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REVUE DE PRESSE - Page 9

  • « Apaiser la société pour mieux vivre ensemble? »

    Intervention au Colloque du CRIF

    « Apaiser la société pour mieux vivre ensemble? »

    Mercredi 17 septembre 2014

     1ère table-ronde : « Agir dans la société civile  »

    modérée par Marc Knobel- Directeur des Etudes du Crif – Intervenants :

    • Mahor Chiche, Adjoint au Maire de Paris 19 chargé de la démocratie locale, de la mémoire et des relations avec le monde combattant
    • Jean-Philippe Moinet, auteur, fondateur-directeur de la Revue Civique
    • Jean-Louis Sanchez, président des Ateliers du Vivre ensemble et de la Fraternité

     

    Mesdames, Messieurs,

    Je remercie Françis Kalifat et le CRIF pour son invitation ainsi qu’évidement Marc Knobel que j’ai eu le plaisir d’avoir pour enseignant. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du Maire du 19ème François Dagnaud que je représente ici.

     

    1-Le défi du maintien d’une société plurielle

    Construire «  une société apaiséepour mieux vivre ensemble ? », il y’avait peu de temps encore cela s’appeler défendre la République et ses valeurs, mais aujourd’hui nous sentons bien l’effritement du socle social, de nos valeurs humanistes et des capacités de dialogues.

    Depuis 2000 et la seconde intifada, un mauvais climat s’est installé en France, on pourrait même remonter aux sources à savoir la 1ère guerre du golfe pour remarquer une certaine cristallisation des tensions communautaires dans notre pays.  

    Résultats électoraux ou désagrégation quotidienne du corps social au point que certains décident de s’engager dans des logiques de haine, d’antisémitisme et de racisme assumé. De Dieudonné à Toulouse et les crimes de Merah, de Bruxelles et Mehdi Nemmouche au terrorisme international et l’engagement de français à l’étranger. Et puis, banalité du racisme et antisémitisme ordinaire où les préjugés font que l’on en se mélange plus, l’on ne se respecte plus. Les logiques communautaristes sont à l’œuvre tandis que les projets rassembleurs trouvent plus difficilement  écho.

    A vrai dire trop souvent, on ne se connait plus. L’École républicaine qui devrait être un formidable rempart connait une crise de sens et une exfiltration vers le privé qui casse toute logique de Vivre Ensemble. A l’évidence, l’enjeu de la construction d’une société apaisée passera par une redéfinition des missions et rôle de l’École, et d’un travail sur la diversité des publics accueillis.

     

    2-Focus sur paris 19 et l’enjeu du Vivre ensemble

    Le 19ème est un arrondissement parisien connu pour la vitalité de son Vivre ensemble comme l’illustre l’esprit fraternel de Belleville.

    Le 19e et ses 90 nationalités est une mosaïque de cultures, d’identités, d’origines, d’expériences, de couleurs, de religions.

     ·  Le 19e est un arrondissement populaire regroupant des populations sociologiquement et économiquement très diverses. Du « bobo » au public les plus fragiles…

    ·     Cette mosaïque et cette diversité sont évidemment une richesse pour le 19e, c’est à la base de son identité, à l’image de toute les « ville-monde ».

    C’est dans le 19e que des enfants de toutes les couleurs franchissent le fronton d’une école où sont gravés le nom et la mémoire des enfants juifs déportés, C’est ici qu’une gare RER portera bientôt le beau nom de Rosa Parks, figure de tous les combats pour la dignité et contre tous les racismes, C’est ici que nos monuments aux morts sont honorés par des enfants dont les grands-parents ne vivaient pas en France à l’époque des guerres commémorées, c’est ici que Noël, Roch Hachana, Kippour, l’Aïd, le nouvel an chinois sont des fêtes partagées.  Et pourtant cet été, en France,nous avons vu des scènes de haine et de violence inacceptables en République, mais la grande différence avec les années 2000 ou 30 réside dans le fait que les élites politiques de ce pays et en particulier à l’échelon local ont bien identifié la montée de ces périls et mis en place des projets favorisant le respect, l’échange, le Vivre Ensemble.

    ·       Cet équilibre est par définition toujours fragile, toujours en tension, parce que le repli sur soi et le rejet des autres est une tentation toujours forte lorsque la société connaît des crispations, des ruptures.

    Crise économique, nombre important de précaires et une jeunesse souvent sans perspective qui préfère « l’argent facile ».

     ·   C’est pourquoi la promotion du vivre-ensemble est une notion fondamentale dans la définition des politiques publiques conduites par la Mairie du 19e.

    ·        La Mairie du 19e ne tient pas à elles seules tous les instruments de mesure, de contrôle ou de préservation du vivre-ensemble : ainsi, nous n’avons pas de compétences directes en matière de police et de justice, nous ne définissons pas les lois qui protègent, nous n’intervenons pas dans le contenu des enseignements dispensés dans les écoles.

    ·     Cependant, notre volonté est de faire se partager les mémoires, pour les faire vivre dans le creuset de la République et dans la fidélité à nos engagements en faveurs des Droits de l’Homme.

    ·        Dans ces conditions, la laïcité est évidemment la pierre angulaire de notre investissement sur le terrain. Une laïcité ouverte, qui ne rejette personne mais s’ouvre au contraire largement vers les autres, dans le respect de la loi et des personnes.

     

    ·         Quelques exemples concrets des actions menées sur Paris 19e :

    - Parcours Mémoire : 350 collégiens de 7 collèges publics et privés rassemblés aux Buttes Chaumont pour échanger avec les anciens combattants

    - Ouverture de toutes les cérémonies commémoratives aux jeunes des écoles, publiques, privées/confessionnelles

    - Conseils de quartier et démocratie locale

    - Fêtes de quartiers

    - Éducation populaire

    - Salle municipale polyvalente pour les évènements familiaux privés

    -Accueil en Mairie de la maison Itzhak Rabin pour échanger sur la paix

    - Soutien aux associations promouvant le vivre-ensemble

    - Dialogue régulier avec la police et la justice pour apprécier, sur le terrain, la sensibilité des tensions qui peuvent y être constatées.

    Ces démarches sont régulières et dépendent de l’investissement de chaque acteur, mais pour construire une société apaisée et « un mieux vivre ensemble » il faut parvenir à créer les conditions de synergies entre les différents acteurs locaux (réussir à décloisonné scolaire/périscolaire ; privé/public…) et face à cet enjeu la Mairie est à l’évidence le lieu de mobilisation et de partage d’expériences réussies le plus adéquat.

    La Mairie du 19e se veut un lieu ouvert aux habitants et d’expression concrète de la Fraternité républicaine et sera ravi d’accueillir de telles rencontres porteuses de l’espoir d’un mieux vivre-ensemble

    Je vous remercie.

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  • Réponse à Henri Guaino, Le Front National est toujours raciste et d'extrême droite

    Henri Guaino, député UMP des Yvelines, plume de Nicolas Sarkozy, et gaulliste a publié dans «Le Monde» du mardi 17 décembre 2013 une tribune intitulée «le FN, populiste et poujadiste». Il y défend l’idée que ce parti serait au regard des lois de la République « un parti comme les autres » puisqu’on ne l’interdit pas. Selon lui, le Front National ne serait pas, ne serait plus, raciste mais son idéologie demeurerait inhumaine.

    Le FN apparaît comme candidat au pouvoir

    Henri Guaino pose une analyse classique sur les causes de la poussée frontiste, le FN surf sur les peurs de la société française : mondialisation, Europe, laïcité, immigration, sécurité… L’électeur français cherche à être protégé par l’Etat Nation. Dans ce contexte les promesses du parti relooké de Marine Le Pen attirent. D’autant que Marine Le Pen apparaît plus respectable que son trublion de père et que tactiquement le FN se place désormais comme un parti partisan d’un retour d’un Etat protecteur (dans son programme le FN a renoncé à ses positions ultralibérales, il prône désormais la retraite à 60 ans).

    A ces peurs s’ajoutent deux idées celle que le peuple a déjà essayé toutes les solutions politiques classiques (la dénonciation systématique de « l’UMPS » reçoit un bon écho dans l’opinion publique) et que la moralité des responsables politiques est entachée.

    Selon lui, le FN d’aujourd’hui est dangereux car il aspire réellement au pouvoir.

    Les liens du FN et l’idéologie d’extrême droite sont patents

    Henri Guaino défend une thèse contestable celle que « le FN n’est pas d’extrême droite tout simplement parce qu’il ne présente pas les caractéristiques attribuées aux mouvements d’extrême droite dans l’histoire ». Manifestement, Henri Guaino oublie la particularité de l’histoire de l’extrême droite française et ses caractéristiques intrinsèquement distinctes de celle de l’Allemagne par exemple. En effet, l’extrême droite française n’a pas la même base racialisée que la plupart des autres extrêmes droites d’Europe ; mais cette spécificité s’explique par le fait que l’idée même de Nation et d’Etat diffèrent selon les Etats européens. Elle n’ôte rien à son positionnement antisémite, xénophobe, raciste, anti-immigré, et inégalitaire.

    L’histoire de la fondation du Front National (fondateurs et organisations regroupées issus de la collaboration et de l'extrême droite à la française) et ses alliances européennes (par exemple au Jobbik, parti hongrois antisémite, anti-roms et anti-Immigrés) démontrent l’enracinement à l’extrême droite du Front National. Comme l’a déclaré l’ancien Ministre UMP François Baroin « Les candidats du Front national aux prochaines municipales, ils peuvent s'appeler Rassemblement Bleu marine, Bleu de cobalt, Bleu azur ou Bleu délavé ou tout ce que vous voulez, ça reste le Front national ».

    Un collectif d’historiens et de politologues (Nicolas Lebourg, Joël Gombin, Stéphane François, Alexandre Dézé, Jean-Yves Camus et Gaël Brustier, "FN, un national-populisme", Le Monde, 7 octobre 2013) a inscrit le FN dans l’histoire du national populisme. « Le national-populisme est installé dans notre vie politique depuis 130 ans. Il participe du système politique français de façon structurante. Le FN a évolué, étant aujourd’hui empreint de néopopulisme ».

    Le FN continu à se chercher des ennemis - des prétendus « antipatriotes » - et à stigmatiser l’étranger. Au regard de son idéologie le FN reste un parti foncièrement raciste en ce qu’il défend toujours la priorité nationale (contre les étrangers) et le droit du sang pour l’acquisition de la nationalité et se fonde en réalité encore sur le principe d’inégalité. Le fondateur du parti Jean Marie Le Pen a d’ailleurs clairement affirmé son intime conviction : « Je crois à l'inégalité des races, oui, bien sûr, c'est évident. Toute l'histoire le démontre, elles n'ont pas la même capacité, ni le même niveau d'évolution historique » (août 1996).

    Les derniers dérapages de ses candidats vis-à-vis de la Garde des sceaux Christiane Taubira illustrent de surcroit racisme épidermique anti-noir, anti-métissage, anti-France 2013. De même, les attaques incessantes des dirigeants du FN quant à la composition de l’Equipe de France montrent leur difficulté avec le métissage à l’œuvre au sein de la société française.

    Ainsi, il n’y a pas de sens à détacher le FN de l’histoire de l’extrême droite française. Le FN est le parti d’un Chef, dynastique, mais surtout d’un clan celui des Le Pen.

    La non-interdiction du FN ne démontre pas sa respectabilité

    Pour Henri Guaino, «Si le FN est fasciste, nazi, raciste, il est inconséquent de ne pas demander son interdiction. Mais qui la demande ? Au regard des lois de la République, c'est donc un parti comme les autres. Au regard de l'idéologie, pas vraiment ». Cette formule indique clairement la difficulté de l’analyse de Monsieur Guaino.

    En définissant le FN comme parti républicain ou au moins comme un parti ayant accepté le principe de la compétition électorale Henri Guaino ouvre la possibilité d’alliances UMP – FN, en rappelant son idéologie il invite Marine Le Pen à finir sa mutation.

    En tout état de cause, Henri Guaino néglige le fait que le FN et ses dirigeants sont souvent judiciairement condamnés pour leurs propos haineux. Le FN reste enfermé dans sa doctrine de haine. Marine Le Pen a toujours refusé de condamner les propos de son père sur la Shoah ou ses propos terrifiant sur la tuerie d'Oslo et d'Utoya. Jean Marie Le Pen avait fustigé la "naïveté" du gouvernement norvégien face au "danger" du "terrorisme" et de "l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier".

    Il convient de même de rappeler que Marine Le Pen a lors de son premier meeting de la présidentielle à Metz le 11 décembre 2011, a fait siffler les noms de Georges-Marc Benamou et de Bernard-Henri Lévy, accusés de ne pas être patriotes.

    Surtout, et c’est sans doute sa première faute politique personnelle marquant l’échec de sa tentative dédiabolisation. Marine Le Pen s’est rendue à l'invitation du dirigeant du parti d'extrême droite FPÖ, Heinz-Christian Strache, à Vienne, à un bal organisé - le jour de la commémoration du 67e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz- par des corporations d’extrêmes droites interdisant l’entrée aux juifs et aux femmes. Pris dans son corpus idéologique, Marine Le Pen n’a jamais réussi à expliquer pourquoi il était à ses yeux important de se rendre dans une telle soirée. Il faut dire racisme et antisémitisme sont rarement rationnels.

    Nous n’avons pas su interdire le FN à ses débuts. Sans doute nous manquait-il la conscience de son potentiel danger (beaucoup croyaient que la bête immonde était définitivement enterrée), privilégions nous la préférence de combattre front contre front, indiscutablement l’arsenal juridique manquait.

    Contrairement à l’Allemagne qui de par son histoire s’est donné une Cour constitutionnelle capable de protéger le caractère républicain des partis œuvrant à la vie démocratique du pays. L'article 21 alinéa 2 de la Loi Fondamentale allemande prévoit qu'un parti « affichant des idées, programmes ou des actes antirépublicains pourra être interdit, ses moyens financiers confisqués et ses dirigeants interdits d'entrée dans un parti politique ».

    Comme l’a montré la croissance et le succès électoral du parti grec ouvertement néo-nazi l’Aube doré (21 députés) ce débat n’est pas clos, puisqu’au final lorsque l’extrême droite franchi le stade de la violence ou du complot contre les institutions, le sursaut peut provenir de l’arrestation de ses membres voir un jour de la dissolution.

    La violence n’est jamais loin du FN. Dans une interview datée du 16 décembre 2013 donnée à Libération, Henri Guaino précise sa thèse en déclarant : « Il n’y a pas par exemple au FN la violence qu’on trouve dans le fascisme dès ses débuts ». Henri Guaino fait en l’espèce preuve de mauvaise foi. Historiquement violences, FN et nébuleuse d’extrême droite ont toujours eu des liens.

    Le service d’ordre - département protection sécurité (DPS) - du Front National et son caractère quasi militaire (composé d’anciens militaires, policiers avec casques et uniformes) témoigne de l’existence d’une tentation depuis l’origine du parti de ne pas trancher entre conquête du pouvoir par les urnes ou par la rue.

    Le 30 mai 1997, Jean Marie Le Pen a lui-même agressé physiquement la Maire socialiste de Mantes-la-Ville Annette Peulvast-Bergeal. Ibrahim Ali a été tué par des colleurs d’affiches membres du FN le 21 avril 1995, Brahim Bouaram a été jeté en marge du défilé FN à la seine le 1er mai 1995 l’histoire du mouvement F-Haine a toujours été lié à la myriade de la mouvance skinhead néonazie.

    Les membres des jeunesses identitaires, le mouvement de Serge Ayoub « Troisième Voie » (dissous en 2012), reste dans la grande famille de l’extrême droite et bizarrement jamais le FN ne condamne leurs existences ou dérives.

    Monsieur Guaino le Front National n’a pas changé, il peut donner des signes d’évolution tactiques pour glaner plus de voix ici où là et conquérir des postes, mais son logiciel raciste reste au cœur de son ADN.

  • Libérez Michel Atangana !

    Le matin du 12 mai 1997, Michel Atangana, citoyen français d'origine camerounaise, était arrêté de façon arbitraire à son domicile de Yaoundé par le régime de Paul Biya. Son crime ? Aucun. Sa malchance ? Avoir été considéré comme l'arme utile à l'élimination de l'ancien numéro 2 du régime qui avait eu l'outrecuidance, quelques jours plus tôt, d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle de l'automne 1997.

    Voici l'origine du calvaire enduré par Michel Atangana qui, depuis son arrestation, n'a plus connu un seul jour de liberté. Condamné à quinze ans de prison pour détournements de fonds publics à l'issue d'un procès ubuesque, tenu la nuit et sans avocat, il est de nouveau condamné à vingt-cinq ans de prison pour les mêmes faits en octobre 2012.

    Victime d'une véritable machine à broyer, Michel Atangana a eu à subir des procédures qui, en chacune de leurs étapes, ont constitué un monument de violation des droits de l'homme et plus particulièrement des droits de la défense.

    UNE MAGISTRATE MENACÉE DE MORT

    Que l'on en juge ! Michel Atangana, après une première condamnation prononcée à la va-vite, se trouve depuis 2012 condamné à deux reprises pour les mêmes faits, en vertu d'un procès que le tribunal n'avait pas compétence à mener sous les qualifications retenues.

    A l'ouverture du procès, on constata que les scellés avaient été volés, on découvra par la suite que l'accusation fit comparaître un prétendu expert  tandis que le procureur produisait des faux sans manquer d'exercer des pressions sur les témoins. A l'issue de cette procédure, une magistrate menacée de mort afin qu'elle rende la décision que le ministère de la justice lui intimait de prendre.

    Devant l'émotion légitime soulevée en France par ce scandale judiciaire, Paul Biya, le président camerounais, s'était engagé auprès de François Hollande à laisser la justice suivre librement son cours. Cette promesse fut prononcée le 30 janvier à l'Elysée et publiquement confirmée par son énonciateur devant la presse.

    Or, près de onze mois plus tard, que constate-t-on ? Michel Atangana, victime d'une nouvelle violation des délais procéduraux, a vu le pourvoi en cassation qu'il a formé il y a plus d'un an être finalement étudié ces deniers jours. Au regard des audiences qui se sont tenues à la Cour suprême à Yaoundé, c'est un nouvel acte d'arbitraire vers lequel on s'oriente, en raison des pressions exercées par le pouvoir politique camerounais sur sa propre justice.

    A l'occasion d'une audience tenue dans la nuit des 27 et 28 novembre entre 19 h 50 et 4 heures du matin, le rapporteur – juge censé éclairer l'avis de ses collègues lors de la décision finale – a demandé que soit confirmée la condamnation de Michel Atangana.

    FIERTÉ NATIONALE MAL PLACÉE

    Il se trouve que le rapport prononcé à cette occasion a selon toute vraisemblance été rédigé sur les instructions de Laurent Esso, ministre de la justice. Il se trouve donc que le pouvoir camerounais, bien loin des promesses faites par Paul Biya, pèse de tout son poids dans cette affaire afin que Michel Atangana soit maintenu en prison.

    Jalousie ? Peur de certains dignitaires de servir de fusibles suite au fiasco politique et diplomatique que représenterait la libération de Michel Atangana ? Fierté nationale mal placée et que réactiverait la position des autorités françaises dans ce dossier ? Quelles que soient les causes de cette attitude jusqu'au-boutiste des autorités camerounaises, elles ne sont pas acceptables.

    Elles ne le sont pas pour Michel Atangana, victime de l'arbitraire et privé de ses enfants depuis près de dix-sept ans. Elles ne le sont pas non plus pour les citoyens camerounais qui savent bien, même s'ils doivent trop souvent l'exprimer à voix base, que l'édification de l'Etat de droit constitue une condition sine qua non de la démocratie tout autant que du développement économique et social.

    Nous demandons donc à ce que François Hollande demande avec la plus grande fermeté auprès de son homologue camerounais que les poursuites contre Michel Atangana soient immédiatement abandonnées. Il nous semble que là est la seule voie pour que Michel Atangana soit lavé d'un jugement qui a sali son honneur. Il nous semble également que là est la seule voie pour qu'il soit libéré dans un pays dont le régime se trouve être incapable de laisser sa justice en paix et donc libre de dire le droit.

    La demande que nous formons de voir Michel Atangana enfin libéré ne nous intéresse pas simplement pour l'individu concerné. Attachés à l'Afrique et au triomphe de la justice, nous savons également que les droits de l'homme ne relèvent pas simplement des débats philosophiques. Ils relèvent toujours de cas concrets dont la résolution positive constitue l'espoir de nouvelles conquêtes.

    • Collectif Collectif (Collectif)

    Dominique Sopo, ancien président de SOS Racisme, président du comité de soutien à Michel Atangana en France ; Corinne Lepage, députée au Parlement européen, ancienne ministre ; Kofi Yamgnane, ancien ministre ; Pascal Blanchard, historien ; Greg Germain, comédien, président du festival Off d'Avignon ; Elie Chouraqui, cinéaste ; Josiane Balasko, comédienne ; Patrick Pelloux, médecin urgentiste ; Patrick Klugman, avocat au barreau de Paris, conseiller de Paris ; Mahor Chiche, avocat au barreau de Paris ; Dan Franck, écrivain; François Durpaire, historien ; Rost, rappeur ;Yves Simon,  chanteur et écrivain ; Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point ; Joël Didier Engo, président de l'association Nous pas bouger;  Jacques Martial, comédien, président du Parc de la Villette ; Malek Boutih, député de l'Essonne ; Claudine Lepage, sénatrice des Français établis hors de France ;  Firmine Richard, comédienne ; Lapiro de Mbanga, artiste; Pierre Bergé, homme d'affaires, président du Conseil de surveillance du "Monde" ; Fadela Amara, femme politique française

    Le Monde, 16 décembre 2013.

  • Nous refusons le silence face à l'Apartheid et au nettoyage ethnique en Birmanie

    Depuis 2010, la junte militaire s'est retirée de Birmanie. Les ex-généraux promettent l'ouverture avec la mise en place d'un gouvernement civil et la libération d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, aujourd'hui élue au parlement.

    Le pays donne les signes d'une marche volontaire vers la démocratie, mais nous ne pouvons ignorer les graves injustices qui subsistent. La Birmanie abrite près de 140 ethnies dont chacune apporte une empreinte fondamentale, unique et complémentaire donnant son identité inclassable à ce pays bigarré de langues et religions multiples.

    Aujourd'hui la démocratie birmane ne peut être bâtie que sur le respect, la réconciliation, et l'inclusion de toutes les minorités. Or, cinquante ans d'isolement, de peurs, de divisions interethniques et de propagande en Birmanie auront eu des effets dévastateurs et profonds sur la population birmane, fondant une nouvelle société ségrégationniste et raciste.

    Les minorités sont exclues du renouveau démocratique et, pour beaucoup, le calvaire a empiré avec des offensives militaires au nord et à l'Est tandis qu'à l'Ouest des populations sont séquestrées sous un régime d'Apartheid.
    Une campagne de nettoyage ethnique, lancée en juin 2012, cible aujourd'hui même, plus d'un million de Birmans musulmans. Parmi eux les Rohingyas, le peuple le plus persécuté au monde, selon les Nations Unies. Un rapport de Human Rights Watch d'avril 2013 dénonce la complicité du gouvernement birman dans les exactions commises par des gangs extrémistes massacrant des musulmans en toute impunité.

    Cependant, la communauté internationale ferme les yeux, galvanisée par le fantasme de l'avènement d'une démocratie birmane. Depuis un an, ce sont des milliers de villages musulmans qui ont été brûlés ou rasés tandis que continuent d'être perpétrés immolations, viols collectifs et massacres de masse.

    Aujourd'hui, 700 000 autres Rohingyas vivent dans la terreur dans l'Arakan et plus d'une centaine de milliers d'entre eux sont parqués dans des camps. En vue du recensement, les autorités qui souhaitent entériner l'exclusion de la nation des déportés Rohingyas les forcent à signer des papiers les identifiant comme "Bengali", faisant d'eux des étrangers.

    Ailleurs dans le pays, des extrémistes, fanatiques et ultranationalistes perpétuent une campagne visant à anéantir les 4% de musulmans présents en Birmanie.

    Nous, signataires de ce texte, dénonçons :


    - Les pogroms de masse visant les civils musulmans ;
    - L'impunité totale des nationalistes extrémistes, des soldats, et des moines qui commettent des crimes de masses et, dans le cas de la force spéciale Nasaka : des viols collectifs ;
    - La ségrégation systématique, le racisme et la terreur subis par les communautés birmanes musulmanes et l'absence totale de protection ;
    - Une campagne de propagande et d'incitation à la haine menée notamment par des moines extrémistes, tels Ashin Wirathu le "Ben Laden" birman autoproclamé, qui appelle au boycott des échanges avec les birmans musulmans ;
    - Une justice inexistante pour les birmans musulmans, des arrestations arbitraires et des procès inéquitables ;
    - L'entrave à l'aide humanitaire par la menace et l'interdiction d'accès aux zones où les musulmans ne reçoivent ni les soins ni les rations nécessaires à leur survie ;
    - La Loi discriminatoire de 1982 qui a fait des Rohingyas des apatrides et nie leur appartenance à la Birmanie.

    Pendant que l'Union Européenne lève les sanctions économiques, que les échanges d'affaires avec la Birmanie s'intensifient, que le président Thein Sein est reçu à Washington, et qu'Aung San Suu Kyi ne manifeste guère d'intérêt pour la situation, deux millions de personnes sont otages de la haine d'une partie de l'ethnie majoritaire. Le silence coupable de la communauté internationale condamne chaque jour plus de vies chez les Rohingyas. La démocratie ne peut s 'épanouir sur le sacrifice d'une minorité.

    Nous appelons le Président de la République françaises, les dirigeants européens et les représentants des nations unies à :
    - Interpeller fermement le gouvernement birman afin de faire cesser immédiatement les violations des droits humains et le nettoyage ethnique en cours en Birmanie.
    - Exiger l'ouverture d'une commission d'enquête internationale indépendante disposant d'un accès libre sur le terrain, pour enquêter sur les crimes commis envers les minorités musulmanes de l'Arakan et particulièrement les Rohingyas.
    - Apporter une assistance humanitaire et une protection immédiate à ces peuples sans voix courant le danger de l'extermination totale.

    Martin Luther King disait "celui qui ignore le mal s'en fait complice", face au nettoyage ethnique des invisibles de la démocratie birmane nous ne nous tairons pas.

    SignatairesSophie Ansel, écrivain et réalisatrice ; Rokhaya Diallo, éditorialiste ; Mahor Chiche, Avocat ; Maung Zarni, chercheur et activiste, Birmanie ; Noam Chomsky, philosophe ; Joe Sacco, journaliste et auteur de BD ; Omar Sy, comédien ; Lilian Thuram, président de la Fondation éducation contre le racisme ; Jamel Debbouze, comédien ; Eva Joly, députée européenne ; Rama Yade, ancienne secrétaire d'Etat aux droits de l'homme ; William Schabas, ancien président de l'association international des experts du génocide et professeur de loi internationale, Université de Middlesex ; Geoffrey Nice, avocat et militant ; Patrick Boitet, rédacteur en chef TV ; Juan José Tamayo, théologien ; Duleep de Chickera, évêque anglican ; Sam Garcia, dessinateur de bandes dessinées, auteur de " lunes birmanes" ; Habiburahaman, auteur rohingya "nous les innommables, un tabou birman" ; Mireille Fanon-Mendès France, présidente de la Fondation Frantz Fanon ; Doudou Diène, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée ; François Durpaire, historien ; Frédéric Debomy, auteur et militant ; John Pilger, journaliste et documentariste ; James C. Scott, politologue et anthropologue ; Benedict Anderson, auteur ; Sai Latt, doctorant et activiste birman, Université Simon Fraser ; Leila Nachawati Rego, activiste syrienne, espagnole et professeur en communication ; Babylon Circus, musiciens ; Abdennur Prado, écrivain et directrice du congrès international du féminisme islamique ; HK et les Saltimbanks, musiciens ; Benjamin Bejbaum, fondateur de Dailymotion ; Veronica Pedrosa, journaliste TV ; Suthep Kritsanavarin, photographe ; Zebda, musiciens ; Pavin Chachavalpongpun, politologue, chercheur et enseignant ; Lynn Lee, réalisateur, "le génocide caché" ; Laurent Jais, producteur réalisateur ; Albert Lecoanet, journaliste indépendant & réalisateur de documentaire ; Bertil Scali, éditeur, auteur ; Saiful Huq Omi, photographe, réalisateur et activiste ; Professeur Dr. Mohammad Redzuan Othman, doyen de la faculté des arts et sciences sociales, Université Malaya de Kuala Lumpur ; Jeff Mc Mullen, écrivain et réalisateur ; Amal de Chickera, activiste des droits de l'humain


    Le Monde, 26 juin 2013