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jeunesse

  • Réponse à Henri Guaino, Le Front National est toujours raciste et d'extrême droite

    Henri Guaino, député UMP des Yvelines, plume de Nicolas Sarkozy, et gaulliste a publié dans «Le Monde» du mardi 17 décembre 2013 une tribune intitulée «le FN, populiste et poujadiste». Il y défend l’idée que ce parti serait au regard des lois de la République « un parti comme les autres » puisqu’on ne l’interdit pas. Selon lui, le Front National ne serait pas, ne serait plus, raciste mais son idéologie demeurerait inhumaine.

    Le FN apparaît comme candidat au pouvoir

    Henri Guaino pose une analyse classique sur les causes de la poussée frontiste, le FN surf sur les peurs de la société française : mondialisation, Europe, laïcité, immigration, sécurité… L’électeur français cherche à être protégé par l’Etat Nation. Dans ce contexte les promesses du parti relooké de Marine Le Pen attirent. D’autant que Marine Le Pen apparaît plus respectable que son trublion de père et que tactiquement le FN se place désormais comme un parti partisan d’un retour d’un Etat protecteur (dans son programme le FN a renoncé à ses positions ultralibérales, il prône désormais la retraite à 60 ans).

    A ces peurs s’ajoutent deux idées celle que le peuple a déjà essayé toutes les solutions politiques classiques (la dénonciation systématique de « l’UMPS » reçoit un bon écho dans l’opinion publique) et que la moralité des responsables politiques est entachée.

    Selon lui, le FN d’aujourd’hui est dangereux car il aspire réellement au pouvoir.

    Les liens du FN et l’idéologie d’extrême droite sont patents

    Henri Guaino défend une thèse contestable celle que « le FN n’est pas d’extrême droite tout simplement parce qu’il ne présente pas les caractéristiques attribuées aux mouvements d’extrême droite dans l’histoire ». Manifestement, Henri Guaino oublie la particularité de l’histoire de l’extrême droite française et ses caractéristiques intrinsèquement distinctes de celle de l’Allemagne par exemple. En effet, l’extrême droite française n’a pas la même base racialisée que la plupart des autres extrêmes droites d’Europe ; mais cette spécificité s’explique par le fait que l’idée même de Nation et d’Etat diffèrent selon les Etats européens. Elle n’ôte rien à son positionnement antisémite, xénophobe, raciste, anti-immigré, et inégalitaire.

    L’histoire de la fondation du Front National (fondateurs et organisations regroupées issus de la collaboration et de l'extrême droite à la française) et ses alliances européennes (par exemple au Jobbik, parti hongrois antisémite, anti-roms et anti-Immigrés) démontrent l’enracinement à l’extrême droite du Front National. Comme l’a déclaré l’ancien Ministre UMP François Baroin « Les candidats du Front national aux prochaines municipales, ils peuvent s'appeler Rassemblement Bleu marine, Bleu de cobalt, Bleu azur ou Bleu délavé ou tout ce que vous voulez, ça reste le Front national ».

    Un collectif d’historiens et de politologues (Nicolas Lebourg, Joël Gombin, Stéphane François, Alexandre Dézé, Jean-Yves Camus et Gaël Brustier, "FN, un national-populisme", Le Monde, 7 octobre 2013) a inscrit le FN dans l’histoire du national populisme. « Le national-populisme est installé dans notre vie politique depuis 130 ans. Il participe du système politique français de façon structurante. Le FN a évolué, étant aujourd’hui empreint de néopopulisme ».

    Le FN continu à se chercher des ennemis - des prétendus « antipatriotes » - et à stigmatiser l’étranger. Au regard de son idéologie le FN reste un parti foncièrement raciste en ce qu’il défend toujours la priorité nationale (contre les étrangers) et le droit du sang pour l’acquisition de la nationalité et se fonde en réalité encore sur le principe d’inégalité. Le fondateur du parti Jean Marie Le Pen a d’ailleurs clairement affirmé son intime conviction : « Je crois à l'inégalité des races, oui, bien sûr, c'est évident. Toute l'histoire le démontre, elles n'ont pas la même capacité, ni le même niveau d'évolution historique » (août 1996).

    Les derniers dérapages de ses candidats vis-à-vis de la Garde des sceaux Christiane Taubira illustrent de surcroit racisme épidermique anti-noir, anti-métissage, anti-France 2013. De même, les attaques incessantes des dirigeants du FN quant à la composition de l’Equipe de France montrent leur difficulté avec le métissage à l’œuvre au sein de la société française.

    Ainsi, il n’y a pas de sens à détacher le FN de l’histoire de l’extrême droite française. Le FN est le parti d’un Chef, dynastique, mais surtout d’un clan celui des Le Pen.

    La non-interdiction du FN ne démontre pas sa respectabilité

    Pour Henri Guaino, «Si le FN est fasciste, nazi, raciste, il est inconséquent de ne pas demander son interdiction. Mais qui la demande ? Au regard des lois de la République, c'est donc un parti comme les autres. Au regard de l'idéologie, pas vraiment ». Cette formule indique clairement la difficulté de l’analyse de Monsieur Guaino.

    En définissant le FN comme parti républicain ou au moins comme un parti ayant accepté le principe de la compétition électorale Henri Guaino ouvre la possibilité d’alliances UMP – FN, en rappelant son idéologie il invite Marine Le Pen à finir sa mutation.

    En tout état de cause, Henri Guaino néglige le fait que le FN et ses dirigeants sont souvent judiciairement condamnés pour leurs propos haineux. Le FN reste enfermé dans sa doctrine de haine. Marine Le Pen a toujours refusé de condamner les propos de son père sur la Shoah ou ses propos terrifiant sur la tuerie d'Oslo et d'Utoya. Jean Marie Le Pen avait fustigé la "naïveté" du gouvernement norvégien face au "danger" du "terrorisme" et de "l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier".

    Il convient de même de rappeler que Marine Le Pen a lors de son premier meeting de la présidentielle à Metz le 11 décembre 2011, a fait siffler les noms de Georges-Marc Benamou et de Bernard-Henri Lévy, accusés de ne pas être patriotes.

    Surtout, et c’est sans doute sa première faute politique personnelle marquant l’échec de sa tentative dédiabolisation. Marine Le Pen s’est rendue à l'invitation du dirigeant du parti d'extrême droite FPÖ, Heinz-Christian Strache, à Vienne, à un bal organisé - le jour de la commémoration du 67e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz- par des corporations d’extrêmes droites interdisant l’entrée aux juifs et aux femmes. Pris dans son corpus idéologique, Marine Le Pen n’a jamais réussi à expliquer pourquoi il était à ses yeux important de se rendre dans une telle soirée. Il faut dire racisme et antisémitisme sont rarement rationnels.

    Nous n’avons pas su interdire le FN à ses débuts. Sans doute nous manquait-il la conscience de son potentiel danger (beaucoup croyaient que la bête immonde était définitivement enterrée), privilégions nous la préférence de combattre front contre front, indiscutablement l’arsenal juridique manquait.

    Contrairement à l’Allemagne qui de par son histoire s’est donné une Cour constitutionnelle capable de protéger le caractère républicain des partis œuvrant à la vie démocratique du pays. L'article 21 alinéa 2 de la Loi Fondamentale allemande prévoit qu'un parti « affichant des idées, programmes ou des actes antirépublicains pourra être interdit, ses moyens financiers confisqués et ses dirigeants interdits d'entrée dans un parti politique ».

    Comme l’a montré la croissance et le succès électoral du parti grec ouvertement néo-nazi l’Aube doré (21 députés) ce débat n’est pas clos, puisqu’au final lorsque l’extrême droite franchi le stade de la violence ou du complot contre les institutions, le sursaut peut provenir de l’arrestation de ses membres voir un jour de la dissolution.

    La violence n’est jamais loin du FN. Dans une interview datée du 16 décembre 2013 donnée à Libération, Henri Guaino précise sa thèse en déclarant : « Il n’y a pas par exemple au FN la violence qu’on trouve dans le fascisme dès ses débuts ». Henri Guaino fait en l’espèce preuve de mauvaise foi. Historiquement violences, FN et nébuleuse d’extrême droite ont toujours eu des liens.

    Le service d’ordre - département protection sécurité (DPS) - du Front National et son caractère quasi militaire (composé d’anciens militaires, policiers avec casques et uniformes) témoigne de l’existence d’une tentation depuis l’origine du parti de ne pas trancher entre conquête du pouvoir par les urnes ou par la rue.

    Le 30 mai 1997, Jean Marie Le Pen a lui-même agressé physiquement la Maire socialiste de Mantes-la-Ville Annette Peulvast-Bergeal. Ibrahim Ali a été tué par des colleurs d’affiches membres du FN le 21 avril 1995, Brahim Bouaram a été jeté en marge du défilé FN à la seine le 1er mai 1995 l’histoire du mouvement F-Haine a toujours été lié à la myriade de la mouvance skinhead néonazie.

    Les membres des jeunesses identitaires, le mouvement de Serge Ayoub « Troisième Voie » (dissous en 2012), reste dans la grande famille de l’extrême droite et bizarrement jamais le FN ne condamne leurs existences ou dérives.

    Monsieur Guaino le Front National n’a pas changé, il peut donner des signes d’évolution tactiques pour glaner plus de voix ici où là et conquérir des postes, mais son logiciel raciste reste au cœur de son ADN.

  • Émeutes à Amiens : à quand des mesures pour restaurer la confiance dans les quartiers ?

    LE PLUS. Alors que la police vient de procéder à cinq premières interpellations suite aux émeutes qui ont touché Amiens en début de semaine, certains relancent le débat sur le délaissement des banlieues par l'État. Pour le militant Mahor Chiche, ces débordements sont la conséquence d'une "ghettoïsation" des quartiers, où les politiques de la ville ont échoué.

    Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a eu raison de condamner avec fermeté les violences d’Amiens, mais il convient d’aller plus loin pour reconquérir ces "territoires perdus de la République".

    Depuis des décennies, la réflexion sur les quartiers difficiles, la politique du logement "tout béton", la concentration de la misère dans des quartiers périurbains, l’absence d’emplois et de réussites scolaires, le développement corollaire de toutes sortes de trafics dans une partie du territoire français alimentent les travaux de recherches, mais la prise de conscience politique demeure insuffisante.

    À l’initiative de l'Association des maires de France, le renouvèlement urbain s’accélère, mais il est difficile pour les habitants de sortir un quartier de l’image négative qui lui colle à la peau depuis des années. Surtout, les pouvoirs publics investissent bien plus dans la rénovation urbaine que dans la présence humaine (éducateurs de rue, gardiens…). De la paupérisation à la ghettoïsation, de la violence quotidienne à la communautarisation, l’échec des politiques de la ville est patent.

    Le candidat François Hollande – un des premiers responsables politiques à avoir utilisé le terme "ghetto" – avait bien compris l’enjeu en déclarant, lors de son discours à Aulnay-sous-Bois : "Dans la République que je veux, je refuse qu’il y ait du ghetto – du ghetto pour les riches et du ghetto pour les pauvres. Je veux de la mixité, je veux de l’échange, je veux du partage."

     

     Des voitures brûlées lors des émeutes à Amiens (F.HUGUEN/AFP).

    Les émeutes de 2005 n’ont pas modifié les politiques publiques

    En 2005, la mort de Zyed et Bouna après une course-poursuite déclencha les pires émeutes urbaines connues en France. Les pouvoirs publics parurent alors bien désarmés face à l’ampleur du phénomène et les faibles réponses disponibles (hormis policières). Certains avaient même alors préconisé le recours à l’armée, comme si ces quartiers abritaient un "ennemi". 

    Insultes, brimades, contrôles au faciès, bavures, gardes à vue injustifiées (près d’un million de français sont placés chaque année en garde à vue), développement des outrages à agents et rébellions sont autant d’éléments cristallisant la méfiance entre policiers et citoyens.                

    À Amiens, un simple contrôle routier a conduit à des poubelles et voitures brûlées, des abribus et trois bâtiments publics détruits, dont une école et un centre sportif, et seize policiers blessés. Cette fois-ci, on doit tous constater que les armes qui existent dans les cités ont été utilisées, ce qui marque le franchissement d‘un "interdit" supplémentaire.

    La confiance est manifestement rompue entre citoyens et police, et plus particulièrement entre jeunes et police. Dans ces quartiers, le dernier vestige de la puissance de l’État est bien souvent la présence policière.

    Ravages de la crise économique et de la culture du "chiffre"

    Concrètement, ces dix dernières années, la culture du "chiffre" a mis une pression intenable sur les forces de police, qui n’ont ni les moyens humains ni matériels d’accomplir leurs missions. Dans la même soirée, le même agent doit patrouiller, auditionner et enregistrer les plaintes, ou encore sortir les véhicules. De trop nombreux commissariats ne disposent pas du minimum acceptable pour l’accueil des victimes : salles d’écoute, personnels, distributeurs de boissons… Les policiers français (hormis en matière de résolution de meurtres et assassinats) ont perdu l’estime des français.

    Dans les quartiers difficiles, la rupture de confiance entre les populations de ces zones et l’idée d'une police au service de tous est amplifiée. Les services publics absents, les associations fragilisées financièrement et dépourvues d’objectifs ne réussissent plus à maintenir la "paix" sociale. "Le vivre ensemble" d’antan qui faisait que chacun se connaissait et veillait sur les plus jeunes est mort, la crise économique et le modèle du caïd ont fait leurs ravages.

    L’incantation d’une République présente partout sur le territoire national est respectable. Mais sans une vision sur dix ans et sans ambitions ni moyens pour changer les villes, le malaise perdurera. Résidentialisation, vidéoprotection, polices municipales sont devenues les axes d'action en vogue des collectivités locales négligeant la prévention, à commencer par la présence humaine. 

    Ces émeutes sont avant tout l’expression d’un sentiment d’abandon. Il faut d’urgence réunir les acteurs des quartiers et mettre en place des mesures qui restaureront la confiance.

    Édité par Rozenn Le Carboulec, LE PLUS, 16 août 2012