« Loin des yeux, près du cœur »
Ce lundi 31 janvier 2011, dans la salle de spectacle Elysée Montmartre, la toute jeune association « Action tunisienne » créée en solidarité avec le processus démocratique en Tunisie a organisé un Concert de soutien à la Tunisie libre.
A peine 15 jours après le départ du président déchu Ben ALI, organiser un concert dans la capitale des droits de l’homme en présence d’artistes reconnus était un véritable challenge.
L’envie de soutenir la Révolution et d’aider les familles des victimes de Sidi Bouzid d’où le mouvement est parti, a poussé de nombreux jeunes Tunisiens, Franco-Tunisiens de Paris, ou Français à se mobiliser pour faire de cet événement culturel un succès.
Le mouvement « Action tunisienne » prône l’instauration de la démocratie, le pluralisme, le civisme, l’éducation y compris pour les zones de Tunisie trop longtemps laissées à l’abandon par le gouvernement central. Apolitique, l’association regroupe des militants issus de secteurs d’activités différents (médias, universités, ONG ou encore milieux culturels).
Mohamed Gastli, cofondateur de l’association, explique la raison de l’intitulé de la soirée ; celle-ci a pris le nom « Loin des yeux, près du cœur » car cette révolution était belle à voir, mais ce n’était pas évident pour les amis du peuple tunisien de la vivre à distance. Il fallait fêter l’événement et aider les victimes.
Pour Mohamed Dhaoui, un des autres cofondateurs, explique le but principal de l’association est de promouvoir le débat social chez les tunisiens, qu’ils soient en Tunisie ou en dehors. Un mot d’ordre commun aux deux jeunes militants : l’association est apolitique et souhaite soutenir uniquement la construction de la société civile tunisienne.
L’intégralité des bénéfices du concert seront versés au Croissant rouge tunisien. Militant(e)s, bénévoles, d'un soir tout le monde s'active pour assurer la bonne organisation du concert.
Comme j’avais pu le constater lors de la manifestation du 15 janvier 2011 dans les rues de Paris l’aspiration à la liberté est forte. La jeunesse tunisienne et française mélangée ressent le besoin de réfléchir, de discuter des suites du mouvement démocratique, et tout simplement de se réunir pour fêter la Tunisie.
L’ancien régime policier est honni, mais le drapeau tunisien rassemble, unit le peuple tunisien et ses amis. Les drapeaux tunisiens s’arrachent, la fierté est retrouvée.
Pour beaucoup, le 14 janvier 2011 marque le premier jour de la véritable indépendance tunisienne.
Cette manifestation n’avait laissé que très peu de place aux « barbus » et aucune violence n’avait été remarquée.
Aucun prétexte ne justifiera l’appropriation, la récupération, de la révolte populaire. Cette certitude était clairement présente dans les rangs des participants à la soirée de l’Elysée Montmartre.
Dés les répétitions, la joie est présente ; l’envie de réussir l’événement mobilise. Journalistes tunisiens ou français la presse relaye l’information, et les réseaux sociaux sont une aide précieuse. Même le twitter d’Arte relaye l’info.
Tout le monde est conscient de l’enjeu, soutenir le vent d’espoir né en Tunisie. Les Tunisiens sont désormais libres et l’ont mérité. Les Tunisiens montrent la voie au Maghreb, au monde arabe, et au reste du monde tout court.
La soirée prend dés 18h30 les formes d’un succès populaire. Les places à 27 €50 ont été en quelques jours achetés en masse sur le net et sur place la file ne désemplit pas.
L’humoriste Lotfi Abdelli chauffe la salle avec une fameuse reprise du Dégage…
Sur scène, la chanteuse pop algérienne Souad Massi, Duoud, Manu Codija, Dhafer Youssef, le joueur guinéen de kora Djeli Moussa Diawara, Ihmed Alibi et Amel Methlouthi se succèdent.
De nombreux artistes tiennent à expliquer pourquoi ils sont présents, pourquoi ils soutiennent ce vent de révolte, né en Tunisie. Ils chantent pour la fin de l’oppression.
L’ovation de la salle est là.
Le chanteur kabyle Idir chante « Tunisie lève toi » et explique avoir tenu à être présent pour soutenir l’espoir qui est né et qui doit se répandre.
Parmi les participants, les esprits bouillonnent, la parole est libre.
La place des femmes, la laïcité, la place de la Chine dans la région… Le débat sur l’avenir est ouvert.
Pour certains, « la révolution n’est pas finie, les chiens de Ben Ali sont encore là », pour d’autres il est temps de stabiliser les choses. La situation en Egypte inquiète ; Là bas la répression risque d’être féroce.
Les islamistes tunisiens ne font pas peur, mais rien n’est encore écrit. Un signe d’espoir, leur chef a indiqué « nous ne voulons pas imposer la charia, nous voulons seulement que notre identité islamique soit respectée ». De retour d’exil, Rached Ghannouchi, le chef du mouvement islamiste tunisien Ennahda, se réfère désormais plus de la formation islamiste élue en Turquie, l'AKP que du Soudan ou de l’Iran.
Même les agents de sécurité discutent de la situation au Magreb, la Cote d’Ivoire, le rôle de l’Iran, la menace islamiste… Les images des biens de Ben ALI ont choqué. L’opulence dévoilée choque.
Tunisiennes, franco-tunisiens ou français tout le monde est de bonne humeur, mobilisé pour préparer les prochains rendez-vous citoyens.
La salle chante l’hymne national tunisien.
Le vent de la liberté souffle, alors Dégage, Dégagez.
Despotes de tous les pays Dégagez !