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conseil constitutionnel

  • De nouvelles armes pour combattre le harcèlement sexuel et moral

    Harcèlements moral ou sexuel la législation se modifie sous l'influence de l'Union européenne et des lobbys ; après la censure du Conseil Constitutionnel le Législateur a du revoir la législation en vigueur pour respecter le principe de légalité des peines et améliorer les droits des victimes.

    Harcèlements moral ou sexuel, les victimes sont toujours confrontées aux doutes de l’entourage sur la véracité des faits, aux pressions des auteurs, au courage nécessaire pour oser en parler et déposer plainte, et bien sur confronter à la difficulté de rapporter la preuve d’un fait qui est le plus souvent commis en tête à tête.

    Certaines victimes ne voient d’ailleurs d’échappatoire que dans le suicide.

    Malgré la meilleure prise en compte de ces infractions sur le lieu de travail et par notre société, le refus d’admettre la différence entre l’exercice d’un pouvoir de direction légitime et le harcèlement moral ou entre « la drague virile » et le harcèlement sexuel reste des batailles quotidiennes.
     
    Être une victime n’est pas simple dans une société du culte du modèle du « winner » (gagnant). Surtout lorsque le Conseil Constitutionnel remet lui-même en cause les textes censés les protéger.


    - La suppression du délit d’harcèlement sexuel par le Conseil Constitutionnel

    Le délit de harcèlement sexuel avait été introduit dans le Code pénal en 1992, puis précisé par les lois du 17 juillet 1998 et du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; mais cette dernière loi avait modifié la définition du délit « pour élargir le champ de l'incrimination en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement peut être constitué ainsi qu'à la circonstance relative à l'abus d'autorité ».

    Saisi le 29 février 2012, d'une question prioritaire de constitutionnalité sur l’article 222-33 qui définit le délit de harcèlement sexuel, le Conseil Constitutionnel, a crée l’émoi des victimes, associations, et parlementaires en décidant d’abroger le 4 mai cet article (avec prise d’effet de l’inconstitutionnalité au 5 mai 2012 contrairement par exemple à sa décision sur la garde à vue qui avait laissé prés d’un an au Législateur pour s’adapter), le jugeant contraire à la Constitution.

    En effet, au nom du principe de légalité des délits et des peines, le Conseil Constitutionnel remettait en cause le texte permettant de lutter contre l’impunité ; de surcroît avec effet immédiat. Cette abrogation du délit avait entraîné une lourde conséquence l’extinction immédiate des procédures judiciaires en cours.

    La composition « quasi-masculine » du Conseil (deux femmes sur douze) avait alors fait douter de sa compréhension des enjeux de la société d’aujourd’hui.

    Ce principe de légalité des délits et des peines, qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, implique que le législateur définisse les crimes et délits en termes suffisamment « clairs et précis ». En l'espèce, l'article 222-33 du Code pénal permettait selon le Conseil que « le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ».

     - La nouvelle définition du harcèlement sexuel :

    A peine nommé le Premier ministre Ayrault chargeait les ministres de la Justice, Christiane Taubira, et des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem d’élaborer prioritairement un nouveau texte.

    « S'inspirant largement des directives européennes, et notamment de la directive du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, le nouveau dispositif pénal fixe un régime de peines gradué avec des incriminations et des sanctions aggravées. Le projet de loi ouvre également, dans le Code pénal comme dans le Code du travail, la possibilité de sanctionner les discriminations qui peuvent résulter de ces faits de harcèlement, tant à l'encontre des victimes directes des faits que des témoins de ceux-ci ».

    Ce 31 juillet 2012, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité les conclusions de la Commission mixte paritaire Sénat-Assemblée sur le harcèlement sexuel.

    Une double définition est désormais proposée : "le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante".

    Par ailleurs, "est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers".

    La nouvelle loi sanctionne le harcèlement sexuel de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amendes. Ces peines seront portées à trois ans et 45.000 euros en cas de circonstances aggravantes (actes commis par une personne abusant de son autorité, sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable ou par plusieurs personnes).

    Ce nouveau texte plus clair et plus précis permettra finalement une avancée des droits des victimes face à leurs harceleurs.

    - Le prochain chantier : l’alourdissement des peines en matière d'harcèlement moral

    Les victimes de harcèlement moral craignaient jusqu’ici que la remise en cause par le Conseil Constitutionnel de l'article 222-33 du Code pénal sur le harcèlement sexuel conduise par effet de mimétisme à la remise en cause de l’infraction d‘harcèlement moral.

    En effet, les deux notions juridiques voisines étaient définies par des textes aux contours flous et à l’application complexe.

    Si l'article 222-33 du Code pénal disposait que :

    "Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ».

    L’article 222-33-2 du Code pénal défini le harcèlement moral en ces termes : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».

    Si la jurisprudence a permis en matière d'harcèlement moral de donner de la substance aux contours de la notion ; elle restait plus malaisée en matière d'harcèlement sexuel d’où la censure du Conseil.

    Les victimes d'harcèlement moral peuvent être rassurées : dans deux arrêts récents en date du 11 juillet 2012 la chambre criminelle et la chambre sociale de la Cour de Cassation (Cass. QPC, 11 juillet 2012, n° 11-88.114, et n° 12-40.051) ont refusé de transmettre au Conseil Constitutionnel une Question Prioritaire de Constitutionnalité sur la Loi sur le Harcèlement moral.

    Les deux chambres ont estimé avec justesse que « cette transmission n'est pas nécessaire puisque cet article avait été jugé conforme à la Constitution par la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 » et que l’abrogation de l’article relatif au harcèlement sexuel ne constituait pas un changement de circonstance justifiant « le réexamen dès lors que les textes en cause sont rédigés de manière différente ».

    Il convient de surcroît de noter l’engagement de la Ministre de la Justice Christiane Taubira d’alourdir les peines du délit de harcèlement moral dans le travail en l’alignant sur celui de harcèlement sexuel.

    Harcèlement moral ou sexuel, une meilleure protection des victimes est en train de naître.

  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012

     

     

  • La Cour de cassation "juge" constitutionnelle la loi sur les crimes contre l'humanité

    La loi Gayssot du 13 juillet 1990 instaurant le délit de contestation de crimes contre l'humanité ne sera pas soumise au Conseil constitutionnel. La Cour de cassation a décidé, vendredi 7 mai, de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce sujet, car elle ne présentait pas un "caractère sérieux".

    L'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol a été condamné par la cour d'appel de Paris le 21 janvier 2009 pour "contestations de crimes contre l'humanité", pour avoir publié un entretien avec Jean-Marie Le Pen où le président du Front national estimait que l'occupation allemande n'avait pas "été particulièrement inhumaine".

    Les représentants du magazine ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, avec l'appui du président du FN, également condamné. Les requérants estimaient que cette condamnation était "contraire aux principes constitutionnels de la légalité des délits et des peines ainsi que de la liberté d'opinion et d'expression".

    La loi Gayssot n'a jamais été soumise au Conseil constitutionnel. Sa constitutionnalité a été mise en doute par des juristes et elle a été critiquée par de nombreux historiens, comme les autres lois mémorielles sur le génocide arménien ou l'esclavage, provoquant un vif débat en 2005.

    "Tout a été dit sur le caractère liberticide de cette loi", a estimé l'avocat de M. Le Pen, Bruno Le Griel, qui a rappelé que la Cour de cassation avait invalidé, en 2009, une condamnation de Bruno Gollnisch, y voyant là "le chant du cygne de la loi Gayssot".

    Intervenant pour la Fédération nationale des déportés, Arnaud Lyon-Caen a estimé que la question n'était pas sérieuse car il était "inconcevable que le Conseil constitutionnel abroge la loi Gayssot", en rappelant que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait estimé qu'elle ne portait pas atteinte à la liberté d'expression.

    Il est revenu sur cette période de l'Occupation, qu'il a connue, avec une émotion rarement présente à la Cour de cassation : "J'allais accueillir les déportés gare d'Orsay ou à l'Hôtel Lutétia. J'avais l'espoir d'y retrouver mon père ou les onze membres de ma famille déportés. C'est ce souvenir qui m'a conduit à remplir mon devoir d'avocat dans les procédures concernant Barbie, Touvier, Papon. Si vous estimez que la loi sur la contestation de l'existence de ces crimes que vous avez réprimés est contraire à la liberté d'expression, vous allez choquer la mémoire des familles des déportés."

    Pour lever "les divisions et les doutes", l'avocate générale Anne-Marie Batut a demandé que la question soit transmise au Conseil constitutionnel. Me Lyon-Caen a repris la parole : "L'autorité de la Cour de cassation suffirait à mettre un terme à ces doutes."

    "C'est un jugement au fond"

    Message reçu par la Cour dans sa décision : "L'incrimination critiquée se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant de façon claire et précise l'infraction de contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité (...), infraction dont la répression, dès lors, ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels de liberté d'expression et d'opinion." "La messe est dite, explique Paul Cassia, professeur de droit à Paris-I, la loi est déclarée constitutionnelle par la Cour de cassation. C'est un jugement au fond."

    La décision risque aussi d'alimenter les accusations de résistance de la Cour de cassation à l'égard de la QPC. La Cour a néanmoins transmis trois questions. L'une porte sur l'indemnisation d'une victime d'un accident du travail, en raison d'une faute inexcusable de l'employeur, qui "connaît un sort différent de celui de la victime d'un accident de droit commun".

    Les deux autres concernent l'article L7 du Code électoral, bête noire des hommes politiques, qui prévoit une peine d'inéligibilité automatique de cinq ans en cas de condamnation d'un élu.

     

    Alain SALLES, Le Monde, 10 mai 2010