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Mahor CHICHE - Page 37

  • La gréve des agents aéroportuaires et l'efficience des délégations de service public

    LE PLUS. La grève est un droit constitutionnel. Mais pour combien de temps encore... Des négociations qui traînent, les forces de l'ordre réquisitionnées, une nouvelle proposition de loi soutenue par le gouvernement pour limiter les actions des grévistes... Le droit de grève est en danger.

    Après onze journées de grève, les agents de sûreté aéroportuaire en grève (depuis le 16 décembre) dans les aéroports français ont décidé de poursuivre le mouvement, notamment à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. 
     

     La gendarmerie encadre les grévistes de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le 24 décembre 2011 (Mahor Chiche)

    Les fédérations FO, CFTC et UNSA du secteur ont décidé lundi 26 décembre d’accepter de terminer le conflit sur la base de la prime annuelle et la promesse d’ouverture de négociations ; la CGT en pointe dans ce conflit demeure hostile à la reprise du travail. Ce mouvement est, à de nombreux égards, instructif.

    Ce mouvement mobilise des agents de sociétés privés en charge de la sécurité des voyageurs, ce qui, malgré les dénégations, a pour conséquence de créer de nombreux retards pour les passagers.

    Le mouvement, qui réclame de meilleures conditions de travail et une augmentation de salaire mensuel de 200 euros brut, a d’ores et déjà obtenu la promesse d’une prime annuelle de 500 euros. Le salaire mensuel des agents de sûreté aéroportuaire est compris en moyenne entre 1 100 et 1 600 euros. Cette proposition n'a pas satisfait les grévistes, qui, malgré un semblant d’essoufflement et de lâchage par leurs syndicats, appellent à continuer le mouvement.

    Cependant, la crise aéroportuaire est avant tout le fait de mauvais choix stratégiques. Les directions des aéroports ont tardé à accepter la négociation et le gouvernement, qui souhaite éviter à tout prix le pourrissement du mouvement et l’image désastreuse de ses vacanciers mécontents en pleine trêve des confiseurs, a joué la fermeté. La ministre de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement, Nathalie Kosciusko-Morizet, a ainsi assuré qu'il n'était "pas question de laisser les Français pris en otage par ce conflit à l'occasion des vacances de Noël". "Si la situation ne s'améliore pas, nous aurons recours à une solution appropriée" ; l’utilisation du terme "otage" étant censée dramatiser la crise (alors même que le trafic reste peu perturbé).

    Vers un nouvel encadrement du droit de grève

    Cette crise de Noël montre une nouvelle fois l’impossibilité du dialogue social préventif et la complexité du dialogue social en France où, à plusieurs reprises, les négociations ont été rompues.

    Arguant de l’existence de la loi du 21 août 2007 sur le service minimum dans les transports terrestres, le gouvernement va soutenir le 24 janvier 2012 une proposition de loi UMP visant à l’instauration d’un système similaire (dépôt de préavis de grève auprès de la direction) dans les transports aériens. Le texte sur "le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs" déposé fin novembre par le député UMP Eric Diard vise à rendre obligatoire la négociation préalable, la déclaration individuelle des grévistes quarante-huit heures avant le début du mouvement, dans les entreprises ou établissements qui concourent directement au transport aérien de passagers ainsi que la publication des prévisions de trafic vingt-quatre heures à l'avance.

    Le ministre en charge des Transports, Thierry Mariani, a estimé que "ce texte permettrait d'organiser le trafic aérien, d'informer en avance les passagers et ainsi d'éviter les engorgements (...), en conciliant de façon équilibrée, le principe constitutionnel du droit de grève, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ainsi que le principe de la continuité du service dans les aéroports".

    Pourtant, la législation actuelle prévoit déjà que les salariés des entreprises privées ayant une mission de service public doivent déposer un préavis de grève au moins cinq jours avant le début prévu des débrayages, ce qui a été fait dans le cas présent. Le dépôt de préavis n’a pas contraint la direction à négocier : voici sans doute l’unique élément du dispositif à améliorer. Plusieurs syndicats ont d’ores et déjà annoncé que cette loi provoquerait dès février prochain de nouvelles grèves.

    La réquisition des forces de l’ordre

    Les agents sont déterminés à obtenir gain de cause vu leurs conditions de travail. Ils ont très peu apprécié la réquisition de policiers pour effectuer leur travail dans deux terminaux de l'aéroport de Roissy. Alors même que le droit de grève est constitutionnellement protégé et que la détection de produits dangereux nécessite des formations spéciales dont ils ont bénéficié. Selon certains, la sécurité des voyageurs pourrait être moins bien assurée. Faute de formation, les policiers ne sont pas habilités à contrôler les bagages sur les écrans ; ils peuvent uniquement procéder à des palpations.

    En principe, l'article L.1251-10 du code du travail interdit le recours à des intérimaires ou à des contrats à durée déterminée pour remplacer des grévistes. La jurisprudence de la Cour de cassation va dans le même sens. Si cette réquisition est toujours possible au nom du principe de continuité du service public de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et de l’atteinte à l'ordre public, ces réquisitions alors même que le trafic semble peu perturbé par ces mouvements constitue une atteinte au droit de grève.

    Le référé-liberté introduit devant le tribunal administratif de Montreuil pour "atteinte au droit de grève" a toutefois été rejeté au motif que cette mesure ne constitue "pas une atteinte au droit de grève".

    En effet, le juge des référés a "fondé sa décision sur le fait que le remplacement d'agents grévistes par des fonctionnaires de l'Etat, dont les missions sont d'assurer la sécurité des biens et des personnes, ne constitue pas une atteinte au droit de grève dans la mesure où aucune réquisition [de personnels grévistes] n'est demandée".

    La capacité des délégations de missions de service public

    A mon sens, la grande question posée par ce mouvement est ailleurs. La question que révèle ce mouvement est celle de la délégation depuis 1996 de notre sécurité aérienne à des sociétés privées (Securitas, Brink's, Alyzia Sûreté, Vigimark, Samsic, ICTS, etc.).

    En effet, peut-on confier à des sociétés de sécurité privées des fonctions de sécurisation relevant traditionnellement de la compétence régalienne de l’Etat ? Pour la majorité des passagers, ces tâches devraient demeurer des prérogatives de la force publique et ce sont ces policiers que l’on devrait former à la reconnaissance des substances dangereuses.

    Encore une fois, cette affaire illustre l’absence d’analyse des avantages-inconvénients des délégations de missions de services publics.

     

     

  • Irak, la défaite des néoconservateurs ?

    Le retrait des forces américaines en Irak s’achève et tout le monde semble s’en désintéresser, alors que pendant neuf ans ce conflit a dessiné la nouvelle géostratégie mondiale.

    Les néoconservateurs américains rêvaient de démocratiser le Moyen orient et penser au nom d’une guerre juste contre le terrorisme renverser les dictatures et bénéficier du soutien du peuple irakien opprimé.

    L’histoire aura été plus complexe.

    Le 20 mars 2003 Georges Bush déclenchait unilatéralement les hostilités contre le régime de Saddam Hussein par l’opération « Liberté pour l’Irak ».

    Après les attentats du 11 septembre 2001, les américains ont estimé que l’Irak de Saddam Hussein faisait partie avec l’Iran et la Corée du Nord de l’axe du mal (Discours du président G.W. Bush du 29 janvier 2002) de collaborer avec Al-Qaïda et de posséder des armes de destruction massive. A ce titre, une guerre préventive a été menée (Doctrine Bush).

     

    L’arrivée des troupes américaines à Bagdad avaient été triomphale, les américains étaient des libérateurs. En optant pour l’occupation, les américains ont perdu en quelques semaines le crédit de leur victoire militaire ; d’autant que Colin Powell et ses preuves de présence d’armes de destruction massive furent discrédités.

    Après la victoire militaire officiellement déclarée le 1er mai 2003, la traque du dictateur avait commencé tandis que le bourbier irakien mobilisa les masses contre ce nouvel impérialisme américain.

    Le 19 août 2003, un attentat au camion piégé détruit le siège des Nations Unis à Bagdad tuant 22 personnes dont le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU le Brésilien Sergio Vieira de Mello. Cette sinistre attaque marqua le début d'un cycle de violences dans le pays contre les forces américaines et les civils irakiens.

    En novembre 2008, les gouvernements irakien et américain ont signé un pacte bilatéral incluant le Status of Forces Agreement (SOFA) qui fixe à la fin 2011 le terme de la présence militaire des États-Unis.

    La victoire électorale de Barak Obama doit beaucoup à sa position précoce contre l’intervention ainsi qu’au rejet de l’opinion américaine de cette guerre devenue inutile et incompréhensible contre des ennemis invisibles. Paradoxalement, la politique étrangère des néoconservateurs a conduit en 2008 à la défaite électorale de leur camp.

    Un conflit qui a ouvert la voie à la démocratisation des pays musulmans ?

    Saddam Hussein a perdu la guerre et fut exécuté en décembre 2006 ; il fut le premier d’une longue liste de potentats voués à disparaître (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…).

    En effet, l’impact psychologique de la deuxième guerre du golfe n’est pas à négliger dans l’émergence des révolutions arabes ; constater que le Raïs Saddam Hussein a fuit ses palais présidentiels pour se terrer dans « une cache » et se laissé capturer vivant a montré aux peuples arabes que nul tyran n'est désormais à l'abri de la justice.

    Cette déchéance de Saddam marque définitivement la fin du nationalisme arabe et justifie pour les néoconservateurs américains l’intervention menée.

    Reste à savoir si la théorie des dominos s’est appliquée à postériori et si les révolutions arabes d’aujourd’hui ne sont pas les conséquences indirectes de l’intervention américaine en Irak ?

    La défaite morale de la superpuissance américaine

    Encore une fois, ce conflit a montré que la guerre moderne avec son « zéro perte » est un leurre et que la domination du ciel est insuffisante pour sanctuariser un territoire.

    Les 170.000 soldats déployés n’ont jamais réussis à sécurisé l’ensemble du pays. Cette guerre a montré les limites du matériel conventionnel et la nécessiter d’adapter les armées aux batailles urbaines contre des kamikazes, des martyrs, (protection pour les jambes, les bras, gilets-pare balles plus performant…) et des insurgés déterminés.

    Surtout, l’Irak est devenu la patrie des combattants du Djihad, des milliers de jeunes se sont vus endoctriner et proposer d’aller combattre « le grand Satan ». Le groupe d’Abou Moussab al-Zarqaoui avait même été adoubé par Ben Laden comme membre d’Al-Qaida.

    Des filières ont été organisées, et ces combattants de retours de camps d’entrainement ou de combats sont devenus des cellules dormantes.

    En France, plusieurs filières irakiennes ont été démantelées.

    La pire défaite américaine a sans aucun doute été la défaite morale. Les images de la prison d'Abou Ghraib, le récit des emprisonnements illégaux, des tortures et mises en scène obscènes ont brisé l’image de la pureté du libérateur américain et renforcé le rejet de cette occupation et la défiance à l'encontre de l'Occident.

     

    Le Président G. W. Bush admis qu’il s’est agit de « la plus grosse erreur" commise par les Etats-Unis en Irak. L’existence de multiples prisons fantômes américaines en Europe a également terni l’image des Etats-Unis.

    Il convient malgré tout de reconnaitre que la presse a pu traiter de ses violations et que la justice américaine ont été sévères avec ces tortionnaires reconnus coupables.

    Indéniablement, la superpuissance américaine a gagné cette guerre, mais elle n’aura pas su proposer son amitié au peuple irakien. Les efforts de reconstruction n'ont pas amélioré la vie des irakiens, ils n’ont eu comme résultat que « de restaurer les destructions faites pendant l'invasion et les pillages qui s'en sont suivis ».

    L’Irak demeure une poudrière

    Aujourd’hui, l’Irak est loin d’être stabilisé, la pacification des relations avec l’Iran, la lutte contre la corruption et pour son développement demeure des défis importants.

    Surtout, le désarmement de la population et en particulier des milices, et la coexistence pacifique de ces mosaïques de communautés reste le premier défi du nouvel Irak. La survie de cette nouvelle démocratie fait également partie des challenges des prochaines années.

    Un bilan au cœur de la prochaine présidentielle américaine

    Lors de son discours du 14 décembre 2011 d’accueil de soldats américains d'Irak, le Président Obama exprima la reconnaissance de l’Amérique à ses « Boys » et salua les efforts déployés.

     

    « Etant votre commandant en chef, je suis fier, au nom de la nation reconnaissante, de vous dire enfin ces mots: bienvenue au pays, bienvenue au pays, bienvenue au pays ». « L'Irak n'est pas devenu un endroit parfait. Cependant, nous laissons derrière nous un Irak souverain, stable et à même d'assumer seul ses responsabilités, avec un gouvernement représentatif qui a été élu par le peuple ». Barack Obama aura au moins tenu une promesse celle de faire rentrer les soldats américains d’Irak.

    Léon Panetta, premier secrétaire américain à la Défense, surenchérit en ces termes : « Nous avons versé beaucoup de sang ici. Mais tout cela n'a pas été vain. C'était pour achever la mission de rendre ce pays souverain et indépendant et capable de se gouverner et se sécuriser ». « Vous repartez avec fierté, sachant que votre sacrifice a permis aux Irakiens d''éliminer la tyrannie et d'offrir la prospérité et la paix aux futures générations de ce pays »

    Au final, le conflit irakien a provoqué la mort de quatre mille cinq cents soldats (4500) américains et en a blessé tente deux mille deux cent vingt six (32.226) ; les chiffres sur les victimes irakiennes sont sous estimés.

    Les néoconservateurs américains ont obtenu l’augmentation du budget de l’armée et sa modernisation, l’élimination de Saddam Hussein, l’instauration d’un système politique pluraliste, de nouveaux contrats pour les sociétés américaines et bouté les velléités d’attaques américaines hors du sol des Etats Unis. Les acquis sont réels, mais le discrédit est également puissant.

    L’élection de Barak Obama en 2008, l’annonce du retrait des troupes américaines avec un calendrier, la mort de Ben Laden et les révolutions arabes font que désormais le conflit irakien ne passionne plus. A l’heure du bilan de Barack Obama, le retrait américain d‘Irak et la fin des pertes américaines sera pourtant un élément majeur de la prochaine électorale américaine.

     

     

  • Le déguisement nazi ou le nouvel humour british ?

    Peut-on rire de tout ? La législation française pose des limites à la liberté d’expression. A plusieurs reprises l’antisémite Dieudonné a ainsi été condamné par la justice française ; Aux Etats-Unis et en Angleterre la Loi est plus permissive, la liberté d’expression y étant sacrée.

    Un comportement immoral

    La frasque savoyarde du Député britannique Aidan Burley rappelle que si regarder Charlie Chaplin dans le Dictateur déguisé en nazi est une comédie sans égale ; se draper d’uniformes nazis entonner des chants à la gloire d’Himmler, Eichmann et Hitler est douteux et condamnable au regard de la législation française.

    Le 3 décembre 2011, lors d’une soirée d'enterrement de vie de garçon, à Val Thorens, en Savoie, le jeune député conservateur du Staffordshire Aidan Burley a participé à un diner avec des convives déguisés en nazis ; Uniformes, brassards avec croix gammée et chants nazis. Un comportement indigne d’un sujet de sa majesté.

     

     Un comportement susceptible de qualifications pénales en France

    En France, l’apologie de crime de guerre ou contre l’humanité est passible de cinq ans de prison et de 45 000 euros d’amende, et celui de « port d’uniforme et d’insigne d’une organisation criminelle contre l’humanité » de 1 500 euros.

    Le parquet d'Albertville a ouvert une enquête et SOS Racisme a porté plainte pour incitation à la haine raciale.

    Pour dégager sa responsabilité, le restaurant où s'est déroulée la scène a hypocritement lui aussi porté plainte.

    Des excuses de circonstances

    Face au tolé des images, Aidan Burley a fait part sur son compte Twitter, « de son profond regret de ce qui s'était passé" et a reconnu que le "comportement de ses invités était clairement inapproprié". "Je suis extrêmement désolé du tort que j'aurais pu causer ».

    Dans une lettre au journal Jewish Chronicle, il a présenté «sans réserve ses excuses » et indiqué « j’ai commis l’erreur de ne pas quitter cette fête ».

    Dans un message adressé aux habitants de sa circonscription, le Député écrit "Il n'y a pas d'excuses à mon comportement stupide, qui a causé ces deux dernières semaines beaucoup de peine à tant de gens", et reconnu avoir fait "une véritable erreur de jugement". Il a réaffirmé n'avoir "aucune sympathie d'aucune sorte pour le nazisme, le racisme ou le fascisme".

    Aidan Burley avait seulement omis de mentionner qu’il a passé la commande des déguisements nazis.

    La parodie nazie reste politiquement incorrecte au Royaume Uni

    Malgré plusieurs cas de sujets britanniques outrageant la mémoire des victimes du nazisme et déshonorant la résistance britannique au IIIème Reich le déguisement en officier nazi reste fortement condamné Outre Manche.

    En 2005, le prince Harry, fils cadet de la princesse Diana, avait lui aussi été à l'occasion d'une soirée costumée pris en photo déguisé en officier nazi.

    En 2008, Max Mosley, alors président de la fédération internationale d'automobile, se faisait filmer habillé en nazi.

    En 2009, le conseiller Lib Dem Sean Aspey a été suspendu après la découverte de photos qu'il avait postées sur Facebook sur lesquelles il était aussi déguisé en soldat nazi.

    Le Premier ministre David Cameron a d’ores et tiré les conséquences du comportement d'Aidan Burley en obtenant son retrait de sa fonction de chargé de mission auprès du Secrétaire aux Transports.

    Décidément, et fort heureusement, la parodie nazie ne fait pas recette.

     

     

  • Le Droit de vote des étrangers et le piège du communautarisme

    Après trente cinq ans de combats pour l’égalité, le Sénat a adopté ce jeudi 8 décembre 2011 par 173 voix contre 166, une proposition de loi constitutionnelle étendant aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections municipales.

    Cette proposition de loi constitutionnelle n°505 relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers non ressortissants de l'UE avait été votée à l’Assemblée Nationale le 3 mai 2000. Le Sénat (composé d’élus locaux) avait toujours refusé de s’en saisir jusqu’au basculement à gauche de la majorité sénatoriale à l’automne 2011.

    Le droit de vote des étrangers extra-communautaires, une mesure juste et symbolique

    Contrairement aux allégations de Claude Guéant (« Si une personne étrangère souhaite voter et s’impliquer dans la vie de la cité, elle peut demander sa naturalisation. On ne peut découper la citoyenneté en tranches. »), et de Marine Lepen, la nationalité française n’est plus depuis le traité de Maastricht de 1992 liée à la citoyenneté.

    Cette dissociation entre nationalité et citoyenneté a été opérée sous l’influence européenne, permettant ainsi aux résidents communautaires (c'est-à-dire, ayant la nationalité de l’un des Etats-membres de l’Union) de participer à la vie politique locale de leur pays de résidence.

    Ainsi, en France seuls les étrangers extra-communautaires (hors Union européenne) ne bénéficient pas de ce droit. Cet état de fait constitue une discrimination que la gauche et les humanistes centristes ou de droite ont eu raison de soutenir. Cette mesure est juste et symbolique.

    Pour le sénateur socialiste François Rebsamen, « les étrangers non-communautaires en situation régulière doivent pouvoir voter aux élections municipales ».

    Cette proposition porte en elle : deux idées forces. Tout d’abord, le résident étranger qui participe à la vie associative, à la vie professionnelle, qui paie ses impôts et qui scolarise ses éventuels enfants en France participe pleinement à la vie de la Cité ce qui justifie l’octroi de ce droit de vote.

    Lors du débat sénatorial, la sénatrice communiste Eliane Assassi déclara « nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d'éligibilité des milliers de résidents étrangers qui participent (...) à la vie de la cité, à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative, etc. ». Il participe souvent d’ailleurs aux élections professionnelles, prud'homales ainsi qu’à des Conseils de quartiers, de parents d'élèves ou des Conseils de résidents étrangers.

    La seconde idée est que si la naturalisation est encouragée par la France (bien que dans la réalité celle-ci s’acquiert de plus en plus difficilement), la conservation de sa nationalité d’origine n’interdit pas, dans un monde globalisé, l’intégration à la vie locale de son pays de résidence.

    Cette mesure va dans le bon sens, elle permettra à l’ensemble des résidents en France de participer (s’ils le souhaitent) à l’échelle locale à la vie de la Cité. Cette mesure rendra aussi une certaine fierté aux descendants de ces étrangers qui ont tout abandonnés pour travailler à la construction de la France sans en avoir les remerciements attendus.

    Le fait qu’un français résidant à l’étranger ne dispose pas forcément de ce droit n’est pas une raison de ne pas accorder un tel droit ; en la matière, il n’existe aucune obligation de réciprocité. Au contraire, cette mesure devrait permettre à la France de négocier l’octroi de tels droits pour les Français de l’étranger avec les pays tiers.

    Surtout, cette mesure démontre que la gauche de gouvernement (souvent accusée de trahison) tient parole même si c’est avec retard et qu’elle refusera de se soumettre aux diktats de l’extrême droite (malgré son poids électoral et idéologique indéniable).

     

     

     

    L'adoption de cette mesure ne doit pas justifier l’absence de volontarisme à améliorer les conditions d’accueil des étrangers et surtout à investir dans le changement de nos quartiers ghettos.

    Le communautarisme n’est souvent que la marque de la faillite de notre modèle républicain

    Le Ministre de l’intérieur, Claude Guéant, a eu tort de tenter de justifier le rejet de cette proposition de Loi relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers non ressortissants de l'UE par le danger communautariste. Le communautarisme n’est souvent que la marque de la faillite de notre modèle républicain.

    Pour Pierre-André Taguieff, le communautarisme est un mode d'auto-organisation d'un groupe social, fondé sur une « parenté ethnique » plus ou moins fictive (mais objet de croyance), dans une perspective ethnocentrique plus ou moins idéologisée, sur le modèle « nous versus les autres » (« nous » : les meilleurs des humains, les plus humains d'entre les humains).

    Les forces communautaristes proposent une vision essentialiste des groupes humains, ce qui signifie que chacun est doté d'une identité essentielle dont on suppose qu'elle est partagée par tous ses membres ou représentants. Comme l’écrit Alain-Gérard Slama, « l'idéologie identitaire substitue la subjectivité à l'intelligence, le particulier à l'universel ; elle exclut, par définition, le débat démocratique entre des individus autonomes et responsables ».

    Depuis des années, je dénonce avec d’autres l’existence de tensions intercommunautaires sur le territoire français, d’achat de la paix sociale par certaines municipalités et le financement d’associations communautaristes. Les exemples de concessions sont connus et nombreux.

    La montée en puissance du communautarisme est si puissante que l’on a réussi à créer de véritables quartiers ethniques.

    Le danger n’est pas comme aux Etats Unis un danger électoral puisque la plupart des candidats issus de la diversité présentant des listes communautaires font des scores minables.

    Le piège communautariste est ailleurs.

    Les quartiers et campagnes de France sont depuis des années délaissés, ils manquent d’emplois, d’équipements mais surtout de présence humaine (éducateurs, enseignants compétents, services publics…). Le creuset républicain, l’Ecole publique, ce sanctuaire a été bradé au profit des logiques de ghettoïsation.

    A l’évidence, la ségrégation scolaire apparue cette dernière décennie est le trait le plus saillant de cette victoire du communautarisme.

    Après les bandes ethniques, après les clubs de foot monocolores, les classes « ethniques » ont proliféré.

    Après les ghettos pour pauvres, on a eu les ghettos pour riches ; après l’école publique pour tous on a eu la prolifération des écoles privées et la myriade de structures relais privées de soutiens scolaires.

    Face au métissage de la société, il bien existe une tentation du développement séparé qu’il faut affronter au lieu de l’éluder.

    Les victoires communautaristes ne sont pas du à l’éventuel poids électoral de telle ou telle partie de la population, mais au renoncement de nos élus à promouvoir un modèle républicain vidé de sa substance.

    En effet, si le communautarisme tend aujourd’hui à se développer, la raison majeure en est la crise de confiance dans les institutions républicaines et l’absence de perspectives communes permettant de penser qu’Ensemble notre avenir sera meilleur.

    Après le 21 avril 2002 et les émeutes urbaines de 2005 les gouvernements de la France avaient la possibilité de sortir par le haut de ces crises, ils ont préféré les atermoiements (absence de plans sérieux pour les quartiers, pour l’école, absence de lutte contre les discriminations…), la communication (création du Ministère de l’identité nationale) au détriment d ‘une politique active.

    Face aux logiques individualistes, à l’appât du gain rapide et à l’absence de moyens, de réponses préventives ou judiciaires pertinentes, le modèle méritocratique atteint trop souvent ses limites.

    Ainsi, il faut se féliciter de l’adoption d‘un texte hautement symbolique qui pour entrer en vigueur nécessitera le paraphe du Président actuel ou à venir. La gauche ne doit cependant pas en rester à cette mesure symbolique, elle doit proposer des chemins d’intégration.

    Il convient de sortir des caricatures, de cesser d’éluder les véritables défis de la nouvelle France, et proposer des mesures fortes pour redonner du sens au modèle français.