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Mahor CHICHE - Page 35

  • Google et le fichage

    La révolution numérique permet aux citoyens de disposer de « l’information » qui en son temps faisait partie du pouvoir des tyrans. Historiquement, celui qui confisquait ou détenait le savoir était le Chef.

    La liberté de l’Internet contre les règles du droit positif en matière de droits d’auteurs, de racisme, antisémitisme… voila la nouvelle bataille engagée entre le droit et l’antiracisme.

    Aux Etats-Unis, la liberté d’expression est au dessus de tout ; car les tribunaux américains donnent une portée très générale à la garantie prévue par le premier amendement à la Constitution : « Le Congrès ne pourra faire aucune Loi (...) restreignant la liberté de parole ou de presse (...) ».

    C’est cette législation qui autorise les discours haineux et racistes du type de ceux du Klu Klux Klan ou du leader de la Nation de l'Islam Louis FARRAKHAN.

    En France, la liberté d’expression est bien plus encadrée. En effet, pour ne pas encourager les déviances et transgressions les Lois françaises et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme CEDSH encadrent la liberté d’expression et condamnent les propos racistes, incitations à la haine raciale, et discriminations. Le racisme apparaissant comme un délit, il ne saurait en être fait l’apogée.

    L'article 226-19 du Code pénal dispose :

    "Le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l'intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou les appartenances syndicales des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à l'orientation sexuelle de celles-ci, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300.000 Euros d'amende".

    L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme dispose :

    « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

    L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la Loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

    Les deux approches culturelles et juridiques sont diamétralement opposées ce qui explique la tension entre les exigences de la Loi française et celles de la société Google.

     

     

    Le moteur de recherche Google est à nouveau au cœur du débat, en effet lorsqu’un Internaute surf sur la toile il se voit guider dans ses recherches par des suggestions de mots-associés par Google Suggest.

    Bien que ces suggestions reposent sur les « requiest » les plus fréquentes, celles-ci posent un problème en droit français car elles lient un mot avec la religion réelle ou supposée des personnalités recherchées : « bhl juif », « hollande juif » « sarkozy juif »…

    Plusieurs associations françaises, J'accuse!-action internationale pour la justice (AIPJ), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), SOS Racisme et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) considèrent que Google enfreint la Loi en proposant le mot "juif" dans la saisie semi-automatique et ont saisi la justice française de ce problème.

    Ce débat rappelle celui qui a prévalu lors de la création par Johann Levy de l’application « juif ou pas juif » qui répertoriait jusqu'à sa suppression (à la suite d’une médiation) les célébrités selon leur judéité.

    Aujourd’hui, l’enjeu est la question du fichage ethnique - volontaire ou non - de masse par Google ou ses concurrents ; ce fichage qui peut apparaitre aux yeux de certains comme ludiques pourrait bien dans certaines sociétés non démocratiques permettre les pires discriminations et violations des droits de l’homme.

    Google a d’ores et déjà exclu de Google Suggest "une catégorie restreinte correspondant à des termes pornographiques, violents, incitant à la haine et liés à la violation de droits d'auteur" ; il convient sans aucun doute d’élargir cette liste aux associations du mot « juif » aux patronymes des personnes physiques figurant dans les requêtes des Internautes.

    En effet, ce genre de liste ne peut que renforcer la haine du « Juif » via les théories du complot sur le pouvoir supposé des personnalités d’origines ou de culture juive qui seraient à la tête du Monde.

    Autoriser un tel fichage même volontaire c’est à l’évidence renforcer les préjugés les plus abjects et les plus répandus sur le net.

    Google doit comprendre qu’avoir un Internet propre passe par le respect de ces principes.

    La prochaine Audience aura lieu le 27 juin 2012 au Tribunal de Grande Instance de PARIS ; mais un accord avec le géant américain pourrait intervenir d’ici là pour qu’il modifie son système.

  • Juifs de France : n'ayez pas peur du changement et de la nouvelle France métissée

    La communauté juive de France a vécu de douloureux moments en cette année 2012 en particulier avec la mort de ses coreligionnaires lors de la tuerie de Toulouse. L’unité nationale apparue à ce moment là a réchauffé les cœurs, mais n’a pas réussi à effacer l’idée que le drame aurait pu être évité et que décidément être juif en France aujourd’hui n’est pas sans risque.

    Huit ans après la torture et l’assassinat d’Ilan Halimi les plaies de l’antisémitisme version deuxième Intifada importée ne se sont pas cicatrisées. Pire, la confiance dans les pouvoirs publics, dans leurs capacités et volonté à combattre l’antisémitisme verbal, écrit, ou physique n’est que relative. Si le diner du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) a fait salle pleine avec la présence des deux principaux candidats en lice, la communauté juive traditionnelle et celle qui aspire à l’assimilation a peur.

    Les Juifs de France ont peur, peur pour leur avenir, peur pour leurs enfants. Religieux, traditionalistes, ou hors-communauté, de trop nombreux Juifs de France sont victimes d’insultes verbales, de « blagues » douteuses, et d’agressions physiques. Dans son rapport 2011, le « Service de protection de la communauté juive » a recensé 389 menaces et actes antisémites contre 466 en 2010 avec une prévalence des « propos, geste menaçant et démonstration injurieuse » (29% des faits) et des « inscriptions » injurieuses (26%).

    Le développement des écoles confessionnelles juives privées sont devenues les symboles manifestes de cette peur ; leur succès est avant tout lié à un repli communautaire et à la crainte de l’insécurité et de l’antisémitisme dans les écoles publiques.

    Cette communauté éprise par nature de doutes - sommes nous Juifs ? Français ? Juifs-Français ? Français-Juifs ? Citoyens ? - doute aujourd'hui d’elle même. La communauté juive est arrivée à la croisée des chemins : défense communautaire ou universalisme.

    Contrairement à certaines idées reçues la communauté juive « organisée » n’est pas un lobby elle n’en a ni la volonté ni les moyens, mais elle cherche un mode de relation apaisé avec les pouvoirs publics pouvant garantir à ses membres la liberté de culte et la tranquillité publique.

    Indéniablement, une partie des Juifs de France voyaient en Nicolas Sarkozy son sauveur et protecteur. Il les rassurait.

    Le Président Nicolas Sarkozy a reconnu la réalité de l’antisémitisme, eu des mots justes devant la douleur des parents, trouvé les moyens de protéger par des cars de CRS ou patrouilles de police les lieux de cultes et écoles juives et est apparu à leurs yeux comme un Chef d’Etat protecteur.

    Malgré son discours sur le refus de la repentance, Nicolas Sarkozy a donné à la Shoah et la résistance française une place dans son quinquennat. Il s’était personnellement impliqué dans la libération du soldat franco-israélien Guilad Shalit. Ces positionnements lui ont permis de conserver un côté séducteur auprès des Juifs de France. La reconnaissance par la France de la Palestine à l’UNESCO ne suffit pas à provoquer le désamour. Ces dernières années, l'antisémitisme a statistiquement reculé, mais le sentiment de ne plus être des citoyens à part entière de la nation française s'est développé.

    A contrario, l’alliance PS-VERTS joue le rôle de repoussoir pour de nombreux électeurs juifs. L’antisionisme affiché de certains élus VERTS, le soutien des appels aux boycotts des produits d’Israël inquiète. François Hollande Président pourra-t’il assurer le statu-quo en continuant à protéger les lieux de cultes et écoles juives, faire baisser l’antisémitisme, surtout a-t'-il compris les peurs qui sévissent au sein de la communauté juive ? J'entends des membres de la communauté juive s 'interroger : "en cas d’attaques de l’Iran par Israël la France échappera-t-elle, à des émeutes, à des pogroms antijuifs ?"

    Les Juifs de France se demandent toujours comment la France a pu en 1941 les abandonner en les contraignant à se faire recenser ? Les Juifs séfarades chassés du Maghreb après le départ du colonisateur s’inquiètent du métissage de la France et du développement de l’Islam et de l’islamisme.

    Surtout, les juifs de France n’ont pas oublié que sous le gouvernement Jospin un nouvel antisémitisme s’est banalisé et que le Ministre de l’Intérieur de l’époque Daniel Vaillant n’avait pas su les rassurer ni les protéger.

    Ces nouvelles craintes et le lissage du discours de Marine Lepen qui préfère stigmatiser le bouc émissaire « musulman » en lieu et place du « juif » explique que certains français de confessions juives aient pu voter ou vouloir voter Front National au premier tour de cette élection présidentielle.

    En Israël, 3% des électeurs français ont voté pour le Front National.

    Preuve de la banalisation du discours FN, le grand rabbin de France Gilles Bernheim s’est senti le devoir de rappeler durant la campagne électorale que « les valeurs de la France et du judaïsme sont incompatibles avec celles du Front National ».

    Il faut dire que si les déclarations du Président du CRIF Richard Prasquier publiées dans le journal israélien « Haaretz » sur ses craintes en cas de victoire de François Hollande à l'élection présidentielle d’« hausse des manifestations antisionistes » reflète les peurs de nombreux juifs de France, on pouvait attendre d’un leader communautaire qu’il cherche à rassurer en proposant des solutions plutôt qu’à surfer sur la vague en s’alignant sur le discours de la frange la plus dure de sa communauté.

    Ces peurs fantasmées pour certaines reposent sur l’expérience de la période du gouvernement Jospin et des répercussions de la seconde Intifada sur les « territoires perdus » de la République et sur la difficulté du quotidien pour certains juifs vivant dans les quartiers populaires.

    Paradoxalement, la communauté juive a aujourd’hui une peur supérieure à celle qu’elle a pu ressentir au lendemain de la tuerie de Toulouse. Nicolas Sarkozy défait, les juifs de France craignent une libération de la parole antisémite et une insuffisante protection du nouveau Chef de l’Etat.

     Avec la gauche et l'extrême gauche, les points d’achoppement sont nombreux.

    François Hollande Président sera-t-il capable de trouver de nouveaux moyens de combattre l’antisémitisme ? Les enfants juifs pourront-ils retourner étudier dans les écoles publiques ? L’affaire Dreyfus, la Shoah, pourront-ils être enseignés partout sur le territoire de France ? L’abattage rituel casher pourra-t-’il perdurer ?

    La politique de la France vis-à-vis du conflit du Proche orient et en particulier pour une solution à deux Etats garantissant la sécurité d’Israël sera-t-’ elle maintenue ou rééquilibrée.

    L’antisionisme affiché de certains responsables de gauche (Hessel, élus VERTS…) conduira-t’- il à une évolution de la politique de la France sur le boycott de produits israéliens ? Évidement, ces craintes sont infondées, mais elles existent car la confiance n’existe plus.

    Les images de drapeaux syriens, palestiniens, algériens, et de nombreuses autres nations ont cristallisé la suspicion des juifs de France ; la France multiculturelle serait née, la binationalité érigée en modèle et ces drapeaux refléteraient la domination du champ politique de gauche par les forces « pro-arabes » et antisionistes.

    Ces mêmes critiques ont refusé de voir le peuple de gauche dans sa diversité chanter en masse la Marseillaise (plus que l'Internationale), que les drapeaux français et européens étaient nombreux. Que contrairement à 2002, il y'avait énormément de mixité, d’intergénérationnel, de français de toutes origines et cultures, et que des femmes voilées pouvaient librement danser sur les chansons de la chanteuse israélienne Yaël Naïm. Surtout, ils ont refusé de constater que ce rassemblement n’a donné lieu à aucun incident et que l'esprit républicain était bien présent. La France métissée éclatait sa joie de ne plus être invisible, contestée, stigmatisée, et humiliée.  Nicolas Sarkozy n’avait pas compris que la nouvelle France forte est la France métissée.

    Définitivement, les juifs de France de droite et de gauche doutent de la République, ils se demandent si François Hollande Président réussira à rassembler les Français autour d’une République retrouvée et à les rassurer.

    La nomination de Vincent Peillon à l'éducation nationale et de Manuel Valls au Ministère de l'Intérieur devrait rassurer les français et plus particulièrement les juifs de France sur la détermination du gouvernement de Jean Marc Ayrault de refonder l'école publique et de protéger tous les citoyens de la République de la stigmatisation et de l'insécurité.

     

     

     

     

     

     

  • L’impasse de Marine Lepen

     

    Marine Lepen est parvenue à être la troisième de cette course à la présidentielle 2012. Avec 17,9 % des suffrages, la candidate du Front national, a réalisé un score historique en dépassant celui de son père de 2002 de deux points.

    Le Front National devient ainsi la troisième force politique du pays, mais il convient d’en relativiser la portée.

    1-      L’extrême droite ne progresse pas

    Une fois la déception passée de voir le Front National toujours aussi fort dans les urnes qu’avant la campagne de 2007 où le FN avait fait son plus mauvais score ; il convient de constater avec lucidité que le score de Marine Lepen est égal à celui de Jean Marie Lepen et Bruno Mégret  de 2002 additionné.

    L’inquiétude réside dans le fait que malgré une participation importante le FN se situe à ce niveau électoral. Surtout, dans les régions françaises qui vont mal, le FN atteint des pics historiques.

    Dans les villes minières, à Florange, Gandrange ou Hayange, ainsi que dans les Alpes Maritimes (23.6%),  le vote FN est avant tout un vote sanction de Nicolas Sarkozy l’illusionniste.

    Ce vote FN de 2012 n’est pas un vote d’adhésion à l’idéologie raciste du parti, mais révèle le  souci de protection des millions de Français. Comme l’a expliqué Ramayade, « les français qui votent Marine Lepen en sont pas des racistes, ils veulent renverser la table ».

    Cette protestation de la France qui souffre a pris les couleurs de Marine Lepen elle aurait pu prendre celle du Front de gauche si jean Luc Mélenchon avait réussi à se libérer de l’image de candidat du « vieux » Parti Communiste Français.

    En France, le désespoir est si grand que les extrêmes sont à 30%.

     

    2-      La dédiabolisation du FN n’a pas fonctionné

    Marine Lepen voudrait être la « Gianfranco Fini » à la française la chef d’une formation d‘extrême droite capable de s’allier avec une partie de la droite républicaine et de gouverner.

    L’image policée du « Front National version MLP » est retombée ces derniers mois à plusieurs reprises.

    En premier lieu, de nombreux cadres et militants ont refusé cette mutation freinant ainsi l’élan voulu. L’extrême droite française ne s’est pas unie autour de Marine Lepen.

    En second lieu, Marine Lepen a refusé de condamner les propos terrifiant de son père sur la tuerie d'Oslo et d'Utoya. M. Le Pen avait fustigé la "naïveté" du gouvernement norvégien face au "danger" du "terrorisme" et de "l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier".

    Surtout, et c’est sans doute sa première faute politique personnelle, Marine Lepen s’est rendue à l'invitation du dirigeant du parti d'extrême droite FPÖ, Heinz-Christian Strache, à Vienne, à un bal organisé - le jour de la commémoration du 67ème  anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz-  par des corporations d’extrêmes droites interdisant l’entrée aux juifs et aux femmes.

    Ce couac de la campagne l’a déstabilisé dans sa tentative de dédiabolisation. Pris dans son corpus idéologique, Marine Lepen n’a jamais réussi à expliquer pourquoi il était à ses yeux important de se rendre dans une telle soirée.

    Durant cette campagne, Marine Lepen a éludé l’histoire de son parti, de son père, de ses liens avec des racistes ; or, le nouveau populisme moderne ne peut pas prospérer sans la rupture réelle avec les tenants du nazisme, de la collaboration, de la colonisation, et de la priorité nationale.

    La dédiabolisation a séduit, mais en ayant raté la dédiabolisation de son parti, Marine Lepen se retrouve dans la situation de son père, et de celle de François Bayrou à savoir un positionnement les rendant incapables de peser sur le gouvernement de la France.

    L’appel au vote blanc ou à ne pas choisir prive durablement Marine Lepen et son parti d’une capacité à influer.

    Si Marine Lepen avait réussi la bataille de la crédibilité sur sa politique économique et sa dédiabolisation, elle aurait pu être au second tour ; ses ratés de sa campagne électorale expliquent sa troisième place qui au regard de la dynamique européenne des populismes et de la crise économique est un échec.

    3-      L’enjeu est la restauration du Cordon sanitaire républicain

    Je l’avais écris avant le résultat de Marine Lepen, l’enjeu aujourd’hui est de recréer un cordon sanitaire autour de Front National et de ses idées.

    L’affaiblissement des digues entre droite et extrêmes droites a pu se remarquer dans le  débat sur l’identité nationale, dans le Discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy ainsi que dans le refus du Premier Ministre François Fillon d’appeler lors des dernières cantonales à faire barrage au Front National.

    Seuls Nathalie Kosciusko-Morizet, Gérard Larcher et quelques élus républicains de droite avaient osé contester la stratégie de Nicolas Sarkozy de refuser le front républicain.

    Les campagnes de François Hollande et Nicolas Sarkozy n’auront pas convaincu les électeurs frontistes de leurs capacités à protéger les français des défis du 21ème siècle ; il reste quelques jours pour proposer aux Français un chemin de rassemblement

     

    La gauche et la droite républicaine ont une responsabilité historique protéger les Français de la crise économique, des discours de division, des solutions de facilité stigmatisant telle ou telle catégorie de la population, et défendre l’idéal européen.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Les raisons de l'échec de la campagne de Marine Lepen

    Marine Lepen mène campagne, bat meeting, interpelle « l’UMPS », décrypte les failles du système financier et de la France et prône des solutions qui séduisent par leurs simplicités ou leurs apparentes remises en cause des règles de la mondialisation, de l’Europe, et de la Vème République.

    Outre sa mise en scène pour la défense du droit des petits candidats se présenter à l’élection présidentielle, Marine Lepen a publié un ouvrage « Pour que vive la France » afin de se positionner comme la nouvelle Chef du Front National. Marine Lepen fait son show devant des salles remplies.

    Mme Le Pen est créditée de 16 à 20 % d’intentions de votes pour le premier tour de l’élection présidentielle. L’hypothèse de sa présence au second tour est prise au sérieux, elle espère dépasser le score de 16,86% de suffrages exprimés en faveur de son père en 2002. La perspective d’un nouveau 21 avril n’est plus éludée. Depuis 2002, la situation de la France s’est aggravée et la crise de confiance entre le système politique et sa capacité à répondre aux préoccupations des citoyens est puissant.

    La multiplication des « petits candidats » de témoignage risque également de faire perdre des points précieux aux deux principaux candidats en lice. Le vote utile qui joue depuis le 21 avril 2002 en faveur des grandes formations n’est pas assuré tant le désespoir des français est grand.

    Durant cette campagne électorale, Marine Lepen a essayé de montrer qu’elle n’est pas l’héritière de son père ; elle a même intenté un procès à Eva Joly qui l’avait - en référence aux conditions de développement de la fortune de Jean Marie Lepen - accusée d'être « l'héritière de son père milliardaire par un détournement de succession ».

    L’image du père demeure omnipotente comme l’illustre la campagne de la Licra

     http://www.licra.org/fr/dans-salle-bain-marine-pen-vid%C3%A9o

    Pourtant, Marine Lepen demeure une candidate antisystème qui a réussi à surfer sur les peurs mais n’a pas réussi sa campagne de 2012.


    1-La quête de légitimité

    A la recherche de sa légitimité, Marine Lepen affiche un lissage qui, de première apparence, va au delà du simple marketing en montrant qu’elle n’est pas comme son père.

    Dans ses discours, Marine Lepen continue de défendre le retour à « l’ordre » et la lutte contre la corruption ; elle met la réhabilitation nationale au cœur de son programme (« restaurer la fierté de nos valeurs », « de notre mode de vie »).

    Elle se réapproprie en plus des symboles de l’histoire de France (le drapeau, la marseillaise, Jeanne d’arc) des sujets républicains : la laïcité, la défense du service public, et dépasse le populisme pour convaincre une frange plus large de l’électorat. Economiquement, elle fait de l’Etat un rempart tandis que son père prônait l’ultralibéralisme.

    Elle apparaît ainsi pseudo-ouverte sur l’IVG et le divorce et n’hésite pas à défendre le retour à la retraite à 60 ans.

    Le défilé du 1er mai sous Marine Lepen illustrait cette exigence de « gentlemen fascistes » en poussant les skinheads au relooking (obligation de porter des chemises longues pour cacher les tatouages).

    Marine Lepen a pris ses distances avec les déclarations négationnistes de Jean Marie Lepen, elle a ainsi déclaré « je dis ce que j'ai toujours dit : je ne partage pas sur ces événements la même vision que mon père ». « Je ne pense pas que cela (les chambre à gaz, ndlr) soit un détail de l'histoire ». Surtout, elle tente également de tisser des liens avec des représentants d’Israël et de la communauté juive pour gommer le racisme indélébile de sa formation.

    Elle a ainsi réussi à rencontrer l'ambassadeur d'Israël à l'ONU Ron Prosor et l’utiliser à son avantage en laissant croire qu’elle n’est plus ostracisée par Israël.

    Sa présence aux funérailles nationales des soldats assassinés par Mohammed Merah va également dans ce sens (une présence à Toulouse était inimaginable).

    La dédiabolisation passe par ce chemin.

    Elle n'a pas osé assister aux funérailles du résistant Raymond Aubrac.

     

    2- L’alliance Droite - FN possible ?

    Pendant longtemps la France a électoralement contenu le succès du FN grâce au système de scrutin et au cordon sanitaire républicain et la vigilance de nombreuses organisations antiracistes.

    Contrairement à Jean Marie Lepen, Marine Lepen aspire au pouvoir, elle se verrait bien dans une coalition gouvernementale ou réussir à faire une OPA sur l’UMP (après une éventuelle défaite de Nicolas Sarkozy). Le pari de Marine Lepen est d’être au second tour de la prochaine présidentielle ou de réussir à faire un score suffisamment important pour être incontournable dans l’échiquier politique de la période post-présidentielle.

    Marine Lepen doit laisse place à « Marine » la fille du peuple qui défend le peuple et gouvernera pour le peuple !

    En cas d’échec du candidat de l’UMP à la prochaine présidentielle, une recomposition de la droite nationale se réalisera ; et au nom du redressement de la France la tentation de l’alliance sera puissante.

    Comme l’ont montré les prises de positions violentes contre le droit de vote des étrangers aux élections locales ou l’accueil des réfugiés tunisiens, les ponts sont d’ores et déjà faits avec, une partie de l’UMP, les élus du groupe de la droite populaire. La députée UMP du Tarn-et-Garonne, Brigitte Barèges, membre de la droite populaire, a ainsi d’ores et déjà repris à son compte la notion de préférence nationale.

    Dans une question sur son Site Internet, l’UMP n’a pas hésité à faire preuves d’amalgames en interrogeant les Internautes en ces termes « pour lutter plus efficacement contre les actes de délinquance commis par une frange de la population qui a fait de la violation de la loi pénale son mode habituel de vie, doit-on expulser les étrangers auteurs de tels faits ? »

    La stigmatisation des étrangers est au cœur de la logique du FN et depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy elle fait partie intégrante du discours sarkozyste. La recherche de boucs-émissaires dans la présence des étrangers reste le meilleur témoin de la jonction idéologique entre une partie de l’UMP et du FN.

    L’affaiblissement des digues entre droite et extrêmes droites a également pu se remarquer dans le refus du Premier Ministre François Fillon d’appeler lors des dernières cantonales à faire barrage au Front National. Seuls Nathalie Kosciusko-Morizet, Gérard Larcher et quelques élus républicains de droite avaient osé contester la stratégie de Nicolas Sarkozy de refuser le front républicain.

    Officiellement Marine Lepen n’est pas intéressée par des postes ministériels et tancent « l’UMPS », mais l’heure de l’unité du « camp patriotique » pourrait venir. Nicolas Dupont-Aignan, le Président de Debout la République, a démontré que l’on peut faire une belle campagne patriote et antiraciste.

    Eric Zemmour explique très bien que l’alliance droite-extrême droite « se fait (déjà) dans toute l’Europe ».

    Une fois débarrassé de son « corpus raciste », le FN pourrait apparaître fréquentable.


    3- Marine Lepen a raté la vague populiste européenne

    Dans de nombreux Etats européens, l'alliance électorale est désormais assumée entre des partis classiques et des partis d'extrême droite. Ces partis se présentent comme des partis populistes et patriotiques et non plus comme des partis d'extrêmes droites, Il faut dire que la vague populiste les rend souvent incontournables.

    Au Pays Bas, Geert Wilders et son parti de la liberté (PVV) ont obtenu 24 sièges sur 150, le 9 juin 2010. En Hongrie, le Jobbik (Mouvement pour une meilleure Hongrie) a fait 16,68% aux élections législatives en avril 2010. En Suède, les Démocrates suédois (SD) sont entrés pour la première fois au parlement en septembre 2010 avec une position de blocage ou d'arbitre, en revendiquant ouvertement une rhétorique anti-immigrés.

    En Italie, la Ligue du Nord travaille depuis longtemps à la résurgence du fascisme ; elle a obtenu 10,2% des suffrages aux élections européennes de 2009 et s'est allié au parti de Silvio Berlusconi (avant sa chute) dans le cadre d'une coalition (Peuple pour la liberté) pour les élections régionales de mars 2010. En Autriche, le Parti autrichien de la liberté dispose de 35 sièges au parlement et l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche de 21 sièges.

    En Grèce, le LAOS (Alerte populaire orthodoxe) a bénéficié des effets de la crise et obtenu 15 sièges soit 5 de plus qu'en 2007 et sous le prétexte de l’union nationale deux ministres d’extrêmes droites (Makis Voridis, devenu ministre des Infrastructures et des Transports, et Adonis Georgiadis, ministre adjoint du Développement, de la Compétitivité et des Affaires maritimes) sont entrés au gouvernement (avant de démissionner).

    Ces alliances auront au final très peu choquées les élites et peuples d’Europe.

    Ce renouveau récent des extrêmes droites européennes profite de l’apparente impuissance de l’Union européenne et des Etats face à la crise économique et du discrédit des élites politiques. Surfant sur l’idée de choc des civilisations, sur le 11 septembre et les attentats de Madrid et Londres, ces partis dits « identitaires », régionalistes, axent désormais leurs discours sur un racisme antimusulman et la reconquête d‘une souveraineté fantasmée.

    Cette stratégie vise à restaurer les frontières et faire reculer l’égalité des droits entre nationaux et étrangers.

    Le constat est sans appel ; sous le prétexte de la défense de la souveraineté, l'internationale fasciste obtient des victoires électorales et une légitimité politique.

    La tendance lourde est par conséquent à l’apparition ou résurgence de forces politiques structurées autour de trois idées simples : la renégociation des traités européens et le retour à la souveraineté, la sortie de l’Euro (pour ceux qui l’ont adopté), ainsi que le refus de l’islamisation de l’Europe et la défense des valeurs chrétiennes.

    Pourtant, malgré la présence de Jean Marie Lepen au second tour de la présidentielle en 2002, malgré la forte poussée populiste en Europe, et le lifting opéré Marine Lepen n’arrive pas à convaincre. Marine Lepen a raté la vague populiste européenne.


    4- Trois raisons expliquent le plafonnement de Marine Lepen dans les sondages.


    4-1 L’échec de la dédiabolisation

    L’image policée du « Front National version MLP » est retombée ces derniers mois à plusieurs reprises.

    En premier lieu, de nombreux cadres et militants ont refusé cette mutation freinant ainsi l’élan voulu. La difficulté de Marine Lepen a collecté ses 500 signatures provient pour beaucoup de ce refus. L’extrême droite française ne s’est pas unie autour de Marine Lepen.

    En second lieu, Marine Lepen a refusé de condamner les propos terrifiant de son père sur la tuerie d'Oslo et d'Utoya. M. Le Pen avait fustigé la "naïveté" du gouvernement norvégien face au "danger" du "terrorisme" et de "l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier".

    Surtout, et c’est sans doute sa première faute politique personnelle, Marine Lepen s’est rendue à l'invitation du dirigeant du parti d'extrême droite FPÖ, Heinz-Christian Strache, à Vienne, à un bal organisé - le jour de la commémoration du 67e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz- par des corporations d’extrêmes droites interdisant l’entrée aux juifs et aux femmes.

    Ce couac de la campagne l’a déstabilisé dans sa tentative de dédiabolisation. Pris dans son corpus idéologique, Marine Lepen n’a jamais réussi à expliquer pourquoi il était à ses yeux important de se rendre dans une telle soirée.

    La dédiabolisation a séduit, mais globalement la barrière morale perdure.

     

    4-2 Un programme économique peu convaincant

    La proposition de Marine Lepen de sortie de l’Euro et de retour au Franc qui de prime à bord a pu séduire une partie de l’électorat français avide de protection s’est vite retrouver sans crédibilité face aux arguments de ses contradicteurs et des économistes sérieux. L’antimondialisme ne tient pas.

    http://www.meltybuzz.fr/anne-sophie-lapix-marine-le-pen-clash-dans-actu91521.html

    Malgré la réalité des statistiques, et le constat désormais partagé (y compris par une partie de la droite Charles Pasqua, Alain Juppé) que l’immigration est un atout pour la France, Marine Lepen persiste à proclamer que l’immigration est la source des maux de la France et en particulier du déficit de nos Caisses de la sécurité sociale.

    L’immigration étant selon elle la cause tous nos maux, Marine Lepen tente de justifier ainsi une application de la priorité nationale, cette idée de l’inégalité entre les ressortissants français et étrangers qui demeure au cœur du programme du FN (anciennement dénommée préférence nationale).

    Mais cette fois si cette idée n’a pas réussi à mobiliser car comme l’a démontré l’interview de Marine Lepen par Anne-Sophie Lapix celle-ci n’a jamais réussi à expliquer les critères sur lesquels elle se baserait.

    Or, l’électorat se rend bien compte de l’impossibilité d’appliquer une telle mesure discriminatoire qui serait de toute façon jugée illégale. La prime de naissance mise en place par Catherine Mégret Maire de Vitrolles l’avait faite condamner à trois mois de prison avec sursis, 15 200 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité pour discrimination et incitation à la discrimination.

     http://www.vidouf.com/video/marine-le-pen-face-journaliste-anne-sophie-lapix.html

     

    4-3 Une candidate brillante en meeting mais nulle en plateau

    Pour finir, il faut comprendre que Marine Lepen a eu une panne de régime.

    Une campagne politique c’est un marathon et un sprint final, et l’on a bien senti qu’elle a perdu pied entre janvier et avril 2012 ; son père lui-même notait des erreurs de stratégies. La victimisation et la quête des parrainages lui a fait perdre du temps et du crédit auprès des électeurs.

    Marine Lepen brillante en meeting ne résiste pas à la contradiction de ses interlocuteurs.

    En refusant le débat de France 2 avec Jean Luc Mélenchon elle a pris une posture hautaine qui est apparue comme un aveu de faiblesse. Dans l’émission de Laurent Ruquier, Marine Lepen a parlé d’instrumentalisation sur le « bal de Vienne » au lieu d’accepter de s’expliquer.

    Marine Lepen a éludé l’histoire de son parti, de son père, de ses liens avec des racistes ; or, le nouveau populisme moderne ne peut pas prospérer sans la rupture réelle avec les tenants du nazisme, de la collaboration, de la colonisation, et de la priorité nationale.

    Le risque Lepen demeure, car le désarroi des Français est profond, et que certains électeurs peuvent être tentés d’utiliser ce vote comme défouloir et repoussoir des politiques « classiques ». Voter FN apparaît encore comme un vote de protection.

    Les campagnes de François Hollande et Nicolas Sarkozy n’auront sans doute pas convaincu les électeurs frontistes de leurs capacités à protéger les français des défis du 21ème siècle ; pourtant, quelque soit les résultats du 22 avril 2012, Marine Lepen sortira affaibli de cette campagne.