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  • Législatives : De l’utilité du Front républicain

    La vague Bleue marine n’aura pas eu lieu, mais quelques circonscriptions de France peuvent permettre au Front National dirigé par Marine Lepen de faire « roi » certains candidats voir d’obtenir quelques Députés.

    En effet, malgré les tentatives du Modem et du Front de gauche et malgré notre mode de scrutin le Front National est aujourd’hui incontestablement devenue la troisième force politique de notre pays.

    Ce constat oblige tous les républicains à rénover la réflexion et les modes d’actions.

    1- La mutation du discours du FN

    Incontestablement, Marien Lepen tente depuis son arrivée à la tête du FN de rompre avec les calembours et les dérapages verbaux de son père qui permettaient de classer automatiquement sa formation dans les ornières de l’histoire du fascisme.

    Malgré sa participation au Bal de Vienne - un rassemblement interdit aux femmes et aux Juifs - à l’invitation du parti d'extrême droite FPÖ d’Heinz-Christian Strache et quelques candidatures nauséabondes ; elle a réussi aux yeux des médias et des électeurs à gommer le racisme congénital de sa formation politique. L’image policée du « Front National version MLP » marque des points.

    A l’évidence Marine Lepen a changé de discours, elle cible moins les immigrés et les questions de sécurité pour parler plus du danger islamique et de la « passoire » Europe. Elle surfe sur les craintes des français : remise en cause de la laïcité, perte d’autorité, perte de puissance économique… A HENIN-BEAUMONT, la chef du parti frontiste obtient 42,36 % et se retrouver au second tour face au socialiste Philippe Kemel. Jean Luc Mélenchon a fait progresser le score du Front de gauche (21,48%), mais n’a pas réussi à dépasser le candidat socialiste.

    Dans ce contexte, où Marien Lepen n’assume pas les propos de Jean Marie Lepen et où elle vise à faire une OPA idéologique sur les élus et les cadres de l’UMP, voir à former des alliances de circonstances le Front National devient un parti hautement plus dangereux. Une trentaine de triangulaires auront lieu dimanche prochain.

    En Europe, la tendance lourde est à l’apparition ou résurgence de forces politiques structurées autour de trois idées simples : la renégociation des traités européens et le retour à la souveraineté, la sortie de l’Euro (pour ceux qui l’ont adopté), ainsi que le refus de l’islamisation de l’Europe et la défense des valeurs chrétiennes.

    La victoire du NON au traité de Constitution européenne illustre la première victoire des souverainistes français et en particulier du Front National. Indubitablement, le NON de 2005 a participé à la dédiabolisation du FN puisque l’image du danger du plombier polonais a été partagée et que le résultat a démontré que les élites pro-européennes n’étaient pas ne phase avec le peuple Français. Fort de ce succès, le FN a fais de son hostilité à l’Europe fédérale le cœur de son programme.

    Marine Lepen fait ainsi le pari d’une recomposition de la droite nationale sur ses idées ; et au nom du redressement de la France la tentation de l’alliance sera puissante.

    Comme l’ont montré les prises de positions violentes contre le droit de vote des étrangers aux élections locales ou l’accueil des réfugiés tunisiens, les ponts sont d’ores et déjà faits avec, une partie de l’UMP, les élus du groupe de la droite populaire. La députée UMP du Tarn-et-Garonne, Brigitte Barèges, membre de la droite populaire, a ainsi d’ores et déjà repris à son compte la notion de préférence nationale.

    En plus de la « lepénisation des esprits », la course aux voix du FN de l’entre deux tours a fait des ravages idéologiques au sein de la droite républicaine. Droite populaire ou droite sociale, les candidats UMP ne savent plus quelle stratégie suivre face à la progression de Marine Lepen. Nadine Morano drague les électeurs frontistes, tandis qu’ Alain Juppé rappelle qu'aucun accord électoral ne peut exister entre l'UMP et le FN. Dans ce fiasco, la campagne de Nicolas Sarkozy a une responsabilité qu’il faudra que les leaders de l’UMP osent examiner avec sincérité.

    La lutte antiraciste des associations reste essentielle, et il faudra veiller à chaque outrance, à chaque dérapage à le mettre en exergue y compris devant les Tribunaux pour que le Pacte républicain soit respecté. Racisme, antisémitisme, xénophobie, incitation à la discrimination, délits de presse chaque infraction devra être relevée. Mais ce combat associatif ne saurait être suffisant.

    Les partis républicains à commencer par les deux principaux (PS et UMP) doivent se saisir de cet enjeu. Le Parti Socialiste aurait tort de vouloir déléguer la lutte contre l’extrême droite au seul Parti de Gauche. Marine Lepen et le FN seront vaincus lorsque les majorités politiques élues mèneront les réformes promises aux Français.

    La réflexion sur ce nouveau positionnement du FN et sur les remèdes prendra du temps, mais d’ici dimanche prochain le sursaut républicain doit gagner les deux camps.

    2- La nécessité de restaurer un cordon sanitaire autour du FN

    Pendant longtemps la France a électoralement contenu le succès du FN grâce au système de scrutin et au cordon sanitaire républicain et la vigilance de nombreuses organisations antiracistes.

    Si Nicolas Sarkozy n’a jamais été Pétain, Laval ou Franco, il a légitimé une partie du programme du FN en chassant sur ses terres. En effet, l’affaiblissement des digues entre droite et extrêmes droites a pu se remarquer dans le refus de l’ancien Premier Ministre François Fillon d’appeler lors des dernières cantonales à faire barrage au Front National. Seuls Nathalie Kosciusko-Morizet, Gérard Larcher et quelques élus républicains de droite avaient alors osé contester la stratégie de Nicolas Sarkozy de refuser le front républicain.

    De ce précédant, c’est banalisé la rupture avec la pratique acceptée par le RPR de Jacques Chirac de désistement républicain réciproque en cas de triangulaire et de menace FN. Si des exceptions ont pu exister, le principe était intouchable. D’ailleurs, en 2002, les électeurs de gauche n’avaient pas hésité à voter Jacques Chirac pour faire barrage au Front National.

    L’efficacité du front républicain et l’absence de réciprocité a récemment conduit à des hésitations sur son application, voir à son rejet. Jusqu’à ses dernières déclarations, Martine Aubry ne s’y déclarait pas favorable.

    Avec la menace du FN dans une trentaine de triangulaires, et en particulier dans le Vaucluse, le Doubs, et le Gars et les Bouches du Rhône la question du désistement républicain se repose avec acuité. Si localement des alliances et refus de désistements peuvent exister, la règle nationale doit être sans ambigüité.

    Martine Aubry a ainsi déclaré ce dimanche 10 juin qu’elle appelait « au désistement républicain de manière claire, concernant l'UMP, partout où c'est nécessaire pour faire barrage au FN ». Répercussion immédiate ce matin, la candidate socialiste de la 3ème circonscription du Vaucluse Catherine Arkilovitch arrivée en troisième position derrière la FN Marion Maréchal-Le Pen (34,63%) et l’UMP Jean-Michel Ferrand (30,03%) s’est vu demandée par solférino avec force de se retirer.

    L’UMP refuse désormais la logique du front républicain au motif que le PS aurait pour allié le Front de gauche (qui ne vaudrait pas mieux…) ; l’UMP pourrait ainsi reconduire sa stratégie des dernières cantonales à savoir maintenir ses candidats en proposant comme stratégie le Ni-Ni (Ni FN, ni PS). D’autant que dans certaines circonscriptions, le retrait du candidat UMP pourrait paradoxalement renforcer les chances du candidat FN alors qu’en se maintenant le candidat socialiste pourrait l’emporter ; ainsi en est-il dans la 2e circonscription du Gard où Gilbert Collard arrive en tête avec 34,57%, tandis que la candidate socialiste Katy Guyot obtient 32,87% des voix et le Député sortant UMP Etienne Mourrut 23,89%.

    Le refus de tout front républicain constitue une attitude contraire à tout le travail antiraciste mené depuis des années car elle conduit de facto à renforcer l’idée que le Front National serait un parti comme un autre.

    A défaut de front républicain, aucune stratégie alternative n’est proposée. Sans doute que pour certains leaders politiques le 21 avril 2002 et la dangerosité du FN ou de ses futurs Députés sur le vivre ensemble semble avoir disparu. Sans doute font-ils le pari que « le pouvoir corrompt » et que les futurs élus frontistes se normaliseront et se diviseront comme en 1986.

    Ces triangulaires ou quadrangulaires risquent bien cependant de renforcer durablement la place du Front National dans le jeu politique français, le fait que le débat sur l’introduction d’une dose de proportionnelle ne se fasse plus avec le danger FN en arrière plan illustre cette évolution théorique.

    Eric Zemmour explique très bien qu’une fois débarrassé de son « corpus raciste », le FN pourrait apparaître fréquentable.

    Dans ce contexte, l’utilité du front républicain reste indéniable.

     

     

  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012