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Mahor CHICHE - Page 44

  • La procédure de licenciement pour motif personnel : les étapes clés

    La crise économique actuelle conduit de nombreux employeurs à licencier pour des motifs souvent mal fondés, le salarié qui se retrouve licencié pour motif personnel ignore trop souvent le déroulé de la procédure et les pièges à éviter. Le présent article tend à rappeler les grandes étapes de la procédure de licenciement et de l’action au fond devant les Conseils de prud’hommes ainsi qu’à dédramatiser ce recours.

    Tout employeur qui envisage de rompre - après la période d’essai - le contrat de travail à durée indéterminée d’un salarié pour un motif personnel doit pouvoir justifier d’une cause réelle et sérieuse et suivre une procédure de licenciement respectueuse du droit du travail.

    En l’absence de démission du salarié ou de rupture conventionnelle, la procédure classique de rupture du contrat de travail est le licenciement pour motif personnel.

    -La mise à pied à titre conservatoire

    Dans l’hypothèse d’un licenciement pour faute lourde ou grave, le salarié peut être mis à pied à titre conservatoire pendant la durée de la procédure (le salarié se voit alors interdire l’accès aux locaux de la société). Cette mise à pied -qui n’est pas une sanction disciplinaire- peut être verbale, mais elle doit impérativement être notifiée par écrit. Si elle a fait l’objet d’une notification séparée, elle doit être mentionnée ou rappelée dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.

    -L’entretien préalable :

    L’entretien doit permettre :

    • à l’employeur, d’indiquer les motifs du licenciement envisagé,

    • au salarié, d’exposer et de défendre ses arguments.

    Cet entretien est souvent l’objet de stress du salarié convoqué, mais il faut savoir qu’il est généralement de courte durée et que l’employeur a d’ores et déjà pris sa décision de rompre le contrat. Il est recommandé de s’y rendre accompagné afin que des notes de cet entretien puissent être prises et faire l’objet d‘un compte rendu officiel utilisable en justice.

    L’employeur doit veiller à ne pas révéler son intention de licencier avant d’avoir adressé la notification de ce dernier (il évitera par exemple de publier une annonce visant à recruter un remplaçant pour le même poste). Le salarié veillera à contester les griefs qui lui sont faits.

    Trop souvent, le salarié sur-estime son importance et croit pouvoir obtenir une solution amiable ou des dommages et intérêts élevés. Le rôle de l’avocat est alors de le ramener à la réalité des solutions possibles.

    Salarié ou employeur, l’entretien avec un Avocat à ce stade peut être très utile pour éviter toute faute de procédure ou erreur stratégique.

    -Le licenciement pour faute

    La lettre de licenciement fixe les limites du litige, elle doit être précise et motivée. Il convient donc pour l’employeur de bien choisir les griefs formulés. Le débat juridique portera sur la portée des fautes retenues par l’employeur. Les fautes alléguées justifient-elles le licenciement ? A ce stade avoir préparé son dossier aide à déterminer l’opportunité de poursuivre ou non la procédure.

    La faute peut être simple, grave ou lourde. Cette qualification est importante en matière de préavis et de droits à l’indemnité légale. Seule la faute lourde fera perdre au salarié le droit à ses certaines indemnités telle que l'indemnité compensatrice de préavis (mais le salarié conserve son droit aux ASSEDICS.

    La lettre de licenciement doit être signée par l’employeur, un mandataire ou un représentant.

    Sauf faute grave ou lourde, un préavis doit être observé ; l’employeur peut en dispenser le salarié. Le salarié qui souhaite en conserver la rémunération ne doit surtout pas demander à l’employeur à en être dispensé (sinon il ne lui sera pas rétribué).

    Lorsque le licenciement concerne un salarié protégé (délégué du personnel, membre du comité d’entreprise, délégué syndical…), l’employeur doit obtenir une autorisation de l’inspecteur du travail pour pouvoir le licencier.

    Une fois la lettre de rupture adressée au salarié, la voie de l’action judiciaire est ouverte.

    -La procédure devant le Conseil des Prud’hommes

    A défaut de transaction amiable possible, le Conseil des prud’hommes peut être saisi par lettre recommandée ou déposée au secrétariat-greffe dans un délai de cinq ans. Il est toutefois recommander de faire respecter ses droits le plus rapidement possible après la réception de sa lettre de rupture.

    Juridiction spéciale, le Conseil de prud’hommes est compétent pour juger tout conflit survenant entre un salarié du secteur privé et son employeur à propos de l’exécution du contrat de travail ou de sa rupture.

    Le Conseil des Prud’hommes compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement où est effectué le travail. Si le travail est réalisé en dehors de tout établissement (VRP, travailleurs à domicile…), la demande est portée devant le Conseil de prud’hommes du domicile du salarié. En tout état de cause, le salarié peut toujours saisir le Conseil de prud’hommes du lieu de signature du contrat ou celui du siège social de l’entreprise qui l’emploie. Le siège social étant le siège réel des organes de direction de la société.

    Un procès est toujours une épreuve, il convient donc de le préparer en ayant recueilli le maximum d’attestations et de pièces prouvant votre version des motifs de la rupture. Il convient également de se préparer à répondre éventuellement aux questions qui vous seront posées à la barre, toutefois il est parfois hasardeux de demander la parole sans avoir préparé ce que vous souhaitiez déclarer avec votre Conseil.

    -Le Bureau de conciliation

    La tentative de conciliation est obligatoire et les parties (l’employeur et le salarié) doivent comparaître (se présenter) personnellement ou être représentés par un mandataire muni d’un écrit. Les deux juges (un salarié, un employeur) qui vous recevront n’entrent pas dans le fond du litige, ils cherchent juste à examiner si une conciliation est possible. Cette phase paraît souvent frustrante et rares sont les solutions trouvées, mais c’est une étape à ne pas négliger ; en effet, elle permet de jauger l’argumentation adverse.

    -La phase cruciale des échanges

    Bien que la procédure reste en principe orale, l’échange d’arguments et de pièces est une étape importante. La communication des éléments est souvent tardive aussi il convient de préparer son dossier en amont pour ne pas être surpris.

    -Le Bureau de Jugement

    Les parties sont convoquées à l’audience de jugement par lettre, ou verbalement avec émargement (signature) au dossier lors de l’audience de conciliation. Elles doivent comparaître en personne mais peuvent se faire représenter en cas de motif légitime.

    -Délibéré :

    Le jugement est pris à la majorité absolue des conseillers prud’homaux (au minimum trois voix sur quatre).

    En cas de partage des voix, l’affaire est renvoyée devant le même bureau présidé par un juge professionnel (juge départiteur). Dans cette hypothèse, l’affaire est de nouveau plaidée. En général, l’instance est ainsi retardée de six mois.

    -Exécution du jugement :

    Une fois le jugement obtenu, les parties au procès peuvent exécuter spontanément le jugement ou le faire exécuter par voie d’huissier.

    -Recours :

    L’appel est également ouvert durant 3 mois après la réception de sa notification.

    Ce rappel des principales étapes procédurales de la rupture doit permettre de mieux appréhender cette juridiction particulière que constitue encore aujourd’hui le Conseil des Prud’hommes ; ils sont accusés de beaucoup de maux, mais ils sont surtout une justice humaine ou les faits ont parfois plus d’importance que le droit.

    Aux prud’hommes, les histoires se content pour parvenir à atteindre le cœur des Conseillers prud’hommaux ; malgré tout, un solide dossier demeure un dossier préparé et étayé juridiquement.

    Car, in fine, une victoire devant le Conseil des prud’hommes obtenue uniquement grâce à l’art oratoire sera infirmée en appel.

     

  • Les associations et leurs bénévoles doivent être au cœur de « la société du care »

     

    La France compte 1,1 million d’associations, 15 millions de bénévoles, 1,9 million de salariés (à temps plein ou à temps partiel). Les associations sans salarié sont les plus nombreuses (900 000) et constituent le noyau dur des lieux d’engagement.

    L’engagement associatif attire plus que l’engagement politique ou syndical. Les associations constituent un corps intermédiaire à part entière essentiel à l’exercice de la citoyenneté, de la démocratie et au développement des solidarités. Les Sites Internet, Blogs et réseaux sociaux permettent aux citoyens d’imaginer de nouvelles formes d’engagement et de regroupement.

    Partenaires des pouvoirs publics, elles contribuent à la prise en compte de l’intérêt général par leurs fonctions de veille, d’innovation et d’animation des territoires. Bien souvent, elles restent dans nos quartiers difficiles le dernier lien social.

    En termes de secteur d’activité, environ 60 % des associations dédient leurs activités au sport et à la culture. Les associations de type militant arrivent en seconde positon, le troisième grand ensemble regroupe les « associations tournées vers les autres » (engagement humanitaire).

    1/5ème d’entre elles disposent d’un budget inférieur à 1000 euros annuels et font pourtant de grandes choses sur le terrain (fête de quartier, tournoi sportif, soutien scolaire, prévention santé…).

    La Loi de 1901 consacre la liberté d’association. L’article 1er de la Loi dispose que :

    « L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ».

    Cette souplesse dans la création permet un dépôt facile des statuts fondateurs, mais la vie d’une association est soumise à de nombreuses contraintes légales et en particulier financières.

    Le statut des membres de l’association et plus particulièrement de ses dirigeants reste insuffisamment défini.

    Le bénévolat est encouragé, mais celui-ci ne compte pas pour la reprise d’études ou pour la retraite ; cet engagement demeure peu valorisé. Le passeport du bénévole de France Bénévolat demeure nettement insuffisant.

    Pourtant dans la société solidaire, « la société du care »,

    cette société du bien-être et du respect, qui prend soin de chacun et prépare l'avenir et fustige le matérialisme et le tout-avoir il apparaît évident que l’engagement humanitaire, l’engagement altruiste vis à vis de l’autre, permet d’être plus heureux.

    Entre un chômeur Président d’un club de foot ou élu parent d’élève et un chômeur recroqueviller sur ses propres difficultés, le bonheur est sans doute du côté de celui qui consacre du temps aux autres. Ces rencontres sont riches d’expériences, riches de moments de plaisir partagés, elles montrent à notre jeunesse que la réussite ne passe pas que par la consommation et le profit.

    Le bénévolat porte des valeurs de solidarité, de laïcité et de mixité, de fraternité, de respect de l’autre qui font trop souvent défaut de nos jours. A d’autres époques, on parlait d’émancipation militante.

    S’engager c’est se libérer de ses propres préjugés, c’est s’ouvrir vers l’autre, c’est donner du bonheur et en recevoir.

    La source de ce bonheur réside dans la dynamique collective créée. Quiconque a pratiqué du sport ou travaillé en équipe sait bien que l’engagement collectif a une puissance qui fait que le projet développé en équipe, l’événement organisé à plusieurs, le tournoi sportif réussi, la fête de quartier remplie de participants procurent aux organisateurs un plaisir partagé. Un sentiment d’abnégation.

    Les méandres administratifs, la lenteur de l’attribution des subventions publiques et leur réduction, l’absence de locaux mutualisés constituent les principaux obstacles au développement de l’activité associative. La vie associative et l’engagement citoyen mérite plus des pouvoirs publics : plus de moyens financiers et surtout plus de reconnaissance.

    Pour une vraie société solidaire, il convient de reconnaître un vrai statut à ses milliers de bénévoles qui donnent de leurs temps. Les 35 heures auraient pu être le premier pilier d’une réforme permettant aux citoyens de dégager du temps libre pour se consacrer à des activités sociales, elles ne le furent pas.

    Le projet de société du « care » n’a aucun sens s’il conduit à l’assistanat, il portera un véritable projet de transformation sociale si s’appuyant sur les associations il permet au plus grand nombre de s’investir dans la vie de la Cité et de porter des projets valorisant le « Vivre ensemble ».

    Il convient de faire de la démocratie participative un réel levier de la prise de décision et non un simple gadget.

    Les acteurs de la vie associative pourraient, s’ils étaient mieux respectés et associés dans le nouveau projet de société, être les pivots nécessaires à cette fondation de la société du « care ».


    Focus sur les règles juridiques actuellement applicables à la rémunération des dirigeants d’associations

    En principe, une association a un but non lucratif. Les bénéfices réalisés doivent par conséquent rester au sein de l'association car l'activité associative est une activité bénévole

    Pour respecter le critère de gestion désintéressée, une association doit s’abstenir de rémunérer ses dirigeants, c’est pourquoi les membres du bureau (Président, Trésorier, Secrétaire) ne doivent pas être rémunérés. Ces personnes clefs de voûte de la vie de l’association et de sa direction ne peuvent pas en principe être salariées de l’association.

    Le salarié ne doit pas se révéler être un gérant de fait de l’association.

    La Loi de finances de 2002 a admis expressément dans son article 6- III-1 al, 2 la rémunération de la fonction de dirigeant.

    1-L'élection régulière et périodique des dirigeants par la tenue d’assemblées générales

    2-La  transparence financière (les statuts doivent prévoir explicitement le versement de la rémunération des dirigeants et l'autorisation  donnée par l'assemblée générale à la majorité des deux-tiers de ses membres).

    3-Le contrôle effectif de sa gestion  par ses membres : la comptabilité de l’association doit être présentée une fois par an aux adhérents et obtenir le quitus.

    Afin d’éviter tout risque d’emploi fictif, la rémunération accordée aux dirigeants doit correspondre à la contrepartie d'un mandat social effectif et être proportionnée à l'importance du service rendu. Le salaire est licite dès lors que celui-ci correspond à une tâche réelle et spécifique détachable de celles confiées aux sociétaires. Cette rémunération s’apparente à celle que perçoit le gérant de SARL.

    La Loi a prévu de limiter le nombre de dirigeants rémunérés en subordonnant cette possibilité aux conditions de  ressources de l’association.

    « Cette limitation dépend du montant moyen annuel des ressources de l'association sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée.
    Ce montant comprend les ressources de l'association majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions lui permettant de bénéficier de cette disposition. Sont exclues les ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public.

    - Si le montant annuel de ressources est supérieur à 200 000 Euros, l'association peut rémunérer un de ses dirigeants

    - Si le montant annuel de ressources est supérieur à 500 000 Euros, l'association peut rémunérer deux de ses dirigeants

    - Si le montant annuel de ressources est supérieur à 1 000 000 Euros, l'association peut rémunérer trois de ses dirigeants »

    Dans tous les cas, cette rémunération doit apparaître sur les comptes de l'association et celle-ci peut avoir des incidences fiscales tant pour l'association-employeur que pour le bénéficiaire.

     

  • Facebook ou la liberté d’expression du salarié, face à l’obligation de loyauté


    « Attention à ce que vous postez sur Facebook,
    cela pourrait se retourner contre vous tôt ou tard ".

    Barack Obama, Président des Etats Unis


    Lors d’un discours, le Président Barack Obama a mis en garde le peuple américain sur les effets négatifs possibles des nouvelles technologies du net et plus particulièrement des blogs, réseaux sociaux comme Facebook et autres Twitter.

    Récemment, dans de nombreux Etats la question de la censure de Facebook mais aussi de son interdiction sur les postes de travail s’est posée. Aujourd’hui, la vie d’un citoyen se décompose en trois sphères : la sphère strictement privée, la sphère publique, et la sphère professionnelle ; or parfois la frontière entre ses sphères est délicate.

    En France, le débat vient de rebondir sur la question des messages postés sur le réseau Facebook alors que leur contenu était critique vis à vis de la direction de la société qui employait les émetteurs du message.

    L’employeur a tendance à vouloir limiter le temps passé par ses salariés durant les pauses-cafés ainsi que les tentations de se connecter sur Internet durant les heures de travail. Plusieurs sociétés ont mis en place des filtres interdisant la connexion à des Sites tels que Facebook ou l’accès à certaines messageries comme Msn sur les postes de travail des salariés. L’Employeur veille ainsi au travail effectif de ses salariés.

    La motivation de l’employeur apparaît légitime : obtenir le meilleur rendement de son salarié et veiller à ce qu’il respecte son obligation de loyauté.

    Or, il apparaît que le temps passé sur le net au travail peut perturber la relation de travail. Le salarié doit exécuter ses fonctions sans être distrait. Le net a remplacé les appels téléphoniques personnels d’antan fait sur le compte de la société.
    Si l’Employeur veille ainsi au travail effectif de ses salariés, il semble bien démuni face au salarié-citoyen qui s’exprime sur Facebook sur sa vie professionnelle.

    Cette libre expression du salarié-citoyen relève t’elle de la sphère exclusivement privée ? Y-a-t-il confusion avec la sphère professionnelle ? L’employeur peut-il utiliser son pouvoir disciplinaire à l’encontre des salariés ? Cette liberté de parole a t’elle crée un trouble objectif caractérisé pour l’entreprise ?

    Ces questions montrent le fragile équilibre qui existe entre le domaine de la vie privée du salarié-citoyen et l’intérêt légitime de l’entreprise.

    1. Vie privée, vie professionnelle, vie  publique : une frontière de plus en plus floue


    En principe, un fait relevant de la vie privée ne peut caractériser une faute du salarié (Cass. soc., 17 avr. 1991, n° 90-42.636 : Juris-Data n° 1991-001156 ; Bull. civ. 1991, V, n° 201). 

    Le respect de la vie privée est un droit fondamental qui assure la dignité, l'intégrité et la liberté de l'être humain. La personne du salarié – et les droits et libertés qui y sont attachés – ne disparaît pas à raison du lien de subordination né de la relation de travail.

    Cette protection de la vie privée est prévue à l'article 9 du Code civil et englobe la protection de la correspondance privée. Correspondance papier ou électronique.

    L'employeur ne peut, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, n° 05-40.803, P+B+R+I, A. c/ SA Haironville : Juris-Data n° 2007-038898).

    Les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel relèvent assurément de la même protection. D’autant qu’en principe, l'accès aux informations personnelles des participants est en principe restreint aux membres de la communauté.

    La difficulté pour le juge est de parvenir à délimiter la sphère à laquelle relève les propos   tenus. La logique juridique ressemble alors à celle permettant en matière de droit de la    presse de distinguer l’injure privée de l’injure publique.
    En vertu de l'article L. 2281-1 du Code du travail, les salariés bénéficient comme tous    les citoyens d'un droit de s'exprimer « sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail ».

    La Cour de cassation a ainsi décidé que « le fait pour un salarié de porter à la connaissance de l'inspecteur du travail des faits concernant l'entreprise et lui paraissant anormaux, qu'ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute » (Cass. soc., 14 mars 2000, n° 97-43.268 : JurisData n° 2000-000983 ; Bull. civ. 2000, V, n° 104 ; RJS 2000, n° 388).

    Les écrits diffusés sur un réseau communautaire virtuel relèvent assurément de la même protection.

    Toutefois, le salarié reste tenu envers l'employeur d'une obligation née du contrat de travail qui est permanente et par conséquent se poursuit même en dehors du travail : c'est l'obligation de loyauté des parties dans l’exécution du contrat de travail.

    La jurisprudence a posé deux exceptions.

    Cette protection s'arrête lorsque les propos d'un salarié causent un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise (Cass. soc., 20 nov. 1991 : Juris-Data n° 1991-003219 ; Bull. civ. 1991, V, n° 512) et lorsque la correspondance n'est plus privée, car elle est diffusée.
    L'employeur peut se servir de la correspondance privée d'un salarié pour le licencier, si le contenu du message a été révélé par l'un des destinataires qui s'en est plaint à l'employeur et qu'il y a trouble manifeste pour l'entreprise.

    2.L’obligation de loyauté du salarié

    Deux ex-salariés du groupe Alten ont saisi le Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour contester leurs licenciements motivés par la publication depuis leur domicile sur Facebook de propos critiques sur leur hiérarchie par le biais de leur ordinateurs personnels.

    Sur leur page Facebook, les salariés écrivaient sur leur hiérarchie, la Direction des   Ressources Humaines et ironisent sur le fait d’appartenir à un "club des néfastes" ; deux autres salariées impliquées dans le litige s'en étaient amusées en répondant : "bienvenue au club".

    La direction d’Alten a alors invoqué les motifs d’« Incitation à la rébellion » et de « dénigrement de l'entreprise » pour justifier les licenciements intervenus. Notons que le licenciement est la sanction disciplinaire la plus grave.

    Me Grégory Saint-Michel, défend l'idée qu'il s'agissait là d'une conversation privée, du même type que celle qui pourrait être tenue autour d'un dîner, un soir, entre amis. Et qu'en aucun cas, elle ne devait sortir de ce cadre privé.

    Le Conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt n’a pas réussi à trouver une position commune, l’affaire a été renvoyée en départage.
    En départage, et éventuellement en appel, les licenciements devraient être qualifiés de sans cause réelle et sérieuse en l’absence de trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise et du procédé sans doute déloyal de l’employeur pour avoir eu connaissance de ses propos.  

    La loyauté de l’information transmise à l’employeur demeure incertaine (sans doute émanant d’un autre salarié).  Il semble également que le terme « néfaste » ait pu être utilisé en premier lieu  par  la direction du groupe.  Les faits restent à apprécier et qualifier ; mais d’ores et déjà   il apparaît clair que les propos tenus sur Facebook (quelque soit  leur  retentissement) relèvent exclusivement de la vie privée.

    Cette affaire illustre à quel point l’apparition des nouveaux réseaux  pose à l’employeur de nouvelles questions quant à son mode de management et l’espace de liberté et d’autonomie conféré au salarié.

    3. Du juste usage des nouvelles technologies:

    Etre connecté à Facebook ou à un site d’actualité peut permettre de se détendre ; il remplace par certains égards la pause-café, ou les bavardages de couloirs. Temps de pause nécessaire au bien être du salarié et au final à une amélioration de ses performances.

    Les entreprises américaines et japonaises, et en particulier les start-up ont compris cette nécessité du développement personnel au travail pour obtenir le meilleur de ses salariés (salle de sport, coaching,  crèches d’entreprises…).
    Le temps de décompression, la pause, n’est pas du temps superflu pour l’employeur s’il permet une meilleure ambiance de travail. Le développement des maladies liées au travail montre qu’à long terme une ambiance sereine permet une meilleure croissance et réduit les risques psycho-sociaux.

    Certaines entreprises ont fait le choix de purement et simplement bloquer tout accès à Internet Facebook, Msn et autres privilégiant un Intranet. Evidemment, le tout est une question de dosage : le cadre qui passe 4 heures par semaine sur le net et celui qui en passe 40 ne sont pas dans le même type de comportement (amusement/addiction).

    A l’évidence, tout ne relève pas du judiciaire, et le salarié qui s’exprime sur sa société doit veiller à ne pas violer son obligation de loyauté.

    Le respect de sa hiérarchie et de la bonne organisation de l’entreprise relève avant tout de la responsabilité individuelle du salarié, ce que l’on pense et raconte entre amis ou collègues sur ses managers ne doit pas toujours faire l’objet d’un post.

  • Rebâtir la confiance dans la démocratie de Westminster


    Lors de son premier discours en tant que Premier ministre David Cameron déclarait « l’une des tâches qui nous attend, sans le moindre doute, est de rebâtir la confiance dans notre système politique ».

    Une nouvelle fois depuis l’avènement de la démocratie anglaise, la stabilité de la monarchie constitutionnelle est posée.

    La démocratie parlementaire britannique repose depuis toujours sur la toute puissance du parlement de Westminster et la culture du compromis entre les différentes forces politiques. Il crée la Loi et légitime le pouvoir du Premier ministre ; celui-ci est le chef du parti majoritaire à la chambre basse devant laquelle il est responsable.
    Le système électoral britannique et son scrutin uninominal majoritaire à un tour ("first past the post") a longtemps imposé un bipartisme. Ce bipartisme a été remis en cause en 1999 par les dévolutions d’Ecosse du pays de Galles et d’Irlande qui mêlent le scrutin d’arrondissement et la représentation proportionnelle, et intègrent de nouveaux partis nationalistes dans le jeu politique.

    Les élections générales de 2010 montrent que le système a échoué dans sa mission première : assurer des majorités stables et claires. L’émergence des "Lib-Dem" en tant que troisième force politique risque malgré la présentation de leur programme de gouvernement commun, de ressembler sur les sujets délicats (l'Europe, l'immigration, la sortie de crise), aux marchandages et accords d’appareils de la IVème République française.

    En neuf jours, une coalition Lib-Cons a pourtant formé un gouvernement s’engageant sur un « programme pour cinq années de gouvernement ». Un gouvernement, a deux têtes, Nick Clegg et David Cameron, a pris les commandes du pays. Pour affronter la crise économique et surtout pour redonner confiance au peuple dans ses institutions le challenge du nouveau cabinet sera de réformer les institutions en assurant une meilleure transparence et une meilleure représentation des courants qui traversent la société britannique. Sur la construction européenne, le compromis indique qu’aucun nouveau pouvoir ne pourra être dévolu à Bruxelles à l'avenir sans un référendum préalable.

    L'introduction d'une dose de proportionnelle a été demandée par Clegg et pourrait faire l’objet d’un referendum. Cette réforme du mode de scrutin risque de ne pas changer la situation et en leur temps, les travaillistes avaient promis de faire adopter un projet de constitution écrite, ils y ont renoncé.

    La décision du New Labour de soutenir l’intervention américaine en Irak, son incapacité à organiser le référendum sur l’Euro promis, et le scandale des notes de frais ont sans aucun doute été à l’origine du vote Lib-Dem.
    Cette campagne rentrera dans les anales de la politique d’Outre manche comme une des plus âpres. Avec ses premières comme les débats télévisés entre les trois candidats qui enflammèrent les cœurs britanniques durant trois semaines ; Avec ses coups de théâtre dramatiques, où une électrice travailliste s’est vue qualifier par Gordon Brown de « vielle bigote ».

    L’analyse des résultats est claire. Il n’y a pas eut un effondrement total du parti travailliste celui-ci arrive second et parvient à accaparer 258 sièges dans la Chambre des communes. Là déroute électorale n’est pas humiliante.


    Le troisième homme Nick Clegg, si populaire après sa prestation lors des débats, n’a recueilli quant à lui qu’un million de voix supplémentaires et a perdu 5 sièges au Parlement par rapport aux élections générales de 2005 (il obtient 57 sièges).

    On peut alors légitimement se demander : si cette coalition ne serait pas due au fait que Cameron n’a pas gagné suffisamment ? Il n'a réussi à rassembler que 36 % des suffrages ; n’est-il pas l’homme des demi-victoires ?
    Avant le scandale des dépenses du Parlement, Cameron était largement en tête et les analystes n’imaginaient pas un « Parlement suspendu ». Il obtient finalement 307 sièges.

    Cameron a échoué devant un Labour usé à la corde par treize ans de pouvoir. Demi-victoires parce qu’il est le leader d’un demi-parti divisé entre Thatchériens et partisans de la « Big society » inspiré de distributisme prêché par le manifeste « red tory » des partisans de Cameron.
    Cette rupture profonde au sein du conservatisme fait les beaux jours du parti eurosceptique UKIP, composé d’anciens aficionados de la Dame de Fer, et qui a privé pour ces élections générales, le parti Tory d’un million de voix.

    Ainsi, depuis des mois, on pouvait parier sur cette coalition Lib-Cons trop souvent présentée comme contre-nature. Historiquement, libéraux et conservateurs sont issus du même parti Whig, qui implosa à propos de la Révolution française entre partisans d’Edmond Burke et ceux de Thomas Paine. En réalité, la délimitation idéologique entre les deux doctrines fut toujours mince ; le « Ones nation » de Disraeli se qualifiait de social-conservatisme, et Churchill lui-même oscilla tout au long de sa carrière entre les deux partis.

    En 1974, face à « un Parlement suspendu », Ted Heath avait déjà tenté sans succès un rapprochement avec les libéraux. Harold Wilson composa un gouvernement minoritaire et il y eut des élections six mois après. Même Margaret Thatcher revendiquait une filiation avec le commandeur du parti libéral Gladstone.

    La stratégie de Cameron a consisté à faire évoluer le parti thatchérien, bien ancré à droite, vers le centre, comme le fit Tony Blair avec son New Labour. Cameron pourrait bien être tenté de recréer le parti Whig et de réunifier ainsi la famille conservative-libérale.

    Clegg et Cameron tendent vers la création d’un grand parti Lib-cons. C’est à cette condition que cette coalition pourra tenir à moyen ou long terme. Le bipartisme britannique n’est pas mort, il se revivifie de l’énergie que porte l’idée de troisième voie celle du centre.

    La question de la confiance dans le système politique n’est pas réglée et une simple réforme de scrutin risque d’être insuffisante.
    Indéniablement, sans doute à l’occasion d’un référendum constitutionnel, les Britanniques vont bientôt devoir retourner aux urnes.

    - Par Mahor Chiche Avocat à la Cour et Docteur en droit public
    et Jérôme di Costanzo, Analyste politique

    19 mai 2010