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REVUE DE PRESSE - Page 13

  • Le scandale des Prothèses PIP

    Chaque jour la justice, les autorités sanitaires, et les patientes-victimes, font de nouvelles découvertes dans le scandale des prothèses PIP produites par la société varoise Poly Implants Prothèses.

    La société Poly Implants Prothèses était devenue le troisième producteur mondial et agréé en France y compris dans les centres anticancéreux. La société Poly Implants Prothèses distribuait 80 % de ces prothèses dans 65 pays ce qui explique les ramifications internationales de cette crise sanitaire. Dans le monde, 400 000 à 500 000 femmes sont aujourd’hui concernées.

    1-La sécurité de la chaine de fabrication

    L’ensemble des dispositifs médicaux : prothèses mammaires, pacemakers, prothèses de la hanche, produits par la société Poly Implants Prothèses semblent devoir faire l’objet de contrôles. En, effet, 20% de ces produits n’auraient jamais faits l’objet de tests cliniques.

    La sécurité de ces prothèses est aujourd’hui remise en cause en raison de leur taux de ruptures anormalement élevé. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l’Afssaps) a préconisé « une explantation préventive même sans signe clinique de détérioration de l’implant» de l’ensemble des prothèses mammaires PIP. En France, vingt cas de cancers ont été signalés mais le lien entre le port de ces prothèses et le développement de ces cancers n’est pas encore démontré.

    La certification, marquage CE, (qui constitue un "passeport" pour l'exportation) devait assurer la sécurisation de ces produits en France et pour l’exportation, mais à l’évidence cette certification a été une mascarade loin des standards recommandés et loin des procédures pratiquées pour la mise sur le marché des médicaments. En l’espèce, l'organisme certificateur des prothèses PIP, le TÜV Rheinland, s’est contenté de vérifications formelles (conformité des documents).

    Le directeur de la société liquidée (depuis le 30 mars 2010), la société PIP, Jean Claude Mas a admis, avoir sciemment trompé les inspecteurs pour améliorer la rentabilité de son entreprise. La sonnette d'alarme aurait pourtant être pu tirée dés 2000 quand les autorités sanitaires américaines avaient alerté sur les problèmes de qualité de certains implants mammaires produits par la société PIP. La défectuosité des produits est quant à elle devenue une réalité dés 2007 en Grande Bretagne lorsqu’une centaine de femmes avaient porté plainte à l’encontre de la société PIP. Les Pays Bas ont pour leur part interdits ce type de prothèses dés 2010. Les prothèses furent retirées du marché, en France, qu’en mars 2010. Aujourd’hui encore, l’ampleur de la crise sanitaire semble sous estimée.

    Un gel non conforme

    Le taux de rupture de l'enveloppe des implants PIP et de suintement du gel est plus important en raison de l’utilisation d’un gel industriel. Une étude anglaise indique un taux de rupture de 7%. Le gel de silicone utilisé coûtait dix fois moins cher que le gel médical et rendrait l’enveloppe de la prothèse plus fragile ; le silicone à destination industrielle et non médicale constitue un risque de fuite supérieur.

    Jean Claude Mas a admis la fraude. "Je savais que ce gel n'était pas homologué, mais je l'ai sciemment fait car [il] était moins cher, et de bien meilleure qualité". Selon ce dernier, 75% des implants étaient remplis de gel maison. Pire, aujourd’hui encore le contenu exact de ce gel demeure inconnu (gel industriel, gel fabriqué maison, gel contenant des additifs pour carburants) ; une chose est certaine ce gel est très irritant. Il est la cause la plus évidente des inflammations, brûlures, douleurs de contact. Le directeur de l’Afssaps, Dominique Maraninchi, a jugé qu’ « aucun élément ne laisse penser qu'il y ait eu de bonnes prothèses PIP ».

    Ce gel non conforme rend les prothèses impropres à l’utilisation. Les performances et la sécurité des prothèses PIP ne sont pas conformes à l’état de l’art.

    Pour le Docteur W. Haïk, aujourd’hui, « au moment de l’explantation, le chirurgien plasticien consciencieux devrait vérifier si les prothèses implantées ont fait l’objet de rupture », mais de facto trop peu de chirurgiens y pensent. Il conviendrait de mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses PIP retirées ; seule cette pratique permettrait d’effectuer directement des analyses individualisées du gel contenu dans les prothèses.

    Il convient de rendre ce process obligatoire et d’établir des statistiques.

    En somme, l’indispensable « dépose-repose » de prothèses mammaires ne suffira pas à rassurer les patientes, il faut prévoir un accompagnement sur 10 ans de ces patientes et surveiller en, particulier l’éventuelle apparition de cancers du sein. Ce suivi préventif devra être pris en charge par la solidarité nationale.

    L’explantation (dépose) des prothèses est actuellement intégralement remboursée mais pas la repose ; les patientes dont les prothèses seront rompues bénéficient quant à elles d’une prise en charge intégrale pour le retrait et la pose de nouveaux implants. Cette discrimination entre victimes est intolérable !

    2- Les actions judiciaires possibles

    Les patientes victimes

    Les patientes porteuses de prothèses PIP sont aujourd’hui les principales victimes de cet appât du gain facile. La crise sanitaire est mondiale : 42 000 femmes portent des implants PIP au Royaume-Uni, 25 000 au Brésil, 5 000 en Italie, 2000 en République Tchèque, 8 900 en Australie, 280 en Suisse et la liste ne cesse de s’allonger (Emirats arabes, Espagne, Colombie, Israël, Argentines etc.).

    Les patientes ont la possibilité de se constituer partie civile en déposant des plaintes pénales pour tromperie. Pour fixer le montant de leurs dommages et intérêts, les patientes devront justifier du préjudice subi (souffrances endurées, préjudice corporel, moral, esthétique, d'agrément, psychologique, psychique…).

    En novembre 2010, l'Association de défense des porteuses de prothèses PIP (PPP) a ouvert la voie en portant plainte au pénal contre le certificateur TÜV Rheinland pour "mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires". En février 2011, le certificateur s’est retourné contre la société Poly Implants Prothèses, en déposant une plainte pénale auprès du parquet de Marseille.

    Depuis, le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, faux et usage de faux et mise en danger de la vie d'autrui".

    La société Poly Implants Prothèses PIP ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire la recherche de responsables solvables va s’avérer complexe.

    Le délit de tromperie

    La juge d'instruction Annaick Le Goff, l’Afssaps, et la Direction générale de la santé (DGS) enquêtent sur la défectuosité des produits PIP et les fraudes commises. Une information judiciaire pour homicide involontaire et blessures involontaires a été ouverte le 8 décembre 2011 par le parquet de Marseille.

    Le délit de tromperie prévu par l'article L 213-1 du Code de la Consommation réprime la tromperie sur les qualités substantielles du produit en ces termes :

    « Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers :

    1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises (...)

    3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre ».

    L'article L 213-3, al.2 prévoit le doublement des peines si les délits prévus audit article ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ; ce qui en l’espèce apparaît probable.

    En l’absence de class action à la française, les cas des 2 400 plaignantes seront examinés au cas par cas. La CNAM a également déposé plainte.

    La responsabilité des Chirurgiens plasticiens et établissements de soins

    Face à l’insolvabilité de la société Poly Implants Prothèses et vraisemblablement celle de ses dirigeants, plusieurs victimes ont annoncé leurs intentions d’entamer des actions judiciaires à l’encontre de leurs chirurgiens plasticiens pour manquement à leur obligation d’information et de sécurité.

    Ces dernières années, la responsabilité des établissements de soins s’est en effet accentuée. L’établissement doit par exemple disposer de locaux adaptés et d’un personnel suffisant qui corresponde aux normes fixées par la réglementation et avoir notamment « reçu une formation suffisante pour lui permettre d’utiliser l’équipement » mis à la disposition des patients (1).

    En cas de dommage imputable à un produit de santé défectueux les établissements de soins ont une obligation de sécurité de résultat.

    L’établissement de soins doit mettre à disposition du praticien et du patient des matériaux sans vices ou défauts et produits adaptés (sécurisés) pour l’exécution des soins fournis (2).

    Cette responsabilité sans faute du fait du défaut d’un produit est désormais expressément rappelée par la Loi du 4 mars 2002. dans l’article L1142-1 du Code de santé publique.

    L’utilisation de prothèses au silicone frelaté entre à l’évidence dans les cas de violation de cette obligation de résultat de l’établissement de soin et du praticien. Cette action sera sans aucun doute une des plus efficaces pour obtenir une juste réparation financière.

    Les stratégies de défense s’axent souvent sur l’idée que « les actes et soins ont été attentifs et diligents et conformes aux données acquises de la Science » et qu’en quelque sorte le dommage était non prévisible et inévitable.

    Les Tribunaux apprécient la responsabilité des chirurgiens esthétiques avec une plus grande rigueur en raison de l'aspect souvent non thérapeutique de leurs interventions. Le chirurgien plasticien est soumis à une obligation de moyens renforcée qui tend à devenir une quasi-obligation de résultat. Si le chirurgien esthétique ne s'engage pas à un résultat déterminé, il promet cependant que la disgrâce sera moindre.

    Les Tribunaux sont alors conduits à effectuer le tri entre les dommages qui proviennent de risques thérapeutiques et les fautes liés à la compétence (gestes technique fautif du praticien).

    En cas d’échec de l’intervention ou de fautes (comme l’oubli d’une compresse), la responsabilité du chirurgien plasticien peut être engagée et il devra rembourser à sa patiente le montant des sommes versées et en cas de préjudice supplémentaire réparer financièrement son préjudice (3).

    Le risque zéro tend à être la quête de nos Tribunaux. Etablissements de soins et praticiens doivent de plus en plus veiller à l’intégrité corporelle de leurs patients. Cette obligation de résultat tombe quand une complication thérapeutique (aléa) survient au cours de l’intervention.

    Les victimes des prothèses de la société Poly Implants iront sans aucun doute subir les contrôles nécessaires, puis demander la dépose de ses prothèses et éventuellement une repose. Evidement, chaque patiente fera ce qui physiquement, financièrement, et psychologiquement lui est possible.

    Il convient de rappeler qu’à l’obligation de sécurité du chirurgien praticien s’ajoute celle sur l’information des risques qui est également de résultat.

    La responsabilité des Chirurgiens plasticiens et établissements de soins






    L’obligation de Conseils

    L’article 1111-2 de la Loi du 4 mars 2002 prévoit l’information du patient par son médecin. En principe, cette information doit être loyale, claire et appropriée sur « les risques graves afférents aux investigations et soins proposés ».

    En l’espèce, si les patientes avaient été informées des risques, elles auraient choisi les prothèses d’un autre fabricant même plus couteuses.

    De jurisprudence constante,

    « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information, en l’espèce un médecin doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation » (4).

    Cette obligation d’information est d’ailleurs renforcée en matière de chirurgie esthétique. Celle-ci doit non seulement porter « sur les risques graves de l’intervention, mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter » (5).

    De surcroît, le praticien, n’est pas dispensé de cette obligation par « le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’occasionnellement » (6). A titre d’exemple, l’absence d’avertissement des risques de complication tels que celui d’une coque, ou encore d’une infection constitue une faute.

    Selon plusieurs témoignages de praticiens, la collusion entre fabricants de prothèses et chirurgiens pour pouvoir appliquer des tarifs à « bas prix » explique le peu d’informations fournies aux patientes sur le type de prothèses implantées.

    Pour se faire pardonner et redorer le blason de la chirurgie esthétique, certains syndicats proposent de réopérer gratuitement.

    Les distributeurs

    En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le patient-victime d'un produit défectueux doit en premier lieu rechercher la responsabilité du producteur du produit.

    - L’article 1386-1 dispose que "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

    - L’article 1386-4 définit comme produit défectueux celui qui "n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (...)".

    - L’article 1386-10 prévoit que "le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art (...)".

    Les distributeurs étrangers des implants mammaires ont décidé de tenter de se protéger en se retournant contre le producteur du produit PIP. Ainsi, trois distributeurs (J & D Medicals pour la Bulgarie, EMI pour le Brésil et GF Electromedics pour l'Italie) ont d’ores et déjà assigné en juin 2011 la société Poly Implants Prothèses devant le Tribunal de commerce de Toulon.

    Producteur, dirigeants et salariés de la société Poly Implants Prothèses, distributeurs, organismes certificateurs, organes de contrôles (Afsaps…), chirurgiens-plasticiens, c’est toute la chaîne de circulation des produits défectueux qui pourrait être mise en cause.

    Les pouvoirs publics

    Au nom du principe de précaution et des défaillances constatées dans les normes existantes de mise en circulation des produits PIP, la responsabilité des pouvoirs publics et en particulier des Ministres de la santé pourrait être utilement recherchée (A minima, les responsables devront s’expliquer sur les connaissances des Ministres, la pertinence des décisions prises ou non prises).

    A l’évidence, cette affaire des prothèses PIP crée un vent de panique sur les patientes porteuses de prothèses et discrédite l’ensemble de la profession ; elle crée aussi l’opportunité pour les pouvoirs publics de réguler ce secteur en proie à une concurrence féroce et une réglementation trop légère. L’affaire des prothèses PIP remet la question du cadre d’intervention des plasticiens au cœur de l’actualité ainsi que celle de l’encadrement de cette profession et de la chaîne de fabrication des produits médicaux.

    3- Vers un changement de législation

    Le scandale des prothèses PIP a mis en lumière les insuffisances de la réglementation européenne, qui régit la commercialisation des dispositifs médicaux, dont font partie les implants mammaires.

    La Commission de l'Union européenne a annoncé qu'elle réviserait la Directive de 2007 et renforcerait « la traçabilité et l'échange d'informations entre Etats » du contrôle des prothèses mammaires et d'autres produits médicaux sur son territoire.

    La sénatrice UMP de Paris, Chantal Jouanno, a demandé mardi 3 janvier 2012 la création d'une mission parlementaire sur les prothèses PIP. Xavier Bertrand, Ministre de la santé, a d’ores et déjà soutenu l’idée de la mission parlementaire et proposé qu’à la simple certification soit substitué une véritable autorisation de mises sur le marché des dispositifs médicaux semblable à celles existantes pour les médicaments.

    Le député PS Gérard Bapt, rapporteur spécial de la mission Santé à l'Assemblée nationale, a annoncé vendredi 6 janvier 2012 qu'il se rendrait au siège l'Afssaps pour prendre connaissance du dossier des prothèses mammaires PIP. Il s’est déclaré étonné par « la faiblesse du système sanitaire concernant les dispositifs médicaux » ainsi que par « l’inertie incroyable » des autorités dans ce dossier.

    Ces démarches vont dans le bon sens, mais nécessiteront des moyens financiers importants et une volonté politique farouche pour s’affranchir des lobbies industriels.

    4- Vers un fonds de garantie des victimes ?

    Face à la crise sanitaire, à la lenteur des procédures judiciaires, et face aux difficultés à trouver un ou des responsables solvables, il convient de créer un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

    Les exemples des Fonds d'indemnisation des victimes d'attentats et d'infractions pénales peuvent servir. La procédure d’indemnisation mise en place après le scandale du Médiator devrait également inspirer le législateur.

    Les fraudes commises sont scandaleuses et mettent potentiellement en péril la vie de milliers de patientes, le retard pris par les pouvoirs publics dans l’interdiction de ces prothèses et dans la mise en place de process invitant à l’explantation justifie qu’aujourd’hui la communauté nationale soutienne ces victimes.

    Le Fond de garantie national est la solution la plus juste pour les victimes et la plus sécurisante pour leurs indemnisations. Malgré son prix, il va falloir avoir le courage politique de le mettre en œuvre.

     

    (1) Cass., 7 juillet 1998, Bull. n° 239

    (2) Cass., 7 novembre 2000, n° 99-12255

    (3) CA Nîmes, 1ère chambre, 14/12/98, Cie Lloyd Continental c/D ; Juris Data n°031058

    (4) Civ 1ère fev 1997, Bull Civ I, n°95

    (5) Civ 1ère 17 fev 1998, Bull Civ I, n°67

    (6) Civ. 1ère 7 octobre 1998, Bull Civ I, N°291

  • Éviter la crise sanitaire des prothèses mammaires PIP

    Depuis la publication de mon analyse de la situation des patientes porteuses de prothèses mammaires PIP et des risques juridiques de cette catastrophe sanitaire (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/220391;rupture-de-protheses-mammaires-la-valse-des-responsabilites.html), les pouvoirs publics ont commencé à prendre conscience de la détresse de ces femmes.

    La prise en compte des risques de cancer et de la nécessité de faire pratiquer l’explantation (dépose) de ces prothèses est en cours. La recherche des responsabilités s’oriente désormais également vers les chirurgiens plasticiens. Il convient maintenant d’insister sur quelques points fondamentaux pour éviter que les fraudes de la société Poly Implants (utilisation d’un gel industriel en lieu et place d’un gel médical) génèrent une crise sanitaire.

    D’autant qu’aux 30 000 femmes françaises porteuses de telles prothèses, s’ajoute les 300.000 femmes de nationalité étrangère (40.000 anglaises, 25 000 brésiliennes, 280 suisses, de nombreuses espagnoles, colombiennes et argentines etc.) ayant été implantées de prothèses PIP.

    La lente réaction de pouvoirs publics :

    Après la mobilisation de l’AFSAPS, de plaignantes, de Syndicats de médecins, de l’Ordre des Médecins et surtout lé décès de plusieurs patientes, le gouvernement se mobilise enfin en durcissant les recommandations initiales.

    La sonnette d'alarme aurait pourtant être pu tirée dés 2007, quand la société PIP connu ses premiers ennuis judiciaires en Grande-Bretagne (une centaine de femmes avaient porté plainte en raison du caractère défectueux de leurs prothèses) tandis que les Pays Bas interdisaient ce type de prothèses dés 2010. Dès 2000, les autorités sanitaires américaines avaient quant à elles alerté sur les problèmes de qualité de certains implants mammaires produits par la société PIP.

    Xavier BERTRAND, Ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et Nora BERRA, Secrétaire d’Etat chargée de la Santé, actualisent les recommandations de prise en charge des femmes porteuses de prothèses PIP.

     

    Au nom du principe de précaution, ils souhaitent que l’ensemble des patientes procèdent à l’explantation des prothèses. A travers le monde, les réactions institutionnelles demeurent variées (demande de retrait, surveillance renforcée…) ; le Conseil supérieur de la santé italien a pour sa part estimé « pour les prothèses PIP, il n'existe pas de preuve d’un plus grand risque de cancer, mais une plus grande probabilité de rupture et de réactions inflammatoires a été mise en évidence ».

    Concrètement, les femmes porteuses d’une prothèse mammaire doivent vérifier sa marque grâce à la carte qui leur a été remise. « En l’absence de carte, elles doivent contacter leur chirurgien, ou à défaut, l’établissement où a été pratiquée l’intervention ».

    Les patientes qui ne souhaiteraient pas procéder à l’explantation préventive doivent bénéficier d’un suivi par échographie mammaire et axillaire tous les 6 mois.

    Le gouvernement commence à prendre conscience de l’ampleur de la crise sanitaire à laquelle les 30 000 patientes françaises sont exposées, mais de nombreuses questions demeurent en suspens. Pour répondre aux interrogations, un numéro vert est disponible : 0800 636 636 (du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures).

    Contre les discriminations entre patientes

    L’égalité des patientes entre les opérées relevant d’une chirurgie réparatrice (par nécessité thérapeutique) et les patientes ayant choisi par confort de subir de telles interventions doit être rétablie. En effet, le préjudice est identique, qu’importe la cause initiale de la pose des dites prothèses mammaires.

    Les frais liés à cette explantation, incluant l’hospitalisation, sont désormais pris en charge par l’assurance maladie quelque soit la cause initiale de la pose des prothèses mammaires.

    Selon les recommandations gouvernementales, « s’’agissant de femmes relevant d’une chirurgie reconstructrice post cancer du sein, la pose d’une nouvelle prothèse est également remboursée », ce qui signifie que pour les autres patientes l’éventuelle repose reste à leurs charges.

    La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a indiqué son intention de porter à son tour plainte pour "tromperie aggravée et escroquerie", estimant avoir été abusée quant au caractère non conforme des prothèses incriminées.

    Il convient en l’espèce de saluer la position du Conseil de l’Ordre qui a demandé aux chirurgiens plasticiens libéraux de ne pas pratiquer de dépassements d’honoraires, ainsi que celles de certains syndicats proposant de trouver des solutions concertées.

    Cependant, ces mesures ne suffisent pas, l’égalité entre victimes doit être respectée.

    Mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses PIP retirées

    Pour le Docteur W. Haïk, aujourd’hui, « au moment de l’explantation, le chirurgien plasticien consciencieux devrait vérifier si les prothèses implantées ont fait l’objet de rupture », mais de facto trop peu de chirurgiens y pensent.

    Il convient de rendre ce process obligatoire et d’établir des statistiques.

    En somme, l’indispensable dépose-repose de prothèses mammaires ne suffira pas à rassurer les patientes, il faut prévoir un accompagnement sur 10 ans de ces patientes et surveiller en, particulier l’éventuelle apparition de cancers du sein.

    Ce suivi préventif devra être pris en charge par la solidarité nationale.

    Pour la création d’un Fond de garantie national

    Surtout, face au risque sanitaire, à la lenteur des procédures judiciaires, et face aux difficultés à trouver un ou des responsables solvables, il convient de créer un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

    En effet, la société Poly Implant Prothèse (PIP) a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et son fondateur Jean-Claude Mas est recherché par Interpol (qui a émis une "notice rouge" pour demander à ses pays membres son arrestation).

    Le Docteur Dominique-Michel Courtois, médecin-expert de l'association des victimes des prothèses de la société PIP, vient de réclamer la création d'un fonds d'indemnisation pour les malades. « Beaucoup de femmes n'ont pas les moyens de se faire enlever les prothèses en cause. On est maintenant dans l'urgence. On bascule dans une autre dimension ».

    D’un point de vue médical, les patientes qui souhaiteraient disposer d’un suivi psychologique devraient pouvoir en bénéficier, et l’ensemble des patientes devraient se voir intégrer à un programme de prévention de la crise sanitaire.

    La recherche judiciaire des responsables est nécessaire, Jean-Claude Mas (le PDG de la société PIP) devra s’expliquer, les chirurgiens-plasticiens devront également justifier individuellement des choix opérés de recourir aux prothèses de type PIP, mais cette quête ne suffira pas à assurer l’indemnisation des victimes.

    Il convient désormais de créer d'urgence un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

     

  • La gréve des agents aéroportuaires et l'efficience des délégations de service public

    LE PLUS. La grève est un droit constitutionnel. Mais pour combien de temps encore... Des négociations qui traînent, les forces de l'ordre réquisitionnées, une nouvelle proposition de loi soutenue par le gouvernement pour limiter les actions des grévistes... Le droit de grève est en danger.

    Après onze journées de grève, les agents de sûreté aéroportuaire en grève (depuis le 16 décembre) dans les aéroports français ont décidé de poursuivre le mouvement, notamment à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. 
     

     La gendarmerie encadre les grévistes de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le 24 décembre 2011 (Mahor Chiche)

    Les fédérations FO, CFTC et UNSA du secteur ont décidé lundi 26 décembre d’accepter de terminer le conflit sur la base de la prime annuelle et la promesse d’ouverture de négociations ; la CGT en pointe dans ce conflit demeure hostile à la reprise du travail. Ce mouvement est, à de nombreux égards, instructif.

    Ce mouvement mobilise des agents de sociétés privés en charge de la sécurité des voyageurs, ce qui, malgré les dénégations, a pour conséquence de créer de nombreux retards pour les passagers.

    Le mouvement, qui réclame de meilleures conditions de travail et une augmentation de salaire mensuel de 200 euros brut, a d’ores et déjà obtenu la promesse d’une prime annuelle de 500 euros. Le salaire mensuel des agents de sûreté aéroportuaire est compris en moyenne entre 1 100 et 1 600 euros. Cette proposition n'a pas satisfait les grévistes, qui, malgré un semblant d’essoufflement et de lâchage par leurs syndicats, appellent à continuer le mouvement.

    Cependant, la crise aéroportuaire est avant tout le fait de mauvais choix stratégiques. Les directions des aéroports ont tardé à accepter la négociation et le gouvernement, qui souhaite éviter à tout prix le pourrissement du mouvement et l’image désastreuse de ses vacanciers mécontents en pleine trêve des confiseurs, a joué la fermeté. La ministre de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement, Nathalie Kosciusko-Morizet, a ainsi assuré qu'il n'était "pas question de laisser les Français pris en otage par ce conflit à l'occasion des vacances de Noël". "Si la situation ne s'améliore pas, nous aurons recours à une solution appropriée" ; l’utilisation du terme "otage" étant censée dramatiser la crise (alors même que le trafic reste peu perturbé).

    Vers un nouvel encadrement du droit de grève

    Cette crise de Noël montre une nouvelle fois l’impossibilité du dialogue social préventif et la complexité du dialogue social en France où, à plusieurs reprises, les négociations ont été rompues.

    Arguant de l’existence de la loi du 21 août 2007 sur le service minimum dans les transports terrestres, le gouvernement va soutenir le 24 janvier 2012 une proposition de loi UMP visant à l’instauration d’un système similaire (dépôt de préavis de grève auprès de la direction) dans les transports aériens. Le texte sur "le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs" déposé fin novembre par le député UMP Eric Diard vise à rendre obligatoire la négociation préalable, la déclaration individuelle des grévistes quarante-huit heures avant le début du mouvement, dans les entreprises ou établissements qui concourent directement au transport aérien de passagers ainsi que la publication des prévisions de trafic vingt-quatre heures à l'avance.

    Le ministre en charge des Transports, Thierry Mariani, a estimé que "ce texte permettrait d'organiser le trafic aérien, d'informer en avance les passagers et ainsi d'éviter les engorgements (...), en conciliant de façon équilibrée, le principe constitutionnel du droit de grève, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ainsi que le principe de la continuité du service dans les aéroports".

    Pourtant, la législation actuelle prévoit déjà que les salariés des entreprises privées ayant une mission de service public doivent déposer un préavis de grève au moins cinq jours avant le début prévu des débrayages, ce qui a été fait dans le cas présent. Le dépôt de préavis n’a pas contraint la direction à négocier : voici sans doute l’unique élément du dispositif à améliorer. Plusieurs syndicats ont d’ores et déjà annoncé que cette loi provoquerait dès février prochain de nouvelles grèves.

    La réquisition des forces de l’ordre

    Les agents sont déterminés à obtenir gain de cause vu leurs conditions de travail. Ils ont très peu apprécié la réquisition de policiers pour effectuer leur travail dans deux terminaux de l'aéroport de Roissy. Alors même que le droit de grève est constitutionnellement protégé et que la détection de produits dangereux nécessite des formations spéciales dont ils ont bénéficié. Selon certains, la sécurité des voyageurs pourrait être moins bien assurée. Faute de formation, les policiers ne sont pas habilités à contrôler les bagages sur les écrans ; ils peuvent uniquement procéder à des palpations.

    En principe, l'article L.1251-10 du code du travail interdit le recours à des intérimaires ou à des contrats à durée déterminée pour remplacer des grévistes. La jurisprudence de la Cour de cassation va dans le même sens. Si cette réquisition est toujours possible au nom du principe de continuité du service public de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et de l’atteinte à l'ordre public, ces réquisitions alors même que le trafic semble peu perturbé par ces mouvements constitue une atteinte au droit de grève.

    Le référé-liberté introduit devant le tribunal administratif de Montreuil pour "atteinte au droit de grève" a toutefois été rejeté au motif que cette mesure ne constitue "pas une atteinte au droit de grève".

    En effet, le juge des référés a "fondé sa décision sur le fait que le remplacement d'agents grévistes par des fonctionnaires de l'Etat, dont les missions sont d'assurer la sécurité des biens et des personnes, ne constitue pas une atteinte au droit de grève dans la mesure où aucune réquisition [de personnels grévistes] n'est demandée".

    La capacité des délégations de missions de service public

    A mon sens, la grande question posée par ce mouvement est ailleurs. La question que révèle ce mouvement est celle de la délégation depuis 1996 de notre sécurité aérienne à des sociétés privées (Securitas, Brink's, Alyzia Sûreté, Vigimark, Samsic, ICTS, etc.).

    En effet, peut-on confier à des sociétés de sécurité privées des fonctions de sécurisation relevant traditionnellement de la compétence régalienne de l’Etat ? Pour la majorité des passagers, ces tâches devraient demeurer des prérogatives de la force publique et ce sont ces policiers que l’on devrait former à la reconnaissance des substances dangereuses.

    Encore une fois, cette affaire illustre l’absence d’analyse des avantages-inconvénients des délégations de missions de services publics.

     

     

  • Rupture de prothèses mammaires : la valse des responsabilités

    LE PLUS. Le récent décès d'une patiente et l'ouverture jeudi d'une information judiciaire contre X pour "homicide et blessures involontaires" après le décès d'une autre ont relancé le débat sur les risques encourus par les patientes porteuses de prothèses mammaires. Responsabilité des fabricants de prothèses ? Des praticiens ? Des établissements de soin ? L'avocat Mahor Chiche fait le point pour vous.

    Depuis plusieurs années, les bimbos (Pamela Anderson, Anna Nicole Smith…) et la chirurgie esthétique défraient la chronique. Entre les actes barbares de chirurgiens plasticiens usurpateurs (exemple du docteur Michel Maure) et les ratés liés à l’exercice d’une pratique professionnelle, les litiges se multiplient. Mais malgré la crise économique, la chirurgie et la médecine esthétique progressent de 10 % par an

    Le décès d’une patiente portant des prothèses mammaires à base de gel de silicone fabriquées par la société Poly Implant Prothèse (PIP) et le dépôt de plus de 2.000 plaintes annonce une vraie crise de confiance. 30.000 femmes en France et plus de 200.000 dans le monde seraient concernées.

     

    Intervention chirurgicale destinee a la mise en place d'implants mammaires e n silicone ( BANOS/TPH/SIPA) Intervention chirurgicale destinée a la mise en place d'implants mammaires en silicone ( BANOS/TPH/SIPA)

    Dès le quatrième trimestre de l’année 2009, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l’Afssaps) a constaté une augmentation anormale du nombre de ruptures prématurées sur les prothèses pré-remplies de gel PIP fabriquées par la société Poly Implants.

    Le 29 mars 2010, l’Afssaps a pris la décision de suspendre la mise sur le marché et l’utilisation de ces prothèses PIP. Plus de 29.000 prothèses avaient été également mises sous scellés. En effet, ses investigations avaient décelé un taux de rupture des implants trop important et l’utilisation d’un gel de silicone industriel. Le gel utilisé coûtait dix fois moins cher que le gel médical et rendait l’enveloppe de la prothèse plus fragile. Le silicone à destination industrielle, et non médicale, constitue un risque de fuite supérieur.

    Quelles actions en responsabilité ?

    1. La responsabilité du fait des produits défectueux : le producteur

    En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le patient-victime d'un produit défectueux doit en premier lieu rechercher la responsabilité du producteur du produit.

    - L’article 1386-1 dispose que "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

    - L’article 1386-4 définit comme produit défectueux celui qui "n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (...)".

    - L’article 1386-10 prévoit que "le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art (...)".

    L’autorisation de mise sur le marché par l’Afssaps des prothèses PIP n’exonère donc pas les producteurs. Les professionnels de santé (praticiens ou établissements de soins) pourront être mis en cause si le producteur n'est pas identifié. Ils pourront toutefois s'exonérer d'une telle responsabilité en indiquant le nom du producteur ou de leur fournisseur. En l’occurrence, la société PIP est identifiée comme producteur mais le tribunal de commerce de Toulon a prononcé sa liquidation judiciaire depuis le 30 mars 2010.

    Les chances de succès des actions des patientes à l’encontre de la société Poly Implants et de ses assureurs risquent cependant d’être faibles.

    2. Le délit de tromperie : le fournisseur

    Le délit de tromperie prévu par l'article L 213-1 du Code de la Consommation réprime la tromperie sur les qualités substantielles du produit en ces termes :

    "Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37.500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers (...)."

    L'article L 213-3, al.2 prévoit le doublement des peines si les délits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ; ce qui en l’espèce apparaît probable.

    Le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, faux et usage de faux et mise en danger de la vie d'autrui". L'enquête devra "déterminer la réalité des accusations portées contre les responsables de cette société". Ces incriminations sont passibles de quatre ans d'emprisonnement.

    Les patientes pourront se porter parties civiles dans ce dossier mais ici encore la liquidation de la société Poly Implants Prothèses réduit les chances d’indemnisation des préjudices subis. En effet, en pratique, les sociétés en liquidation judiciaire sont quasiment insolvables.

     Jeune femme en consultation pour une augmentation mammaire (BANOS/TPH/SIPA)

     Jeune femme en consultation pour une augmentation mammaire (BANOS/TPH/SIPA)

    Le praticien, responsable ?

    La plupart des victimes se retourneront donc contre leurs praticiens ou établissements de soins. Dans ce genre de litiges, l’absence dans notre droit positif de possibilités de recours aux "class action" (NLDR: recours collectifs pour des préjudices individuels qui ont été causés par le même auteur) est regrettable.

    1. La responsabilité des praticiens et établissements de soins : une obligation de résultats renforcée

    Ces dernières années, la responsabilité des établissements de soins s’est accentuée. L’établissement doit, par exemple, disposer de locaux adaptés et d’un personnel suffisant qui corresponde aux normes fixées par la réglementation et avoir notamment "reçu une formation suffisante pour lui permettre d’utiliser l’équipement" mis à la disposition des patients (1). 

    En cas de dommage imputable à un produit de santé défectueux, les établissements de soins ont une obligation de sécurité de résultat. L’établissement de soins doit mettre à disposition du praticien et du patient des matériaux sans vices ou défauts et produits adaptés (sécurisés) pour l’exécution des soins fournis (2).

    Cette responsabilité sans faute du fait du défaut d’un produit est désormais expressément rappelée par la loi du 4 mars 2002. L’article L1142-1 du Code de santé publique dispose que :

    "(...) Sont responsables les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...)."

    L’utilisation de prothèses au silicone frelaté entre à l’évidence dans les cas de violation de cette obligation de résultat de l’établissement de soin et du praticien.

    Les stratégies de défense s’axent souvent sur l’idée que "les actes et soins ont été attentifs et diligents et conformes aux données acquises de la science" et qu’en quelque sorte le dommage était non prévisible et inévitable.

    Les tribunaux apprécient la responsabilité des chirurgiens esthétiques avec une plus grande rigueur en raison de l'aspect souvent non thérapeutique de leurs interventions. Le chirurgien plasticien est soumis à une obligation de moyens renforcée qui tend à devenir une quasi-obligation de résultat. Si le chirurgien esthétique ne s'engage pas à un résultat déterminé, il promet cependant que la disgrâce sera moindre.

    Les tribunaux sont alors conduits à effectuer le tri entre les dommages qui proviennent de risques thérapeutiques et les fautes liés à la compétence (gestes technique fautif du praticien).

    En cas d’échec de l’intervention ou de fautes (comme l’oubli d’une compresse), la responsabilité du chirurgien plasticien peut être engagée et il devra rembourser à sa patiente le montant des sommes versées et en cas de préjudice supplémentaire réparer financièrement son préjudice (3).

    Le risque zéro tend à être la quête de nos tribunaux. Établissements de soins et praticiens doivent de plus en plus veiller à l’intégrité corporelle de leurs patients. Cette obligation de résultat tombe quand une complication thérapeutique (aléa) survient au cours de l’intervention.

    Les victimes des prothèses de la société Poly Implants iront sans aucun doute subir les contrôles nécessaires, puis demander la dépose de ses prothèses et éventuellement une repose. Évidemment, chaque patiente fera ce qui, physiquement, financièrement, et psychologiquement, lui est possible.

    Il convient de rappeler qu’en matière d’information des risques l’obligation du chirurgien plasticien est également de résultat.

    2. L’obligation de conseil des médecins, renforcée en matière de chirurgie esthétique

    L’article 1111-2 de la loi du 4 mars 2002 prévoit l’information du patient par son médecin. En principe, cette information doit être loyale, claire et appropriée sur "les risques graves afférents aux investigations et soins proposés".

    De jurisprudence constante, "celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information, en l’espèce un médecin doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation" (4).

    Cette obligation d’information est d’ailleurs renforcée en matière de chirurgie esthétique. Celle-ci doit non seulement porter "sur les risques graves de l’intervention, mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter" (5).

    De surcroît, le praticien n’est pas dispensé de cette obligation par "le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’occasionnellement" (6). À titre d’exemple, l’absence d’avertissement des risques de complications tels que celui d’une coque, ou encore d’une infection constitue une faute.

    L’affaire des prothèses PIP remet la question du cadre d’intervention des plasticiens au cœur de l’actualité ainsi que celle de l’encadrement de cette profession et de la chaîne de fabrication des produits médicaux. Surtout, cette affaire crée un risque sanitaire pour des milliers de femmes et mériterait un engagement fort de l’Etat. Car, si le lien entre les prothèses et le développement de lymphomes était avéré, le coût humain et social risquerait d’être élevé.

    Vers un fonds de garantie des victimes ?

    La prise en charge de ces déposes-reposes selon le diagnostic et l’envie du patient coûtera pour les seules victimes françaises au minimum 90 millions d’euros. Après avoir retiré les prothèses PIP du marché, il est temps de proposer des solutions adaptées aux patientes pour retirer ces prothèses mortifères.

    Il faut accélérer les enquêtes, les expertises, et réfléchir à la mise en place d’un fonds de garantie pour éviter que les victimes patientent des années avant de voir leur préjudice réparé.

     

    (1) Cass., 7 juillet 1998, Bull. n° 239

    (2) Cass., 7 novembre 2000, n° 99-12255

    (3) CA Nîmes, 1ère chambre, 14/12/98, Cie Lloyd Continental c/D ; Juris Data n°031058

    (4) Civ 1ère fev 1997, Bull Civ I, n°95

    (5) Civ 1ère 17 fev 1998, Bull Civ I, n°67

    (6) Civ. 1ère 7 octobre 1998, Bull Civ I, N°291