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  • Google et le fichage

    La révolution numérique permet aux citoyens de disposer de « l’information » qui en son temps faisait partie du pouvoir des tyrans. Historiquement, celui qui confisquait ou détenait le savoir était le Chef.

    La liberté de l’Internet contre les règles du droit positif en matière de droits d’auteurs, de racisme, antisémitisme… voila la nouvelle bataille engagée entre le droit et l’antiracisme.

    Aux Etats-Unis, la liberté d’expression est au dessus de tout ; car les tribunaux américains donnent une portée très générale à la garantie prévue par le premier amendement à la Constitution : « Le Congrès ne pourra faire aucune Loi (...) restreignant la liberté de parole ou de presse (...) ».

    C’est cette législation qui autorise les discours haineux et racistes du type de ceux du Klu Klux Klan ou du leader de la Nation de l'Islam Louis FARRAKHAN.

    En France, la liberté d’expression est bien plus encadrée. En effet, pour ne pas encourager les déviances et transgressions les Lois françaises et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme CEDSH encadrent la liberté d’expression et condamnent les propos racistes, incitations à la haine raciale, et discriminations. Le racisme apparaissant comme un délit, il ne saurait en être fait l’apogée.

    L'article 226-19 du Code pénal dispose :

    "Le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l'intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou les appartenances syndicales des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à l'orientation sexuelle de celles-ci, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300.000 Euros d'amende".

    L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme dispose :

    « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

    L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la Loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

    Les deux approches culturelles et juridiques sont diamétralement opposées ce qui explique la tension entre les exigences de la Loi française et celles de la société Google.

     

     

    Le moteur de recherche Google est à nouveau au cœur du débat, en effet lorsqu’un Internaute surf sur la toile il se voit guider dans ses recherches par des suggestions de mots-associés par Google Suggest.

    Bien que ces suggestions reposent sur les « requiest » les plus fréquentes, celles-ci posent un problème en droit français car elles lient un mot avec la religion réelle ou supposée des personnalités recherchées : « bhl juif », « hollande juif » « sarkozy juif »…

    Plusieurs associations françaises, J'accuse!-action internationale pour la justice (AIPJ), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), SOS Racisme et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) considèrent que Google enfreint la Loi en proposant le mot "juif" dans la saisie semi-automatique et ont saisi la justice française de ce problème.

    Ce débat rappelle celui qui a prévalu lors de la création par Johann Levy de l’application « juif ou pas juif » qui répertoriait jusqu'à sa suppression (à la suite d’une médiation) les célébrités selon leur judéité.

    Aujourd’hui, l’enjeu est la question du fichage ethnique - volontaire ou non - de masse par Google ou ses concurrents ; ce fichage qui peut apparaitre aux yeux de certains comme ludiques pourrait bien dans certaines sociétés non démocratiques permettre les pires discriminations et violations des droits de l’homme.

    Google a d’ores et déjà exclu de Google Suggest "une catégorie restreinte correspondant à des termes pornographiques, violents, incitant à la haine et liés à la violation de droits d'auteur" ; il convient sans aucun doute d’élargir cette liste aux associations du mot « juif » aux patronymes des personnes physiques figurant dans les requêtes des Internautes.

    En effet, ce genre de liste ne peut que renforcer la haine du « Juif » via les théories du complot sur le pouvoir supposé des personnalités d’origines ou de culture juive qui seraient à la tête du Monde.

    Autoriser un tel fichage même volontaire c’est à l’évidence renforcer les préjugés les plus abjects et les plus répandus sur le net.

    Google doit comprendre qu’avoir un Internet propre passe par le respect de ces principes.

    La prochaine Audience aura lieu le 27 juin 2012 au Tribunal de Grande Instance de PARIS ; mais un accord avec le géant américain pourrait intervenir d’ici là pour qu’il modifie son système.

  • Juifs de France : n'ayez pas peur du changement et de la nouvelle France métissée

    La communauté juive de France a vécu de douloureux moments en cette année 2012 en particulier avec la mort de ses coreligionnaires lors de la tuerie de Toulouse. L’unité nationale apparue à ce moment là a réchauffé les cœurs, mais n’a pas réussi à effacer l’idée que le drame aurait pu être évité et que décidément être juif en France aujourd’hui n’est pas sans risque.

    Huit ans après la torture et l’assassinat d’Ilan Halimi les plaies de l’antisémitisme version deuxième Intifada importée ne se sont pas cicatrisées. Pire, la confiance dans les pouvoirs publics, dans leurs capacités et volonté à combattre l’antisémitisme verbal, écrit, ou physique n’est que relative. Si le diner du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) a fait salle pleine avec la présence des deux principaux candidats en lice, la communauté juive traditionnelle et celle qui aspire à l’assimilation a peur.

    Les Juifs de France ont peur, peur pour leur avenir, peur pour leurs enfants. Religieux, traditionalistes, ou hors-communauté, de trop nombreux Juifs de France sont victimes d’insultes verbales, de « blagues » douteuses, et d’agressions physiques. Dans son rapport 2011, le « Service de protection de la communauté juive » a recensé 389 menaces et actes antisémites contre 466 en 2010 avec une prévalence des « propos, geste menaçant et démonstration injurieuse » (29% des faits) et des « inscriptions » injurieuses (26%).

    Le développement des écoles confessionnelles juives privées sont devenues les symboles manifestes de cette peur ; leur succès est avant tout lié à un repli communautaire et à la crainte de l’insécurité et de l’antisémitisme dans les écoles publiques.

    Cette communauté éprise par nature de doutes - sommes nous Juifs ? Français ? Juifs-Français ? Français-Juifs ? Citoyens ? - doute aujourd'hui d’elle même. La communauté juive est arrivée à la croisée des chemins : défense communautaire ou universalisme.

    Contrairement à certaines idées reçues la communauté juive « organisée » n’est pas un lobby elle n’en a ni la volonté ni les moyens, mais elle cherche un mode de relation apaisé avec les pouvoirs publics pouvant garantir à ses membres la liberté de culte et la tranquillité publique.

    Indéniablement, une partie des Juifs de France voyaient en Nicolas Sarkozy son sauveur et protecteur. Il les rassurait.

    Le Président Nicolas Sarkozy a reconnu la réalité de l’antisémitisme, eu des mots justes devant la douleur des parents, trouvé les moyens de protéger par des cars de CRS ou patrouilles de police les lieux de cultes et écoles juives et est apparu à leurs yeux comme un Chef d’Etat protecteur.

    Malgré son discours sur le refus de la repentance, Nicolas Sarkozy a donné à la Shoah et la résistance française une place dans son quinquennat. Il s’était personnellement impliqué dans la libération du soldat franco-israélien Guilad Shalit. Ces positionnements lui ont permis de conserver un côté séducteur auprès des Juifs de France. La reconnaissance par la France de la Palestine à l’UNESCO ne suffit pas à provoquer le désamour. Ces dernières années, l'antisémitisme a statistiquement reculé, mais le sentiment de ne plus être des citoyens à part entière de la nation française s'est développé.

    A contrario, l’alliance PS-VERTS joue le rôle de repoussoir pour de nombreux électeurs juifs. L’antisionisme affiché de certains élus VERTS, le soutien des appels aux boycotts des produits d’Israël inquiète. François Hollande Président pourra-t’il assurer le statu-quo en continuant à protéger les lieux de cultes et écoles juives, faire baisser l’antisémitisme, surtout a-t'-il compris les peurs qui sévissent au sein de la communauté juive ? J'entends des membres de la communauté juive s 'interroger : "en cas d’attaques de l’Iran par Israël la France échappera-t-elle, à des émeutes, à des pogroms antijuifs ?"

    Les Juifs de France se demandent toujours comment la France a pu en 1941 les abandonner en les contraignant à se faire recenser ? Les Juifs séfarades chassés du Maghreb après le départ du colonisateur s’inquiètent du métissage de la France et du développement de l’Islam et de l’islamisme.

    Surtout, les juifs de France n’ont pas oublié que sous le gouvernement Jospin un nouvel antisémitisme s’est banalisé et que le Ministre de l’Intérieur de l’époque Daniel Vaillant n’avait pas su les rassurer ni les protéger.

    Ces nouvelles craintes et le lissage du discours de Marine Lepen qui préfère stigmatiser le bouc émissaire « musulman » en lieu et place du « juif » explique que certains français de confessions juives aient pu voter ou vouloir voter Front National au premier tour de cette élection présidentielle.

    En Israël, 3% des électeurs français ont voté pour le Front National.

    Preuve de la banalisation du discours FN, le grand rabbin de France Gilles Bernheim s’est senti le devoir de rappeler durant la campagne électorale que « les valeurs de la France et du judaïsme sont incompatibles avec celles du Front National ».

    Il faut dire que si les déclarations du Président du CRIF Richard Prasquier publiées dans le journal israélien « Haaretz » sur ses craintes en cas de victoire de François Hollande à l'élection présidentielle d’« hausse des manifestations antisionistes » reflète les peurs de nombreux juifs de France, on pouvait attendre d’un leader communautaire qu’il cherche à rassurer en proposant des solutions plutôt qu’à surfer sur la vague en s’alignant sur le discours de la frange la plus dure de sa communauté.

    Ces peurs fantasmées pour certaines reposent sur l’expérience de la période du gouvernement Jospin et des répercussions de la seconde Intifada sur les « territoires perdus » de la République et sur la difficulté du quotidien pour certains juifs vivant dans les quartiers populaires.

    Paradoxalement, la communauté juive a aujourd’hui une peur supérieure à celle qu’elle a pu ressentir au lendemain de la tuerie de Toulouse. Nicolas Sarkozy défait, les juifs de France craignent une libération de la parole antisémite et une insuffisante protection du nouveau Chef de l’Etat.

     Avec la gauche et l'extrême gauche, les points d’achoppement sont nombreux.

    François Hollande Président sera-t-il capable de trouver de nouveaux moyens de combattre l’antisémitisme ? Les enfants juifs pourront-ils retourner étudier dans les écoles publiques ? L’affaire Dreyfus, la Shoah, pourront-ils être enseignés partout sur le territoire de France ? L’abattage rituel casher pourra-t-’il perdurer ?

    La politique de la France vis-à-vis du conflit du Proche orient et en particulier pour une solution à deux Etats garantissant la sécurité d’Israël sera-t-’ elle maintenue ou rééquilibrée.

    L’antisionisme affiché de certains responsables de gauche (Hessel, élus VERTS…) conduira-t’- il à une évolution de la politique de la France sur le boycott de produits israéliens ? Évidement, ces craintes sont infondées, mais elles existent car la confiance n’existe plus.

    Les images de drapeaux syriens, palestiniens, algériens, et de nombreuses autres nations ont cristallisé la suspicion des juifs de France ; la France multiculturelle serait née, la binationalité érigée en modèle et ces drapeaux refléteraient la domination du champ politique de gauche par les forces « pro-arabes » et antisionistes.

    Ces mêmes critiques ont refusé de voir le peuple de gauche dans sa diversité chanter en masse la Marseillaise (plus que l'Internationale), que les drapeaux français et européens étaient nombreux. Que contrairement à 2002, il y'avait énormément de mixité, d’intergénérationnel, de français de toutes origines et cultures, et que des femmes voilées pouvaient librement danser sur les chansons de la chanteuse israélienne Yaël Naïm. Surtout, ils ont refusé de constater que ce rassemblement n’a donné lieu à aucun incident et que l'esprit républicain était bien présent. La France métissée éclatait sa joie de ne plus être invisible, contestée, stigmatisée, et humiliée.  Nicolas Sarkozy n’avait pas compris que la nouvelle France forte est la France métissée.

    Définitivement, les juifs de France de droite et de gauche doutent de la République, ils se demandent si François Hollande Président réussira à rassembler les Français autour d’une République retrouvée et à les rassurer.

    La nomination de Vincent Peillon à l'éducation nationale et de Manuel Valls au Ministère de l'Intérieur devrait rassurer les français et plus particulièrement les juifs de France sur la détermination du gouvernement de Jean Marc Ayrault de refonder l'école publique et de protéger tous les citoyens de la République de la stigmatisation et de l'insécurité.