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  • Quel avenir pour la liberté conditionnelle face au désir d’allongement de la période de sureté ?

    Actuellement, une importante polémique a lieu en Belgique avec la libération conditionnelle de Michelle Martin la complice et ex-épouse de l’assassin-pédophile Marc Dutroux. Elle n’est en réalité que l’illustration des nouveaux débats posés depuis l’abolition de la peine de mort sur l’emprisonnement à perpétuité. En effet, la dignité humaine du détenu, sa possible réinsertion, et la surpopulation carcérale renouvèlent les débats. Quelle fin de vie en prison ? Quels aménagements de peine possibles conciliant sécurité de l’ordre public et réinsertion ?

    Noyades, harcèlements, rackets, sévices, rapts, prostitution, viols ou encore assassinats d’enfants, chaque drame concernant la sécurité d’un enfant fait angoisser des milliers de parents et de citoyens.

    En France, de plus en plus souvent, grâce à, l’Alerte enlèvement (inspirée de l’alerte Amber née aux Etats Unis et mise en oeuvre par la Secrétaire d’Etat Nicole Guedj) permet d’éviter le pire. Ce système qui mobile les Médias et les Citoyens est à l’évidence utile ; A ce jour, elle a toujours était couronnée de succès.

    Actuellement, une importante polémique a lieu en Belgique avec la libération conditionnelle de Michelle Martin la complice et ex-épouse de l’assassin-pédophile Marc Dutroux. Elle n’est en réalité que l’illustration des nouveaux débats posés depuis l’abolition de la peine de mort sur l’emprisonnement à perpétuité. En effet, la dignité humaine du détenu, sa possible réinsertion, et la surpopulation carcérale renouvèlent les débats.

    . Quelle fin de vie en prison ?

    . Quels aménagements de peine possibles conciliant sécurité de l’ordre public et réinsertion ?

    . Quel contenu à la notion de peine de sureté ?

    . Quelles conditions pour la libération conditionnelle ?

    La libération conditionnelle nécessite la manifestation d’efforts sérieux de réadaptation sociale de la part du condamné ; elle correspond à la mise en liberté d’un condamné avant la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, sous condition de respect, pendant un délai d’épreuve, d’un certain nombre d’obligations.

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    - Une libération conditionnelle qui dérange

    La libération conditionnelle anticipée de l’ex-femme de Marc Dutroux Michelle Martin interpelle. Marc Dutroux a été reconnu coupable de viols et d’assassinats de six jeunes filles ; deux d’entre elles sont mortes de faim après avoir été emmurées dans la cave de la maison du couple. En Belgique, cet aménagement de la peine est né en 1888 avec la Loi Le Jeune.

    Michelle Martin, institutrice, n’a rien fait pour les aider ; elle a été condamnée à trente ans de prison, notamment pour complicité dans l’assassinat de Melissa Russo et Julie Lejeune.

    Réinsertion, rédemption, « pardon » sont-ils possibles alors que la condamnée a réellement effectuée seulement 16 ans sur sa peine ?

    Le 31 juillet 2012, le Tribunal d’application des peines de Mons a accordé cette libération et le projet d’accueil et de réinsertion auprès des Soeurs Clarisses du Couvent de Malonne, près de Namur. « Le projet est très encadré :

    - Michelle Martin, qui n’intègre pas la communauté, y résidera et doit le justifier ;

    - elle doit participer aux tâches communes comme l’entretien du potager ou la cuisine ;

    - elle peut sortir du couvent, mais elle a interdiction de se rendre dans les deux régions où elle a vécu avec son ex-mari ;

    - elle doit répondre à toute convocation de la justice ;

    - elle doit poursuivre la thérapie entamée en prison ;

    - elle ne peut établir de contacts avec les médias ;

    - elle est obligée d’indemniser ses victimes.

    Tout manquement est susceptible de conduire à la réincarcération ».

    A l’évidence cette libération a perturbé l’ordre public belge et divisée la société, aussi une trentaine de policiers assureront la protection du Couvent le temps nécessaire au retour à l’ordre. Selon Vincent Gilles, président du syndicat policier SLFP, ce dispositif coûtera 120.000 euros par mois.


    - Une hospitalité chrétienne qui choque

    soeurs.JPGConformément à la règle de Saint Benoît, l’hôte doit être reçu comme s’il était le Christ, surtout s’il s’agit d’un exclu de la société civile. Soeur Christine, l’abbesse du couvent a expliqué : « Madame Martin est un être humain capable, comme pour nous tous, du pire et du meilleur. Nous croyons donc que tabler sur le meilleur d’elle-même n’est pas de l’inconscience de notre part ».

    La hiérarchie catholique, par la voix de l’Evêque de Liège, Monseigneur Aloys Jousten, a soutenu cette démarche : « Un être humain reste un être humain », et il a salué « le témoignage de miséricorde » transmis par les Soeurs.

    Aujourd’hui, cette décision de « l’Eglise » choque l’opinion publique pour quatre raisons : d’une part les crimes commis sont d’une horreur rare, cette protection assurée dans le secret n’est plus possible à l’ère de l’hyper-transparence, l’Eglise protège encore de trop nombreux ecclésiastes coupables de pédophilie, enfin de nombreux Belges restent persuadés que Marc Dutroux faisait partie d’un réseau et disposait de protections politico-judiciaires.

    L’Église a aidé de nombreux dignitaires nazis ou collaborateurs à fuir en Argentine. Ainsi, de nombreux couvents et monastères ont abrité l’ancien milicien lyonnais Paul Touvier (condamné à mort par contumace en 1946) dans sa cavale. En mai 1989, c’est au prieuré Saint-Joseph, à Nice (Alpes-Maritimes), qu’il a été arrêté.

    Entre 1945 et 1953, plusieurs institutions catholiques ont abrité deux enfants juifs, Gérard et Robert Finaly, que leur tutrice refusait de rendre à leur famille juive française.

    En avril 2008, aux Etats-Unis, le Pape Benoît XVI a demandé pardon pour les victimes de prêtres pédophiles (entre 4 000 et 5 000 prêtres seraient concernés pour 14 000 enfants victimes) ! La Sainte Eglise a toutefois décidé de ne pas délier ses serviteurs du secret.

    Cette institution, malgré la multiplication des révélations sur la frustration des prêtres et la multiplication des actes pédophiles est une des rares à résister à l’hyper-transparence et à conserver ses archives secrètes.


    - Vers une réforme de la conditionnelle en Europe :

    La Cour de Cassation belge ayant rejeté les recours déposés par les parties civiles et le parquet contre cette libération Jean-Denis Lejeune (le père de Julie Lejeune l’une des victimes), a demandé une réforme de la justice visant à durcir les périodes de sûreté pour les condamnations des crimes les plus graves, notamment contre des enfants. Le 19 août 2012, 5000 personnes ont manifesté à Bruxelles en ce sens.

    L’opinion belge redoute de voir Marc Dutroux, condamné à la perpétuité, ressortir un jour en conditionnel de prison ; aussi, le Premier ministre Elio Di Rupo a annoncé vouloir renforcer les conditions de libération conditionnelle notamment en obligeant les récidivistes à purger au moins les trois quarts d’une peine de trente ans avant de pouvoir espérer une libération conditionnelle. "Notre objectif doit être : non à l’impunité. Nous devons poursuivre toute une série de réformes entamées dans le domaine de la justice et les engagements dans le domaine de la police".

    Pour de nombreux juristes et la plupart des victimes, il n’est pas normal qu’une personne condamnée à une peine n’exécute que partiellement cette dernière.

    Dans de nombreux Etats européens, la période de sûreté - ce temps défini par la juridiction de jugement qui a prononcé la peine privative de liberté pendant lequel aucun aménagement de peine ne peut intervenir - risque de s’allonger.

    En France, l’Article 132-23 du Code pénal dispose que : « En cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle. La durée de la période de sûreté est de la moitié de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, de dix-huit ans. La cour d’assises ou le tribunal peut toutefois, par décision spéciale, soit porter ces durées jusqu’aux deux tiers de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu’à vingt-deux ans, soit décider de réduire ces durées.

     

    Dans les autres cas, lorsqu’elle prononce une peine privative de liberté d’une durée supérieure à cinq ans, non assortie du sursis, la juridiction peut fixer une période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune des modalités d’exécution de la peine mentionnée au premier alinéa. La durée de cette période de sûreté ne peut excéder les deux tiers de la peine prononcée ou vingt-deux ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité ».

    D’ores et déjà en Norvège, la libération conditionnelle d’Anders Behring Breivik ou sa remise en liberté après l’accomplissement de sa condamnation pose avec acuité la question de la révision de la période de sureté.

    En Espagne et en France, le motif médical devient un moyen efficace de bénéficier d’une liberté conditionnelle.

    En France, depuis la Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, les condamnés peuvent être libérés s’ils souffrent d’une maladie incurable ou si leur incarcération met en danger leur santé. Maurice Papon et les condamnées d’Action Directe Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron ont bénéficié de libérations conditionnelles pour des motifs médicaux.

    Ayant un projet professionnel sérieux, Jean-Marc Rouillan qui avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, notamment pour les assassinats de l’ingénieur général de l’armement René Audran et du PDG de Renault, Georges Besse a également bénéficié d’une libération conditionnelle.

    En Espagne, le prisonnier basque Iosu Uribetxeberria (qui souffre d’un cancer en phase terminale) a récemment obtenu sa libération par le juge principal de l’application des peines auprès de l’Audience nationale (le Parquet peut encore faire appel).

    La réflexion sur la réalité du temps de peine effectué, sur la période de sureté et les moyens de favoriser des libertés conditionnelles pour les condamnés en réinsertion est sans doute un des plus grands défis de cette époque où l’horreur des crimes commis rend tout débat et proposition de réforme soit suspecte d’atteintes aux droits et libertés soit sujette à l’idée de laxisme.

    La recherche d’un équilibre entre réinsertion des criminels et respect des victimes doit guider l’action publique.