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jeannette bougrab

  • La fin de l'homme politique avocat ?

    Depuis l’affaire Cahuzac, la notion de conflit d’intérêt revient au cœur du débat comme une des facettes de la corruption ou des mélanges de genre créant la suspicion sur la probité des décideurs publics.

    Au lendemain de la confession cathodique de Cahuzac, le gouvernement a pris une mesure forte : supprimer la mesure adoptée dans les derniers mois du quinquennat de Sarkozy qui offrait à ses parlementaires, anciens Ministres, et attachés parlementaires la possibilité de se reconvertir en tant qu’Avocat sans formation ni examen spécifiques.

    Cette mesure était perçue comme un passe-droit et un privilège pour une classe politique déconsidérée, elle était inacceptable et humiliante en ce qu’elle laissait à penser que quelques années en politique pouvait remplacer le long et laborieux parcours d’accès à la profession d’Avocat ; surtout, elle négligeait le fait que pour devenir Avocat les étudiants bénéficient de cours de déontologie et d’une épreuve à fort coefficient dans ce domaine.

    Cette mesure s’inscrivait aussi dans un timing où la profession cherche à limiter son accès en augmentant les frais et en réfléchissant à l’instauration d’un numerosclosus.

    Le Décret passerelle abrogé

    Aujourd’hui, tenant la promesse de François Hollande candidat et celle de Christiane Taubira rappelée lors de la rentrée solennelle du Barreau de Paris le gouvernement a officiellement abrogé le décret passerelle du 3 avril 2012 qui instaurait un nouvel accès dérogatoire à la profession d'avocat au profit des parlementaires par le Décret n° 2013-319 du 15 avril 2013 supprimant les conditions particulières d'accès à la profession d'avocat des personnes exerçant des responsabilités publiques.

    Pour le Bâtonnier de Paris, Christiane Féral-Schuhl, cet « accès dérogatoire » était « injuste et préjudiciable tant à l'image de (la) profession qu'à la qualité de l'accompagnement des justiciables ».

    Avocat, la reconversion en vogue

    De nombreux responsables politiques ont bénéficié de ce décret ou de bienveillance pour obtenir le droit de porter la précieuse Robe noire et surtout de rejoindre avec leurs carnets d’adresses des Cabinets d’Avocats.

    François Baroin (UMP), Hervé de Charrette, Dominique de Villepin, Rachida Dati, Frédéric Lefebvre (UMP), Jean Glavany (PS), Christophe Caresche (PS), Noël Mamère (Verts), Claude Guéant (UMP) et Jeannette Bougrab (UMP) sont devenus Avocats après leur passage en politique. Selon la Commission de réflexion sur la prévention des conflits d’intérêts, beaucoup ont pu devenir Avocat « sans posséder toutes les expériences ou les diplômes requis » (http://www.liberation.fr/politiques/01012306582-au-barreau-de-paris-des-deputes-un-peu-trop-portes-sur-la-robe).

    Avec cette abrogation, le Conseil de l'Ordre départemental conserve la maîtrise de son Tableau (l’inscription au Barreau) en émettant un avis favorable ou défavorable susceptible d'appel.

    La prochaine étape consiste maintenant à réformer les possibilités d’exercice de la profession d’‘Avocat et d’élu de la République.

     

  • IL FAUT SAUVER LA HALDE !


    L’Union européenne a fait de la lutte contre les discriminations liées à l’origine raciale ou ethnique ; la religion ou les convictions ; le handicap ; l’orientation sexuelle; l’âge une de ses priorités. Depuis 2000, de nouvelles Lois ou directives communautaires ont été promulguées dans le domaine de la lutte contre la discrimination comme la directive 2000/43/CE relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique et la directive 2000/78/CE relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.


    Après avoir longtemps tardé à admettre l’existence de discriminations quotidiennes et massives dans la société française, les décideurs publics ont commencé à en mesurer l’importance au début des années 2000 avec les campagnes citoyennes d’interpellation des pouvoirs publics et de « testing » ainsi que sous l’influence du droit communautaire.


    Grace à l’action de l’association SOS Racisme et de chercheurs comme Patrick Simon, François Clerc, Gwénaële Calves et Jean-François Amadieu, la nécessité et l’urgence de la lutte contre les discriminations ont été insérées dans l’agenda gouvernemental.
    En France, « le testing » a été reconnu comme un mode preuve recevable et loyal par un arrêt du 11 juin 2002 de la Cour de Cassation, avant de faire l’objet d’une consécration législative (la Loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006 a introduit dans le Code pénal un article 225-3-1 relatif aux tests de discrimination).


    Le Président de la République française, Jacques Chirac, a fait voté et promulgation en 2004 la Loi portant création de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE), Haute autorité administrative et indépendante compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la Loi ou par un engagement international auquel la France est partie.


    La HALDE est habilitée à mener des auditions et des enquêtes, elle peut transmettre des dossiers au Procureur de la République, elle a une mission d'information et de promotion de l'égalité, elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire, et remet chaque année un rapport – rendu public – rendant compte de l'exécution de ses missions. Elle vise également à identifier et promouvoir les bonnes pratiques pour faire entrer dans les faits le principe d’égalité.


    Cette création s’inscrit dans la continuité du Groupe d’étude et de lutte contre les discriminations GELD et de son fameux numéro vert d’orientation des victimes. Bien entendu, les organisations antiracistes et syndicales ont salué cette création comme une victoire symbolique très importante tout en restant prudentes quant à la réalité de l’étendue de son pouvoir.


    Surtout, la décision de confier à une autorité administrative et non à l’autorité judiciaire la charge de la lutte contre les discriminations pouvait laisser craindre que la nouvelle institution favorise uniquement la médiation. L’activité de la HALDE surtout ces dernières années a montré que la nouvelle institution était un véritable point d’appui du combat pour l’égalité des droits en France.
    La force symbolique de cette institution a conduit, après les émeutes urbaines de 2005, le gouvernement Villepin a renforcé son pouvoir de sanction ; La HALDE a obtenu le pourvoir de proposer une transaction pénale.


    La HALDE a dénoncé de nombreuses ruptures d’égalité dans le domaine notamment de l’emploi, du logement et des loisirs, soutenu des victimes de discriminations et diffusé largement le droit à l’égalité malgré des moyens limités. Le volontarisme politique institutionnel a permis à la HALDE de traiter plus de 30 000 réclamations et de faire part de ses observations devant les juridictions françaises.


    La HALDE s'est également affichée comme un rempart au communautarisme en s’insurgeant contre l'instauration de tout système de quotas destiné à favoriser la représentativité de minorités issues de l'immigration en entreprise.


    Aujourd’hui, l’existence de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité est menacée. Au moment où le travail de la HALDE commence à porter ses fruits, le Gouvernement Fillon a décidé de la supprimer sans aucune concertation et de transférer ses compétences à un Défenseur des droits, une nouvelle institution aux contours plus que flous.


    La création d’un Défenseur des droits, d'un « ombudsman à la française », par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est une avancée démocratique puisqu’il vise à « renforcer substantiellement les possibilités de recours non juridictionnel dont dispose le citoyen pour assurer la défense de ses droits et libertés». Cependant, dans le projet de Loi organique actuel, le Défenseur des droits se présente comme une personnalité nommée et se substituant à des organismes collectifs tels la HALDE, ou la Commission nationale de déontologie de la sécurité CNDS. Ce dispositif tentaculaire absorberait d’ailleurs seulement une partie des compétences de ces autorités administratives reconnues qui ont prouvé leur utilité pour aider les victimes et interpeller les pouvoirs publics sur les atteintes, constatées, aux droits.


    La suppression de la HALDE, de son Collège, et de son Comité consultatif conduirait à la disparition d’une instance originale de concertation, d’expertise, et de partenariats et d’actions communes regroupant les acteurs publics et privé.


    La suppression de la HALDE conduira à une suppression de l’autonomie d’initiative face aux pouvoirs publics et à une réduction des moyens humains et financiers pour la lutte contre les discriminations.


    La HALDE fonctionne correctement, elle développe chaque jour sa légitimité et son champs d’investigation ; elle est devenue incontournable pour les victimes. Pour les victimes de discriminations, la disparition d’une institution identifiée constituerait une grave régression ; c’est pourquoi, il faut sauver la HALDE.


    La défense de la HALDE nous concerne tous !


    Dans le contexte actuel de libération de la parole raciste et xénophobe, il est du devoir de toutes les forces républicaines de refuser cette régression. La construction d’une République métissée faisant de l’égalité des droits un élément consubstantiel au Pacte républicain passe par la sauvegarde de la HALDE et de son indépendance.


    Gouvernement, Parlementaires, partenaires sociaux, élus locaux, et citoyens doivent se mobiliser pour maintenir la HALDE en renforçant son autonomie, ses moyens, et ses prérogatives.