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victimes

  • Inventer la Police du Respect

    En France, l'article 78-2 du Code de procédure pénale autorise les agents de police judiciaire à « inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ; ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire ».

    Afin d'éviter les contrôles de police au faciès qui stigmatisent les jeunes et les personnes de couleurs, le gouvernement Ayrault envisage la mise en place la délivrance d'un récépissé à l'issue des contrôles d'identités réalisés.

    Cette mesure a déjà été expérimentée avec succès aux États-Unis, au Canada, en Espagne, en Hongrie, en Bulgarie et en Grande-Bretagne. En France, elle est réclamée depuis de nombreuses années par les associations, dont SOS Racisme, mais très contestée par l'ancien Ministre de l'Intérieur Claude Guéant et les syndicats de police. Le nouveau Ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, semble pour sa part hésiter ; l'éventuel retour du matricule sur les uniformes des policiers, la remise d'une "carte de visite" ou encore l'installation de petites caméras qui filmeraient les interventions constituent pour l'heure des pistes de travail.

    A l'automne prochain, le Défenseur des droits, Dominique Baudis rendra public un rapport de réflexion générale sur les contrôles d'identité ; d'ici là un débat réel doit s'ouvrir sur les rapports citoyens-police.

    La gauche a raté la républicanisation de la Police

    En 1981, la gauche n'a pas réussi à faire une réforme de la police permettant la réconciliation avec les citoyens. Le Ministre de l'Intérieur Gaston Defferre préconisait alors une réponse policière ferme.

    En 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a réussi sous l'impulsion de Jean Pierre Chevènement la féminisation et la « colorisation » de la Police ; De même, le développement de la police de proximité, les tournois sportifs entre policiers et jeunes, furent symboliquement importants, mais ils n'ont pas suffit à recréer le lien de confiance rompu. A l'échelle locale, de nombreux Maires ont mis en place des Contrats Locaux de Sécurité (CLS) organisant la transmission d'information et le partenariat entre les acteurs locaux.

    Ces réformes furent notables mais insuffisantes à modifier la culture policière française. Les policiers femmes ou issus de l'immigration restent discriminés dans leurs carrières (notations) et victimes de brimades ou remarques désobligeantes de leurs collègues. Parfois, ils sont même dans une logique de « zèle » pour apparaître aussi « durs » que leurs collègues.

    Tandis que de nombreux leaders socialistes reprenaient à leurs comptes le concept américain de tolérance zéro ; en 2006, Ségolène Royal a tenté de concilier la prévention et la nécessité de la répression dans le concept « d'ordre juste ».

    Dans la dernière campagne présidentielle, l'engagement n°30 de François Hollande proposait d'encadrer les contrôles d'identité « par une procédure respectueuse des citoyens».

    Le récépissé, un outil de mesure statistique

    A Toronto, le récépissé révèle que la police contrôle trois fois plus les « Noirs » que les « Blancs ». Selon une enquête menée en 2009 à Paris par le CNRS et l'Open Society Justice Initiative (OSJI), un « Arabe » a en moyenne huit fois plus de risques de se faire contrôler qu'un « Blanc », un « Noir » six fois plus. Le récépissé est ainsi un outil de mesure statistique utile ; mais il devra surtout servir aux changements de pratiques et à la facilitation des dépôts de plaintes contre les comportements inacceptables.

    Le rapport entre Citoyens et Police et plus particulièrement entre Jeunes et Police s'est distendu ; alors que les contrôles policiers sont trop souvent fondés sur l'apparence vestimentaire et une représentation ethnique conduisant à des contrôles vexatoires et humiliants, les outrages et actions judiciaires pour rébellions sont en pleine explosion.

    De surcroît, en cas de contestation du contrôle, la parole du citoyen reste faible face à celle de l'Agent assermenté que ce soit devant l'inspection Générale des services ou devant les Tribunaux. De nombreux parcours professionnels sont ainsi rendus impossibles du fait de ces condamnations pour amendes ou avec sursis prononcées qui entachent irrémédiablement le casier judiciaire de ces condamnés pour outrages. Les tribunaux rechignent à autoriser les demandes d'exclusion des dites condamnations des casiers judiciaires B2.

    La Police doit retrouver son Autorité et la confiance des citoyens

    Concrètement, ces dix dernières années, la culture du « chiffre » a mis une pression intenable sur les forces de Police qui n'ont ni les moyens humains ni matériels d'accomplir leurs missions. Dans la même soirée, le même Agent doit patrouiller, auditionner et enregistrer les plaintes, ou encore sortir les véhicules. De trop nombreux commissariats ne disposent pas du minimum acceptable pour l'accueil des victimes : salles d'écoute, personnels, distributeur de cafés...

    Ces conditions de travail extrêmes expliquent certains excès. Dans les quartiers difficiles, la rupture de confiance entre les populations de ces zones et l'idée de Police au service de tous est amplifiée.

    En principe, l'article 7 du Code de déontologie de la police nationale interdit déjà les contrôles au faciès ; en réalité, le profilage ethnique et les contrôles d'identité abusifs sont bien trop nombreux. Le seul moyen de réduire ces contrôles abusifs serait d'alourdir les procédures ; la surcharge de travail entrainée dissuadera les policiers les plus zélés de procéder à des contrôles non justifiés. La rédaction et remise d'un récépissé de contrôle proposé par le Premier ministre Ayrault va dans ce sens et permettra de restaurer la confiance, le respect, et l'autorité.

    La question de la formation des policiers, de leurs niveaux d'éducation, et de l'application réelle du « vouvoiement » est essentielle ; il conviendra également de réformer le contrôle des défaillances des services de police (Inspection Générale des Services, IGS) protecteurs de leurs statuts et des droits des citoyens pour qu'il soit plus transparent et impartial.

    La hiérarchie policière et les syndicats sont hostiles à ce qu'ils appellent « la stigmatisation » de « leurs troupes » ; mais les jeunes policiers souvent désemparés dans leurs nouvelles affectations savent très bien que contrôler dix à quinze fois le même jeune sans poursuite judiciaire ne sert à rien si ce n'est à humilier. Il faut retrouver une logique d'efficacité et de complémentarité dans l'action des services publics de la police et de la justice.

    La crédibilité de la gauche en matière de sécurité passera par la résorption de la fracture police-populations. Il est plus que temps d'inventer une Police respectueuse de la dignité des citoyens.

     

  • Le scandale des Prothèses PIP

    Chaque jour la justice, les autorités sanitaires, et les patientes-victimes, font de nouvelles découvertes dans le scandale des prothèses PIP produites par la société varoise Poly Implants Prothèses.

    La société Poly Implants Prothèses était devenue le troisième producteur mondial et agréé en France y compris dans les centres anticancéreux. La société Poly Implants Prothèses distribuait 80 % de ces prothèses dans 65 pays ce qui explique les ramifications internationales de cette crise sanitaire. Dans le monde, 400 000 à 500 000 femmes sont aujourd’hui concernées.

    1-La sécurité de la chaine de fabrication

    L’ensemble des dispositifs médicaux : prothèses mammaires, pacemakers, prothèses de la hanche, produits par la société Poly Implants Prothèses semblent devoir faire l’objet de contrôles. En, effet, 20% de ces produits n’auraient jamais faits l’objet de tests cliniques.

    La sécurité de ces prothèses est aujourd’hui remise en cause en raison de leur taux de ruptures anormalement élevé. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l’Afssaps) a préconisé « une explantation préventive même sans signe clinique de détérioration de l’implant» de l’ensemble des prothèses mammaires PIP. En France, vingt cas de cancers ont été signalés mais le lien entre le port de ces prothèses et le développement de ces cancers n’est pas encore démontré.

    La certification, marquage CE, (qui constitue un "passeport" pour l'exportation) devait assurer la sécurisation de ces produits en France et pour l’exportation, mais à l’évidence cette certification a été une mascarade loin des standards recommandés et loin des procédures pratiquées pour la mise sur le marché des médicaments. En l’espèce, l'organisme certificateur des prothèses PIP, le TÜV Rheinland, s’est contenté de vérifications formelles (conformité des documents).

    Le directeur de la société liquidée (depuis le 30 mars 2010), la société PIP, Jean Claude Mas a admis, avoir sciemment trompé les inspecteurs pour améliorer la rentabilité de son entreprise. La sonnette d'alarme aurait pourtant être pu tirée dés 2000 quand les autorités sanitaires américaines avaient alerté sur les problèmes de qualité de certains implants mammaires produits par la société PIP. La défectuosité des produits est quant à elle devenue une réalité dés 2007 en Grande Bretagne lorsqu’une centaine de femmes avaient porté plainte à l’encontre de la société PIP. Les Pays Bas ont pour leur part interdits ce type de prothèses dés 2010. Les prothèses furent retirées du marché, en France, qu’en mars 2010. Aujourd’hui encore, l’ampleur de la crise sanitaire semble sous estimée.

    Un gel non conforme

    Le taux de rupture de l'enveloppe des implants PIP et de suintement du gel est plus important en raison de l’utilisation d’un gel industriel. Une étude anglaise indique un taux de rupture de 7%. Le gel de silicone utilisé coûtait dix fois moins cher que le gel médical et rendrait l’enveloppe de la prothèse plus fragile ; le silicone à destination industrielle et non médicale constitue un risque de fuite supérieur.

    Jean Claude Mas a admis la fraude. "Je savais que ce gel n'était pas homologué, mais je l'ai sciemment fait car [il] était moins cher, et de bien meilleure qualité". Selon ce dernier, 75% des implants étaient remplis de gel maison. Pire, aujourd’hui encore le contenu exact de ce gel demeure inconnu (gel industriel, gel fabriqué maison, gel contenant des additifs pour carburants) ; une chose est certaine ce gel est très irritant. Il est la cause la plus évidente des inflammations, brûlures, douleurs de contact. Le directeur de l’Afssaps, Dominique Maraninchi, a jugé qu’ « aucun élément ne laisse penser qu'il y ait eu de bonnes prothèses PIP ».

    Ce gel non conforme rend les prothèses impropres à l’utilisation. Les performances et la sécurité des prothèses PIP ne sont pas conformes à l’état de l’art.

    Pour le Docteur W. Haïk, aujourd’hui, « au moment de l’explantation, le chirurgien plasticien consciencieux devrait vérifier si les prothèses implantées ont fait l’objet de rupture », mais de facto trop peu de chirurgiens y pensent. Il conviendrait de mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses PIP retirées ; seule cette pratique permettrait d’effectuer directement des analyses individualisées du gel contenu dans les prothèses.

    Il convient de rendre ce process obligatoire et d’établir des statistiques.

    En somme, l’indispensable « dépose-repose » de prothèses mammaires ne suffira pas à rassurer les patientes, il faut prévoir un accompagnement sur 10 ans de ces patientes et surveiller en, particulier l’éventuelle apparition de cancers du sein. Ce suivi préventif devra être pris en charge par la solidarité nationale.

    L’explantation (dépose) des prothèses est actuellement intégralement remboursée mais pas la repose ; les patientes dont les prothèses seront rompues bénéficient quant à elles d’une prise en charge intégrale pour le retrait et la pose de nouveaux implants. Cette discrimination entre victimes est intolérable !

    2- Les actions judiciaires possibles

    Les patientes victimes

    Les patientes porteuses de prothèses PIP sont aujourd’hui les principales victimes de cet appât du gain facile. La crise sanitaire est mondiale : 42 000 femmes portent des implants PIP au Royaume-Uni, 25 000 au Brésil, 5 000 en Italie, 2000 en République Tchèque, 8 900 en Australie, 280 en Suisse et la liste ne cesse de s’allonger (Emirats arabes, Espagne, Colombie, Israël, Argentines etc.).

    Les patientes ont la possibilité de se constituer partie civile en déposant des plaintes pénales pour tromperie. Pour fixer le montant de leurs dommages et intérêts, les patientes devront justifier du préjudice subi (souffrances endurées, préjudice corporel, moral, esthétique, d'agrément, psychologique, psychique…).

    En novembre 2010, l'Association de défense des porteuses de prothèses PIP (PPP) a ouvert la voie en portant plainte au pénal contre le certificateur TÜV Rheinland pour "mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires". En février 2011, le certificateur s’est retourné contre la société Poly Implants Prothèses, en déposant une plainte pénale auprès du parquet de Marseille.

    Depuis, le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, faux et usage de faux et mise en danger de la vie d'autrui".

    La société Poly Implants Prothèses PIP ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire la recherche de responsables solvables va s’avérer complexe.

    Le délit de tromperie

    La juge d'instruction Annaick Le Goff, l’Afssaps, et la Direction générale de la santé (DGS) enquêtent sur la défectuosité des produits PIP et les fraudes commises. Une information judiciaire pour homicide involontaire et blessures involontaires a été ouverte le 8 décembre 2011 par le parquet de Marseille.

    Le délit de tromperie prévu par l'article L 213-1 du Code de la Consommation réprime la tromperie sur les qualités substantielles du produit en ces termes :

    « Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers :

    1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises (...)

    3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre ».

    L'article L 213-3, al.2 prévoit le doublement des peines si les délits prévus audit article ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ; ce qui en l’espèce apparaît probable.

    En l’absence de class action à la française, les cas des 2 400 plaignantes seront examinés au cas par cas. La CNAM a également déposé plainte.

    La responsabilité des Chirurgiens plasticiens et établissements de soins

    Face à l’insolvabilité de la société Poly Implants Prothèses et vraisemblablement celle de ses dirigeants, plusieurs victimes ont annoncé leurs intentions d’entamer des actions judiciaires à l’encontre de leurs chirurgiens plasticiens pour manquement à leur obligation d’information et de sécurité.

    Ces dernières années, la responsabilité des établissements de soins s’est en effet accentuée. L’établissement doit par exemple disposer de locaux adaptés et d’un personnel suffisant qui corresponde aux normes fixées par la réglementation et avoir notamment « reçu une formation suffisante pour lui permettre d’utiliser l’équipement » mis à la disposition des patients (1).

    En cas de dommage imputable à un produit de santé défectueux les établissements de soins ont une obligation de sécurité de résultat.

    L’établissement de soins doit mettre à disposition du praticien et du patient des matériaux sans vices ou défauts et produits adaptés (sécurisés) pour l’exécution des soins fournis (2).

    Cette responsabilité sans faute du fait du défaut d’un produit est désormais expressément rappelée par la Loi du 4 mars 2002. dans l’article L1142-1 du Code de santé publique.

    L’utilisation de prothèses au silicone frelaté entre à l’évidence dans les cas de violation de cette obligation de résultat de l’établissement de soin et du praticien. Cette action sera sans aucun doute une des plus efficaces pour obtenir une juste réparation financière.

    Les stratégies de défense s’axent souvent sur l’idée que « les actes et soins ont été attentifs et diligents et conformes aux données acquises de la Science » et qu’en quelque sorte le dommage était non prévisible et inévitable.

    Les Tribunaux apprécient la responsabilité des chirurgiens esthétiques avec une plus grande rigueur en raison de l'aspect souvent non thérapeutique de leurs interventions. Le chirurgien plasticien est soumis à une obligation de moyens renforcée qui tend à devenir une quasi-obligation de résultat. Si le chirurgien esthétique ne s'engage pas à un résultat déterminé, il promet cependant que la disgrâce sera moindre.

    Les Tribunaux sont alors conduits à effectuer le tri entre les dommages qui proviennent de risques thérapeutiques et les fautes liés à la compétence (gestes technique fautif du praticien).

    En cas d’échec de l’intervention ou de fautes (comme l’oubli d’une compresse), la responsabilité du chirurgien plasticien peut être engagée et il devra rembourser à sa patiente le montant des sommes versées et en cas de préjudice supplémentaire réparer financièrement son préjudice (3).

    Le risque zéro tend à être la quête de nos Tribunaux. Etablissements de soins et praticiens doivent de plus en plus veiller à l’intégrité corporelle de leurs patients. Cette obligation de résultat tombe quand une complication thérapeutique (aléa) survient au cours de l’intervention.

    Les victimes des prothèses de la société Poly Implants iront sans aucun doute subir les contrôles nécessaires, puis demander la dépose de ses prothèses et éventuellement une repose. Evidement, chaque patiente fera ce qui physiquement, financièrement, et psychologiquement lui est possible.

    Il convient de rappeler qu’à l’obligation de sécurité du chirurgien praticien s’ajoute celle sur l’information des risques qui est également de résultat.

    La responsabilité des Chirurgiens plasticiens et établissements de soins






    L’obligation de Conseils

    L’article 1111-2 de la Loi du 4 mars 2002 prévoit l’information du patient par son médecin. En principe, cette information doit être loyale, claire et appropriée sur « les risques graves afférents aux investigations et soins proposés ».

    En l’espèce, si les patientes avaient été informées des risques, elles auraient choisi les prothèses d’un autre fabricant même plus couteuses.

    De jurisprudence constante,

    « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information, en l’espèce un médecin doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation » (4).

    Cette obligation d’information est d’ailleurs renforcée en matière de chirurgie esthétique. Celle-ci doit non seulement porter « sur les risques graves de l’intervention, mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter » (5).

    De surcroît, le praticien, n’est pas dispensé de cette obligation par « le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’occasionnellement » (6). A titre d’exemple, l’absence d’avertissement des risques de complication tels que celui d’une coque, ou encore d’une infection constitue une faute.

    Selon plusieurs témoignages de praticiens, la collusion entre fabricants de prothèses et chirurgiens pour pouvoir appliquer des tarifs à « bas prix » explique le peu d’informations fournies aux patientes sur le type de prothèses implantées.

    Pour se faire pardonner et redorer le blason de la chirurgie esthétique, certains syndicats proposent de réopérer gratuitement.

    Les distributeurs

    En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le patient-victime d'un produit défectueux doit en premier lieu rechercher la responsabilité du producteur du produit.

    - L’article 1386-1 dispose que "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

    - L’article 1386-4 définit comme produit défectueux celui qui "n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (...)".

    - L’article 1386-10 prévoit que "le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art (...)".

    Les distributeurs étrangers des implants mammaires ont décidé de tenter de se protéger en se retournant contre le producteur du produit PIP. Ainsi, trois distributeurs (J & D Medicals pour la Bulgarie, EMI pour le Brésil et GF Electromedics pour l'Italie) ont d’ores et déjà assigné en juin 2011 la société Poly Implants Prothèses devant le Tribunal de commerce de Toulon.

    Producteur, dirigeants et salariés de la société Poly Implants Prothèses, distributeurs, organismes certificateurs, organes de contrôles (Afsaps…), chirurgiens-plasticiens, c’est toute la chaîne de circulation des produits défectueux qui pourrait être mise en cause.

    Les pouvoirs publics

    Au nom du principe de précaution et des défaillances constatées dans les normes existantes de mise en circulation des produits PIP, la responsabilité des pouvoirs publics et en particulier des Ministres de la santé pourrait être utilement recherchée (A minima, les responsables devront s’expliquer sur les connaissances des Ministres, la pertinence des décisions prises ou non prises).

    A l’évidence, cette affaire des prothèses PIP crée un vent de panique sur les patientes porteuses de prothèses et discrédite l’ensemble de la profession ; elle crée aussi l’opportunité pour les pouvoirs publics de réguler ce secteur en proie à une concurrence féroce et une réglementation trop légère. L’affaire des prothèses PIP remet la question du cadre d’intervention des plasticiens au cœur de l’actualité ainsi que celle de l’encadrement de cette profession et de la chaîne de fabrication des produits médicaux.

    3- Vers un changement de législation

    Le scandale des prothèses PIP a mis en lumière les insuffisances de la réglementation européenne, qui régit la commercialisation des dispositifs médicaux, dont font partie les implants mammaires.

    La Commission de l'Union européenne a annoncé qu'elle réviserait la Directive de 2007 et renforcerait « la traçabilité et l'échange d'informations entre Etats » du contrôle des prothèses mammaires et d'autres produits médicaux sur son territoire.

    La sénatrice UMP de Paris, Chantal Jouanno, a demandé mardi 3 janvier 2012 la création d'une mission parlementaire sur les prothèses PIP. Xavier Bertrand, Ministre de la santé, a d’ores et déjà soutenu l’idée de la mission parlementaire et proposé qu’à la simple certification soit substitué une véritable autorisation de mises sur le marché des dispositifs médicaux semblable à celles existantes pour les médicaments.

    Le député PS Gérard Bapt, rapporteur spécial de la mission Santé à l'Assemblée nationale, a annoncé vendredi 6 janvier 2012 qu'il se rendrait au siège l'Afssaps pour prendre connaissance du dossier des prothèses mammaires PIP. Il s’est déclaré étonné par « la faiblesse du système sanitaire concernant les dispositifs médicaux » ainsi que par « l’inertie incroyable » des autorités dans ce dossier.

    Ces démarches vont dans le bon sens, mais nécessiteront des moyens financiers importants et une volonté politique farouche pour s’affranchir des lobbies industriels.

    4- Vers un fonds de garantie des victimes ?

    Face à la crise sanitaire, à la lenteur des procédures judiciaires, et face aux difficultés à trouver un ou des responsables solvables, il convient de créer un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

    Les exemples des Fonds d'indemnisation des victimes d'attentats et d'infractions pénales peuvent servir. La procédure d’indemnisation mise en place après le scandale du Médiator devrait également inspirer le législateur.

    Les fraudes commises sont scandaleuses et mettent potentiellement en péril la vie de milliers de patientes, le retard pris par les pouvoirs publics dans l’interdiction de ces prothèses et dans la mise en place de process invitant à l’explantation justifie qu’aujourd’hui la communauté nationale soutienne ces victimes.

    Le Fond de garantie national est la solution la plus juste pour les victimes et la plus sécurisante pour leurs indemnisations. Malgré son prix, il va falloir avoir le courage politique de le mettre en œuvre.

     

    (1) Cass., 7 juillet 1998, Bull. n° 239

    (2) Cass., 7 novembre 2000, n° 99-12255

    (3) CA Nîmes, 1ère chambre, 14/12/98, Cie Lloyd Continental c/D ; Juris Data n°031058

    (4) Civ 1ère fev 1997, Bull Civ I, n°95

    (5) Civ 1ère 17 fev 1998, Bull Civ I, n°67

    (6) Civ. 1ère 7 octobre 1998, Bull Civ I, N°291

  • Éviter la crise sanitaire des prothèses mammaires PIP

    Depuis la publication de mon analyse de la situation des patientes porteuses de prothèses mammaires PIP et des risques juridiques de cette catastrophe sanitaire (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/220391;rupture-de-protheses-mammaires-la-valse-des-responsabilites.html), les pouvoirs publics ont commencé à prendre conscience de la détresse de ces femmes.

    La prise en compte des risques de cancer et de la nécessité de faire pratiquer l’explantation (dépose) de ces prothèses est en cours. La recherche des responsabilités s’oriente désormais également vers les chirurgiens plasticiens. Il convient maintenant d’insister sur quelques points fondamentaux pour éviter que les fraudes de la société Poly Implants (utilisation d’un gel industriel en lieu et place d’un gel médical) génèrent une crise sanitaire.

    D’autant qu’aux 30 000 femmes françaises porteuses de telles prothèses, s’ajoute les 300.000 femmes de nationalité étrangère (40.000 anglaises, 25 000 brésiliennes, 280 suisses, de nombreuses espagnoles, colombiennes et argentines etc.) ayant été implantées de prothèses PIP.

    La lente réaction de pouvoirs publics :

    Après la mobilisation de l’AFSAPS, de plaignantes, de Syndicats de médecins, de l’Ordre des Médecins et surtout lé décès de plusieurs patientes, le gouvernement se mobilise enfin en durcissant les recommandations initiales.

    La sonnette d'alarme aurait pourtant être pu tirée dés 2007, quand la société PIP connu ses premiers ennuis judiciaires en Grande-Bretagne (une centaine de femmes avaient porté plainte en raison du caractère défectueux de leurs prothèses) tandis que les Pays Bas interdisaient ce type de prothèses dés 2010. Dès 2000, les autorités sanitaires américaines avaient quant à elles alerté sur les problèmes de qualité de certains implants mammaires produits par la société PIP.

    Xavier BERTRAND, Ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et Nora BERRA, Secrétaire d’Etat chargée de la Santé, actualisent les recommandations de prise en charge des femmes porteuses de prothèses PIP.

     

    Au nom du principe de précaution, ils souhaitent que l’ensemble des patientes procèdent à l’explantation des prothèses. A travers le monde, les réactions institutionnelles demeurent variées (demande de retrait, surveillance renforcée…) ; le Conseil supérieur de la santé italien a pour sa part estimé « pour les prothèses PIP, il n'existe pas de preuve d’un plus grand risque de cancer, mais une plus grande probabilité de rupture et de réactions inflammatoires a été mise en évidence ».

    Concrètement, les femmes porteuses d’une prothèse mammaire doivent vérifier sa marque grâce à la carte qui leur a été remise. « En l’absence de carte, elles doivent contacter leur chirurgien, ou à défaut, l’établissement où a été pratiquée l’intervention ».

    Les patientes qui ne souhaiteraient pas procéder à l’explantation préventive doivent bénéficier d’un suivi par échographie mammaire et axillaire tous les 6 mois.

    Le gouvernement commence à prendre conscience de l’ampleur de la crise sanitaire à laquelle les 30 000 patientes françaises sont exposées, mais de nombreuses questions demeurent en suspens. Pour répondre aux interrogations, un numéro vert est disponible : 0800 636 636 (du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures).

    Contre les discriminations entre patientes

    L’égalité des patientes entre les opérées relevant d’une chirurgie réparatrice (par nécessité thérapeutique) et les patientes ayant choisi par confort de subir de telles interventions doit être rétablie. En effet, le préjudice est identique, qu’importe la cause initiale de la pose des dites prothèses mammaires.

    Les frais liés à cette explantation, incluant l’hospitalisation, sont désormais pris en charge par l’assurance maladie quelque soit la cause initiale de la pose des prothèses mammaires.

    Selon les recommandations gouvernementales, « s’’agissant de femmes relevant d’une chirurgie reconstructrice post cancer du sein, la pose d’une nouvelle prothèse est également remboursée », ce qui signifie que pour les autres patientes l’éventuelle repose reste à leurs charges.

    La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a indiqué son intention de porter à son tour plainte pour "tromperie aggravée et escroquerie", estimant avoir été abusée quant au caractère non conforme des prothèses incriminées.

    Il convient en l’espèce de saluer la position du Conseil de l’Ordre qui a demandé aux chirurgiens plasticiens libéraux de ne pas pratiquer de dépassements d’honoraires, ainsi que celles de certains syndicats proposant de trouver des solutions concertées.

    Cependant, ces mesures ne suffisent pas, l’égalité entre victimes doit être respectée.

    Mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses PIP retirées

    Pour le Docteur W. Haïk, aujourd’hui, « au moment de l’explantation, le chirurgien plasticien consciencieux devrait vérifier si les prothèses implantées ont fait l’objet de rupture », mais de facto trop peu de chirurgiens y pensent.

    Il convient de rendre ce process obligatoire et d’établir des statistiques.

    En somme, l’indispensable dépose-repose de prothèses mammaires ne suffira pas à rassurer les patientes, il faut prévoir un accompagnement sur 10 ans de ces patientes et surveiller en, particulier l’éventuelle apparition de cancers du sein.

    Ce suivi préventif devra être pris en charge par la solidarité nationale.

    Pour la création d’un Fond de garantie national

    Surtout, face au risque sanitaire, à la lenteur des procédures judiciaires, et face aux difficultés à trouver un ou des responsables solvables, il convient de créer un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

    En effet, la société Poly Implant Prothèse (PIP) a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et son fondateur Jean-Claude Mas est recherché par Interpol (qui a émis une "notice rouge" pour demander à ses pays membres son arrestation).

    Le Docteur Dominique-Michel Courtois, médecin-expert de l'association des victimes des prothèses de la société PIP, vient de réclamer la création d'un fonds d'indemnisation pour les malades. « Beaucoup de femmes n'ont pas les moyens de se faire enlever les prothèses en cause. On est maintenant dans l'urgence. On bascule dans une autre dimension ».

    D’un point de vue médical, les patientes qui souhaiteraient disposer d’un suivi psychologique devraient pouvoir en bénéficier, et l’ensemble des patientes devraient se voir intégrer à un programme de prévention de la crise sanitaire.

    La recherche judiciaire des responsables est nécessaire, Jean-Claude Mas (le PDG de la société PIP) devra s’expliquer, les chirurgiens-plasticiens devront également justifier individuellement des choix opérés de recourir aux prothèses de type PIP, mais cette quête ne suffira pas à assurer l’indemnisation des victimes.

    Il convient désormais de créer d'urgence un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

     

  • Rupture de prothèses mammaires : la valse des responsabilités

    LE PLUS. Le récent décès d'une patiente et l'ouverture jeudi d'une information judiciaire contre X pour "homicide et blessures involontaires" après le décès d'une autre ont relancé le débat sur les risques encourus par les patientes porteuses de prothèses mammaires. Responsabilité des fabricants de prothèses ? Des praticiens ? Des établissements de soin ? L'avocat Mahor Chiche fait le point pour vous.

    Depuis plusieurs années, les bimbos (Pamela Anderson, Anna Nicole Smith…) et la chirurgie esthétique défraient la chronique. Entre les actes barbares de chirurgiens plasticiens usurpateurs (exemple du docteur Michel Maure) et les ratés liés à l’exercice d’une pratique professionnelle, les litiges se multiplient. Mais malgré la crise économique, la chirurgie et la médecine esthétique progressent de 10 % par an

    Le décès d’une patiente portant des prothèses mammaires à base de gel de silicone fabriquées par la société Poly Implant Prothèse (PIP) et le dépôt de plus de 2.000 plaintes annonce une vraie crise de confiance. 30.000 femmes en France et plus de 200.000 dans le monde seraient concernées.

     

    Intervention chirurgicale destinee a la mise en place d'implants mammaires e n silicone ( BANOS/TPH/SIPA) Intervention chirurgicale destinée a la mise en place d'implants mammaires en silicone ( BANOS/TPH/SIPA)

    Dès le quatrième trimestre de l’année 2009, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (l’Afssaps) a constaté une augmentation anormale du nombre de ruptures prématurées sur les prothèses pré-remplies de gel PIP fabriquées par la société Poly Implants.

    Le 29 mars 2010, l’Afssaps a pris la décision de suspendre la mise sur le marché et l’utilisation de ces prothèses PIP. Plus de 29.000 prothèses avaient été également mises sous scellés. En effet, ses investigations avaient décelé un taux de rupture des implants trop important et l’utilisation d’un gel de silicone industriel. Le gel utilisé coûtait dix fois moins cher que le gel médical et rendait l’enveloppe de la prothèse plus fragile. Le silicone à destination industrielle, et non médicale, constitue un risque de fuite supérieur.

    Quelles actions en responsabilité ?

    1. La responsabilité du fait des produits défectueux : le producteur

    En application des articles 1386-1 et suivants du Code civil, le patient-victime d'un produit défectueux doit en premier lieu rechercher la responsabilité du producteur du produit.

    - L’article 1386-1 dispose que "le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

    - L’article 1386-4 définit comme produit défectueux celui qui "n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (...)".

    - L’article 1386-10 prévoit que "le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art (...)".

    L’autorisation de mise sur le marché par l’Afssaps des prothèses PIP n’exonère donc pas les producteurs. Les professionnels de santé (praticiens ou établissements de soins) pourront être mis en cause si le producteur n'est pas identifié. Ils pourront toutefois s'exonérer d'une telle responsabilité en indiquant le nom du producteur ou de leur fournisseur. En l’occurrence, la société PIP est identifiée comme producteur mais le tribunal de commerce de Toulon a prononcé sa liquidation judiciaire depuis le 30 mars 2010.

    Les chances de succès des actions des patientes à l’encontre de la société Poly Implants et de ses assureurs risquent cependant d’être faibles.

    2. Le délit de tromperie : le fournisseur

    Le délit de tromperie prévu par l'article L 213-1 du Code de la Consommation réprime la tromperie sur les qualités substantielles du produit en ces termes :

    "Sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37.500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers (...)."

    L'article L 213-3, al.2 prévoit le doublement des peines si les délits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ; ce qui en l’espèce apparaît probable.

    Le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "tromperie sur les qualités substantielles du produit, publicité mensongère, faux et usage de faux et mise en danger de la vie d'autrui". L'enquête devra "déterminer la réalité des accusations portées contre les responsables de cette société". Ces incriminations sont passibles de quatre ans d'emprisonnement.

    Les patientes pourront se porter parties civiles dans ce dossier mais ici encore la liquidation de la société Poly Implants Prothèses réduit les chances d’indemnisation des préjudices subis. En effet, en pratique, les sociétés en liquidation judiciaire sont quasiment insolvables.

     Jeune femme en consultation pour une augmentation mammaire (BANOS/TPH/SIPA)

     Jeune femme en consultation pour une augmentation mammaire (BANOS/TPH/SIPA)

    Le praticien, responsable ?

    La plupart des victimes se retourneront donc contre leurs praticiens ou établissements de soins. Dans ce genre de litiges, l’absence dans notre droit positif de possibilités de recours aux "class action" (NLDR: recours collectifs pour des préjudices individuels qui ont été causés par le même auteur) est regrettable.

    1. La responsabilité des praticiens et établissements de soins : une obligation de résultats renforcée

    Ces dernières années, la responsabilité des établissements de soins s’est accentuée. L’établissement doit, par exemple, disposer de locaux adaptés et d’un personnel suffisant qui corresponde aux normes fixées par la réglementation et avoir notamment "reçu une formation suffisante pour lui permettre d’utiliser l’équipement" mis à la disposition des patients (1). 

    En cas de dommage imputable à un produit de santé défectueux, les établissements de soins ont une obligation de sécurité de résultat. L’établissement de soins doit mettre à disposition du praticien et du patient des matériaux sans vices ou défauts et produits adaptés (sécurisés) pour l’exécution des soins fournis (2).

    Cette responsabilité sans faute du fait du défaut d’un produit est désormais expressément rappelée par la loi du 4 mars 2002. L’article L1142-1 du Code de santé publique dispose que :

    "(...) Sont responsables les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...)."

    L’utilisation de prothèses au silicone frelaté entre à l’évidence dans les cas de violation de cette obligation de résultat de l’établissement de soin et du praticien.

    Les stratégies de défense s’axent souvent sur l’idée que "les actes et soins ont été attentifs et diligents et conformes aux données acquises de la science" et qu’en quelque sorte le dommage était non prévisible et inévitable.

    Les tribunaux apprécient la responsabilité des chirurgiens esthétiques avec une plus grande rigueur en raison de l'aspect souvent non thérapeutique de leurs interventions. Le chirurgien plasticien est soumis à une obligation de moyens renforcée qui tend à devenir une quasi-obligation de résultat. Si le chirurgien esthétique ne s'engage pas à un résultat déterminé, il promet cependant que la disgrâce sera moindre.

    Les tribunaux sont alors conduits à effectuer le tri entre les dommages qui proviennent de risques thérapeutiques et les fautes liés à la compétence (gestes technique fautif du praticien).

    En cas d’échec de l’intervention ou de fautes (comme l’oubli d’une compresse), la responsabilité du chirurgien plasticien peut être engagée et il devra rembourser à sa patiente le montant des sommes versées et en cas de préjudice supplémentaire réparer financièrement son préjudice (3).

    Le risque zéro tend à être la quête de nos tribunaux. Établissements de soins et praticiens doivent de plus en plus veiller à l’intégrité corporelle de leurs patients. Cette obligation de résultat tombe quand une complication thérapeutique (aléa) survient au cours de l’intervention.

    Les victimes des prothèses de la société Poly Implants iront sans aucun doute subir les contrôles nécessaires, puis demander la dépose de ses prothèses et éventuellement une repose. Évidemment, chaque patiente fera ce qui, physiquement, financièrement, et psychologiquement, lui est possible.

    Il convient de rappeler qu’en matière d’information des risques l’obligation du chirurgien plasticien est également de résultat.

    2. L’obligation de conseil des médecins, renforcée en matière de chirurgie esthétique

    L’article 1111-2 de la loi du 4 mars 2002 prévoit l’information du patient par son médecin. En principe, cette information doit être loyale, claire et appropriée sur "les risques graves afférents aux investigations et soins proposés".

    De jurisprudence constante, "celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information, en l’espèce un médecin doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation" (4).

    Cette obligation d’information est d’ailleurs renforcée en matière de chirurgie esthétique. Celle-ci doit non seulement porter "sur les risques graves de l’intervention, mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter" (5).

    De surcroît, le praticien n’est pas dispensé de cette obligation par "le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’occasionnellement" (6). À titre d’exemple, l’absence d’avertissement des risques de complications tels que celui d’une coque, ou encore d’une infection constitue une faute.

    L’affaire des prothèses PIP remet la question du cadre d’intervention des plasticiens au cœur de l’actualité ainsi que celle de l’encadrement de cette profession et de la chaîne de fabrication des produits médicaux. Surtout, cette affaire crée un risque sanitaire pour des milliers de femmes et mériterait un engagement fort de l’Etat. Car, si le lien entre les prothèses et le développement de lymphomes était avéré, le coût humain et social risquerait d’être élevé.

    Vers un fonds de garantie des victimes ?

    La prise en charge de ces déposes-reposes selon le diagnostic et l’envie du patient coûtera pour les seules victimes françaises au minimum 90 millions d’euros. Après avoir retiré les prothèses PIP du marché, il est temps de proposer des solutions adaptées aux patientes pour retirer ces prothèses mortifères.

    Il faut accélérer les enquêtes, les expertises, et réfléchir à la mise en place d’un fonds de garantie pour éviter que les victimes patientent des années avant de voir leur préjudice réparé.

     

    (1) Cass., 7 juillet 1998, Bull. n° 239

    (2) Cass., 7 novembre 2000, n° 99-12255

    (3) CA Nîmes, 1ère chambre, 14/12/98, Cie Lloyd Continental c/D ; Juris Data n°031058

    (4) Civ 1ère fev 1997, Bull Civ I, n°95

    (5) Civ 1ère 17 fev 1998, Bull Civ I, n°67

    (6) Civ. 1ère 7 octobre 1998, Bull Civ I, N°291