de ciel bleu". On sait quelles
    résistances acharnées il organise. On connaît la menace : l'exigence d'annualisation et de flexibilité du temps de
    travail est déjà annoncée par le patronat. L'annualisation du temps de travail doit être clairement repoussée. Car
    l'annualisation c’est pour les salariés une vie totalement soumise aux besoins de l'entreprise. Pour nous, chaque
    être humain a droit à un repos quotidien et hebdomadaire, à organiser sa vie, à pouvoir exercer ses
    responsabilités de parent et son engagement dans la cité. Seules les durées légales, quotidiennes et
    hebdomadaires, du travail garantissent ces droits fondamentaux. L'annualisation du temps de travail est un piège
    pour les salariés. L'annualisation c'est de la flexibilité, qui sert à faire travailler les gens tantôt 32 h. tantôt 48 h. et à
    rendre ainsi les heures supplémentaires invisibles et impayées. Elle pressure ainsi davantage les salariés et
    permet d'éviter les embauches.

    l La flexibilité crée du chômage. La réglementation crée de l'emploi, quand elle protège les droits des
    salariés. C'est pourquoi elle doit garantir sans faille le droit pour chaque salarié à deux jours de repos
    consécutifs. Elle doit encadrer strictement le travail posté qu'il soit de nuit, du dimanche ou en équipe. Elle doit
    permettre de stopper l'hémorragie des licenciements de masse : un nouveau contrôle administratif sur les
    licenciements doit être immédiatement mis en place. La démocratie sociale doit s'exercer pleinement et
    disposer des moyens de se faire respecter. C'est pourquoi notamment la loi doit élargir les droits des élus du
    personnel et renforcer les moyens de l'inspection du travail. Il y a tant d'injustices à faire cesser ! Un exemple,
    parmi cent, qui dure contre toute logique - est-il admissible que 2/3 des minima conventionnels soient inférieurs
    au SMIC alors qu'ils devraient être automatiquement alignés sur lui par la loi ? Restaurer le droit du travail, c'est
    bien restaurer le droit au travail pour tous. N'est-ce pas ce que des millions de salariés et de chômeurs attendent
    en priorité et en urgence de la gauche ? Différer, étaler, ce serait de nouveau s'enliser dans le "traitement social
    du chômage" sans s'attaquer à ses racines.

    l Le passage aux 35 heures, la perspective des 32 heures (comme convenu dans notre accord avec les
    verts), c'est tout un choix de société. Il n'est pas plus "anti-économique" que les congés payés ou le droit à la
    retraite. Au contraire. Il débouche sur une relance de l'activité économique par l'augmentation de la masse
    salariale et l'ouverture de nouveaux champs d'activités liés au temps libre. Car le temps libéré produira de
    nouvelles demandes, de nouvelles normes de consommation. Il ouvrira un espace nouveau à l'initiative privée
    comme à celle de la puissance publique pour proposer d'autres biens et services et donc de l'activité et de
    l'emploi supplémentaires. Et cela c'est aussi de nouvelles recettes pour la sécurité sociale et pour le budget de
    l'Etat.
    Dans l'entreprise la baisse massive du temps de travail oblige à repenser l'organisation de la vie au travail. De
    l'utilisation des machines en passant par la définition des objectifs de production, tout doit être redéfini. Face à
    ces défis, les relations sociales dans l'entreprise, le dialogue et la concertation deviendront un enjeu immédiat
    du développement de chaque société. D'autant que l'évolution technique promet de nouveaux gains
    considérables de productivité et d'accroissement des capacités de création de richesse. D'ici la fin du siècle de
    nouvelles mutations sont annoncées qui vont approfondir cette tendance dans des proportions aujourd'hui
    presque inimaginables. Dès lors le plein emploi serait définitivement impossible si on en reste aux conditions
    actuelles de répartition du temps de travail. Il s'agit donc bel et bien de refuser un modèle de société
    durablement clivée entre exclus et intégrés. Les socialistes doivent alors porter clairement leur choix. Ils doivent
    prouver qu'on peut saisir la chance qui se présente de vivre autrement, avec moins de temps contraint.
    Davantage de temps libre choisi permet d'inventer une autre manière de vivre. C'est ainsi créer l'environnement
    pour un authentique modèle de développement humain propice à la créativité de chacun qui est la force d'une
    société moderne. Réduire le temps de travail massivement, et pour tous, est aussi un bon moyen de lutter contre
    les tentatives actuelles de renvoyer les femmes à la maison. Car le temps libre ainsi dégagé permettra une
    meilleure conciliation de la vie familiale, de la vie professionnelle et de la vie sociale. Il rend possible un partage
    plus égalitaire des tâches et des responsabilités familiales, une participation plus active à la vie civique.
    La réduction massive du temps de travail sans perte de salaire, c'est techniquement et politiquement la seule
    solution qui n'ait pas été essayée, qui n'ait jamais été mise en oeuvre. Ceux qui la critiquent et prétendent qu'elle
    n'est pas possible, sont aussi ceux qui défendent des formules qui ont déjà toutes échoué.
    2 . Oui il faut rompre avec la construction libérale de l'Europe, scellée à Dublin et Amsterdam
    A Amsterdam, une étape décisive de la mise en place de l'Europe libérale a été franchie avec l'accord du
    gouvernement de gauche français. Le pacte de stabilité signé à Dublin et dénoncé à l'époque par Lionel Jospin
    comme un "super-Maastricht" a été ratifié.

    l Le Pacte de stabilité oblige à rester ficelé pour toujours dans le corset des critères de Maastricht qui ont eu
    largement le temps de prouver combien ils sont antisociaux et anti-croissance. Ce Pacte impose de poursuivre
    de façon encore plus drastique (il y aura des amendes pour les contrevenants...) leur mise en oeuvre, après la
    mise en place de l'Euro. Pourtant, au moment de sa signature en décembre 1996 à Dublin, les socialistes avaient
    dit du Pacte de stabilité qu'il était incompatible avec le programme de relance sociale et de redistribution qu'ils
    venaient d'adopter. On ne voit pas par quel effet magique il serait devenu plus compatible maintenant que la
    gauche est au pouvoir.
    Le gouvernement français a donc accepté cette Europe fonctionnant, sous pilotage libéral automatique,
    comme une vaste zone de libre échange. Les gouvernements nationaux y sont définitivement dépossédés de
    toute marge budgétaire tandis que la monnaie est gérée par une banque centrale totalement indépendante.
    Aucune norme sociale européenne contraignante n'est mise en place concernant les salaires minimums, la
    réduction du temps de travail, la démocratie sociale et les droits des travailleurs dans l'entreprise.
    On nous dit que la résolution "Emploi, compétitivité et croissance" adoptée à Amsterdam est censée
    contrebalancer le Pacte de stabilité. Pourtant, elle fixe ouvertement l'objectif d'améliorer « employabilité », de
    rendre la main-d’oeuvre plus "adaptable", de baisser la fiscalité et les cotisations liées à la protection sociale,
    d'encourager au développement du temps partiel. Ce n'est pas pour ça que les députés de gauche ont été élus.

    l C'est la fin de toutes les illusions. L'échec du pari de Maastricht est complet Pour certains, Maastricht ne
    devait être qu'une contrainte passagère, un compromis conjoncturel. En contrepartie il y aurait une coordination
    des politiques économiques, l'avancée dans l'intégration politique et de grands travaux d'infrastructure pour la
    relance et l'emploi. De contreparties il n'est plus question. Avec la ratification du Pacte et le traité d'Amsterdam,
    on est passé à un véritable modèle permanent de société libérale. D'ailleurs, après la signature d'Amsterdam, les
    ministres européens de l'économie et des finances réunis le 13 septembre dernier ont mis la touche finale au
    verrouillage libéral de la construction européenne. A cette occasion le gouvernement français a renoncé de fait à
    deux des quatre conditions posées pour le passage à la monnaie unique. Il n'y aura pas de "gouvernement
    économique". Pas même un « pôle économique ». Tout juste une concertation épisodique, sans calendrier fixe,
    des seuls ministres des finances pour dialoguer sans obligation de décision. De plus la fixation du taux de
    change de l'Euro ne sera plus décidée par les politiques comme l'exigeait la quatrième condition que posait le
    programme des socialistes. C'est la banque centrale indépendante qui en jugera. La France gouvernée à gauche
    a donc renoncé à établir une autorité politique contrebalançant celle de la toute puissante banque centrale
    "indépendante". Elle a accepté de renforcer le pouvoir de celle-ci. Ainsi, les libéraux seront parvenus à imposer
    l'un de leurs objectifs principaux : débarrasser l'économie de toute intervention politique des citoyens et de toute
    garantie sociale. Ils ont réussi à créer les conditions d'une économie où les hommes doivent "s'adapter". Ceux-ci
    sont alors voués à n'être plus que les pièces jetables mises à la disposition de la fameuse main invisible de
    l'économie de marché.
    l Les conséquences de ce dispositif sont claires. A l'échelle d'un Etat ou au niveau de l'Union européenne,
    quand un gouvernement ne peut plus décider ni de son budget ni de sa monnaie, il ne peut pas conduire une
    véritable politique de régulation. Il ne peut décider ni relance ni investissements sociaux et publics dans les
    secteurs stratégiques au service de la croissance et de l'emploi.
    Dans ces conditions, la politique budgétaire se limite à des redéploiements dans une enveloppe de plus en plus
    restreinte. Et par conséquent la flexibilité du travail devient la principale variable d'ajustement. Dans de telles
    contraintes budgétaires, les efforts de redistribution et les mesures de fiscalité du capital ne contribuent pas à
    financer la relance ou l'emploi mais à combler le déficit. Les 22 milliards prélevés par l'augmentation de l'impôt
    sur les sociétés pour boucher les trous interdits par le pacte de stabilité financeraient pourtant 220 000 emplois
    jeunes ! Dans ces conditions, la politique de redistribution se réduit à reporter toujours plus sur les salariés le
    coût social de l'exclusion, sans ponctionner le capital qui, parce qu'il est mobile et volatil serait intouchable. Tout
    se tient. Ainsi, même si officiellement le produit des privatisations n'est pas censé entrer dans la comptabilité
    des critères de convergence, dans le cadre des contraintes budgétaires imposées par le Pacte de stabilité, on
    ne peut que privatiser France Telecom pour viser les 3,0 % en 1998 et on ne peut que privatiser Thomson et Air
    France en contrepartie de leurs recapitalisations.

    l De même, a moment ou l’on a besoin de services publics de qualité et des investissements nécessaires à
    leur modernisation, ceux-ci sont contraints de réduire leur champ d'intervention, diminuer leurs prestations,
    précariser leurs personnels, ouvrir le capital, privatiser. Ainsi, c'est mettre sous critère de rentabilité marchande la
    satisfaction de besoins individuels et collectifs qui devraient être accessibles à tous : éducation, garde des
    enfants, logement, énergie, santé, culture, transport en commun de qualité, accès aux télécommunications
    modernes.
    Que ces services publics relèvent de l'administration ou des grandes entreprises du secteur public, ce sont leurs
    principes les plus essentiels qui sont en cause à partir du moment où les créneaux rentables sont repris par le
    marché. L'égalité d'accès, la péréquation tarifaire sociale et géographique, l'aménagement du territoire, les
    investissements de long terme en fonction des intérêts de la Nation et non de la rentabilité immédiate, rien de
    tout cela ne sera plus vraiment la norme.

    l En agriculture aussi, les contraintes imposées par le pacte de stabilité, le blocage politique des institutions
    européennes, l'élargissement aux pays de l'Est tel qu'il s'initie et le projet de démantèlement de la politique
    agricole commune constituent les facettes d'une même politique.
    La production agricole et les milieux ruraux ont besoin d'une autre politique opposée à la logique libérale
    de démantèlement des mécanismes européens de gestion des marchés et d'alignement des prix sur les prix
    mondiaux, telle qu'elle est mise en oeuvre notamment par la commission européenne sous la pression des
    Etats-Unis, en vue des prochaines négociations de l'O.M.C. La politique de prix agricoles doit refléter le choix de
    la collectivité de garantir à ses agriculteurs un certain niveau de rémunération du travail
    Dans ce contexte, la politique européenne favorise quelques dizaines de milliers de grandes
    exploitations alors qu'un actif agricole non salarié sur deux a un revenu inférieur au SMIC et que des zones
    entières se désertifient entraînant une remise en cause des services publics. La chute de l'emploi agricole de
    trois à un million d'actifs en vingt ans est liée à une politique d'aides publiques injuste (20 % des agriculteurs
    reçoivent 80 % des aides).
    Mais, l'Europe doit aussi cesser ses politiques de subventions aux exportations et de dumping sur les
    marchés mondiaux : dans de nombreux pays du Tiers-Monde soumis aux diktats du FMI et à la libéralisation des
    échanges, l'affaiblissement des cours mondiaux lamine les sociétés rurales et bloque leur développement. Où
    sont les accords de partenariat qui devraient être négocies avec ces pays, dans le cadre d'une politique de
    coopération rénovée ? C'est au contraire les accords de Lomé qui risquent de ne pas être reconduits, c'est
    l'O.M.C. qui impose un alignement sur les exigences américaines comme on vient de le voir pour le commerce
    de la banane.
    Une politique alternative impliquerait de réaliser une redistribution massive des aides publiques au profit
    des exploitations et des régions les plus fragiles grâce à un plafonnement des aides tenant compte de
    l'occupation du territoire et du nombre d'actifs . Dès aujourd'hui, le ministère de l'agriculture devrait maintenir son
    projet de rendement de référence unique pour les aides céréalières. Mais comment promouvoir une agriculture
    au service de la collectivité, c'est-à-dire innovante et peuplante, fondée sur des productions de qualité, la mise en
    valeur de l'espace et la coopération s'il n'existe aucune puissance publique européenne ?
    l Voilà le bilan. L'Europe devait être le cadre permettant d'imposer un nouveau modèle social face à la
    mondialisation libérale. Elle devient au contraire l'instrument qui permet de lever les dernières résistances
    persistant au niveau national. Désormais tout sera réversible et éphémère: des statuts professionnels bidons, de
    moins en moins de protection sociale obligatoire et de service public.
    l Lionel Jospin nous a interrogés lors du Conseil national du Parti socialiste du 5 juillet dernier : "Fallait-il
    ouvrir une crise institutionnelle, européenne et monétaire dès la naissance du gouvernement de la gauche
    plurielle ?". Il nous a encouragés à mener le débat d'idées jusqu'au bout : "il ne suffit pas de critiquer, il faut
    expliquer ce qu'il aurait fallu faire, ce qu'il faudrait faire". Notre réponse est "Oui, il faut faire face à cette crise".
    Car elle serait salutaire. Mieux vaut une crise maîtrisée avec une perspective européenne claire qu'une crise
    larvée comme celle que nous subissons et qui fait le lit des nationalismes et de l'extrême droite partout en
    Europe. Il faut en passer par là pour sauver l'Europe, pour la construire sur de nouvelles bases qui répondent aux
    aspirations des peuples qui la composent et pas seulement aux exigences des financiers. C'est là notre "choix
    de civilisation", pour reprendre une excellente expression de notre campagne électorale.
    Oui, car au nom du chantage aux risques que nous ferait courir une crise, cela fait trop longtemps qu'on nous fait
    avaler les couleuvres de l'Europe libérale. A présent, c'est la couleuvre qui nous avale. Oui, enfin, car le débat
    est ouvert partout en Europe. Particulièrement par la gauche allemande à propos du respect ou non des critères
    de convergence. Et il ne se limite pas comme certains veulent le faire croire à la défense fétichiste du
    Deutschemark. Il porte bel et bien sur la défense du modèle social conquis depuis la fin de la deuxième guerre.
    Les peuples européens ont tourné les yeux vers le nouveau gouvernement français. Ils espèrent qu'il aidera à
    desserrer l'étau d'austérité et à repousser le credo libéral qui les accablent. La gauche française n'est pas seule
    dans ce bras de fer. Il est encore temps, avant le sommet européen pour l'emploi, avant le passage à l'Euro de
    faire émerger un cours nouveau. Cela dépend de nous.
    Au parlement, les députés de gauche ne doivent pas ratifier le pacte de Dublin accepté à Amsterdam.

    3 Oui il faut l'Europe politique des citoyens !
    l A Amsterdam, le gouvernement français a aussi accepté les conclusions de la Conférence
    Intergouvernementale (C.I.G.) qui devait proposer de nouvelles institutions européennes avant l'élargissement
    de la communauté. En fait, c'est le vide. L'Europe reste sans institutions politiques démocratiques, capables
    d'exprimer la volonté de ses peuples. Le capital financier peut imposer ses conditions, personne n'est en état de
    les encadrer. Pour nous, il est clair que l'échec politique de l'Europe est contenu dans les choix libéraux - le
    pacte d'austérité scellé à Dublin débouche naturellement sur l'absence d'institutions citoyennes. S'il y en avait, le
    pacte pourrait être remis en cause par le vote des peuples. C'est une illustration très claire de ce que nous avons
    analysé à l'occasion de la Convention socialiste sur la mondialisation : dans le nouvel âge du capitalisme
    l'intégration économique ne produit plus d'intégration politique. Au contraire.
    l Pour nous, le moment est venu de dire que les Français n'acceptent plus aucun élargissement de la
    Communauté, aucun transfert de souveraineté tant qu'une constitution européenne n'est pas débattue et
    adoptée par les peuples de l'Union. Il n'est plus acceptable que le droit communautaire étende continuellement
    son emprise dans tous les domaines sans qu'il trouve sa source dans le suffrage universel direct qu'expriment
    les parlementaires européens. Pour les européens, l'exigence de citoyenneté, de transparence, de contrôle n'a
    jamais été aussi forte. Pourtant, chaque jour directives et règlements façonnent le profil de l'Europe sans que les
    citoyens, les associations, les syndicats n'aient voix au chapitre. Les lobbies, eux, sont tout puissants. Le
    libéralisme a inventé son Big Brother pour faire respecter sa loi.
    l L'Europe politique et le pouvoir du parlement européen sont les seuls moyens institutionnels qui peuvent
    permettre de construire démocratiquement l'Europe des droits sociaux. Faire passer l'objectif des Etats-Unis
    d'Europe du stade des voeux pieux à celui de la réalité exige que la France propose une alternative à cette
    situation.
    l Il faut donc changer de stratégie de construction européenne. Commençons par nous rappeler pourquoi
    nous voulons faire l'Europe. Nous la voulons pour garantir la paix sur le vieux continent, pour protéger et
    développer le modèle social et politique que nos peuples ont conquis de haute lutte, pour offrir au monde un
    point d'appui et un modèle alternatif à celui qu'imposent et dominent sans partage les Etats-Unis. d'Amérique.
    Notre choix est donc d'abord politique. C'est un choix de gauche. C'est avec les moyens de la politique que
    nous pourrons le faire triompher.

    Sans Europe politique, l'Europe n'est rien. Sinon le cheval de Troie de la mondialisation libérale. Pourtant nous
    ne manquons pas d'atouts pour ouvrir une alternative. L'Europe politique est possible. Comme l'Europe du
    marché commun, elle peut commencer par un premier cercle qui va de l'avant pour entraîner les autres. Dans la
    zone de libre-échange qu'est l'Europe actuelle il y a place pour un noyau fédéral intégré. En Allemagne comme
    en France nombreux sont les responsables politiques de tous bords qui y sont prêts. Il y a fort à parier que si la
    proposition en était clairement faite, c'est une majorité de pays qui voudraient y répondre positivement- C'est à la
    France gouvernée à gauche de proposer cette alternative.

    l C'est à elle encore de faire vivre l'objectif de l'Europe sociale. A Amsterdam, le principe d'un sommet
    européen pour la croissance et l'emploi a été fixé à sa demande. Mais la résolution qui l'annonce fixe comme
    perspective "l'amélioration de l'employabilité" et de "l'adaptabilité des salaires", la "baisse des coûts de travail" et
    la "modernisation de la protection sociale"... On sait ce que ces mots veulent dire en langue normale : flexibilité,
    précarité et réduction de la protection sociale. A la France gouvernée à gauche de mener la contre-offensive.
    Encore faut-il que les objectifs soient sans ambiguï té. A nous de porter l'exigence des critères de convergence
    sociale pour répondre à la menace de dumping social qui pèsera toujours plus fort dès lors que dans le marché
    unique il y aura monnaie unique !
    Ici, la première des exigences pour répondre à ce défi, pour garantir à la fois l'emploi, les acquis sociaux et la
    loyauté des règles de la concurrence est l'instauration d'un salaire minimum européen (le SMIC européen à
    1.000 Euros).
    Et la bataille pour la réduction du temps de travail doit aussi être portée au niveau européen. Les représentants
    du gouvernement français doivent donner un débouché politique aux mobilisations des syndicats européens sur
    ce thème. Sinon, comment répondre pleinement aux questions que pose sur le plan de la concurrence le
    passage aux 35 heures en France ?
    Enfin l'harmonisation fiscale européenne ne doit plus être un souci réservé aux questions concernant le capital.
    Elle doit profiter aux salariés dans leur vie quotidienne.
    Quatre sujets au moins sont concernés :
    - la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité (voire l'instauration d'un taux zéro)
    - la baisse de la TVA dans les secteurs d'activité très créateurs d'emplois (bâtiments, travaux publics,
    etc.)
    - la taxation des mouvements de capitaux et des placements financiers à l'intérieur de l'Union pour limiter
    des dérives spéculatives.
    - l'instauration d'éco-taxes et de socio-taxes aux frontières de l'Union face aux productions ne respectant
    pas les normes sociales du BIT ou les normes écologiques de l'Union, pour assurer la loyauté de la
    concurrence et pousser à l'ajustement par le haut des normes sociales dans le monde.

    l Pour atteindre nos objectifs, il faut obtenir des institutions qui permettent l'exercice de la souveraineté
    populaire par l'intermédiaire des députés européens. Et cela signifie la tenue d'une Assemblée Constituante
    européenne. Il faut sauver l'Europe. Au parlement, il ne faut pas ratifier les conclusions de la C.I.G. La France
    doit proposer à tous ses partenaires un mémorandum portant de nouvelles propositions pour allez vers l'Europe
    politique et sociale.

    4. Oui il faut cesser de privatiser à tout va et faire vivre une vraie politique industrielle
    l Coup sur coup tous les processus de privatisation décidés sous le gouvernement Juppé viennent d'être
    confirmés par le gouvernement de gauche. France Telecom et Air France voient leur capital ouvert au privé. Les
    derniers morceaux du secteur public bancaire sont vendus. D'autres branches d'activités vont suivre. La réforme
    de la SNCF préparant la privatisation potentielle de l'exploitation des lignes est confirmée. Ces décisions
    contredisent totalement les engagements de la campagne électorale, les combats des députés et sénateurs de
    gauche, les résultats des mobilisations incessantes menées par les syndicats, le travail de tous les groupes
    d'entreprises du parti. C'est une situation démoralisante pour des milliers de salariés à qui de surcroît aucune
    explication n'a été donnée. Elle l'est aussi pour tous ceux qui n'ont jamais accepté le "bla-bla" libéral. C'est
    surtout une situation lourde de dangers pour l'avenir : la logique du profit va dominer, entre autres, les secteurs
    des transports ou des télécommunications, aux dépens des exigences d'aménagement du territoire ou d'égalité
    d'accès aux biens et services. Point n'est besoin de développer. Chaque militant n'a qu'à se reporter à ce que
    tout le parti et tous nos parlementaires expliquaient il y a six mois ! Le gâchis est durable. Il s'agit d'une
    concession à l'idéologie libérale sans justification économique. Il s'agit aussi d'une remise en cause non dite
    d'une affirmation centrale de la pensée socialiste de notre époque face à l'économie capitaliste.

    l En effet, notre parti est passé de la doctrine de la propriété collective des moyens de production au
    système de l'économie mixte pour définir de quelle façon le socialisme pense pouvoir soumettre le
    développement économique aux objectifs du progrès collectif. Dans l'économie mixte, la propriété sociale de la
    Nation se donne les moyens d'orienter le développement. Entreprises publiques et entreprises privées y
    concourent. Pour être efficace, ce système demande à la fois de la souplesse, de la volonté et des moyens
    d'anticipation et d'orientation de la demande.. C'est pourquoi nous avons toujours critiqué la doctrine du "ni-ni"
    qui voulait figer les contours et les objectifs du secteur public dans les frontières prévues par le programme
    commun de 1972... inspiré par une autre logique. Nous avons toujours expliqué qu'il fallait pouvoir à la fois et
    privatiser et nationaliser pour faire vivre un système d'économie mixte entreprenant, performant et novateur.
    Certains découvrent aujourd'hui les vertus du "et-et'. Mais pour eux cette formule n'a qu'un sens : et privatiser et
    privatiser encore. Pour nous il s'agit de maintenir au coeur de la production, de l'échange et des services un pôle
    public fort et innovant. C'est à cette condition qu'il peut influencer profondément re modèle de développement et
    être assez attractif pour entraîner les entreprises privées dans son sillage. C'est exactement ce que faisait
    l'opérateur public de télécommunication vis-à-vis de dizaines d'entreprises privées. Ces dernières se sont ainsi
    élevées jusqu'aux premiers rangs mondiaux dans leurs spécialités pendant que France Telecom lui-même
    devenait le quatrième opérateur mondial de la branche.

    l L'affirmation selon laquelle introduire du capital privé dans une entreprise publique ce n'est pas privatiser
    c'était déjà l'argument de la droite qui prétendait ne faire que "sociétiser" quand elle a décidé d'ouvrir le capital de
    France Telecom. D'ailleurs, le Premier Ministre n'a pas caché dans son entretien au journal "Le Monde" qu'en
    cas de nouvelles recapitalisations, il ne s'opposerait pas toujours à ce que l'Etat devienne "arithmétiquement
    minoritaire". Quoi qu'il en soit, dès que le capital privé met le pied dans une entreprise publique c'est pour y faire
    du profit car c'est sa raison d'être. Pour que ce capital investi le demeure, la priorité va à sa rémunération. Tout le
    reste passe après. Et surtout les objectifs du service public. Et aussi le souci du long terme que tuera l'exigence
    de profit immédiat propre aux placements financiers privés. Nous sommes donc totalement opposés à ces
    privatisations et à la logique qu'elles impliquent.
    Nous demandons au contraire que le Plan soit rétabli dans toute sa force pour permettre de définir les objectifs
    de développement du pays. C'est le moyen de rendre à l'action publique le soin d'organiser les synergies entre
    le secteur public et privé. C'est la meilleure méthode pour pouvoir fondé sur le copinage. L'audiovisuel,
    l'armement et le secteur décider où il faut privatiser et où il faut nationaliser, non des eaux constituent à cet égard
    autant d'exemples pour boucler les fins de mois du budget ou pour faire des évocateurs... gesticulations
    idéologiques mais pour maîtriser l'avenir que nous voulons. Sinon qu'est-ce que le modèle socialiste en
    économie ?
    l La nécessité d'une politique industrielle concerne tous les pays de l'Union européenne. Mais, au regard des
    exigences qu'impose la mondialisation libérale, la simple juxtaposition des termes de "politique industrielle" et
    "d'Union Européenne" est paradoxale.
    Surtout depuis la mise en place des cadenas économiques européens de Dublin, Amsterdam et du Conseil
    Ecofin.
    En effet, la mondialisation économique et financière se construit sur la base du démantèlement des capacités
    d'intervention et de régulation des Etats-Nations. Or, la définition et la conduite d'une politique industrielle
    volontaire nécessitent l'élaboration de stratégies de long terme que seul l'Etat est capable de mettre en place.
    l C'est cette contradiction qu'il nous faut résoudre. Et les options pour y parvenir ne sont pas nombreuses.
    Soit on s'attache à remettre l'Etat au coeur des politiques industrielles, soit on considère que l'Etat doit rester
    absent de ce domaine. Mais même dans le second cas, il ne faut pas imaginer que les pouvoirs publics ne
    seront pas sollicités. Comme d'habitude, les fonds publics seront appelés à la rescousse pour panser les
    conséquences sociales des échecs industriels engendrés par la stricte vision de court terme qui caractérise,
    dans bien des cas, l'actionnariat privé. Aussi, il est indispensable de redonner à l'Etat la place qui lui revient. Il
    n'est pas ici question de reproduire le modèle d'intervention étatique qui prévaut encore trop souvent et qui
    consiste à élaborer un jeu complexe de mécano industriel fondé sur le copinage. L’audiovisuel , l’armement et le
    secteur des eaux constituent à cet égard autant d’exemples évocateurs...

    l Au contraire, redonner à l'Etat toute sa place, c'est lui permettre de disposer de l'autorité et des moyens
    nécessaires pour élaborer une politique industrielle volontaire, cohérente et continue, Les exemples de réussite
    que cette méthode a déjà permis dans le passé ne manquent pas. Pour les plus récents, les succès
    d'Ariane-Espace et Airbus-Industrie en témoignent. Au niveau européen, le traité CECA a permis une
    intervention publique créative dans des secteurs qui étaient vitaux à leur époque. Certes la réorganisation dans
    ces domaines a été très dure pour nombre de salariés et de régions. Mais des outils et des fonds d'intervention
    ont permis d'accompagner la mutation. Au début du siècle, abandonnée à la main invisible du marché, ce type de
    situation provoquait une guerre...
    Le besoin d'intervention de la puissance publique nationale et européenne n'est pas moindre aujourd'hui.
    L'exemple de la situation de l'industrie automobile est significatif. Il s'agit de répondre au défi de la compétition
    mondiale. Mais il faut aussi répondre à l'impératif écologique et donc fixer des normes pour lutter contre cette
    source majeure de pollution urbaine. Le marché seul est incapable de répondre à ces objectifs. Au contraire,
    avec l'accord d'ouverture totale du marché à l'automobile asiatique (moins chère) nous aurons bientôt davantage
    de pollution et de chômage. On ne passera pas en Europe à la voiture propre et sûre sans plan de
    développement ni sans investissements massifs garantis par la protection et la parole de l'Etat. Et c'est à cette
    condition que peuvent émerger de nouvelles techniques, un nouveau maillage d'entreprises innovantes, donc de
    nouveaux emplois.

    5. Oui il faut abroger le plan Juppé
    l Les partisans de la mondialisation libérale ont au moins deux bonnes raisons de vouloir le démantèlement
    des systèmes de Sécurité Sociale.
    L'une s'inscrit dans leur acharnement à baisser le coût global de la rémunération du travail et les budgets sociaux
    des Etats. L'autre vise à récupérer la masse financière de la protection sociale et à transférer le "marché" de la
    santé et de la retraite dans le secteur privé, lucratif et concurrentiel. Pour s'en convaincre, il suffit de voir
    comment les compagnies d'assurances, dont le groupe AXA est le porte-parole le plus offensif, se préparent à
    prendre le relais de la Sécurité Sociale !
    En matière de retraites, au système de répartition, on substitue progressivement et par le biais des fonds de
    pension un système de capitalisation. En matière de santé, on envisage une protection sociale à la carte, réduite à
    un socle de couverture sociale minimum, nommée «régime universel» par Bruxelles. Mais la part la plus
    importante des dépenses sera gérée par les compagnies d'assurance. Demain, vous pourriez avoir le choix de
    vous assurer comme votre voiture : "tous risques" ou "au tiers". Et comme c'est déjà la règle dans le monde de
    l'assurance, le montant des cotisations et le niveau des prestations seront déterminés selon le principe de la
    sélection des risques. Tel est l'avenir de notre système de protection sociale que trace la Commission
    Européenne. En effet elle a imposé par les directives relatives à l'assurance l'obligation pour les Etats membres
    d'organiser la libre concurrence entre tous les organismes agissant dans le champ de la santé et de la retraite.
    C'est la mort programmée à court terme de notre système mutualiste qui sera écrasé par la force de frappe
    financière des assurances privées. C'est la fin des principes de notre système de sécurité sociale universel et
    égalitaire qui assure aujourd'hui à tous une couverture sociale identique à laquelle chacun contribue en fonction
    de ses moyens.
    Déjà, l'égalité d'accès aux soins a été amoindrie par les augmentations successives du ticket modérateur.
    Demain, elle pourrait totalement disparaître si la santé ou la retraite devaient passer sous le contrôle du secteur
    privé et devenir un enjeu de profit pour ceux qui les gèrent.

    l C'est dans cette perspective que s'est inscrit le plan Juppé. Il a d'abord confisqué aux partenaires sociaux la
    gestion de la protection sociale, en transférant le financement sur la fiscalité et en donnant au Parlement le
    contrôle du budget. Chaque année, tant que le chômage de masse régnera (un million de chômeurs, c'est 50
    milliards de manque à gagner), il devra constater que les dépenses de santé sont supérieures aux recettes. On
    adaptera alors les dépenses aux recettes, en baissant le niveau de couverture sociale obligatoire. Les assurés
    auront donc une part croissante des dépenses à leur charge. Pour ceux qui en ont les moyens, les compagnies
    d'assurance seront là. Pour les autres...
    Dans la société du chômage, adapter les dépenses aux recettes tout en maintenant un niveau élevé de
    protection sociale est impossible. C'est la raison pour laquelle, comme deux grandes Confédérations
    syndicales, nous n'avons jamais accepté la C.S.G. C'est à nos yeux le moyen de la fiscalisation de la sécurité
    sociale. Et c'est aussi le transfert de gestion d'un acquis social des salariés vers des assemblées ou des
    majorités politiques, qui peuvent n'avoir de cesse que d'en finir avec la sécurité sociale. Bien sûr, il faut plus
    justement mobiliser les revenus qui ne proviennent pas du travail en direction du financement de la Sécurité
    Sociale. Mais c'est le rôle de 1,impôt. Rien n'empêche l'Etat d'abonder le budget de la protection sociale et de
    prélever à cette fin un impôt supplémentaire sur les revenus du capital. L'argument principal en faveur de la
    C.S.G. est de taxer les revenus du capital. Mais n'oublions pas que même avec la C.S.G., 85 % des recettes
    continueront de provenir des revenus du travail. Cette modification marginale de la répartition de la charge entre
    capital et travail valait-elle la peine qu'on en finisse avec un système qui a fait ses preuves ? On peut donc
    légitimement s'interroger sur le point de savoir si le but poursuivi par la mise en place de la C.S.G. est bien le but
    qui sera atteint.
    Les socialistes se sont prononcés pour un paritarisme rénové. La formule portait à interrogations. Mais nous voilà
    maintenant en situation de faire ce que nous avons dit. Quel "paritarisme rénové" entendons-nous mettre en
    place dans le cadre du plan Juppé qui a mis fin au paritarisme ? Nous proposons pour notre part de restituer aux
    partenaires sociaux la gestion de la Sécurité Sociale. Le Parti Socialiste se réclame souvent du courant
    social-démocrate. Cela devrait impliquer une certaine approche des rôles respectifs des pouvoirs publics et des
    syndicats. Il n'est pas très cohérent d'en appeler d'une part à une plus grande cogestion, de former le voeu de
    syndicats forts et de leur retirer d'autre part ce qui, en France, depuis 1945, est leur responsabilité et leur
    fonction de cogestion : la gestion paritaire de la sécurité sociale. Quoi de plus socialdémocrate en effet que le
    mode d'administration de la Sécurité Sociale issu du Conseil National de la Résistance ? Tant qu'à être de bons
    sociaux-démocrates rendons aux partenaires sociaux la gestion de la sécurité sociale!

    Le plan Juppé est aussi et surtout l'un des instruments des libéraux pour parvenir à une baisse drastique du
    niveau de protection sociale obligatoire. Sous couvert de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, le plan
    Juppé a ouvert de nombreuses brèches dans le système par le biais des filières de soins. Celles-ci permettent
    en effet à tout organisme de déroger aux règles en vigueur pour amener le patient à dépenser moins. Ainsi les
    compagnies d'assurance proposent aujourd'hui de se substituer aux caisses de Sécurité Sociale pour contrôler
    les dépenses des assurés en organisant leur propre offre de soins. C'est le système qui prévaut aux Etats-Unis.
    Il permet à l'assureur d'évaluer les soins auxquels un patient a droit, non pas en fonction de son état de santé,
    mais en fonction du niveau de sa couverture sociale. Cette couverture peut, selon les ressources du patient,
    inclure ou non l'hospitalisation, le scanner ou autre thérapie coûteuse.
    l Le plan Juppé, c'est enfin la poursuite de la remise en cause de retraite à 60 ans commencée sous Balladur.
    Nous devons ramener à 37,5 annuités la durée de la cotisation pour tous. Comment se priver d'une telle mesure
    quand on a pour priorité de lutter contre le chômage ?
    l L'avenir de l'hôpital public est tout autant menacé. Les fermetures et les regroupements d'unités se
    multiplient. La citoyenneté sanitaire, le droit égal d'accès aux soins reculent devant les exigences comptables.
    Comme nous l'avions prévu quand nous avons dénoncé le plan Juppé, les directeurs des agences hospitalières
    se comportent comme des préfets de la santé appliquant avant toute autre considération des consignes
    d'économie à tout va. Peu à peu dans les hôpitaux, toutes les activités qui ne sont pas directement médicales
    sont sous-traitées par des entreprises privées : entretien, blanchisserie, restauration. Il y a même des grands
    hôpitaux dans lesquels le malade doit apporter son thermomètre, son papier hygiénique, sa bouteille d'eau !
    Pendant ce temps, le développement du réseau privé continue de s'étendre et de prospérer. Il bénéficie
    souvent d'autorisations de lits ou d'ouvertures d'équipements qui sont refusées au service public du même
    secteur. Celui-ci par contre voit ses structures fusionnées et ses capacités d'accueil réduites. Les services
    d'urgences de l'hôpital public s'engorgent de tous les laissés pour compte de l'inégalité sanitaire et sociale. Aux
    portes des cliniques privées on demande d'abord la carte de crédit. Les fermetures d'unités entament à la fois
    l'égalité d'accès aux soins et l'aménagement du territoire. Car localement, l'hôpital, c'est aussi de l'emploi et de
    la qualité de vie qui ne sont jamais remplacés.
    Des millions de salariés ont refusé en décembre 1995 le plan Juppé. Ils ne se sont pas trompés. Le plan Juppé,
    c'est le cadre durable du démantèlement progressif de notre système de protection sociale. Voilà pourquoi il faut
    l'abroger.

    6 . Oui il faut abroger les lois Pasqua-Debré
    l L'immigration est-elle la cause du chômage ? L'immigration est-elle responsable de l'insécurité ?
    L'immigration est-elle capable de creuser les déficits sociaux ? L'immigration remet-elle en cause l'identité
    française ? Ces questions sont devenues pour beaucoup des affirmations sous l'influence du poison distillé par
    l'extrême droite dans notre pays. Les socialistes, eux, répondent par la négative. Pour notre part, nous
    contestons aussi l'idée convenue selon laquelle l'immigration doit être stoppée pour pouvoir intégrer les
    étrangers vivant déjà en France. Nous récusons ce lien entre crise économique et immigration, parce que cette
    logique conduit dans les textes de loi comme dans les pratiques administratives au soupçon à l'égard de tous les
    étrangers.

    l De ce point de vue nous ne contestons pas simplement tel ou tel dispositif des lois Pasqua-Debré mais leur
    fondement même rendu célèbre par la formule "Immigration Zéro". Pour maîtriser les flux migratoires et les
    organiser dans un cadre légal il faut commencer par reconnaître l'existence des différentes formes de
    l'immigration. D'abord celle du droit d'asile bien sûr. Puis celle du regroupement familial et du droit de vivre en
    famille, celle des étudiants, des chercheurs et des travailleurs qualifiés. Mais il y a aussi l'existence d'une
    immigration économique. On ne la fera pas disparaître simplement en la niant ou en la condamnant à vivre dans
    la clandestinité des sans-papiers. C'est pourquoi les socialistes s'étaient engagés à une refonte complète de la
    politique d'immigration. Nous voulions la lier à une nouvelle politique de coopération d'une part et d'intégration
    d'autre part. L'année dernière, des centaines de milliers de citoyens ont signé les pétitions et défilé dans les rues
    de France. Eux non plus, n'ont pas combattu simplement telle ou telle mesure de la loi Debré. Ils ont refusé la
    lente dérive qui de lois en lois a restreint chaque fois un peu plus les libertés et les droits des étrangers et
    finalement ceux de tous les citoyens. Cette révolte citoyenne contre une droite qui chassait sur les terres de
    l'extrême droite, était aussi une interpellation à l'égard de la gauche et des socialistes. Elle exprimait l'exigence
    que nous, socialistes, affirmions avec force nos valeurs et les principes de l'égalité des droits et de l'intégration
    républicaine. Aujourd'hui encore, la France des Droits de l'Homme n'attend pas d'un gouvernement de gauche
    un traitement simplement plus humanisé des lois Pasqua-Debré. Elle attend une autre logique qui garantisse
    pleinement les droits et libertés des étrangers vivant en France, qui instaure de nouvelles relations avec les pays
    du Sud et une nouvelle politique de co-développement.

    l Pour cela il faut réaffirmer sans complexe que l'immigration n'est pas un danger pour notre pays et montrer
    au contraire combien elle reste, aujourd'hui comme hier, une chance et une richesse pour la France. Il faut donc
    reconnaître l'existence d'une immigration économique et lui fournir un cadre légal transparent. Entre le
    démagogue "des papiers pour tous", qui déboucherait sur une immigration livrée sans protection à l'exploitation
    économique et au contournement généralisé du droit du travail d'une part, et le non moins démagogue
    "Immigration Zéro" d'autre part, les socialistes doivent ouvrir une nouvelle voie vers une immigration régulée. Elle
    doit être conçue comme un des instruments d'une nouvelle politique de coopération avec les pays du Sud. Cette
    nouvelle politique de coopération doit tourner le dos à l'échange inégal qui saigne l'économie du tiers-monde, et à
    l'alibi humanitaire qui cache de plus en plus mal la démission des Etats des pays riches face à l'enfer du
    sous-développement.
    Cette nouvelle politique passe aussi chez nous par la relance d'une vraie politique d'intégration républicaine qui
    refuse la logique des ghettos dans laquelle on enferme des millions d'habitants de nos banlieues.
    Le droit du sol doit s'appliquer pleinement dès la naissance. Car la France républicaine ne saurait accepter de
    distinction entre les enfants nés en France qui soit fondée sur le sang, l'éthnicité, les différences d'origine ou de
    confessions. Faire vivre la République et ses valeurs dans l'esprit de ses enfants, c'est rétablir les fondements
    de la Nation citoyenne, c'est accueillir dans la communauté nationale tous ceux qui naissent et vivent en France.
    Au-delà même du rétablissement du droit du sol, l'accès à la nationalité française doit encore être encouragé, les
    naturalisations facilitées, les tracasseries administratives supprimées, pour tous ceux qui vivent depuis de si
    longues années dans notre pays et dont l'avenir et celui de leur famille est de toute évidence en France. Voilà
    pourquoi l'abrogation des lois Pasqua-Debré et Méhaignerie n'est pas qu'un débat sémantique ou la
    revendication de "moines copistes", mais la condition sine qua non pour engager une nouvelle politique. En
    refusant d'abroger ces lois, on ne prend pas simplement le risque de décevoir un large secteur du mouvement
    social, de blesser des centaines de milliers de consciences, de maintenir dans l'insécurité les immigrés, et de
    repousser celles et ceux qui attendaient cet acte fort de la gauche. On prend surtout le risque de laisser la voie
    libre au Front National.
    En droit, supprimer c'est abroger. &e contenter d'aménager sans abroger le reste des dispositions des lois
    antérieures c'est les proroger.
    Dans ce domaine comme dans d'autres, la recherche du consensus à tout prix sur le terrain de
    l'adversaire et la demi-mesure se paieront de leur lot d'expulsions, d'injustices, d'atteintes à la dignité pour des
    milliers d'hommes et de femmes qui vivent dans notre pays. Pour chaque socialiste, ce serait renoncer à une part
    de ce qui est au coeur de son engagement, c'est-à-dire à une certaine idée de la République, des droits de
    l'homme et du citoyen. Il faut abroger les lois Pasqua-Debré.

    7 . Oui il faut le modèle républicain qui est l'identité de la France
    l A quoi sert de voter si les parlementaires ne peuvent rien contre la toute puissance des marchés ? La
    démocratie meurt à petit feu parce que cette question reste sans réponse. Puisque tout devient marchandise, le
    citoyen cède progressivement le premier rôle au client.
    En France, la crise de la démocratie devient une crise de l'identité nationale. Car la citoyenneté est bien
    la base de notre identité. La Nation française contrairement à nombre d'autres n'est cimentée ni par une religion,
    ni par une ethnie dominante, ni même par une langue. Elle résulte d'un long effort réalisé pour dépasser tous les
    humus qui la composent et former une communauté légale laï que. Chez nous, c'est bien la République qui
    fonde la Nation et non l'inverse. C'est de cette façon notamment que nous sommes en mesure de garantir des
    capacités d'intégration indispensables dans un pays où un habitant sur quatre compte au moins un grand parent
    étranger. C'est aussi pourquoi, au fil de son histoire, la République française a progressivement affirmé dans
    ses Constitutions qu'aucun domaine et notamment celui de l'économie n'échappait à ses délibérations. Et c'est
    encore parce que la communauté légale est la seule référence normative que notre identité nationale se
    construit autour de droits, garantis par la loi, dont chacun peut être bénéficiaire à égalité. C'est tout cela qui est en
    jeu aujourd'hui.

    l Les institutions sous lesquelles nous vivons aggravent le dépérissement de la démocratie. La Vê-e
    République organise méthodiquement le contournement de la délibération citoyenne. En concentrant l'essentiel
    du pouvoir réel sur le Président de la République, elle a anémié toute capacité d'intervention concrète et efficace
    des citoyens et d'abord de leurs représentants au parlement. Elle a aussi, en trente ans, diffusé dans tous les
    compartiments de la vie publique une culture d'autorité et de déresponsabilisation. Elle contribue grandement à
    affaiblir l'esprit civique pourtant décisif quand une démocratie doit affronter des défis comme ceux qui nous sont
    lancés aujourd'hui. Ainsi ont été progressivement asphyxiés tous les contre-pouvoirs citoyens. Enfin la rencontre
    de la présidentialisation de nos institutions avec l'hyper-médiatisation de notre époque a aggravé la
    personnalisation de tous les débats de fond. Elle les a vidés de leur contenu réel au profit d'une compétition
    dérisoire des techniques d'apparence et de petites phrases.

    Concentrée au sommet, cette organisation du pouvoir était déjà limitée dans son action par le cadre européen
    d'un côté et par la décentralisation de l'autre. Elle l'est encore plus à présent parce qu'elle est prise à revers.
    Avec les cohabitations à répétition, les stratégies d'empêchement dominent le haut de la pyramide du pouvoir. Le
    conflit de légitimité tend à devenir permanent. Le système perd alors la substance même de l'efficacité qu'il
    prétendait incarner. En mars 1998, sur une décennie, sept années auront eu lieu en régime de cohabitation !
    Dans cette situation et face à la mondialisation