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europe

  • Nous refusons le silence face à l'Apartheid et au nettoyage ethnique en Birmanie

    Depuis 2010, la junte militaire s'est retirée de Birmanie. Les ex-généraux promettent l'ouverture avec la mise en place d'un gouvernement civil et la libération d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, aujourd'hui élue au parlement.

    Le pays donne les signes d'une marche volontaire vers la démocratie, mais nous ne pouvons ignorer les graves injustices qui subsistent. La Birmanie abrite près de 140 ethnies dont chacune apporte une empreinte fondamentale, unique et complémentaire donnant son identité inclassable à ce pays bigarré de langues et religions multiples.

    Aujourd'hui la démocratie birmane ne peut être bâtie que sur le respect, la réconciliation, et l'inclusion de toutes les minorités. Or, cinquante ans d'isolement, de peurs, de divisions interethniques et de propagande en Birmanie auront eu des effets dévastateurs et profonds sur la population birmane, fondant une nouvelle société ségrégationniste et raciste.

    Les minorités sont exclues du renouveau démocratique et, pour beaucoup, le calvaire a empiré avec des offensives militaires au nord et à l'Est tandis qu'à l'Ouest des populations sont séquestrées sous un régime d'Apartheid.
    Une campagne de nettoyage ethnique, lancée en juin 2012, cible aujourd'hui même, plus d'un million de Birmans musulmans. Parmi eux les Rohingyas, le peuple le plus persécuté au monde, selon les Nations Unies. Un rapport de Human Rights Watch d'avril 2013 dénonce la complicité du gouvernement birman dans les exactions commises par des gangs extrémistes massacrant des musulmans en toute impunité.

    Cependant, la communauté internationale ferme les yeux, galvanisée par le fantasme de l'avènement d'une démocratie birmane. Depuis un an, ce sont des milliers de villages musulmans qui ont été brûlés ou rasés tandis que continuent d'être perpétrés immolations, viols collectifs et massacres de masse.

    Aujourd'hui, 700 000 autres Rohingyas vivent dans la terreur dans l'Arakan et plus d'une centaine de milliers d'entre eux sont parqués dans des camps. En vue du recensement, les autorités qui souhaitent entériner l'exclusion de la nation des déportés Rohingyas les forcent à signer des papiers les identifiant comme "Bengali", faisant d'eux des étrangers.

    Ailleurs dans le pays, des extrémistes, fanatiques et ultranationalistes perpétuent une campagne visant à anéantir les 4% de musulmans présents en Birmanie.

    Nous, signataires de ce texte, dénonçons :


    - Les pogroms de masse visant les civils musulmans ;
    - L'impunité totale des nationalistes extrémistes, des soldats, et des moines qui commettent des crimes de masses et, dans le cas de la force spéciale Nasaka : des viols collectifs ;
    - La ségrégation systématique, le racisme et la terreur subis par les communautés birmanes musulmanes et l'absence totale de protection ;
    - Une campagne de propagande et d'incitation à la haine menée notamment par des moines extrémistes, tels Ashin Wirathu le "Ben Laden" birman autoproclamé, qui appelle au boycott des échanges avec les birmans musulmans ;
    - Une justice inexistante pour les birmans musulmans, des arrestations arbitraires et des procès inéquitables ;
    - L'entrave à l'aide humanitaire par la menace et l'interdiction d'accès aux zones où les musulmans ne reçoivent ni les soins ni les rations nécessaires à leur survie ;
    - La Loi discriminatoire de 1982 qui a fait des Rohingyas des apatrides et nie leur appartenance à la Birmanie.

    Pendant que l'Union Européenne lève les sanctions économiques, que les échanges d'affaires avec la Birmanie s'intensifient, que le président Thein Sein est reçu à Washington, et qu'Aung San Suu Kyi ne manifeste guère d'intérêt pour la situation, deux millions de personnes sont otages de la haine d'une partie de l'ethnie majoritaire. Le silence coupable de la communauté internationale condamne chaque jour plus de vies chez les Rohingyas. La démocratie ne peut s 'épanouir sur le sacrifice d'une minorité.

    Nous appelons le Président de la République françaises, les dirigeants européens et les représentants des nations unies à :
    - Interpeller fermement le gouvernement birman afin de faire cesser immédiatement les violations des droits humains et le nettoyage ethnique en cours en Birmanie.
    - Exiger l'ouverture d'une commission d'enquête internationale indépendante disposant d'un accès libre sur le terrain, pour enquêter sur les crimes commis envers les minorités musulmanes de l'Arakan et particulièrement les Rohingyas.
    - Apporter une assistance humanitaire et une protection immédiate à ces peuples sans voix courant le danger de l'extermination totale.

    Martin Luther King disait "celui qui ignore le mal s'en fait complice", face au nettoyage ethnique des invisibles de la démocratie birmane nous ne nous tairons pas.

    SignatairesSophie Ansel, écrivain et réalisatrice ; Rokhaya Diallo, éditorialiste ; Mahor Chiche, Avocat ; Maung Zarni, chercheur et activiste, Birmanie ; Noam Chomsky, philosophe ; Joe Sacco, journaliste et auteur de BD ; Omar Sy, comédien ; Lilian Thuram, président de la Fondation éducation contre le racisme ; Jamel Debbouze, comédien ; Eva Joly, députée européenne ; Rama Yade, ancienne secrétaire d'Etat aux droits de l'homme ; William Schabas, ancien président de l'association international des experts du génocide et professeur de loi internationale, Université de Middlesex ; Geoffrey Nice, avocat et militant ; Patrick Boitet, rédacteur en chef TV ; Juan José Tamayo, théologien ; Duleep de Chickera, évêque anglican ; Sam Garcia, dessinateur de bandes dessinées, auteur de " lunes birmanes" ; Habiburahaman, auteur rohingya "nous les innommables, un tabou birman" ; Mireille Fanon-Mendès France, présidente de la Fondation Frantz Fanon ; Doudou Diène, ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée ; François Durpaire, historien ; Frédéric Debomy, auteur et militant ; John Pilger, journaliste et documentariste ; James C. Scott, politologue et anthropologue ; Benedict Anderson, auteur ; Sai Latt, doctorant et activiste birman, Université Simon Fraser ; Leila Nachawati Rego, activiste syrienne, espagnole et professeur en communication ; Babylon Circus, musiciens ; Abdennur Prado, écrivain et directrice du congrès international du féminisme islamique ; HK et les Saltimbanks, musiciens ; Benjamin Bejbaum, fondateur de Dailymotion ; Veronica Pedrosa, journaliste TV ; Suthep Kritsanavarin, photographe ; Zebda, musiciens ; Pavin Chachavalpongpun, politologue, chercheur et enseignant ; Lynn Lee, réalisateur, "le génocide caché" ; Laurent Jais, producteur réalisateur ; Albert Lecoanet, journaliste indépendant & réalisateur de documentaire ; Bertil Scali, éditeur, auteur ; Saiful Huq Omi, photographe, réalisateur et activiste ; Professeur Dr. Mohammad Redzuan Othman, doyen de la faculté des arts et sciences sociales, Université Malaya de Kuala Lumpur ; Jeff Mc Mullen, écrivain et réalisateur ; Amal de Chickera, activiste des droits de l'humain


    Le Monde, 26 juin 2013

  • PS : La construction de l'Europe fédérale doit être l'horizon des socialistes français

    Au moment où le Parti Socialiste français organise sa Convention sur l’Europe, il m’est apparu essentiel de souligner l'importance de dépasser les questions de propositions techniques pour doter la France d'une ambition fédérale et d'une méthode.

    Il y’a un an nous nous retrouvions dans la section PS de Paris 19 en présence de Jean Christophe Cambadélis espérant la victoire du candidat François Hollande.

    Je l’avais alors interpellé sur l’importance de la promesse de renégociation du Traité budgétaire « MERKOSY », pour ne pas renouveler l’erreur de 1997 où Lionel Jospin avait promis de refuser la ratification du Traité d’Amsterdam - qualifié de « SuperMaastricht » - et au nom des règles de répartition des compétences entre le Président Chirac de l’époque et le Premier Ministre céda.

    Certains socialistes demandaient alors une cohabitation de combat. Elle n’a pas eu lieu. Cette volte face fut incompréhensible pour de nombreux électeurs.

    En avril 2012, Jean Christophe Cambadélis m’avais répondu que nous devions déjà gagner la présidentielle. Nous avons gagné, mais pour dégager des marges de manœuvres politiques le débat européen reste majeur. Le jour de son investiture le Président François Hollande s’est rendu en Allemagne et a rencontré la Chancelière Merkel, 5 jours après il acceptait de renoncer à renégocier ce Traité. En contrepartie, il obtenait, à l’issue du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, 120 milliards d’investissements pour la relance de l’économie européenne (somme dont attend encore le redéploiement).

    Cette absence de renégociation complète est décevante, mais les règles du droit international expliquent qu’une fois que le Traité a été signé par nos 26 partenaires il est difficile de revenir dessus. C’est pour cela que la victoire du SPD en Allemagne est souhaitable, il faut convaincre l’Allemagne de construire une Europe de croissance.

    Face à l’ampleur de la crise économique actuelle et de la crise institutionnelle ouverte après l’échec de la ratification référendaire de 2005, la question posée est celle de la légitimité démocratique de l’édifice européen que nous construisons.

    En 2005, le PS organisait une consultation interne où les adhérents socialistes se déclaraient en faveur du OUI, puis quelques mois plus tard le peuple français rejetait le Traité constitutionnel. Faisant fi de ce vote, le Traité de Lisbonne - « Constitution light » - fut adopté par la voie parlementaire. Les délégations de compétence, la souveraineté partagée comme disaient Chirac et Fischer ça n’a pas de sens, ça n’a plus de sens, aujourd’hui dans une Europe à 27. On parle de monnaie commune, d’un futur gouvernement économique, mais la souveraineté est indivisible.

    L’Union européenne prix Nobel de la paix 2012 ne fait plus rêver les peuples d’Europe. L’absence de choix clairs, la logique des petits pas, du statut indéfini, de l’entité sui generis, la promesse de Fédération d’Etats Nations d’Europe (formule Deloriste) est aujourd’hui le principal handicap de l’avènement de l’Europe politique.

    Le texte de la Convention socialiste sur l'Europe proposé est riche et certains amendements améliorent les dispositifs en particulier économiques proposés, mais il manque une vision, l’horizon fédéral. Il nous faut régler la question de la finalité du processus européen lancé à Maastricht en 1992 et qui devait faire une « Union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe ».

     

    Quo Vadis Europa ? disait Daniel Cohn-Bendit. L’Union européenne est-elle un simple marché ? Un ensemble monétaire ? Une Union politique de peuples ? L’Europe a besoin d’un horizon défini.

    Le statu-quo actuel est mortifère, il conduira inéluctablement à un retour aux coopérations nationales et la montée des nationalismes.

    Le texte de la Convention pose d’ailleurs ce postulat du dépassement des obstacles actuels en affirmant « nous plaidons pour une Europe différenciée » (rupture historique avec la pensée socialiste d'une Europe marchant au même rythme), il nous faut proposer aux peuples d’Europe un nouveau dessein l’Europe fédérale. Peut être faudra-t’-il repenser la construction politique européenne en créant, à deux, avec l’Allemagne et quelques autres Etats volontaires une véritable Union.

    Aujourd’hui, seule l’Europe fédérale pourrait être une solution politique, mais il faut l’assumer. L’Allemagne est prête à des délégations de souveraineté et au « saut » fédéral, d’autres États européens pourraient être convaincus mais la France doit se redonner les moyens de réorienter la construction européenne en faisant de la construction politique la première priorité.

    Évidement, dans le climat actuel de montée des populismes et surtout du nationalisme d’extrême-droite comme en Grèce ou en Hongrie la bataille sera difficile. Mais, l’heure du choix de la forme future de l’Union européenne est venue.

    Si comme l’ont déclaré Harlem Désir et Claude Bartolone, nous voulons éviter un « 21 avril européen » en 2014 alors nous devons mobiliser les électeurs, nous devons leur proposer un vrai choix institutionnel et démocratique, nous devons combattre les droites conservatrices et les extrêmes droites.

    L’enjeu de notre génération est de sauver l’idée d’Europe politique.

  • Leçons du 21 avril 2002 : La menace Marine Le Pen et le devoir impérieux de réussite de la gauche

     

    Il y’a onze ans, la gauche et la République étaient confrontés au séisme Jean Marie Le Pen, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale l’extrême droite se retrouvait  au second tour de l’élection présidentielle et aux portes du pouvoir par la voie des urnes. Le Front National était devenu la seconde force politique du pays. Aujourd’hui, face aux crises démocratique, identitaire, sociale et économique qui minent notre pays une gauche dépassée par l’extrême droite semble à nouveau possible. 

    La leçon du 21 avril 2002

    Après un entre deux tours étayé de nombreux rassemblements et manifestations républicains anti-FHaine (2 millions le 1er mai 2002) et une mobilisation des élites françaises Jacques Chirac fut réélu avec 82,21 % des suffrages Président de la République ; Jean-Marie Le Pen recueillait quant à lui 5 525 032 voix soit 17,79 % des suffrages exprimés.

    Nombreux furent à l’époque à considérer que le FN avec ce leader charismatique, son bas gout, et la faiblesse du candidat Jospin (épuisé par son action ministérielle, semant le trouble en refusant l’étiquette de projet socialiste, défenseur de son bilan mais sans  dessein pour la France) avait fait le plein de ses voix. La France « Black, Blanc, Beur » et l’esprit de l’équipe de France de football de 1998 (incarné par Zinedine Zidane, Marcel Desailly, Laurent Blanc) n’avait pas disparu, le 21 avril 2002 n’aurait été qu’un accident malheureux de l’histoire.

    Jean Marie Le Pen n’avait progressé que de 720 319 voix entre le premier et le second tour et seul Bruno Megrét avait décidé le rallier. Finalement, la France, ses élites et sa jeunesse se serait amusé à se faire peur ?

    Le Front National serait un parti comme les autres et ne constituerait plus une menace pour la République, il aurait définitivement fait le choix des urnes et non de la rue. En 2007, le faible score du FN à la présidentielle confortait ces analyses. 

    Marine Le Pen ou l’extrême droite décomplexée

    Onze ont passé, Jean Marie Le Pen a tiré sa révérence, Marine Le Pen est devenue la nouvelle chef des français « patriotes » en ouvrant son mouvement « remarketé » « Rassemblement Bleu Marine » à des personnalités extérieures (comme Gilbert Collard) et Marion Maréchal a été élue Députée à Carpentras (cruelle revanche) en raison du refus du front républicain de la candidate socialiste Catherine Arkilovitch.

    Un élément marquant de la présidentielle de 2012 fut de constater que l’essentiel des débats du premier tour avaient été rythmés par la question posée par Marine Le Pen sur l’abattage rituel.

    L’extrême droite française progresse, mais elle n’est pas unie derrière Marine Le Pen, ainsi des mouvements de type Tea Party (comme les mouvances autour des antimariages pour tous) la concurrence.

    La droite s’est radicalisée

    Si lors de la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait siphonné les voix d'un FN à 10,5 % en durcissant le discours et en apparaissant comme le candidat du Karsher et du rétablissement de l’ordre ; un quinquennat plus tard, pour tenter de se maintenir au pouvoir  la droite républicaine a fait sauter les digues entre droite et extrêmes droites : création du « Ministère de l'Identité nationale », stigmatisation de l’Islam et du musulman, remise en cause permanente de l’Ordonnance de 1945 (« plus adaptée aux mineurs d'aujourd'hui »), adoption des peines planchers, expulsion de 30 000 étrangers par an.

    Surtout, Nicolas Sarkozy dans son discours de Grenoble du 30 juillet 2010 a défendu la déchéance de nationalité pour les tueurs de policiers et promis l’éloignement des Roms.

    L’entre deux tours de la présidentielle de 2012 caractérisa cette logique de radicalisation verbale sur les thématiques de prédilection du FN comme l’assistanat, l’immigration, l’islam, et l’insécurité ; Ainsi, Nicolas Sarkozy se mit à draguer ouvertement les électeurs du FN - « Je veux parler aux petits, je veux parler aux sans-grade, je veux parler aux ruraux qui ne veulent pas mourir, je veux parler aux travailleurs qui ne veulent pas que celui qui ne travaille pas gagne davantage que lui, je veux parler aux petits retraités »  (Discours de Saint-Cyr-sur-Loire) - allant jusqu’à déclarer le Front national « compatible avec la République » (Interview du 24 avril 2012 France Tv Info).

    Au sein de l’UMP, la droite populaire a servi de catalyseurs des idées, de libération de la parole raciste, et de banalisation des idées du Front National. Lors du second tour des élections cantonales de 2011, rompant avec la position chiraquienne, le Premier Ministre François Fillon alla jusqu’à refuser d’appeler à faire barrage au Front National. Légitimation suprême, le 21 mars 2012, la présence de Marine Le Pen a été acceptée par  le Président Nicolas Sarkozy aux obsèques des victimes des  assassinats de Mérah (http://www.letelegramme.fr/ig/generales/france-monde/france/montauban-l-hommage-officiel-aux-militaires-victimes-du-tueur-au-scooter-21-03-2012-1640695.php).

    La gauche tourmentée est dans l’évitement

    La gauche a aujourd’hui presque toutes les commandes du pays, de l’échelon local à la Présidence de la République, mais elle rencontre de nombreuses difficultés à forger un projet de société global et mettre en œuvre la  justice sociale proclamée. La conjugaison de l’européanisation des politiques publiques et de la décentralisation semble avoir rendu impuissante l’action politique. La gauche fait dans le bricolage au lieu  de transformer le pays.

    Ces questions posent avec acuité la question de la modernisation de nos institutions. De surcroît, la gauche reste timorée et traumatisée tant par le 21 avril 2002 que les émeutes urbaines de 2005.

    Ainsi, de peur de faire progresser le FN ou d’être minoritaire dans l’opinion, la gauche a renoncé à s’attaquer à l’adoption du droit de vote des étrangers non communautaires, aux contrôles aux faciès, à la lutte contre les discriminations et la ghettoïsation, ou encore à défendre avec force la laïcité. La gauche française n’a toujours pas fait sienne la réalité sociologique d’aujourd’hui : l’avènement de la société métissée. 

    Pire, au niveau local certains candidats socialistes n’hésitent pas à refuser d’appliquer la consigne nationale du front républicain faisant l’amalgame droite-FN. François Hollande, quant à lui, a été le premier Président de la République à recevoir à l’Elysée à l’occasion de ses consultations sur les propositions de la commission Jospin un leader d’extrême droite. Le FN s’institutionnalise tant dans le paysage politique que médiatique.

    Combattre le FN par les mots

    Chacun d’entre nous  peut constater la montée de la violence dans notre société, la crise de l’Etat Nation et en particulier de l’Ecole publique, la perte de valeurs, l’ampleur de la crise économique et sociale, et la difficulté de faire société.

    Ce délabrement apparent de la vielle France implique de réinventer un modèle et des leviers de commandes efficaces, mais en attendant déclinologues et le FN prospèrent sur la thématique du paradis perdu.

    L’euroscepticisme a réveillé les populismes. Au Pays Bas, Geert Wilders et son parti de la liberté (PVV) obtiennent 24 sièges sur 150, le 9 juin 2010. En Italie, Beppe Grillo - chef du Mouvement 5 Etoiles - obtint 25% des suffrages aux élections législatives italiennes du 24 février 2013. En Grèce, l’Aube dorée néo-nazi obtient 18 sièges en juin 2012. Ainsi, l’extrême droite obtient des victoires électorales et une légitimité politique dans de nombreux Etats européens.

    En France, pour Jérôme Fourquet, la « dynamique actuelle de Marine Le Pen et sa progression ne s'explique pas par une concurrence avec la droite mais correspond à une radicalisation et une droitisation de l'opinion ».  

    Définitivement, nous sommes loin de l’entre deux tours de la présidentielle de 2002 où la gauche sonnée par l’humiliation de la défaite jospinienne et le pays désemparé face au choix proposé alors entre le le « vieux » roi fainéant et le détestable personnage qu’était Jean Marie Le Pen. L’extrême droite a le vent en poupe et dispose d’un leader qui voudrait (quoi qu’elle en dise) - être la « Gianfranco Fini » à la française - la chef d’une formation d‘extrême droite capable de s’allier avec une partie de la droite républicaine et de gouverner. La crise interne de l’UMP entre tenants d’un républicanisme sans faille et les tenants d’une véritable rupture pourrait à terme permettre cette alliance.

    Ce constat a poussé les antiracistes à changer de stratégies. Après le front républicain et le harcèlement démocratique, le temps de la confrontation idéologique semble venu. Front contre front, classe contre classe. Marine Le Pen ne bénéficie pas de la même opprobre que son père (déclarations impétueuses racistes et antisémites, légitimation de la torture en Algérie…), la diabolisation ne saurait désormais suffire pour combattre l’extrême droite.

    En quête de popularisation, Florian Fillipot et Marine Le Pen ont fait à plusieurs reprises l’émission de divertissement de Thierry Ardisson « Salut les terriens » ; lors de l’émission du 28 mars 2013, la confrontation de Nicolas Bedos/Marine Le Pen sur l’immigration (« Qui sommes-nous pour parler de mérite? On est tous les deux, deux gosses de riches qui avons été favorisés par la vie ») a illustré l’institutionnalisation de Marine Le Pen. Médiatiquement, les représentants du FN ne sont plus indésirables à l’exception remarquable de Michel Drucker et Laurent Ruquier.

    Dans l’émission Mots Croisées du 21 février 2013, Malek Boutih (Député et ancien Président de SOS Racisme) a accepté de débattre avec Marine Le Pen la mettant en difficulté  en démontrant que  le refus de changement de nom est révélateur de l’ambigüité du FN. Il l’a comparé aux islamistes « qui acceptent d’aller aux élections mais une fois qu’ils sont au pouvoir » la situation change. Malek Boutih a démontré son caractère liberticide sur le droit de manifester (le programme du FN propose d’interdire le droit de manifestation » au soutien d’activités délictuelles) (http://www.rmc.fr/editorial/351748/marine-le-pen-ne-debat-bien-quavec-elle-meme) et montré son incohérence sur les questions migratoires en l’obligeant à reconnaitre qu’elle accepte l’entrée de 10 000 immigrés supplémentaires par an en France.

    Accepter ce débat lui a permis de mettre l’accent sur la première faute politique personnelle de Marine Le Pen : s’être rendue à l'invitation du parti d'extrême droite FPÖ, d’Heinz-Christian Strache, au bal de Vienne organisé - le jour de la commémoration du 67ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz -  par des corporations interdisant l’entrée aux juifs et aux femmes.

    Ce couac de la campagne l’avait déstabilisé dans sa tentative de dédiabolisation. Pris dans son corpus idéologique et ses amitiés douteuses, Marine Le Pen n’a jamais réussi à expliquer pourquoi il était important de s’y rendre. Il convient également de se rappeler que Marine Le Pen a refusé de condamner les propos de son père sur la tuerie d'Oslo et d'Utoya. Jean Marie Le Pen avait renversé les responsabilités en fustigeant la « naïveté » du gouvernement norvégien face au « terrorisme » et « l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier ».

    Récemment, Marion Maréchal-Le Pen s'est aussi affiché aux côtés du chef de file du GUD et d'un militant du mouvement skin confirmant la persistance des liens du FN et la nébuleuse d’extrême droite. La dédiabolisation n’est définitivement que cosmétique.

    Le 12 avril 2013, le Conseiller de Paris Alexis Corbière et Secrétaire national du Parti de Gauche a aussi accepté de débattre avec Louis Aliot (Vice-Président du FN) dans l’émission d’Eric Zemmour&Naulleau confirmant le changement de stratégie de la gauche. En effet selon Alexis Corbière : « la polémique crée le débat, le débat crée la conscience ». A cette confrontation médiatique s’ajoute une dénonciation permanente des tentations d’alliances UMP-FN, ainsi, il a été parmi les premiers responsables à dénoncer le dépôt commun d’une proposition de Loi pour la reconnaissance du « génocide » vendéen par des Députés du FN et de l'UMP. Pour Alexis Corbière, « si l'on veut faire reculer le FN, il faut une autre politique économique et sociale car c'est là que se trouve le premier problème de nos concitoyens. Un antifascisme qui ne serait pas porteur d'un projet politique alternatif est voué à l'échec ou à l'instrumentalisation ».

    Aujourd’hui, sur  les réseaux sociaux aussi les antiracistes s’affrontent aux mouvements nationalistes, identitaires et xénophobes. Ils s’invectivent mais se confrontent aussi idéologiquement sur l’analyse de la société. A la confrontation physique des années 80 a succédé une bataille virtuelle et médiatique pugnace.

    21 avril 2002, 21 avril 2013, la donne politique a bien changé.

    Politiquement, le cordon sanitaire républicain dans les années 80 a disparu, le refus de choisir entre les candidats FN et ceux de gauche ou de droite ne jouent plus que trop rarement. Les cantonales de 2011 et les législatives de 2012 ont montré la difficulté de faire perdurer le refus de triangulaires et de faire jouer le front républicain. Le Front National s’institutionnalise et ses idées se banalisent.

    La République a un devoir de réussite

    Ce Vendredi 19 avril 2013, Claude Bartolone Président de l’Assemblée Nationale a prévenu : « Nous sommes nombreux à avoir vu l’échec arrivé et pour ne pas déplaire à Lionel Jospin nous nous sommes tus » ; au soir du 21 avril 2002, il s’était fait comme beaucoup la promesse de « ne plus jamais se taire ».

    A l’évidence, le Front National est en embuscade et les prochaines élections européennes à la proportionnelle intégrale risquent de signer la débâcle. Pour Claude Bartolone, « une gauche dépassée par l’extrême droite est possible », c’est pour cela que les Républicains ont un devoir de réussite.

  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012