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ONU - Page 4

  • "Promesses et jeu de dupes"

    Nouvel Observateur, 01 Août 2007


    Etes-vous satisfait de l'adoption par l'Onu de la résolution 1769 ?

    - On ne peut que se féliciter de cette adoption, faite à l'unanimité, qui prévoit le déploiement d'environ 26.000 soldats de l'Onu et de l'Union Africaine. Mais le problème, c'est qu'il s'agit de la 16è résolution depuis le début du conflit. La dernière, qui date du 31 août 2006, prévoyait déjà l'envoi de 20.000 casques bleus.

    On est toujours dans ce jeu de charme entre l'Onu et le gouvernement soudanais. Des dizaines de missives ont été échangées entre Khartoum et les secrétaires de l'Onu Kofi Annan et Ban Ki-Moon. Mais sur place, la situation ne s'est pas améliorée, l'armée continue de bombarder des civils. Chaque fois, le Soudan affirme sa bonne volonté, prend acte des résolutions et s'engage à les respecter. Puis la pression médiatique retombe, d'autres sujets sont en tête de l'actualité internationale, et Khartoum revient sur sa décision.

    Ces derniers mois, un cessez-le-feu a été respecté quelque temps. Mais depuis un mois, l'armée soudanaise a repris les bombardements. Ce qui a poussé George W. Bush, Nicolas Sarkozy et Tony Blair à mettre une forte pression et à engager le processus d'adoption d'une nouvelle résolution.
    Dans cette dernière mouture, le recours au chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit en gros le recours à la force en cas de non-respect de la résolution, est prévu seulement en cas d'attaques de travailleurs humanitaires. Contrairement à la résolution de 2006, qui elle était contraignante, mais n'a pas été respectée pour autant. La recherche et la poursuite de criminels de guerre n'est même pas évoquée.

    Il y a une semaine, l'Onu a utilisé le terme de "nettoyage ethnique" pour qualifier ce qui se passe au Darfour, ce qui devrait de fait entraîner une intervention internationale. Mais pour obtenir l'unanimité des membres permanents de l'Onu, les négociateurs ont choisi de proposer un texte adouci, dont l'entrée en vigueur est prévue dans six mois, au 1er janvier 2008. On reste dans le domaine des promesses et du jeu de dupes.
    A titre de comparaison, rappelons qu'on a déployé 15.000 soldats en 15 jours au Liban. Le conflit au Darfour a commencé il y a quatre ans.

    Comment se fait-il que la Chine, qui s'opposait jusqu'à présent à l'adoption d'une résolution, ait finalement donné son accord ?

    - La Chine bloque le déploiement d'une force parce qu'elle est le premier partenaire économique du régime soudanais. Deux tiers de la production pétrolière du Soudan sont vendus à la Chine, ce qui représente 8% des importations en pétrole des Chinois.
    Pourtant, la Chine n'a jamais mis son veto à l'adoption d'une résolution. Son objectif est de retarder au maximum le processus, en soutien à son allié soudanais.
    Quand 104 parlementaires américains ont menacé, en mai dernier, de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin, en cas de poursuite du génocide, la Chine a alors fait pression sur Khartoum.
    Le gouvernement chinois a très peur du renversement du gouvernement d'Omar Béchir. Cela pourrait lui faire perdre ses accords pétroliers avec le pays, et la présence de soldats pourrait créer des troubles dans les zones pétrolifères.

    Que faire alors pour aboutir à la véritable mise en place d'un processus de paix au Soudan ?

    - Deux mesures permettraient de lancer le processus. La première passe par l'application de sanctions contre le régime de Khartoum. On sait que ce qui fonctionne aujourd'hui, comme le prouve l'exemple de la Corée du Nord, ce sont les sanctions économiques. Isoler le Soudan, renforcer le pouvoir de la Cour pénale internationale pour lui permettre d'envoyer des observateurs sur place. Avant d'annoncer un hypothétique déploiement de Casques bleus, il serait pertinent d'appliquer les résolutions précédentes de l'ONU ainsi que les deux résolutions adoptées par le Parlement européen. Par exemple en interdisant le survol du pays, ce qui empêcherait l'aviation soudanaise de bombarder les civils. Ce serait plus efficace que d'envoyer sur place des soldats qui ne pourront s'occuper que de la sécurité des habitants qui se trouvent dans les camps. Rappelons que lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'était engagé à prendre des sanctions unilatérales contre le Darfour. Une promesse qui n'a pas été tenue jusqu'alors.

    La deuxième mesure consiste à réunir les belligérants pour qu'ils trouvent un accord. Le principal chef des rebelles Al-Nur est actuellement à Paris. Si la France voulait organiser une telle conférence, elle le pourrait. De toute façon, la paix passe par une solution internationale. Au Darfour, la guerre est en quelque sorte déjà perdue. Entre 200.000 et 400.000 personnes sont mortes, 3 millions d'habitants ont été déplacés, 17 travailleurs humanitaires ont été tués depuis le début du conflit.

    www.sauverledarfour.org

  • Darfour - Les massacres doivent cesser

    En solidarité avec les victimes, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge

    Genève, le 16 juillet 2007 – À l’occasion de la journée de la justice internationale, le 17 juillet 2007, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge. La Ville de Genève a ainsi répondu à une demande de l’association TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) visant à attirer l’attention de la population aux souffrances des populations civiles du Darfour et à exiger que justice soit rendue. Le Maire de Genève, Patrice Mugny, et le Président de l’association Sauver le Darfour, Mahor Chiche, se sont joints à cette action.

    Mardi soir 17 juillet 2007, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge. Le Conseil administratif de la Ville de Genève l’a formellement sollicité auprès des Services industriels de Genève, qui ont accepté cette demande formulée à l’origine par l’association TRIAL. Durant quelques heures, le symbole le plus connu de Genève revêtira la couleur du sang qui coule encore au Darfour.

    Solidarité avec les victimes : le jet d’eau de Genève illuminé en rouge

    Pour Patrice Mugny, Maire de Genève, « l’illumination de cet important symbole de Genève, capitale des droits humains, est un geste fort pour marquer les consciences. Cette action doit permettre de briser le silence qui persiste autour du drame du Darfour. Il est à espérer que d’autres grandes villes européennes entreprendront des actions similaires ».

    Comme l’a en effet rappelé Mahor Chiche, Président de Sauver le Darfour, « les bombardements de l’armée soudanaise sur le Darfour ont tout récemment repris. Le respect du droit international par le Soudan est impératif. Celui-ci doit appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Il faut maintenant mettre en vigueur une zone d’interdiction de vols par les avions du gouvernement soudanais au dessus du Darfour. » Pour M. Chiche, le travail de la justice internationale doit également être renforcé, afin que les auteurs d’atrocités sachent qu’ils devront rendre des comptes.

    Mettre un terme à l’impunité : le Soudan doit coopérer avec la Cour pénale internationale

    L’association TRIAL, qui lutte contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux (génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, etc.) a saisi l’occasion de la proximité avec la journée de la justice internationale pour s’adresser au Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Les 11 et 12 juillet 2007, le Comité des droits de l’homme examinait en effet le rapport périodique que lui a présenté le Soudan, sur la manière dont celui-ci met en œuvre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (aussi dit Pacte II).

    Au début du mois de juillet, TRIAL a donc déposé auprès du Comité des droits de l’homme un mémorandum juridique priant ce dernier d’ordonner au Soudan de coopérer avec la Cour pénale internationale sur la base du Pacte II.

    Une telle recommandation serait porteuse d’espoir pour l’avenir. Il faut rappeler pour l’heure que c’est sur la base la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité que la situation relative au Darfour a été déférée à la CPI. Or, le Soudan rejette cette résolution. Que le Comité des droits de l’homme souligne que le Soudan doit coopérer également sur la base d’un traité que cet Etat a lui-même ratifié serait donc d’une grande importance. Les recommandations du Comité des droits de l’homme sont attendues avant la fin du mois de juillet.

    Pour Me Philip Grant, Président de TRIAL, « l’exigence de justice est fondamentale. L’impunité est aujourd’hui encore la règle ». Certes, la Cour pénale internationale a lancé deux mandats d’arrêt contre des auteurs présumés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre au Darfour (notamment pour meurtres, viols, tortures, pillage, etc.), Ali Kushayb et Ahmad Mohamed Harun. Mais ce dernier est actuellement le ministre en charge des affaires humanitaires. « Quel cynisme ! » a affirmé M. Grant. « L’action de la Cour pénale internationale doit absolument être soutenue et renforcée. A terme, plusieurs dizaines d’individus pourraient et devraient être inculpés. Ces inculpations sont nécessaires pour faire reculer le sentiment d’impunité et pour rendre justice aux victimes ».

    Informer les victimes vivant en Suisse de leurs droits

    Par ailleurs, TRIAL entreprendra prochainement un travail de sensibilisation à l’attention des victimes du conflit se trouvant en Suisse, afin d’expliquer les possibilités à leur disposition de s’adresser à la Cour pénale internationale, et de les aider dans leurs démarches.

    Les victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide ont en effet non seulement la faculté de transmettre à la CPI des informations utiles aux enquêtes (preuves, témoignages) ; elles disposent également d’un droit de participer à la procédure, cas échéant de solliciter des réparations.

    Pour TRIAL, il n’est pas non plus exclu que des poursuites pénales puissent être lancées en Suisse, dans l’hypothèse où l’un des responsables des atrocités commises au Darfour devait se trouver sur sol helvétique.

  • Il est encore temps d’agir pour sauver les populations du Darfour

     

    « Seule une coalition énergique des démocraties occidentales

    permettra de libérer les populations du Soudan »

    Par Michaël Chetrit et Mahor Chiche * 

    Après huit années à la tête des Nation Unies et à la veille de son départ, Kofi Annan a eu ces mots durs en évoquant le Darfour : « Soixante ans après la libération des camps de la mort nazis, trente ans après le Cambodge, la promesse du “ jamais plus” sonne creux », avant de préciser, en visant le régime de Khartoum : « Ils pourront avoir à répondre collectivement et individuellement pour ce qui est en train de se passer au Darfour. »

    La régularité calculée des sévices commis par les milices Janjawids, issues des tribus musulmanes « arabes » , alliées du régime islamiste de Khartoum, à l’encontre des tribus musulmanes « africaines » contestataires de l’ouest du Soudan, a déjà provoqué une épuration ethnique qui a causé plus de 300 000 morts et 3 millions de déplacés.

    L’ONU a déjà voté six résolutions et qualifié les actes du régime soudanais de «crimes de guerre et de crimes contre l’humanité». Cependant, les efforts des Nations unies pour obtenir l’accord de Khartoum pour le déploiement de 17 000 Casques bleus en remplacement des 7 000 soldats de l’Union africaine demeurent vains. La situation est bloquée, et l’ONU ne pourra intervenir, car la Russie et surtout la Chine, partenaires économiques privilégiés du Soudan, sont opposées à toute intervention militaire de l’ONU.

    Pour sortir la région de la crise, il faut comprendre la véritable nature du régime soudanais. Depuis dix-sept ans, la junte de Khartoum, issue d’un coup d’État en 1989 alors qu’elle ne recueillait que 10 % des voix aux élections sous la bannière des Frères musulmans, a attisé toutes les divisions, religieuses puis ethniques, pour écarter tour à tour les revendications des populations des régions périphériques délaissées du Soudan, qui réclamaient leur part des richesses du pays, et en particulier des dividendes de la manne pétrolière.

    Dès son accession au pouvoir, la dictature en poste à Khartoum a d’abord brandi le Djihad pour intensifier la guerre contre le Sud Soudan, animiste et chrétien, qui s’était révolté en 1983 suite à l’introduction de la charia et la suppression d’un statut d’autonomie obtenu par les armes en 1972 ; en jeu, les importants gisements de pétrole qui venaient d’être découverts dans le Sud. Cette première guerre causera près de 2 millions de morts en vingt ans.

    Un accord de Paix – factice – sera finalement signé en janvier 2005 avec le Sud-Soudan, censé organiser un partage des richesses et du pouvoir, et en 2010 un référendum sur l’autodétermination.

    Mais en 2003, les populations du Darfour qui avaient elles-mêmes été largement réquisitionnées dans la guerre contre le Sud, pressentant l’accord avantageux que Khartoum s’apprêtait à conclure sous la pression de la communauté internationale avec le Sud-Soudan, s’insurgèrent. Khartoum arma alors les nomades arabisés contre les cultivateurs noirs, en exploitant non seulement les dissensions pour le contrôle des terres – apparues entre nomades et cultivateurs suite aux terribles sécheresses des années 70 et 80 –, mais également le racisme antinoir.

    Le dénigrement dont sont victimes les ethnies africaines de la part des tribus arabisées est à replacer dans le contexte historique de la traite des Noirs transsaharienne menée  par les Arabes depuis le Xème siècle. Cette traite a réduit au moins huit millions d’Africains en esclavage.

    Surtout, ces clivages ethniques ont été dangereusement exacerbés par le régime libyen à partir du milieu des années 70, avec l’objectif de prendre le contrôle du Tchad et du Soudan. La Libye avait en effet choisi le Darfour comme base arrière de sa Légion islamique, milice issue des tribus nomades soudanaises et tchadiennes, en poursuivant un projet de « Grand Sahel Panarabe ». À partir de 1985, en échange du financement de la guerre contre le Sud-Soudan, Khartoum laissa même la Libye s’installer au Darfour pour lui permettre d’attaquer le Tchad.

    Pour arrêter l’épuration ethnique au Darfour, il n’y a plus d’autre voie que d’écarter le régime islamiste soudanais du pouvoir. Pour cela, il n’est ni envisageable de recourir à l’ONU, immobilisée par un double veto, ni pensable de continuer de se reposer sur la seule Union africaine, cantonnée au mieux à un rôle d’observateur. L’Union africaine, qui n’a jamais osé froisser Khartoum, ni condamner les massacres, est sous l’étroite dépendance des pays africains de la Ligue arabe.

    Pourtant, la convention internationale sur la prévention des crimes de génocide de 1948 engage nos démocraties à empêcher tout État d’infliger « délibérément à un groupe des conditions de vie calculées pour amener sa destruction en totalité ou en partie ».

    Aujourd’hui, le régime de Khartoum est honni de la très grande majorité de sa population, qu’il s’agisse des Africains ou des Arabes eux- mêmes. L’étroite classe dirigeante rebute à tel point qu’en juillet 2005, l’arrivée du leader sudiste John Garang au poste de vice premier ministre en application des accords de paix avec le Sud, avait été acclamée dans les rues de Khartoum. John Garang, mort dans un accident d’hélicoptère dans le mois qui a suivi son installation, luttait pour un nouveau Soudan, laïc, démocratique, et égalitaire.

    Il est temps de mettre fin à la dictature meurtrière de Khartoum. Il n’est possible de compter ni sur l’ONU, ni sur l’Union africaine. Seule une coalition énergique de nos démocraties permettra de libérer les populations du Soudan.

     

    * Respectivement secrétaire national et président de l’association Sauver le Darfour (SLD) www.sauverledarfour.org

     

    - « Il est encore temps d’agir pour sauver les populations du Darfour », Le Figaro, vendredi 22 décembre 2006.