Congrès de Brest - 23 novembre 1997
La Gauche Socialiste vous présente sa motion
La gauche doit réussir. Ce défi repose principalement sur nous, les socialistes, car notre parti assume la
première place à gauche et au gouvernement. Nous connaissons notre responsabilité commune : vaincre le
chômage de masse qui fait le lit de l'extrême droite. C'est cela le véritable enjeu de notre Congrès. Chaque vote
est utile: nous allons faire un choix pour trois ans. Notre Congrès ne doit pas être réduit à un jeu de rôles ou de
chaises musicales. La situation dans laquelle nous vivons confronte chaque socialiste à son devoir de sincérité et
de responsabilité.
l La défaite électorale que la droite vient de subir est avant tout la traduction de l'état d'urgence sociale dans
laquelle se trouve le pays. Ni le retour de la gauche au pouvoir, ni les bons sondages du gouvernement n'ont
transformé la France en une démocratie apaisée. Au contraire. L'attente sociale est plus forte que jamais. La
pression des milieux financiers et patronaux est exacerbée par la peur des décisions de la majorité de gauche.
L'influence du Front National s'étend sur une droite de plus en plus complaisante et, pour partie, prête à l'alliance.
l Dans cette situation tout tient en un impératif : en finir d'urgence avec le chômage de masse. Le plan emploi
jeunes suscite de grands espoirs dans les familles. L'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire et les
ouvertures de classes supplémentaires ont satisfait bien des parents et des enseignants. Mais les satisfecit
doivent-ils empêcher de dire à haute voix que sur des questions essentielles les réponses qui ont été données
ne sont pas à la hauteur des défis qui nous sont lancés ? En acceptant, à Amsterdam, l'Europe du pacte de
stabilité, déclarant que 35 heures payées 39 n'aurait jamais été notre mot d'ordre, en continuant les privatisations
prévues par la droite, en laissant fermer Vilvoorde, en refusant l'abrogation des lois Pasqua-Debré ou celle du
plan Juppé sur la Sécurité Sociale en surfant sur le populisme contre les enseignants, nous ne créons pas le
rapport de force dont un gouvernement de gauche a besoin pour affronter efficacement les exigences de la
mondialisation libérale. Peut-on à la fois répondre à l'urgence sociale et accepter le carcan de l'Europe
monétariste 7 Peut-on s'attaquer au chômage de masse et accepter le dogme de la baisse du coût du travail et
de la flexibilité ? Peut-on vouloir peser sur le modèle de développement économique du pays et renoncer à la
maîtrise publique des fleurons du secteur nationalisé ?
l Certes, nous savons que pour réussir, une action gouvernementale demande de la durée. Mais cette durée
doit être mise au service des changements de cap radicaux qu'il faut opérer dès maintenant. Différer c'est
s'enliser. Nous ne disons pas "tout, tout de suite", nous disons "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras": c'est en
début de mandat qu'il faut ancrer les objectifs pour se donner les moyens de les atteindre dans la durée. Les
concessions hâtives ne créent pas les compromis durables. Or, la réussite d'un gouvernement de gauche réside
dans sa capacité à imposer un nouveau compromis social au patronat et au capital financier. Car la mondialisation
libérale conduit une guerre sans relâche contre les salariés, leurs acquis sociaux et contre l'autorité des
Etats-Nations qui régulent aujourd'hui les rapports sociaux. Une crise profonde est ainsi ouverte dans tous les
pays. Peut-on l'ignorer ? Pense-t-on l'apaiser par des concessions ou doit-on assumer la confrontation ? Là est
l'alternative, là est notre divergence.
l Trop de responsables de la social-démocratie européenne conçoivent leur action comme un
accompagnement social de la mondialisation libérale. La puissance du mouvement socialiste doit
permettre autre chose. Nous pensons, pour notre part avec d'autres en Europe, que le rôle de la gauche est
d'organiser la résistance et de réaliser de nouvelles conquêtes sociales. Cette résistance est à la fois
idéologique, sociale et politique. Les dogmes des libéraux, flexibilité, libre concurrence, équité ne sont pas les
nôtres. Nous refusons de soumettre la compatibilité des conquêtes sociales aux exigences économiques de la
mondialisation libérale. Nous n'acceptons pas de troquer les principes de la République contre le modèle de
société anglo-saxon. Nous en tenons bec et ongles pour une République sociale et européenne.
l Nous devons assurer la réussite de la gauche car il y a urgence. Une course de vitesse est engagée. Il y a
urgence parce que les diktats de la mondialisation libérale ont déjà désarticulé les acquis sociaux, culturels,
économiques de dizaines de pays dans le monde. Il y a urgence, parce que si nous échouons, J'extrême droite
se tient prête. Souvenons-nous que notre victoire électorale est fragile. La majorité de la gauche tient à trente
sièges d'avance. Mais 23 d'entre eux ont été acquis dans un face à face avec le Front National et 32 avec moins
de 45 % des voix dans des triangulaires. Voilà pourquoi ce congrès ne doit être ni une formalité statutaire ni une
grand-messe unanimiste " Le congrès doit au contraire formuler un message clair. Il doit aussi relayer les
demandes et les critiques du peuple de gauche qui doit pouvoir se reconnaître dans nos travaux. Il doit produire
librement sa propre appréciation de la situation. On nous dit parfois qu'il serait "trop tôt pour exprimer des
critiques et des alternatives". Le prochain congrès est dans trois ans. Il sera alors trop tard. Quand la gauche est
au pouvoir, nous avons besoin d'un parti de débat capable d'assumer dans la sérénité ses divergences pour
trouver les moyens de les dépasser. Car c'est de l'avenir concret de notre République dont il est question. La
responsabilité de chacun des militants socialistes est donc engagée, dès maintenant.
l Au cours des trois conventions, la Gauche Socialiste a exposé des analyses globales. Elles sont à présent
connues. Certaines ont été largement reprises dans les textes définitifs du Parti. Ce n'est pas l'objet du congrès
de reprendre ces débats. A cet instant nous rie cherchons pas à confronter des théories générales ni à présenter
un programme complet, D'ailleurs les divergences ne concernent pas tous les sujets. Dans notre texte, nous
partons des questions concrètes que l'actualité des premiers mois de la gauche au pouvoir a soulevées.
l Souvenons-nous ! C'était hier. Les 35 heures hebdomadaires sans réduction de salaire : tous nos candidats
s'y sont engagés. La rupture avec l'Europe libérale et les quatre conditions pour changer de cap européen : ce
fut le coup d'envoi de la campagne législative par Lionel Jospin à l'émission «7 sur 7». L'arrêt des privatisations :
nous l'avons proclamé publiquement pour affirmer notre volonté de défendre le secteur public. L'abrogation des
lois Pasqua-Debré : nous l'avons voulue avec des centaines de milliers de jeunes et de citoyens. L'abrogation
du Plan Juppé : 70 % de l'opinion soutenait la revendication de plus de deux millions de manifestants. C'était le
premier coup porté par le mouvement social au gouvernement après la victoire de Chirac. Ces thèmes de
campagne, nous en avons débattus dans nos trois conventions. Nous les avons portés haut et clair : nous
savions que les Français attendaient de la gauche qu'elle affiche franchement sa volonté de rompre avec le
libéralisme.
l La gauche aurait-elle été victorieuse si nous nous étions présentés devant les citoyens en leur expliquant
que les 35 heures payées 39 n'étaient pas notre mot d'ordre, que les privatisations sont une exigence de la
compétitivité internationale, que l'Europe libérale est intangible, que l'abrogation des lois Pasqua-Debré relève
de la sémantique, que nous serions fidèles au Plan Juppé et que Vilvoorde serait fermé ? On peut en douter,
L'exigence que nous ne fassions pas «la même politique que les autres», et que nous ne soyons pas «comme
avant » a fixé les termes du contrat que nous avons conclu avec le pays.
l C'est pourquoi les réponses proposées dans cette motion dessinent une autre cohérence d'action que celle
qui est à l'oeuvre. Nous l'assumons. Pour la gauche française et européenne, il y a bien deux cohérences
possibles: l'accompagnement social de la mondialisation libérale ou l'action pour inverser la tendance. Ce débat
a déjà lieu dans tous les partis de la social-démocratie européenne. En France aussi, les socialistes doivent en
débattre et choisir.
1. Oui il faut les 35 heures hebdomadaires tout de suite, sans perte de salaire.
l La France compte cinq millions de chômeurs et deux millions de précaires. Là est l'origine du ma qui mine
tous les rapports sociaux. Plus de trois millions de personnes ne perçoivent pour vivre que des revenus e
minima sociaux compris entre 1.311 F. et 3.433 F. mensuels. Avec leurs familles, six millions de personnes,
adultes et enfants, sont enfermées dans la misère au coeur d'un pays qui n'a jamais été aussi riche de toute son
histoire. Le chômage ne nuit pas qu'aux chômeurs. Il nuit aussi à l'école, à la sécurité sociale, à nos quartiers. Il
produit misère, trafic de drogue, ghettos, racisme et xénophobie. Des millions de gens souffrent durement,
chaque jour.
l Nous n'acceptons donc pas le discours fataliste de certains de nos responsables. Faudrait-il, a l'instar du
ministre de l'Economie, se résigner à constater que le chômage se situera, "à la fin de ce cycle, à un niveau
supérieur à celui qu'il avait atteint à la fin du cycle précédent', soit un peu moins de 12 % ? S'adapter à ses
pseudo contraintes c'est s'enfoncer toujours plus dans la société des ghettos, des violences, de la vie au rabais.
l A crise exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle qui provoque un choc et renversé la tendance. Il
ne suffira pas d'attendre la croissance américaine, de parier sur l'évolution des taux de change ou d'en appeler à
la bonne volonté des chefs d'entreprise. L'Etat doit prendre toutes ses responsabilités. L'urgence sociale est
aussi une urgence politique- La République se meurt lorsqu'elle renonce à s'attaquer de front à "l'horreur
économique" qui prive de ses droits élémentaires une part aussi importante de la population. Les socialistes ont
dit et répété que la diminution massive du temps de travail sans perte de salaire était la réponse essentielle et
durable au défi du chômage de masse. Ils l'ont promis dans leur programme. Les électeurs se sont prononcés,
C'est donc au gouvernement d'engager par la loi la réduction de la durée du travail à 35 h. hebdomadaires, pour
tous, tout de suite, sans perte de salaire. Ici, chaque mot compte.
l 1,4 millions d'emplois sont créés si les 35 h. légales sont mises en oeuvre rapidement, c'est ce qu'affirme
l'O. F.C.E et il faudrait y ajouter les 680.000 emplois aujourd'hui occupés en heures supplémentaires. Si, au
contraire, le passage aux 35 heures est étalé dans le temps, gains de productivité et réorganisations du travail
limiteront les effets en embauche. La loi doit être d'application immédiate pour imposer et fixer le cadre des
négociations. Ces dernières ne doivent porter que sur la mise en application de la loi et non sur son contenu Car
les durées du travail sont une règle essentielle de la concurrence. Une règle d'ordre public ne peut être laissée à
l'appréciation des branches et des entreprises. L'Etat doit en être le garant. Mais c'est aussi un ensemble global
de décisions qui doivent être prises en même temps pour que la réduction de la durée légale du travail soit
totalement efficace. Ainsi par exemple la loi doit fixer, non seulement les durées légales à 35 h. hebdomadaires
et 8 h. quotidiennes mais aussi les durées maxima hebdomadaires à 40 h. et quotidiennes à 9 h. (elles sont
aujourd'hui de 48 h. et 10 h.). Les heures supplémentaires doivent être contingentées fermement à 5 h. maxima
par semaine et 100 h. maxima dans l'année. Elles doivent être rendues plus coûteuses que l'embauche (200 %
dès la première heure supplémentaire).
l C'est à l'Etat d'aider les entreprises pour que cette formidable réduction du temps de travail soit pleinement
créatrice d'emplois. Les aides doivent être différenciées selon les seuils sociaux, plus fortes pour les petites
que pour les moyennes entreprises. Ces aides doivent être strictement contrôlées, et absolument
subordonnées au respect du Code du travail. Un grand service public unique de l'emploi contribuera à mettre en
oeuvre ce grand chantier, notamment pour le million d'entreprises de moins de 10 salariés et pour les 150 000
entreprises de 11 à 49 salariés qui font déjà travailler la moitié du salariat du privé. Une régie nationale du travail,
intégrée dans ce service public, prendra en charge la gestion et le placement des embauches donnant lieu à
exonération de cotisations sociales ou à subvention.
Le financement de ces aides nécessite une redistribution fiscale. On peut y faire face en portant à 50 % le taux
d'imposition sur les sociétés qui a été réduit à 33 % et en mutualisant ces recettes nouvelles pour les emplois
nouveaux. L'engagement de notre programme d'asseoir les cotisations sociales patronales sur la valeur ajoutée
et de modifier aussi dans ce sens l'assiette de la taxe professionnelle doit ici venir compléter ce dispositif et
aider les P.M.E. et les entreprises de main d'oeuvre à faire face.
Cet ensemble de mesures forme un tout cohérent et indissociable autour des 35 heures hebdomadaires sans
perte de salaire.
l Nous alertons : les conditions d'un marchandage inacceptable entre les salaires et l'emploi sont mises en
place dès lors que l'on met en débat dans une même conférence ces deux questions et celle de la réduction du
temps de travail. On sait d'avance de quel côté le patronat voit les "coins de ciel bleu". On sait quelles
résistances acharnées il organise. On connaît la menace : l'exigence d'annualisation et de flexibilité du temps de
travail est déjà annoncée par le patronat. L'annualisation du temps de travail doit être clairement repoussée. Car
l'annualisation c’est pour les salariés une vie totalement soumise aux besoins de l'entreprise. Pour nous, chaque
être humain a droit à un repos quotidien et hebdomadaire, à organiser sa vie, à pouvoir exercer ses
responsabilités de parent et son engagement dans la cité. Seules les durées légales, quotidiennes et
hebdomadaires, du travail garantissent ces droits fondamentaux. L'annualisation du temps de travail est un piège
pour les salariés. L'annualisation c'est de la flexibilité, qui sert à faire travailler les gens tantôt 32 h. tantôt 48 h. et à
rendre ainsi les heures supplémentaires invisibles et impayées. Elle pressure ainsi davantage les salariés et
permet d'éviter les embauches.
l La flexibilité crée du chômage. La réglementation crée de l'emploi, quand elle protège les droits des
salariés. C'est pourquoi elle doit garantir sans faille le droit pour chaque salarié à deux jours de repos
consécutifs. Elle doit encadrer strictement le travail posté qu'il soit de nuit, du dimanche ou en équipe. Elle doit
permettre de stopper l'hémorragie des licenciements de masse : un nouveau contrôle administratif sur les
licenciements doit être immédiatement mis en place. La démocratie sociale doit s'exercer pleinement et
disposer des moyens de se faire respecter. C'est pourquoi notamment la loi doit élargir les droits des élus du
personnel et renforcer les moyens de l'inspection du travail. Il y a tant d'injustices à faire cesser ! Un exemple,
parmi cent, qui dure contre toute logique - est-il admissible que 2/3 des minima conventionnels soient inférieurs
au SMIC alors qu'ils devraient être automatiquement alignés sur lui par la loi ? Restaurer le droit du travail, c'est
bien restaurer le droit au travail pour tous. N'est-ce pas ce que des millions de salariés et de chômeurs attendent
en priorité et en urgence de la gauche ? Différer, étaler, ce serait de nouveau s'enliser dans le "traitement social
du chômage" sans s'attaquer à ses racines.
l Le passage aux 35 heures, la perspective des 32 heures (comme convenu dans notre accord avec les
verts), c'est tout un choix de société. Il n'est pas plus "anti-économique" que les congés payés ou le droit à la
retraite. Au contraire. Il débouche sur une relance de l'activité économique par l'augmentation de la masse
salariale et l'ouverture de nouveaux champs d'activités liés au temps libre. Car le temps libéré produira de
nouvelles demandes, de nouvelles normes de consommation. Il ouvrira un espace nouveau à l'initiative privée
comme à celle de la puissance publique pour proposer d'autres biens et services et donc de l'activité et de
l'emploi supplémentaires. Et cela c'est aussi de nouvelles recettes pour la sécurité sociale et pour le budget de
l'Etat.
Dans l'entreprise la baisse massive du temps de travail oblige à repenser l'organisation de la vie au travail. De
l'utilisation des machines en passant par la définition des objectifs de production, tout doit être redéfini. Face à
ces défis, les relations sociales dans l'entreprise, le dialogue et la concertation deviendront un enjeu immédiat
du développement de chaque société. D'autant que l'évolution technique promet de nouveaux gains
considérables de productivité et d'accroissement des capacités de création de richesse. D'ici la fin du siècle de
nouvelles mutations sont annoncées qui vont approfondir cette tendance dans des proportions aujourd'hui
presque inimaginables. Dès lors le plein emploi serait définitivement impossible si on en reste aux conditions
actuelles de répartition du temps de travail. Il s'agit donc bel et bien de refuser un modèle de société
durablement clivée entre exclus et intégrés. Les socialistes doivent alors porter clairement leur choix. Ils doivent
prouver qu'on peut saisir la chance qui se présente de vivre autrement, avec moins de temps contraint.
Davantage de temps libre choisi permet d'inventer une autre manière de vivre. C'est ainsi créer l'environnement
pour un authentique modèle de développement humain propice à la créativité de chacun qui est la force d'une
société moderne. Réduire le temps de travail massivement, et pour tous, est aussi un bon moyen de lutter contre
les tentatives actuelles de renvoyer les femmes à la maison. Car le temps libre ainsi dégagé permettra une
meilleure conciliation de la vie familiale, de la vie professionnelle et de la vie sociale. Il rend possible un partage
plus égalitaire des tâches et des responsabilités familiales, une participation plus active à la vie civique.
La réduction massive du temps de travail sans perte de salaire, c'est techniquement et politiquement la seule
solution qui n'ait pas été essayée, qui n'ait jamais été mise en oeuvre. Ceux qui la critiquent et prétendent qu'elle
n'est pas possible, sont aussi ceux qui défendent des formules qui ont déjà toutes échoué.
2 . Oui il faut rompre avec la construction libérale de l'Europe, scellée à Dublin et Amsterdam
A Amsterdam, une étape décisive de la mise en place de l'Europe libérale a été franchie avec l'accord du
gouvernement de gauche français. Le pacte de stabilité signé à Dublin et dénoncé à l'époque par Lionel Jospin
comme un "super-Maastricht" a été ratifié.
l Le Pacte de stabilité oblige à rester ficelé pour toujours dans le corset des critères de Maastricht qui ont eu
largement le temps de prouver combien ils sont antisociaux et anti-croissance. Ce Pacte impose de poursuivre
de façon encore plus drastique (il y aura des amendes pour les contrevenants...) leur mise en oeuvre, après la
mise en place de l'Euro. Pourtant, au moment de sa signature en décembre 1996 à Dublin, les socialistes avaient
dit du Pacte de stabilité qu'il était incompatible avec le programme de relance sociale et de redistribution qu'ils
venaient d'adopter. On ne voit pas par quel effet magique il serait devenu plus compatible maintenant que la
gauche est au pouvoir.
Le gouvernement français a donc accepté cette Europe fonctionnant, sous pilotage libéral automatique,
comme une vaste zone de libre échange. Les gouvernements nationaux y sont définitivement dépossédés de
toute marge budgétaire tandis que la monnaie est gérée par une banque centrale totalement indépendante.
Aucune norme sociale européenne contraignante n'est mise en place concernant les salaires minimums, la
réduction du temps de travail, la démocratie sociale et les droits des travailleurs dans l'entreprise.
On nous dit que la résolution "Emploi, compétitivité et croissance" adoptée à Amsterdam est censée
contrebalancer le Pacte de stabilité. Pourtant, elle fixe ouvertement l'objectif d'améliorer « employabilité », de
rendre la main-d’oeuvre plus "adaptable", de baisser la fiscalité et les cotisations liées à la protection sociale,
d'encourager au développement du temps partiel. Ce n'est pas pour ça que les députés de gauche ont été élus.
l C'est la fin de toutes les illusions. L'échec du pari de Maastricht est complet Pour certains, Maastricht ne
devait être qu'une contrainte passagère, un compromis conjoncturel. En contrepartie il y aurait une coordination
des politiques économiques, l'avancée dans l'intégration politique et de grands travaux d'infrastructure pour la
relance et l'emploi. De contreparties il n'est plus question. Avec la ratification du Pacte et le traité d'Amsterdam,
on est passé à un véritable modèle permanent de société libérale. D'ailleurs, après la signature d'Amsterdam, les
ministres européens de l'économie et des finances réunis le 13 septembre dernier ont mis la touche finale au
verrouillage libéral de la construction européenne. A cette occasion le gouvernement français a renoncé de fait à
deux des quatre conditions posées pour le passage à la monnaie unique. Il n'y aura pas de "gouvernement
économique". Pas même un « pôle économique ». Tout juste une concertation épisodique, sans calendrier fixe,
des seuls ministres des finances pour dialoguer sans obligation de décision. De plus la fixation du taux de
change de l'Euro ne sera plus décidée par les politiques comme l'exigeait la quatrième condition que posait le
programme des socialistes. C'est la banque centrale indépendante qui en jugera. La France gouvernée à gauche
a donc renoncé à établir une autorité politique contrebalançant celle de la toute puissante banque centrale
"indépendante". Elle a accepté de renforcer le pouvoir de celle-ci. Ainsi, les libéraux seront parvenus à imposer
l'un de leurs objectifs principaux : débarrasser l'économie de toute intervention politique des citoyens et de toute
garantie sociale. Ils ont réussi à créer les conditions d'une économie où les hommes doivent "s'adapter". Ceux-ci
sont alors voués à n'être plus que les pièces jetables mises à la disposition de la fameuse main invisible de
l'économie de marché.
l Les conséquences de ce dispositif sont claires. A l'échelle d'un Etat ou au niveau de l'Union européenne,
quand un gouvernement ne peut plus décider ni de son budget ni de sa monnaie, il ne peut pas conduire une
véritable politique de régulation. Il ne peut décider ni relance ni investissements sociaux et publics dans les
secteurs stratégiques au service de la croissance et de l'emploi.
Dans ces conditions, la politique budgétaire se limite à des redéploiements dans une enveloppe de plus en plus
restreinte. Et par conséquent la flexibilité du travail devient la principale variable d'ajustement. Dans de telles
contraintes budgétaires, les efforts de redistribution et les mesures de fiscalité du capital ne contribuent pas à
financer la relance ou l'emploi mais à combler le déficit. Les 22 milliards prélevés par l'augmentation de l'impôt
sur les sociétés pour boucher les trous interdits par le pacte de stabilité financeraient pourtant 220 000 emplois
jeunes ! Dans ces conditions, la politique de redistribution se réduit à reporter toujours plus sur les salariés le
coût social de l'exclusion, sans ponctionner le capital qui, parce qu'il est mobile et volatil serait intouchable. Tout
se tient. Ainsi, même si officiellement le produit des privatisations n'est pas censé entrer dans la comptabilité
des critères de convergence, dans le cadre des contraintes budgétaires imposées par le Pacte de stabilité, on
ne peut que privatiser France Telecom pour viser les 3,0 % en 1998 et on ne peut que privatiser Thomson et Air
France en contrepartie de leurs recapitalisations.
l De même, a moment ou l’on a besoin de services publics de qualité et des investissements nécessaires à
leur modernisation, ceux-ci sont contraints de réduire leur champ d'intervention, diminuer leurs prestations,
précariser leurs personnels, ouvrir le capital, privatiser. Ainsi, c'est mettre sous critère de rentabilité marchande la
satisfaction de besoins individuels et collectifs qui devraient être accessibles à tous : éducation, garde des
enfants, logement, énergie, santé, culture, transport en commun de qualité, accès aux télécommunications
modernes.
Que ces services publics relèvent de l'administration ou des grandes entreprises du secteur public, ce sont leurs
principes les plus essentiels qui sont en cause à partir du moment où les créneaux rentables sont repris par le
marché. L'égalité d'accès, la péréquation tarifaire sociale et géographique, l'aménagement du territoire, les
investissements de long terme en fonction des intérêts de la Nation et non de la rentabilité immédiate, rien de
tout cela ne sera plus vraiment la norme.
l En agriculture aussi, les contraintes imposées par le pacte de stabilité, le blocage politique des institutions
européennes, l'élargissement aux pays de l'Est tel qu'il s'initie et le projet de démantèlement de la politique
agricole commune constituent les facettes d'une même politique.
La production agricole et les milieux ruraux ont besoin d'une autre politique opposée à la logique libérale
de démantèlement des mécanismes européens de gestion des marchés et d'alignement des prix sur les prix
mondiaux, telle qu'elle est mise en oeuvre notamment par la commission européenne sous la pression des
Etats-Unis, en vue des prochaines négociations de l'O.M.C. La politique de prix agricoles doit refléter le choix de
la collectivité de garantir à ses agriculteurs un certain niveau de rémunération du travail
Dans ce contexte, la politique européenne favorise quelques dizaines de milliers de grandes
exploitations alors qu'un actif agricole non salarié sur deux a un revenu inférieur au SMIC et que des zones
entières se désertifient entraînant une remise en cause des services publics. La chute de l'emploi agricole de
trois à un million d'actifs en vingt ans est liée à une politique d'aides publiques injuste (20 % des agriculteurs
reçoivent 80 % des aides).
Mais, l'Europe doit aussi cesser ses politiques de subventions aux exportations et de dumping sur les
marchés mondiaux : dans de nombreux pays du Tiers-Monde soumis aux diktats du FMI et à la libéralisation des
échanges, l'affaiblissement des cours mondiaux lamine les sociétés rurales et bloque leur développement. Où
sont les accords de partenariat qui devraient être négocies avec ces pays, dans le cadre d'une politique de
coopération rénovée ? C'est au contraire les accords de Lomé qui risquent de ne pas être reconduits, c'est
l'O.M.C. qui impose un alignement sur les exigences américaines comme on vient de le voir pour le commerce
de la banane.
Une politique alternative impliquerait de réaliser une redistribution massive des aides publiques au profit
des exploitations et des régions les plus fragiles grâce à un plafonnement des aides tenant compte de
l'occupation du territoire et du nombre d'actifs . Dès aujourd'hui, le ministère de l'agriculture devrait maintenir son
projet de rendement de référence unique pour les aides céréalières. Mais comment promouvoir une agriculture
au service de la collectivité, c'est-à-dire innovante et peuplante, fondée sur des productions de qualité, la mise en
valeur de l'espace et la coopération s'il n'existe aucune puissance publique européenne ?
l Voilà le bilan. L'Europe devait être le cadre permettant d'imposer un nouveau modèle social face à la
mondialisation libérale. Elle devient au contraire l'instrument qui permet de lever les dernières résistances
persistant au niveau national. Désormais tout sera réversible et éphémère: des statuts professionnels bidons, de
moins en moins de protection sociale obligatoire et de service public.
l Lionel Jospin nous a interrogés lors du Conseil national du Parti socialiste du 5 juillet dernier : "Fallait-il
ouvrir une crise institutionnelle, européenne et monétaire dès la naissance du gouvernement de la gauche
plurielle ?". Il nous a encouragés à mener le débat d'idées jusqu'au bout : "il ne suffit pas de critiquer, il faut
expliquer ce qu'il aurait fallu faire, ce qu'il faudrait faire". Notre réponse est "Oui, il faut faire face à cette crise".
Car elle serait salutaire. Mieux vaut une crise maîtrisée avec une perspective européenne claire qu'une crise
larvée comme celle que nous subissons et qui fait le lit des nationalismes et de l'extrême droite partout en
Europe. Il faut en passer par là pour sauver l'Europe, pour la construire sur de nouvelles bases qui répondent aux
aspirations des peuples qui la composent et pas seulement aux exigences des financiers. C'est là notre "choix
de civilisation", pour reprendre une excellente expression de notre campagne électorale.
Oui, car au nom du chantage aux risques que nous ferait courir une crise, cela fait trop longtemps qu'on nous fait
avaler les couleuvres de l'Europe libérale. A présent, c'est la couleuvre qui nous avale. Oui, enfin, car le débat
est ouvert partout en Europe. Particulièrement par la gauche allemande à propos du respect ou non des critères
de convergence. Et il ne se limite pas comme certains veulent le faire croire à la défense fétichiste du
Deutschemark. Il porte bel et bien sur la défense du modèle social conquis depuis la fin de la deuxième guerre.
Les peuples européens ont tourné les yeux vers le nouveau gouvernement français. Ils espèrent qu'il aidera à
desserrer l'étau d'austérité et à repousser le credo libéral qui les accablent. La gauche française n'est pas seule
dans ce bras de fer. Il est encore temps, avant le sommet européen pour l'emploi, avant le passage à l'Euro de
faire émerger un cours nouveau. Cela dépend de nous.
Au parlement, les députés de gauche ne doivent pas ratifier le pacte de Dublin accepté à Amsterdam.
3 Oui il faut l'Europe politique des citoyens !
l A Amsterdam, le gouvernement français a aussi accepté les conclusions de la Conférence
Intergouvernementale (C.I.G.) qui devait proposer de nouvelles institutions européennes avant l'élargissement
de la communauté. En fait, c'est le vide. L'Europe reste sans institutions politiques démocratiques, capables
d'exprimer la volonté de ses peuples. Le capital financier peut imposer ses conditions, personne n'est en état de
les encadrer. Pour nous, il est clair que l'échec politique de l'Europe est contenu dans les choix libéraux - le
pacte d'austérité scellé à Dublin débouche naturellement sur l'absence d'institutions citoyennes. S'il y en avait, le
pacte pourrait être remis en cause par le vote des peuples. C'est une illustration très claire de ce que nous avons
analysé à l'occasion de la Convention socialiste sur la mondialisation : dans le nouvel âge du capitalisme
l'intégration économique ne produit plus d'intégration politique. Au contraire.
l Pour nous, le moment est venu de dire que les Français n'acceptent plus aucun élargissement de la
Communauté, aucun transfert de souveraineté tant qu'une constitution européenne n'est pas débattue et
adoptée par les peuples de l'Union. Il n'est plus acceptable que le droit communautaire étende continuellement
son emprise dans tous les domaines sans qu'il trouve sa source dans le suffrage universel direct qu'expriment
les parlementaires européens. Pour les européens, l'exigence de citoyenneté, de transparence, de contrôle n'a
jamais été aussi forte. Pourtant, chaque jour directives et règlements façonnent le profil de l'Europe sans que les
citoyens, les associations, les syndicats n'aient voix au chapitre. Les lobbies, eux, sont tout puissants. Le
libéralisme a inventé son Big Brother pour faire respecter sa loi.
l L'Europe politique et le pouvoir du parlement européen sont les seuls moyens institutionnels qui peuvent
permettre de construire démocratiquement l'Europe des droits sociaux. Faire passer l'objectif des Etats-Unis
d'Europe du stade des voeux pieux à celui de la réalité exige que la France propose une alternative à cette
situation.
l Il faut donc changer de stratégie de construction européenne. Commençons par nous rappeler pourquoi
nous voulons faire l'Europe. Nous la voulons pour garantir la paix sur le vieux continent, pour protéger et
développer le modèle social et politique que nos peuples ont conquis de haute lutte, pour offrir au monde un
point d'appui et un modèle alternatif à celui qu'imposent et dominent sans partage les Etats-Unis. d'Amérique.
Notre choix est donc d'abord politique. C'est un choix de gauche. C'est avec les moyens de la politique que
nous pourrons le faire triompher.
Sans Europe politique, l'Europe n'est rien. Sinon le cheval de Troie de la mondialisation libérale. Pourtant nous
ne manquons pas d'atouts pour ouvrir une alternative. L'Europe politique est possible. Comme l'Europe du
marché commun, elle peut commencer par un premier cercle qui va de l'avant pour entraîner les autres. Dans la
zone de libre-échange qu'est l'Europe actuelle il y a place pour un noyau fédéral intégré. En Allemagne comme
en France nombreux sont les responsables politiques de tous bords qui y sont prêts. Il y a fort à parier que si la
proposition en était clairement faite, c'est une majorité de pays qui voudraient y répondre positivement- C'est à la
France gouvernée à gauche de proposer cette alternative.
l C'est à elle encore de faire vivre l'objectif de l'Europe sociale. A Amsterdam, le principe d'un sommet
européen pour la croissance et l'emploi a été fixé à sa demande. Mais la résolution qui l'annonce fixe comme
perspective "l'amélioration de l'employabilité" et de "l'adaptabilité des salaires", la "baisse des coûts de travail" et
la "modernisation de la protection sociale"... On sait ce que ces mots veulent dire en langue normale : flexibilité,
précarité et réduction de la protection sociale. A la France gouvernée à gauche de mener la contre-offensive.
Encore faut-il que les objectifs soient sans ambiguï té. A nous de porter l'exigence des critères de convergence
sociale pour répondre à la menace de dumping social qui pèsera toujours plus fort dès lors que dans le marché
unique il y aura monnaie unique !
Ici, la première des exigences pour répondre à ce défi, pour garantir à la fois l'emploi, les acquis sociaux et la
loyauté des règles de la concurrence est l'instauration d'un salaire minimum européen (le SMIC européen à
1.000 Euros).
Et la bataille pour la réduction du temps de travail doit aussi être portée au niveau européen. Les représentants
du gouvernement français doivent donner un débouché politique aux mobilisations des syndicats européens sur
ce thème. Sinon, comment répondre pleinement aux questions que pose sur le plan de la concurrence le
passage aux 35 heures en France ?
Enfin l'harmonisation fiscale européenne ne doit plus être un souci réservé aux questions concernant le capital.
Elle doit profiter aux salariés dans leur vie quotidienne.
Quatre sujets au moins sont concernés :
- la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité (voire l'instauration d'un taux zéro)
- la baisse de la TVA dans les secteurs d'activité très créateurs d'emplois (bâtiments, travaux publics,
etc.)
- la taxation des mouvements de capitaux et des placements financiers à l'intérieur de l'Union pour limiter
des dérives spéculatives.
- l'instauration d'éco-taxes et de socio-taxes aux frontières de l'Union face aux productions ne respectant
pas les normes sociales du BIT ou les normes écologiques de l'Union, pour assurer la loyauté de la
concurrence et pousser à l'ajustement par le haut des normes sociales dans le monde.
l Pour atteindre nos objectifs, il faut obtenir des institutions qui permettent l'exercice de la souveraineté
populaire par l'intermédiaire des députés européens. Et cela signifie la tenue d'une Assemblée Constituante
européenne. Il faut sauver l'Europe. Au parlement, il ne faut pas ratifier les conclusions de la C.I.G. La France
doit proposer à tous ses partenaires un mémorandum portant de nouvelles propositions pour allez vers l'Europe
politique et sociale.
4. Oui il faut cesser de privatiser à tout va et faire vivre une vraie politique industrielle
l Coup sur coup tous les processus de privatisation décidés sous le gouvernement Juppé viennent d'être
confirmés par le gouvernement de gauche. France Telecom et Air France voient leur capital ouvert au privé. Les
derniers morceaux du secteur public bancaire sont vendus. D'autres branches d'activités vont suivre. La réforme
de la SNCF préparant la privatisation potentielle de l'exploitation des lignes est confirmée. Ces décisions
contredisent totalement les engagements de la campagne électorale, les combats des députés et sénateurs de
gauche, les résultats des mobilisations incessantes menées par les syndicats, le travail de tous les groupes
d'entreprises du parti. C'est une situation démoralisante pour des milliers de salariés à qui de surcroît aucune
explication n'a été donnée. Elle l'est aussi pour tous ceux qui n'ont jamais accepté le "bla-bla" libéral. C'est
surtout une situation lourde de dangers pour l'avenir : la logique du profit va dominer, entre autres, les secteurs
des transports ou des télécommunications, aux dépens des exigences d'aménagement du territoire ou d'égalité
d'accès aux biens et services. Point n'est besoin de développer. Chaque militant n'a qu'à se reporter à ce que
tout le parti et tous nos parlementaires expliquaient il y a six mois ! Le gâchis est durable. Il s'agit d'une
concession à l'idéologie libérale sans justification économique. Il s'agit aussi d'une remise en cause non dite
d'une affirmation centrale de la pensée socialiste de notre époque face à l'économie capitaliste.
l En effet, notre parti est passé de la doctrine de la propriété collective des moyens de production au
système de l'économie mixte pour définir de quelle façon le socialisme pense pouvoir soumettre le
développement économique aux objectifs du progrès collectif. Dans l'économie mixte, la propriété sociale de la
Nation se donne les moyens d'orienter le développement. Entreprises publiques et entreprises privées y
concourent. Pour être efficace, ce système demande à la fois de la souplesse, de la volonté et des moyens
d'anticipation et d'orientation de la demande.. C'est pourquoi nous avons toujours critiqué la doctrine du "ni-ni"
qui voulait figer les contours et les objectifs du secteur public dans les frontières prévues par le programme
commun de 1972... inspiré par une autre logique. Nous avons toujours expliqué qu'il fallait pouvoir à la fois et
privatiser et nationaliser pour faire vivre un système d'économie mixte entreprenant, performant et novateur.
Certains découvrent aujourd'hui les vertus du "et-et'. Mais pour eux cette formule n'a qu'un sens : et privatiser et
privatiser encore. Pour nous il s'agit de maintenir au coeur de la production, de l'échange et des services un pôle
public fort et innovant. C'est à cette condition qu'il peut influencer profondément re modèle de développement et
être assez attractif pour entraîner les entreprises privées dans son sillage. C'est exactement ce que faisait
l'opérateur public de télécommunication vis-à-vis de dizaines d'entreprises privées. Ces dernières se sont ainsi
élevées jusqu'aux premiers rangs mondiaux dans leurs spécialités pendant que France Telecom lui-même
devenait le quatrième opérateur mondial de la branche.
l L'affirmation selon laquelle introduire du capital privé dans une entreprise publique ce n'est pas privatiser
c'était déjà l'argument de la droite qui prétendait ne faire que "sociétiser" quand elle a décidé d'ouvrir le capital de
France Telecom. D'ailleurs, le Premier Ministre n'a pas caché dans son entretien au journal "Le Monde" qu'en
cas de nouvelles recapitalisations, il ne s'opposerait pas toujours à ce que l'Etat devienne "arithmétiquement
minoritaire". Quoi qu'il en soit, dès que le capital privé met le pied dans une entreprise publique c'est pour y faire
du profit car c'est sa raison d'être. Pour que ce capital investi le demeure, la priorité va à sa rémunération. Tout le
reste passe après. Et surtout les objectifs du service public. Et aussi le souci du long terme que tuera l'exigence
de profit immédiat propre aux placements financiers privés. Nous sommes donc totalement opposés à ces
privatisations et à la logique qu'elles impliquent.
Nous demandons au contraire que le Plan soit rétabli dans toute sa force pour permettre de définir les objectifs
de développement du pays. C'est le moyen de rendre à l'action publique le soin d'organiser les synergies entre
le secteur public et privé. C'est la meilleure méthode pour pouvoir fondé sur le copinage. L'audiovisuel,
l'armement et le secteur décider où il faut privatiser et où il faut nationaliser, non des eaux constituent à cet égard
autant d'exemples pour boucler les fins de mois du budget ou pour faire des évocateurs... gesticulations
idéologiques mais pour maîtriser l'avenir que nous voulons. Sinon qu'est-ce que le modèle socialiste en
économie ?
l La nécessité d'une politique industrielle concerne tous les pays de l'Union européenne. Mais, au regard des
exigences qu'impose la mondialisation libérale, la simple juxtaposition des termes de "politique industrielle" et
"d'Union Européenne" est paradoxale.
Surtout depuis la mise en place des cadenas économiques européens de Dublin, Amsterdam et du Conseil
Ecofin.
En effet, la mondialisation économique et financière se construit sur la base du démantèlement des capacités
d'intervention et de régulation des Etats-Nations. Or, la définition et la conduite d'une politique industrielle
volontaire nécessitent l'élaboration de stratégies de long terme que seul l'Etat est capable de mettre en place.
l C'est cette contradiction qu'il nous faut résoudre. Et les options pour y parvenir ne sont pas nombreuses.
Soit on s'attache à remettre l'Etat au coeur des politiques industrielles, soit on considère que l'Etat doit rester
absent de ce domaine. Mais même dans le second cas, il ne faut pas imaginer que les pouvoirs publics ne
seront pas sollicités. Comme d'habitude, les fonds publics seront appelés à la rescousse pour panser les
conséquences sociales des échecs industriels engendrés par la stricte vision de court terme qui caractérise,
dans bien des cas, l'actionnariat privé. Aussi, il est indispensable de redonner à l'Etat la place qui lui revient. Il
n'est pas ici question de reproduire le modèle d'intervention étatique qui prévaut encore trop souvent et qui
consiste à élaborer un jeu complexe de mécano industriel fondé sur le copinage. L’audiovisuel , l’armement et le
secteur des eaux constituent à cet égard autant d’exemples évocateurs...
l Au contraire, redonner à l'Etat toute sa place, c'est lui permettre de disposer de l'autorité et des moyens
nécessaires pour élaborer une politique industrielle volontaire, cohérente et continue, Les exemples de réussite
que cette méthode a déjà permis dans le passé ne manquent pas. Pour les plus récents, les succès
d'Ariane-Espace et Airbus-Industrie en témoignent. Au niveau européen, le traité CECA a permis une
intervention publique créative dans des secteurs qui étaient vitaux à leur époque. Certes la réorganisation dans
ces domaines a été très dure pour nombre de salariés et de régions. Mais des outils et des fonds d'intervention
ont permis d'accompagner la mutation. Au début du siècle, abandonnée à la main invisible du marché, ce type de
situation provoquait une guerre...
Le besoin d'intervention de la puissance publique nationale et européenne n'est pas moindre aujourd'hui.
L'exemple de la situation de l'industrie automobile est significatif. Il s'agit de répondre au défi de la compétition
mondiale. Mais il faut aussi répondre à l'impératif écologique et donc fixer des normes pour lutter contre cette
source majeure de pollution urbaine. Le marché seul est incapable de répondre à ces objectifs. Au contraire,
avec l'accord d'ouverture totale du marché à l'automobile asiatique (moins chère) nous aurons bientôt davantage
de pollution et de chômage. On ne passera pas en Europe à la voiture propre et sûre sans plan de
développement ni sans investissements massifs garantis par la protection et la parole de l'Etat. Et c'est à cette
condition que peuvent émerger de nouvelles techniques, un nouveau maillage d'entreprises innovantes, donc de
nouveaux emplois.
5. Oui il faut abroger le plan Juppé
l Les partisans de la mondialisation libérale ont au moins deux bonnes raisons de vouloir le démantèlement
des systèmes de Sécurité Sociale.
L'une s'inscrit dans leur acharnement à baisser le coût global de la rémunération du travail et les budgets sociaux
des Etats. L'autre vise à récupérer la masse financière de la protection sociale et à transférer le "marché" de la
santé et de la retraite dans le secteur privé, lucratif et concurrentiel. Pour s'en convaincre, il suffit de voir
comment les compagnies d'assurances, dont le groupe AXA est le porte-parole le plus offensif, se préparent à
prendre le relais de la Sécurité Sociale !
En matière de retraites, au système de répartition, on substitue progressivement et par le biais des fonds de
pension un système de capitalisation. En matière de santé, on envisage une protection sociale à la carte, réduite à
un socle de couverture sociale minimum, nommée «régime universel» par Bruxelles. Mais la part la plus
importante des dépenses sera gérée par les compagnies d'assurance. Demain, vous pourriez avoir le choix de
vous assurer comme votre voiture : "tous risques" ou "au tiers". Et comme c'est déjà la règle dans le monde de
l'assurance, le montant des cotisations et le niveau des prestations seront déterminés selon le principe de la
sélection des risques. Tel est l'avenir de notre système de protection sociale que trace la Commission
Européenne. En effet elle a imposé par les directives relatives à l'assurance l'obligation pour les Etats membres
d'organiser la libre concurrence entre tous les organismes agissant dans le champ de la santé et de la retraite.
C'est la mort programmée à court terme de notre système mutualiste qui sera écrasé par la force de frappe
financière des assurances privées. C'est la fin des principes de notre système de sécurité sociale universel et
égalitaire qui assure aujourd'hui à tous une couverture sociale identique à laquelle chacun contribue en fonction
de ses moyens.
Déjà, l'égalité d'accès aux soins a été amoindrie par les augmentations successives du ticket modérateur.
Demain, elle pourrait totalement disparaître si la santé ou la retraite devaient passer sous le contrôle du secteur
privé et devenir un enjeu de profit pour ceux qui les gèrent.
l C'est dans cette perspective que s'est inscrit le plan Juppé. Il a d'abord confisqué aux partenaires sociaux la
gestion de la protection sociale, en transférant le financement sur la fiscalité et en donnant au Parlement le
contrôle du budget. Chaque année, tant que le chômage de masse régnera (un million de chômeurs, c'est 50
milliards de manque à gagner), il devra constater que les dépenses de santé sont supérieures aux recettes. On
adaptera alors les dépenses aux recettes, en baissant le niveau de couverture sociale obligatoire. Les assurés
auront donc une part croissante des dépenses à leur charge. Pour ceux qui en ont les moyens, les compagnies
d'assurance seront là. Pour les autres...
Dans la société du chômage, adapter les dépenses aux recettes tout en maintenant un niveau élevé de
protection sociale est impossible. C'est la raison pour laquelle, comme deux grandes Confédérations
syndicales, nous n'avons jamais accepté la C.S.G. C'est à nos yeux le moyen de la fiscalisation de la sécurité
sociale. Et c'est aussi le transfert de gestion d'un acquis social des salariés vers des assemblées ou des
majorités politiques, qui peuvent n'avoir de cesse que d'en finir avec la sécurité sociale. Bien sûr, il faut plus
justement mobiliser les revenus qui ne proviennent pas du travail en direction du financement de la Sécurité
Sociale. Mais c'est le rôle de 1,impôt. Rien n'empêche l'Etat d'abonder le budget de la protection sociale et de
prélever à cette fin un impôt supplémentaire sur les revenus du capital. L'argument principal en faveur de la
C.S.G. est de taxer les revenus du capital. Mais n'oublions pas que même avec la C.S.G., 85 % des recettes
continueront de provenir des revenus du travail. Cette modification marginale de la répartition de la charge entre
capital et travail valait-elle la peine qu'on en finisse avec un système qui a fait ses preuves ? On peut donc
légitimement s'interroger sur le point de savoir si le but poursuivi par la mise en place de la C.S.G. est bien le but
qui sera atteint.
Les socialistes se sont prononcés pour un paritarisme rénové. La formule portait à interrogations. Mais nous voilà
maintenant en situation de faire ce que nous avons dit. Quel "paritarisme rénové" entendons-nous mettre en
place dans le cadre du plan Juppé qui a mis fin au paritarisme ? Nous proposons pour notre part de restituer aux
partenaires sociaux la gestion de la Sécurité Sociale. Le Parti Socialiste se réclame souvent du courant
social-démocrate. Cela devrait impliquer une certaine approche des rôles respectifs des pouvoirs publics et des
syndicats. Il n'est pas très cohérent d'en appeler d'une part à une plus grande cogestion, de former le voeu de
syndicats forts et de leur retirer d'autre part ce qui, en France, depuis 1945, est leur responsabilité et leur
fonction de cogestion : la gestion paritaire de la sécurité sociale. Quoi de plus socialdémocrate en effet que le
mode d'administration de la Sécurité Sociale issu du Conseil National de la Résistance ? Tant qu'à être de bons
sociaux-démocrates rendons aux partenaires sociaux la gestion de la sécurité sociale!
Le plan Juppé est aussi et surtout l'un des instruments des libéraux pour parvenir à une baisse drastique du
niveau de protection sociale obligatoire. Sous couvert de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, le plan
Juppé a ouvert de nombreuses brèches dans le système par le biais des filières de soins. Celles-ci permettent
en effet à tout organisme de déroger aux règles en vigueur pour amener le patient à dépenser moins. Ainsi les
compagnies d'assurance proposent aujourd'hui de se substituer aux caisses de Sécurité Sociale pour contrôler
les dépenses des assurés en organisant leur propre offre de soins. C'est le système qui prévaut aux Etats-Unis.
Il permet à l'assureur d'évaluer les soins auxquels un patient a droit, non pas en fonction de son état de santé,
mais en fonction du niveau de sa couverture sociale. Cette couverture peut, selon les ressources du patient,
inclure ou non l'hospitalisation, le scanner ou autre thérapie coûteuse.
l Le plan Juppé, c'est enfin la poursuite de la remise en cause de retraite à 60 ans commencée sous Balladur.
Nous devons ramener à 37,5 annuités la durée de la cotisation pour tous. Comment se priver d'une telle mesure
quand on a pour priorité de lutter contre le chômage ?
l L'avenir de l'hôpital public est tout autant menacé. Les fermetures et les regroupements d'unités se
multiplient. La citoyenneté sanitaire, le droit égal d'accès aux soins reculent devant les exigences comptables.
Comme nous l'avions prévu quand nous avons dénoncé le plan Juppé, les directeurs des agences hospitalières
se comportent comme des préfets de la santé appliquant avant toute autre considération des consignes
d'économie à tout va. Peu à peu dans les hôpitaux, toutes les activités qui ne sont pas directement médicales
sont sous-traitées par des entreprises privées : entretien, blanchisserie, restauration. Il y a même des grands
hôpitaux dans lesquels le malade doit apporter son thermomètre, son papier hygiénique, sa bouteille d'eau !
Pendant ce temps, le développement du réseau privé continue de s'étendre et de prospérer. Il bénéficie
souvent d'autorisations de lits ou d'ouvertures d'équipements qui sont refusées au service public du même
secteur. Celui-ci par contre voit ses structures fusionnées et ses capacités d'accueil réduites. Les services
d'urgences de l'hôpital public s'engorgent de tous les laissés pour compte de l'inégalité sanitaire et sociale. Aux
portes des cliniques privées on demande d'abord la carte de crédit. Les fermetures d'unités entament à la fois
l'égalité d'accès aux soins et l'aménagement du territoire. Car localement, l'hôpital, c'est aussi de l'emploi et de
la qualité de vie qui ne sont jamais remplacés.
Des millions de salariés ont refusé en décembre 1995 le plan Juppé. Ils ne se sont pas trompés. Le plan Juppé,
c'est le cadre durable du démantèlement progressif de notre système de protection sociale. Voilà pourquoi il faut
l'abroger.
6 . Oui il faut abroger les lois Pasqua-Debré
l L'immigration est-elle la cause du chômage ? L'immigration est-elle responsable de l'insécurité ?
L'immigration est-elle capable de creuser les déficits sociaux ? L'immigration remet-elle en cause l'identité
française ? Ces questions sont devenues pour beaucoup des affirmations sous l'influence du poison distillé par
l'extrême droite dans notre pays. Les socialistes, eux, répondent par la négative. Pour notre part, nous
contestons aussi l'idée convenue selon laquelle l'immigration doit être stoppée pour pouvoir intégrer les
étrangers vivant déjà en France. Nous récusons ce lien entre crise économique et immigration, parce que cette
logique conduit dans les textes de loi comme dans les pratiques administratives au soupçon à l'égard de tous les
étrangers.
l De ce point de vue nous ne contestons pas simplement tel ou tel dispositif des lois Pasqua-Debré mais leur
fondement même rendu célèbre par la formule "Immigration Zéro". Pour maîtriser les flux migratoires et les
organiser dans un cadre légal il faut commencer par reconnaître l'existence des différentes formes de
l'immigration. D'abord celle du droit d'asile bien sûr. Puis celle du regroupement familial et du droit de vivre en
famille, celle des étudiants, des chercheurs et des travailleurs qualifiés. Mais il y a aussi l'existence d'une
immigration économique. On ne la fera pas disparaître simplement en la niant ou en la condamnant à vivre dans
la clandestinité des sans-papiers. C'est pourquoi les socialistes s'étaient engagés à une refonte complète de la
politique d'immigration. Nous voulions la lier à une nouvelle politique de coopération d'une part et d'intégration
d'autre part. L'année dernière, des centaines de milliers de citoyens ont signé les pétitions et défilé dans les rues
de France. Eux non plus, n'ont pas combattu simplement telle ou telle mesure de la loi Debré. Ils ont refusé la
lente dérive qui de lois en lois a restreint chaque fois un peu plus les libertés et les droits des étrangers et
finalement ceux de tous les citoyens. Cette révolte citoyenne contre une droite qui chassait sur les terres de
l'extrême droite, était aussi une interpellation à l'égard de la gauche et des socialistes. Elle exprimait l'exigence
que nous, socialistes, affirmions avec force nos valeurs et les principes de l'égalité des droits et de l'intégration
républicaine. Aujourd'hui encore, la France des Droits de l'Homme n'attend pas d'un gouvernement de gauche
un traitement simplement plus humanisé des lois Pasqua-Debré. Elle attend une autre logique qui garantisse
pleinement les droits et libertés des étrangers vivant en France, qui instaure de nouvelles relations avec les pays
du Sud et une nouvelle politique de co-développement.
l Pour cela il faut réaffirmer sans complexe que l'immigration n'est pas un danger pour notre pays et montrer
au contraire combien elle reste, aujourd'hui comme hier, une chance et une richesse pour la France. Il faut donc
reconnaître l'existence d'une immigration économique et lui fournir un cadre légal transparent. Entre le
démagogue "des papiers pour tous", qui déboucherait sur une immigration livrée sans protection à l'exploitation
économique et au contournement généralisé du droit du travail d'une part, et le non moins démagogue
"Immigration Zéro" d'autre part, les socialistes doivent ouvrir une nouvelle voie vers une immigration régulée. Elle
doit être conçue comme un des instruments d'une nouvelle politique de coopération avec les pays du Sud. Cette
nouvelle politique de coopération doit tourner le dos à l'échange inégal qui saigne l'économie du tiers-monde, et à
l'alibi humanitaire qui cache de plus en plus mal la démission des Etats des pays riches face à l'enfer du
sous-développement.
Cette nouvelle politique passe aussi chez nous par la relance d'une vraie politique d'intégration républicaine qui
refuse la logique des ghettos dans laquelle on enferme des millions d'habitants de nos banlieues.
Le droit du sol doit s'appliquer pleinement dès la naissance. Car la France républicaine ne saurait accepter de
distinction entre les enfants nés en France qui soit fondée sur le sang, l'éthnicité, les différences d'origine ou de
confessions. Faire vivre la République et ses valeurs dans l'esprit de ses enfants, c'est rétablir les fondements
de la Nation citoyenne, c'est accueillir dans la communauté nationale tous ceux qui naissent et vivent en France.
Au-delà même du rétablissement du droit du sol, l'accès à la nationalité française doit encore être encouragé, les
naturalisations facilitées, les tracasseries administratives supprimées, pour tous ceux qui vivent depuis de si
longues années dans notre pays et dont l'avenir et celui de leur famille est de toute évidence en France. Voilà
pourquoi l'abrogation des lois Pasqua-Debré et Méhaignerie n'est pas qu'un débat sémantique ou la
revendication de "moines copistes", mais la condition sine qua non pour engager une nouvelle politique. En
refusant d'abroger ces lois, on ne prend pas simplement le risque de décevoir un large secteur du mouvement
social, de blesser des centaines de milliers de consciences, de maintenir dans l'insécurité les immigrés, et de
repousser celles et ceux qui attendaient cet acte fort de la gauche. On prend surtout le risque de laisser la voie
libre au Front National.
En droit, supprimer c'est abroger. &e contenter d'aménager sans abroger le reste des dispositions des lois
antérieures c'est les proroger.
Dans ce domaine comme dans d'autres, la recherche du consensus à tout prix sur le terrain de
l'adversaire et la demi-mesure se paieront de leur lot d'expulsions, d'injustices, d'atteintes à la dignité pour des
milliers d'hommes et de femmes qui vivent dans notre pays. Pour chaque socialiste, ce serait renoncer à une part
de ce qui est au coeur de son engagement, c'est-à-dire à une certaine idée de la République, des droits de
l'homme et du citoyen. Il faut abroger les lois Pasqua-Debré.
7 . Oui il faut le modèle républicain qui est l'identité de la France
l A quoi sert de voter si les parlementaires ne peuvent rien contre la toute puissance des marchés ? La
démocratie meurt à petit feu parce que cette question reste sans réponse. Puisque tout devient marchandise, le
citoyen cède progressivement le premier rôle au client.
En France, la crise de la démocratie devient une crise de l'identité nationale. Car la citoyenneté est bien
la base de notre identité. La Nation française contrairement à nombre d'autres n'est cimentée ni par une religion,
ni par une ethnie dominante, ni même par une langue. Elle résulte d'un long effort réalisé pour dépasser tous les
humus qui la composent et former une communauté légale laï que. Chez nous, c'est bien la République qui
fonde la Nation et non l'inverse. C'est de cette façon notamment que nous sommes en mesure de garantir des
capacités d'intégration indispensables dans un pays où un habitant sur quatre compte au moins un grand parent
étranger. C'est aussi pourquoi, au fil de son histoire, la République française a progressivement affirmé dans
ses Constitutions qu'aucun domaine et notamment celui de l'économie n'échappait à ses délibérations. Et c'est
encore parce que la communauté légale est la seule référence normative que notre identité nationale se
construit autour de droits, garantis par la loi, dont chacun peut être bénéficiaire à égalité. C'est tout cela qui est en
jeu aujourd'hui.
l Les institutions sous lesquelles nous vivons aggravent le dépérissement de la démocratie. La Vê-e
République organise méthodiquement le contournement de la délibération citoyenne. En concentrant l'essentiel
du pouvoir réel sur le Président de la République, elle a anémié toute capacité d'intervention concrète et efficace
des citoyens et d'abord de leurs représentants au parlement. Elle a aussi, en trente ans, diffusé dans tous les
compartiments de la vie publique une culture d'autorité et de déresponsabilisation. Elle contribue grandement à
affaiblir l'esprit civique pourtant décisif quand une démocratie doit affronter des défis comme ceux qui nous sont
lancés aujourd'hui. Ainsi ont été progressivement asphyxiés tous les contre-pouvoirs citoyens. Enfin la rencontre
de la présidentialisation de nos institutions avec l'hyper-médiatisation de notre époque a aggravé la
personnalisation de tous les débats de fond. Elle les a vidés de leur contenu réel au profit d'une compétition
dérisoire des techniques d'apparence et de petites phrases.
Concentrée au sommet, cette organisation du pouvoir était déjà limitée dans son action par le cadre européen
d'un côté et par la décentralisation de l'autre. Elle l'est encore plus à présent parce qu'elle est prise à revers.
Avec les cohabitations à répétition, les stratégies d'empêchement dominent le haut de la pyramide du pouvoir. Le
conflit de légitimité tend à devenir permanent. Le système perd alors la substance même de l'efficacité qu'il
prétendait incarner. En mars 1998, sur une décennie, sept années auront eu lieu en régime de cohabitation !
Dans cette situation et face à la mondialisation