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crise

  • Le scandale des Prothèses PIP

    Chaque jour la justice, les autorités sanitaires, et les patientes-victimes, font de nouvelles découvertes dans le scandale des prothèses PIP produites par la société varoise Poly Implants Prothèses.

    La société Poly Implants Prothèses était devenue le troisième producteur mondial et agréé en France y compris dans les centres anticancéreux. La société Poly Implants Prothèses distribuait 80 % de ces prothèses dans 65 pays ce qui explique les ramifications internationales de cette crise sanitaire. Dans le monde, 400 000 à 500 000 femmes sont aujourd’hui concernées.

    1-La sécurité de la chaine de fabrication

    L’ensemble des dispositifs médicaux : prothèses mammaires, pacemakers, prothèses de la hanche, produits par la société Poly Implants Prothèses semblent devoir faire l’objet de contrôles. En, effet, 20% de ces produits n’auraient jamais faits l’objet de tests cliniques.

    La sécurité de ces prothèses est aujourd’hui remise en cause en raison de leur taux de ruptures anormalement élevé. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l’Afssaps) a préconisé « une explantation préventive même sans signe clinique de détérioration de l’implant» de l’ensemble des prothèses mammaires PIP. En France, vingt cas de cancers ont été signalés mais le lien entre le port de ces prothèses et le développement de ces cancers n’est pas encore démontré.

    La certification, marquage CE, (qui constitue un "passeport" pour l'exportation) devait assurer la sécurisation de ces produits en France et pour l’exportation, mais à l’évidence cette certification a été une mascarade loin des standards recommandés et loin des procédures pratiquées pour la mise sur le marché des médicaments. En l’espèce, l'organisme certificateur des prothèses PIP, le TÜV Rheinland, s’est contenté de vérifications formelles (conformité des documents).

    Le directeur de la société liquidée (depuis le 30 mars 2010), la société PIP, Jean Claude Mas a admis, avoir sciemment trompé les inspecteurs pour améliorer la rentabilité de son entreprise. La sonnette d'alarme aurait pourtant être pu tirée dés 2000 quand les autorités sanitaires américaines avaient alerté sur les problèmes de qualité de certains implants mammaires produits par la société PIP. La défectuosité des produits est quant à elle devenue une réalité dés 2007 en Grande Bretagne lorsqu’une centaine de femmes avaient porté plainte à l’encontre de la société PIP. Les Pays Bas ont pour leur part interdits ce type de prothèses dés 2010. Les prothèses furent retirées du marché, en France, qu’en mars 2010. Aujourd’hui encore, l’ampleur de la crise sanitaire semble sous estimée.

    Un gel non conforme

    Le taux de rupture de l'enveloppe des implants PIP et de suintement du gel est plus important en raison de l’utilisation d’un gel industriel. Une étude anglaise indique un taux de rupture de 7%. Le gel de silicone utilisé coûtait dix fois moins cher que le gel médical et rendrait l’enveloppe de la prothèse plus fragile ; le silicone à destination industrielle et non médicale constitue un risque de fuite supérieur.

    Jean Claude Mas a admis la fraude. "Je savais que ce gel n'était pas homologué, mais je l'ai sciemment fait car [il] était moins cher, et de bien meilleure qualité". Selon ce dernier, 75% des implants étaient remplis de gel maison. Pire, aujourd’hui encore le contenu exact de ce gel demeure inconnu (gel industriel, gel fabriqué maison, gel contenant des additifs pour carburants) ; une chose est certaine ce gel est très irritant. Il est la cause la plus évidente des inflammations, brûlures, douleurs de contact. Le directeur de l’Afssaps, Dominique Maraninchi, a jugé qu’ « aucun élément ne laisse penser qu'il y ait eu de bonnes prothèses PIP ».

    Ce gel non conforme rend les prothèses impropres à l’utilisation. Les performances et la sécurité des prothèses PIP ne sont pas conformes à l’état de l’art.

    Pour le Docteur W. Haïk, aujourd’hui, « au moment de l’explantation, le chirurgien plasticien consciencieux devrait vérifier si les prothèses implantées ont fait l’objet de rupture », mais de facto trop peu de chirurgiens y pensent. Il conviendrait de mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses PIP retirées ; seule cette pratique permettrait d’effectuer directement des analyses individualisées du gel contenu dans les prothèses.

    Il convient de rendre ce process obligatoire et d’établir des statistiques.

    En somme, l’indispensable « dépose-repose » de prothèses mammaires ne suffira pas à rassurer les patientes, il faut prévoir un accompagnement sur 10 ans de ces patientes et surveiller en, particulier l’éventuelle apparition de cancers du sein. Ce suivi préventif devra être pris en charge par la solidarité nationale.

    L’explantation (dépose) des prothèses est actuellement intégralement remboursée mais pas la repose ; les patientes dont les prothèses seront rompues bénéficient quant à elles d’une prise en charge intégrale pour le retrait et la pose de nouveaux implants. Cette discrimination entre victimes est intolérable !

    2- Les actions judiciaires possibles

    Les patientes victimes

    Les patientes porteuses de prothèses PIP sont aujourd’hui les principales victimes de cet appât du gain facile. La crise sanitaire est mondiale : 42 000 femmes portent des implants PIP au Royaume-Uni, 25 000 au Brésil, 5 000 en Italie, 2000 en République Tchèque, 8 900 en Australie, 280 en Suisse et la liste ne cesse de s’allonger (Emirats arabes, Espagne, Colombie, Israël, Argentines etc.).

    Les patientes ont la possibilité de se constituer partie civile en déposant des plaintes pénales pour tromperie. Pour fixer le montant de leurs dommages et intérêts, les patientes devront justifier du préjudice subi (souffrances endurées, préjudice corporel, moral, esthétique, d'agrément, psychologique, psychique…).

    En novembre 2010, l'Association de défense des porteuses de prothèses PIP (PPP) a ouvert la voie en portant plainte au pénal contre le certificateur TÜV Rheinland pour "mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires". En février 2011, le certificateur s’est retourné contre la société Poly Implants Prothèses, en déposant une plainte pénale auprès du parquet de Marseille.

    Depuis, le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, faux et usage de faux et mise en danger de la vie d'autrui".

    La société Poly Implants Prothèses PIP ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire la recherche de responsables solvables va s’avérer complexe.

    Le délit de tromperie

    La juge d'instruction Annaick Le Goff, l’Afssaps, et la Direction générale de la santé (DGS) enquêtent sur la défectuosité des produits PIP et les fraudes commises. Une information judiciaire pour homicide involontaire et blessures involontaires a été ouverte le 8 décembre 2011 par le parquet de Marseille.

    Le délit de tromperie prévu par l'article L 213-1 du Code de la Consommation réprime la tromperie sur les qualités substantielles du produit en ces termes :

    « Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers :

    1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises (...)

    3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre ».

    L'article L 213-3, al.2 prévoit le doublement des peines si les délits prévus audit article ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ; ce qui en l’espèce apparaît probable.

    En l’absence de class action à la française, les cas des 2 400 plaignantes seront examinés au cas par cas. La CNAM a également déposé plainte.

    La responsabilité des Chirurgiens plasticiens et établissements de soins

    Face à l’insolvabilité de la société Poly Implants Prothèses et vraisemblablement celle de ses dirigeants, plusieurs victimes ont annoncé leurs intentions d’entamer des actions judiciaires à l’encontre de leurs chirurgiens plasticiens pour manquement à leur obligation d’information et de sécurité.

    Ces dernières années, la responsabilité des établissements de soins s’est en effet accentuée. L’établissement doit par exemple disposer de locaux adaptés et d’un personnel suffisant qui corresponde aux normes fixées par la réglementation et avoir notamment « reçu une formation suffisante pour lui permettre d’utiliser l’équipement » mis à la disposition des patients (1).

    En cas de dommage imputable à un produit de santé défectueux les établissements de soins ont une obligation de sécurité de résultat.

    L’établissement de soins doit mettre à disposition du praticien et du patient des matériaux sans vices ou défauts et produits adaptés (sécurisés) pour l’exécution des soins fournis (2).

    Cette responsabilité sans faute du fait du défaut d’un produit est désormais expressément rappelée par la Loi du 4 mars 2002. dans l’article L1142-1 du Code de santé publique.

    L’utilisation de prothèses au silicone frelaté entre à l’évidence dans les cas de violation de cette obligation de résultat de l’établissement de soin et du praticien. Cette action sera sans aucun doute une des plus efficaces pour obtenir une juste réparation financière.

    Les stratégies de défense s’axent souvent sur l’idée que « les actes et soins ont été attentifs et diligents et conformes aux données acquises de la Science » et qu’en quelque sorte le dommage était non prévisible et inévitable.

    Les Tribunaux apprécient la responsabilité des chirurgiens esthétiques avec une plus grande rigueur en raison de l'aspect souvent non thérapeutique de leurs interventions. Le chirurgien plasticien est soumis à une obligation de moyens renforcée qui tend à devenir une quasi-obligation de résultat. Si le chirurgien esthétique ne s'engage pas à un résultat déterminé, il promet cependant que la disgrâce sera moindre.

    Les Tribunaux sont alors conduits à effectuer le tri entre les dommages qui proviennent de risques thérapeutiques et les fautes liés à la compétence (gestes technique fautif du praticien).

    En cas d’échec de l’intervention ou de fautes (comme l’oubli d’une compresse), la responsabilité du chirurgien plasticien peut être engagée et il devra rembourser à sa patiente le montant des sommes versées et en cas de préjudice supplémentaire réparer financièrement son préjudice (3).

    Le risque zéro tend à être la quête de nos Tribunaux. Etablissements de soins et praticiens doivent de plus en plus veiller à l’intégrité corporelle de leurs patients. Cette obligation de résultat tombe quand une complication thérapeutique (aléa) survient au cours de l’intervention.

    Les victimes des prothèses de la société Poly Implants iront sans aucun doute subir les contrôles nécessaires, puis demander la dépose de ses prothèses et éventuellement une repose. Evidement, chaque patiente fera ce qui physiquement, financièrement, et psychologiquement lui est possible.

    Il convient de rappeler qu’à l’obligation de sécurité du chirurgien praticien s’ajoute celle sur l’information des risques qui est également de résultat.

    La responsabilité des Chirurgiens plasticiens et établissements de soins






    L’obligation de Conseils

    L’article 1111-2 de la Loi du 4 mars 2002 prévoit l’information du patient par son médecin. En principe, cette information doit être loyale, claire et appropriée sur « les risques graves afférents aux investigations et soins proposés ».

    En l’espèce, si les patientes avaient été informées des risques, elles auraient choisi les prothèses d’un autre fabricant même plus couteuses.

    De jurisprudence constante,

    « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information, en l’espèce un médecin doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation » (4).

    Cette obligation d’information est d’ailleurs renforcée en matière de chirurgie esthétique. Celle-ci doit non seulement porter « sur les risques graves de l’intervention, mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter » (5).

    De surcroît, le praticien, n’est pas dispensé de cette obligation par « le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’occasionnellement » (6). A titre d’exemple, l’absence d’avertissement des risques de complication tels que celui d’une coque, ou encore d’une infection constitue une faute.

    Selon plusieurs témoignages de praticiens, la collusion entre fabricants de prothèses et chirurgiens pour pouvoir appliquer des tarifs à « bas prix » explique le peu d’informations fournies aux patientes sur le type de prothèses implantées.

    Pour se faire pardonner et redorer le blason de la chirurgie esthétique, certains syndicats proposent de réopérer gratuitement.

    Les distributeurs

    En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le patient-victime d'un produit défectueux doit en premier lieu rechercher la responsabilité du producteur du produit.

    - L’article 1386-1 dispose que "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

    - L’article 1386-4 définit comme produit défectueux celui qui "n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (...)".

    - L’article 1386-10 prévoit que "le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art (...)".

    Les distributeurs étrangers des implants mammaires ont décidé de tenter de se protéger en se retournant contre le producteur du produit PIP. Ainsi, trois distributeurs (J & D Medicals pour la Bulgarie, EMI pour le Brésil et GF Electromedics pour l'Italie) ont d’ores et déjà assigné en juin 2011 la société Poly Implants Prothèses devant le Tribunal de commerce de Toulon.

    Producteur, dirigeants et salariés de la société Poly Implants Prothèses, distributeurs, organismes certificateurs, organes de contrôles (Afsaps…), chirurgiens-plasticiens, c’est toute la chaîne de circulation des produits défectueux qui pourrait être mise en cause.

    Les pouvoirs publics

    Au nom du principe de précaution et des défaillances constatées dans les normes existantes de mise en circulation des produits PIP, la responsabilité des pouvoirs publics et en particulier des Ministres de la santé pourrait être utilement recherchée (A minima, les responsables devront s’expliquer sur les connaissances des Ministres, la pertinence des décisions prises ou non prises).

    A l’évidence, cette affaire des prothèses PIP crée un vent de panique sur les patientes porteuses de prothèses et discrédite l’ensemble de la profession ; elle crée aussi l’opportunité pour les pouvoirs publics de réguler ce secteur en proie à une concurrence féroce et une réglementation trop légère. L’affaire des prothèses PIP remet la question du cadre d’intervention des plasticiens au cœur de l’actualité ainsi que celle de l’encadrement de cette profession et de la chaîne de fabrication des produits médicaux.

    3- Vers un changement de législation

    Le scandale des prothèses PIP a mis en lumière les insuffisances de la réglementation européenne, qui régit la commercialisation des dispositifs médicaux, dont font partie les implants mammaires.

    La Commission de l'Union européenne a annoncé qu'elle réviserait la Directive de 2007 et renforcerait « la traçabilité et l'échange d'informations entre Etats » du contrôle des prothèses mammaires et d'autres produits médicaux sur son territoire.

    La sénatrice UMP de Paris, Chantal Jouanno, a demandé mardi 3 janvier 2012 la création d'une mission parlementaire sur les prothèses PIP. Xavier Bertrand, Ministre de la santé, a d’ores et déjà soutenu l’idée de la mission parlementaire et proposé qu’à la simple certification soit substitué une véritable autorisation de mises sur le marché des dispositifs médicaux semblable à celles existantes pour les médicaments.

    Le député PS Gérard Bapt, rapporteur spécial de la mission Santé à l'Assemblée nationale, a annoncé vendredi 6 janvier 2012 qu'il se rendrait au siège l'Afssaps pour prendre connaissance du dossier des prothèses mammaires PIP. Il s’est déclaré étonné par « la faiblesse du système sanitaire concernant les dispositifs médicaux » ainsi que par « l’inertie incroyable » des autorités dans ce dossier.

    Ces démarches vont dans le bon sens, mais nécessiteront des moyens financiers importants et une volonté politique farouche pour s’affranchir des lobbies industriels.

    4- Vers un fonds de garantie des victimes ?

    Face à la crise sanitaire, à la lenteur des procédures judiciaires, et face aux difficultés à trouver un ou des responsables solvables, il convient de créer un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

    Les exemples des Fonds d'indemnisation des victimes d'attentats et d'infractions pénales peuvent servir. La procédure d’indemnisation mise en place après le scandale du Médiator devrait également inspirer le législateur.

    Les fraudes commises sont scandaleuses et mettent potentiellement en péril la vie de milliers de patientes, le retard pris par les pouvoirs publics dans l’interdiction de ces prothèses et dans la mise en place de process invitant à l’explantation justifie qu’aujourd’hui la communauté nationale soutienne ces victimes.

    Le Fond de garantie national est la solution la plus juste pour les victimes et la plus sécurisante pour leurs indemnisations. Malgré son prix, il va falloir avoir le courage politique de le mettre en œuvre.

     

    (1) Cass., 7 juillet 1998, Bull. n° 239

    (2) Cass., 7 novembre 2000, n° 99-12255

    (3) CA Nîmes, 1ère chambre, 14/12/98, Cie Lloyd Continental c/D ; Juris Data n°031058

    (4) Civ 1ère fev 1997, Bull Civ I, n°95

    (5) Civ 1ère 17 fev 1998, Bull Civ I, n°67

    (6) Civ. 1ère 7 octobre 1998, Bull Civ I, N°291

  • La procédure de licenciement pour motif personnel : les étapes clés

    La crise économique actuelle conduit de nombreux employeurs à licencier pour des motifs souvent mal fondés, le salarié qui se retrouve licencié pour motif personnel ignore trop souvent le déroulé de la procédure et les pièges à éviter. Le présent article tend à rappeler les grandes étapes de la procédure de licenciement et de l’action au fond devant les Conseils de prud’hommes ainsi qu’à dédramatiser ce recours.

    Tout employeur qui envisage de rompre - après la période d’essai - le contrat de travail à durée indéterminée d’un salarié pour un motif personnel doit pouvoir justifier d’une cause réelle et sérieuse et suivre une procédure de licenciement respectueuse du droit du travail.

    En l’absence de démission du salarié ou de rupture conventionnelle, la procédure classique de rupture du contrat de travail est le licenciement pour motif personnel.

    -La mise à pied à titre conservatoire

    Dans l’hypothèse d’un licenciement pour faute lourde ou grave, le salarié peut être mis à pied à titre conservatoire pendant la durée de la procédure (le salarié se voit alors interdire l’accès aux locaux de la société). Cette mise à pied -qui n’est pas une sanction disciplinaire- peut être verbale, mais elle doit impérativement être notifiée par écrit. Si elle a fait l’objet d’une notification séparée, elle doit être mentionnée ou rappelée dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.

    -L’entretien préalable :

    L’entretien doit permettre :

    • à l’employeur, d’indiquer les motifs du licenciement envisagé,

    • au salarié, d’exposer et de défendre ses arguments.

    Cet entretien est souvent l’objet de stress du salarié convoqué, mais il faut savoir qu’il est généralement de courte durée et que l’employeur a d’ores et déjà pris sa décision de rompre le contrat. Il est recommandé de s’y rendre accompagné afin que des notes de cet entretien puissent être prises et faire l’objet d‘un compte rendu officiel utilisable en justice.

    L’employeur doit veiller à ne pas révéler son intention de licencier avant d’avoir adressé la notification de ce dernier (il évitera par exemple de publier une annonce visant à recruter un remplaçant pour le même poste). Le salarié veillera à contester les griefs qui lui sont faits.

    Trop souvent, le salarié sur-estime son importance et croit pouvoir obtenir une solution amiable ou des dommages et intérêts élevés. Le rôle de l’avocat est alors de le ramener à la réalité des solutions possibles.

    Salarié ou employeur, l’entretien avec un Avocat à ce stade peut être très utile pour éviter toute faute de procédure ou erreur stratégique.

    -Le licenciement pour faute

    La lettre de licenciement fixe les limites du litige, elle doit être précise et motivée. Il convient donc pour l’employeur de bien choisir les griefs formulés. Le débat juridique portera sur la portée des fautes retenues par l’employeur. Les fautes alléguées justifient-elles le licenciement ? A ce stade avoir préparé son dossier aide à déterminer l’opportunité de poursuivre ou non la procédure.

    La faute peut être simple, grave ou lourde. Cette qualification est importante en matière de préavis et de droits à l’indemnité légale. Seule la faute lourde fera perdre au salarié le droit à ses certaines indemnités telle que l'indemnité compensatrice de préavis (mais le salarié conserve son droit aux ASSEDICS.

    La lettre de licenciement doit être signée par l’employeur, un mandataire ou un représentant.

    Sauf faute grave ou lourde, un préavis doit être observé ; l’employeur peut en dispenser le salarié. Le salarié qui souhaite en conserver la rémunération ne doit surtout pas demander à l’employeur à en être dispensé (sinon il ne lui sera pas rétribué).

    Lorsque le licenciement concerne un salarié protégé (délégué du personnel, membre du comité d’entreprise, délégué syndical…), l’employeur doit obtenir une autorisation de l’inspecteur du travail pour pouvoir le licencier.

    Une fois la lettre de rupture adressée au salarié, la voie de l’action judiciaire est ouverte.

    -La procédure devant le Conseil des Prud’hommes

    A défaut de transaction amiable possible, le Conseil des prud’hommes peut être saisi par lettre recommandée ou déposée au secrétariat-greffe dans un délai de cinq ans. Il est toutefois recommander de faire respecter ses droits le plus rapidement possible après la réception de sa lettre de rupture.

    Juridiction spéciale, le Conseil de prud’hommes est compétent pour juger tout conflit survenant entre un salarié du secteur privé et son employeur à propos de l’exécution du contrat de travail ou de sa rupture.

    Le Conseil des Prud’hommes compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement où est effectué le travail. Si le travail est réalisé en dehors de tout établissement (VRP, travailleurs à domicile…), la demande est portée devant le Conseil de prud’hommes du domicile du salarié. En tout état de cause, le salarié peut toujours saisir le Conseil de prud’hommes du lieu de signature du contrat ou celui du siège social de l’entreprise qui l’emploie. Le siège social étant le siège réel des organes de direction de la société.

    Un procès est toujours une épreuve, il convient donc de le préparer en ayant recueilli le maximum d’attestations et de pièces prouvant votre version des motifs de la rupture. Il convient également de se préparer à répondre éventuellement aux questions qui vous seront posées à la barre, toutefois il est parfois hasardeux de demander la parole sans avoir préparé ce que vous souhaitiez déclarer avec votre Conseil.

    -Le Bureau de conciliation

    La tentative de conciliation est obligatoire et les parties (l’employeur et le salarié) doivent comparaître (se présenter) personnellement ou être représentés par un mandataire muni d’un écrit. Les deux juges (un salarié, un employeur) qui vous recevront n’entrent pas dans le fond du litige, ils cherchent juste à examiner si une conciliation est possible. Cette phase paraît souvent frustrante et rares sont les solutions trouvées, mais c’est une étape à ne pas négliger ; en effet, elle permet de jauger l’argumentation adverse.

    -La phase cruciale des échanges

    Bien que la procédure reste en principe orale, l’échange d’arguments et de pièces est une étape importante. La communication des éléments est souvent tardive aussi il convient de préparer son dossier en amont pour ne pas être surpris.

    -Le Bureau de Jugement

    Les parties sont convoquées à l’audience de jugement par lettre, ou verbalement avec émargement (signature) au dossier lors de l’audience de conciliation. Elles doivent comparaître en personne mais peuvent se faire représenter en cas de motif légitime.

    -Délibéré :

    Le jugement est pris à la majorité absolue des conseillers prud’homaux (au minimum trois voix sur quatre).

    En cas de partage des voix, l’affaire est renvoyée devant le même bureau présidé par un juge professionnel (juge départiteur). Dans cette hypothèse, l’affaire est de nouveau plaidée. En général, l’instance est ainsi retardée de six mois.

    -Exécution du jugement :

    Une fois le jugement obtenu, les parties au procès peuvent exécuter spontanément le jugement ou le faire exécuter par voie d’huissier.

    -Recours :

    L’appel est également ouvert durant 3 mois après la réception de sa notification.

    Ce rappel des principales étapes procédurales de la rupture doit permettre de mieux appréhender cette juridiction particulière que constitue encore aujourd’hui le Conseil des Prud’hommes ; ils sont accusés de beaucoup de maux, mais ils sont surtout une justice humaine ou les faits ont parfois plus d’importance que le droit.

    Aux prud’hommes, les histoires se content pour parvenir à atteindre le cœur des Conseillers prud’hommaux ; malgré tout, un solide dossier demeure un dossier préparé et étayé juridiquement.

    Car, in fine, une victoire devant le Conseil des prud’hommes obtenue uniquement grâce à l’art oratoire sera infirmée en appel.

     

  • VERY BAD BONUS, DE TRES MAUVAIS BONUS


    MAHOR CHICHE EST AVOCAT À LA COUR.
    JEAN-JACQUES OHANA, COFONDATEUR DE RISKELIA, EST EXPERT EN GESTION DES RISQUES FINANCIERS.

    En pleine crise économique, la décision de BNP Paribas de provisionner 1 milliard d'euros sur le premier semestre 2009 pour rétribuer ses traders fait scandale. Certes, cette décision est a priori conforme aux modes de rémunération préconisés par le G20 qui impose notamment un lien étroit entre risques et rémunérations, un contrôle des conseils d'administration ainsi qu'un versement étalé dans le temps (ce qui sera le cas pour BNP Paribas).

    Pourtant, les pouvoirs publics, restaurés dans leur rôle d'agent régulateur, s'émeuvent et convoquent réunion sur réunion pour étudier la conformité de ces modes de rémunérations avec les règles du G20 de Londres d'avril 2009. Faut-il interdire les bonus ? Les encadrer ? Ou laisser employeurs et salariés négocier librement la part qui revient à chacun ?

    La question du droit au bonus n'est pas une question éthique, elle concerne la stabilité du système financier international. Cette question des « bad bonus » dépasse largement nos frontières. Outre-Atlantique, Goldman Sachs annonçait le mois dernier des bénéfices record et provisionnait plus de 11 milliards de dollars en prévision des bonus pour ses salariés sur l'année 2010, une somme insolente au vu de la crise économique que nous traversons.

    D'où proviennent ces bénéfices ? Alors que la récession économique bat son plein et apporte son lot de liquidations de sociétés, de défauts de paiement et de plans de licenciement, le montant généré par les banques interpelle. Les énormes profits enregistrés par les établissements bancaires (la BNP a réalisé 1,6 milliard d'euros de bénéfice sur le seul deuxième trimestre 2009) viennent de la banque d'investissement.

    Le retour de la confiance sur les marchés a été favorisé par les garanties successives des Etats et la politique conciliante des banques centrales. La France a concouru au sauvetage de Dexia étranglé par un assèchement du financement interbancaire. L'Angleterre est intervenue pour sauver la banque hypothécaire Northern Rock puis ses banques historiques RBS et Lloyds. Les Etats-Unis ont quant à eux dû sauver du précipice le géant AIG et ont négocié le sauvetage de plusieurs banques d'investissement, notamment Bear Stearns et Merrill Lynch. Les banques centrales ont participé à cet effort de sauvetage généralisé fixant des taux directeurs à des niveaux historiquement bas.

    Ces actions positives ont permis de sauver le système financier mondial tout en permettant paradoxalement aux traders de bénéficier de nouvelles conditions de financement exceptionnelles. Toute la machine financière, qui était à l'arrêt, est repartie à pleine puissance : les taux d'intérêt sur le marché monétaire sont à des niveaux historiquement bas, les conditions de crédit se sont normalisées, les opérations de financement sur la dette et les actions sont reparties. Les opérateurs ont tiré parti de cette conjoncture de marché idéale au printemps, bénéficiant de la normalisation des marchés financiers, les uns sur les produits dérivés complexes, les autres sur les marchés du crédit, les devises ou les matières premières comme le pétrole, le cuivre ou le sucre. Toutes ces opérations à succès ont des apparences différentes mais ont été toutes portées par un seul et unique facteur : la remise en ordre des marchés financiers.

    Quel est le résultat de ces sauvetages pour les citoyens ? Aujourd'hui, les dettes publiques des pays développés sont à des niveaux record mettant en péril la situation des générations futures. Les taux de financement interbancaire, excessivement bas, sont en passe de provoquer un contre-choc inflationniste néfaste au pouvoir d'achat. Les Etats et les institutions financières ont donc financé les bonnes affaires des traders.

    Les excès passés des banquiers et leur absence de discernement sur les risques de leurs opérations ont contribué à faire plonger la finance mondiale. Ces mêmes banquiers ont durant plusieurs mois refusé de fournir de la liquidité au marché, accentuant encore plus le manque de confiance des investisseurs. Il y a à peine six mois, ils refusaient de croire en une reprise et vendaient les marchés à découvert. Les banques ont la fâcheuse tendance de se préoccuper des risques dans la tourmente et de les ignorer dans les périodes fastes. Leurs opérations moutonnières font courir à la finance mondiale un réel risque systémique du fait des exagérations successives qu'elles provoquent.

    Depuis 2007, le système financier a été successivement atteint par la crise des « subprimes », une flambée des matières premières alimentaires, celle du pétrole, puis l'effondrement des marchés boursiers, et enfin le retour en grâce de ces derniers. Quelle sera la prochaine crise ? Les nouvelles vulnérabilités du système pointent déjà à l'horizon : nouvelle flambée des matières premières, nouveaux excès boursiers ou encore effondrement du dollar. Une chose est sûre, ces crises ne seront pas plaisantes et fragiliseront nos économies.

    La question de la juste rémunération des traders concerne l'ensemble des citoyens car ils sont des vecteurs de risques pour l'ensemble des économies mondialisées.

    En fait, la société dans son ensemble, les politiques, les institutions de régulation financière, les contribuables aussi, sont les garants et les assureurs en dernier recours du système financier ; les risques extrêmes de faillite du système bancaire nous incombent en définitive. Notre relation avec le système bancaire mondial est entière. Nous devons prospérer ou mourir avec lui. Si certains en doutaient, la démonstration par l'absurde en a été produite par la faillite de Lehman Brothers et l'effondrement de la finance mondiale qui s'en est suivie.

    Il est urgent de contractualiser cette relation avec les institutions bancaires. Cette nécessaire régulation peut se produire par deux leviers : une politique fiscale harmonisée taxant fortement les profits de trading des banques ou une régulation imposant un provisionnement beaucoup plus strict des risques liés aux opérations de trading. Ces règles de bien-vivre ensemble permettraient de favoriser le développement des activités de prêt et de financement de l'économie au détriment des activités de trading. C'est au prochain G20 de Pittsburghde se saisir de ces questions d'enjeu international avant que la finance mondiale ne devienne un casino géant financé par le citoyen mais à ses propres dépens.

    19/08/09 - Les Echos , Idees et Debats