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Mahor CHICHE - Page 59

  • "Promesses et jeu de dupes"

    Nouvel Observateur, 01 Août 2007


    Etes-vous satisfait de l'adoption par l'Onu de la résolution 1769 ?

    - On ne peut que se féliciter de cette adoption, faite à l'unanimité, qui prévoit le déploiement d'environ 26.000 soldats de l'Onu et de l'Union Africaine. Mais le problème, c'est qu'il s'agit de la 16è résolution depuis le début du conflit. La dernière, qui date du 31 août 2006, prévoyait déjà l'envoi de 20.000 casques bleus.

    On est toujours dans ce jeu de charme entre l'Onu et le gouvernement soudanais. Des dizaines de missives ont été échangées entre Khartoum et les secrétaires de l'Onu Kofi Annan et Ban Ki-Moon. Mais sur place, la situation ne s'est pas améliorée, l'armée continue de bombarder des civils. Chaque fois, le Soudan affirme sa bonne volonté, prend acte des résolutions et s'engage à les respecter. Puis la pression médiatique retombe, d'autres sujets sont en tête de l'actualité internationale, et Khartoum revient sur sa décision.

    Ces derniers mois, un cessez-le-feu a été respecté quelque temps. Mais depuis un mois, l'armée soudanaise a repris les bombardements. Ce qui a poussé George W. Bush, Nicolas Sarkozy et Tony Blair à mettre une forte pression et à engager le processus d'adoption d'une nouvelle résolution.
    Dans cette dernière mouture, le recours au chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit en gros le recours à la force en cas de non-respect de la résolution, est prévu seulement en cas d'attaques de travailleurs humanitaires. Contrairement à la résolution de 2006, qui elle était contraignante, mais n'a pas été respectée pour autant. La recherche et la poursuite de criminels de guerre n'est même pas évoquée.

    Il y a une semaine, l'Onu a utilisé le terme de "nettoyage ethnique" pour qualifier ce qui se passe au Darfour, ce qui devrait de fait entraîner une intervention internationale. Mais pour obtenir l'unanimité des membres permanents de l'Onu, les négociateurs ont choisi de proposer un texte adouci, dont l'entrée en vigueur est prévue dans six mois, au 1er janvier 2008. On reste dans le domaine des promesses et du jeu de dupes.
    A titre de comparaison, rappelons qu'on a déployé 15.000 soldats en 15 jours au Liban. Le conflit au Darfour a commencé il y a quatre ans.

    Comment se fait-il que la Chine, qui s'opposait jusqu'à présent à l'adoption d'une résolution, ait finalement donné son accord ?

    - La Chine bloque le déploiement d'une force parce qu'elle est le premier partenaire économique du régime soudanais. Deux tiers de la production pétrolière du Soudan sont vendus à la Chine, ce qui représente 8% des importations en pétrole des Chinois.
    Pourtant, la Chine n'a jamais mis son veto à l'adoption d'une résolution. Son objectif est de retarder au maximum le processus, en soutien à son allié soudanais.
    Quand 104 parlementaires américains ont menacé, en mai dernier, de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin, en cas de poursuite du génocide, la Chine a alors fait pression sur Khartoum.
    Le gouvernement chinois a très peur du renversement du gouvernement d'Omar Béchir. Cela pourrait lui faire perdre ses accords pétroliers avec le pays, et la présence de soldats pourrait créer des troubles dans les zones pétrolifères.

    Que faire alors pour aboutir à la véritable mise en place d'un processus de paix au Soudan ?

    - Deux mesures permettraient de lancer le processus. La première passe par l'application de sanctions contre le régime de Khartoum. On sait que ce qui fonctionne aujourd'hui, comme le prouve l'exemple de la Corée du Nord, ce sont les sanctions économiques. Isoler le Soudan, renforcer le pouvoir de la Cour pénale internationale pour lui permettre d'envoyer des observateurs sur place. Avant d'annoncer un hypothétique déploiement de Casques bleus, il serait pertinent d'appliquer les résolutions précédentes de l'ONU ainsi que les deux résolutions adoptées par le Parlement européen. Par exemple en interdisant le survol du pays, ce qui empêcherait l'aviation soudanaise de bombarder les civils. Ce serait plus efficace que d'envoyer sur place des soldats qui ne pourront s'occuper que de la sécurité des habitants qui se trouvent dans les camps. Rappelons que lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'était engagé à prendre des sanctions unilatérales contre le Darfour. Une promesse qui n'a pas été tenue jusqu'alors.

    La deuxième mesure consiste à réunir les belligérants pour qu'ils trouvent un accord. Le principal chef des rebelles Al-Nur est actuellement à Paris. Si la France voulait organiser une telle conférence, elle le pourrait. De toute façon, la paix passe par une solution internationale. Au Darfour, la guerre est en quelque sorte déjà perdue. Entre 200.000 et 400.000 personnes sont mortes, 3 millions d'habitants ont été déplacés, 17 travailleurs humanitaires ont été tués depuis le début du conflit.

    www.sauverledarfour.org

  • Darfour - Les massacres doivent cesser

    En solidarité avec les victimes, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge

    Genève, le 16 juillet 2007 – À l’occasion de la journée de la justice internationale, le 17 juillet 2007, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge. La Ville de Genève a ainsi répondu à une demande de l’association TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) visant à attirer l’attention de la population aux souffrances des populations civiles du Darfour et à exiger que justice soit rendue. Le Maire de Genève, Patrice Mugny, et le Président de l’association Sauver le Darfour, Mahor Chiche, se sont joints à cette action.

    Mardi soir 17 juillet 2007, le jet d’eau de Genève sera illuminé en rouge. Le Conseil administratif de la Ville de Genève l’a formellement sollicité auprès des Services industriels de Genève, qui ont accepté cette demande formulée à l’origine par l’association TRIAL. Durant quelques heures, le symbole le plus connu de Genève revêtira la couleur du sang qui coule encore au Darfour.

    Solidarité avec les victimes : le jet d’eau de Genève illuminé en rouge

    Pour Patrice Mugny, Maire de Genève, « l’illumination de cet important symbole de Genève, capitale des droits humains, est un geste fort pour marquer les consciences. Cette action doit permettre de briser le silence qui persiste autour du drame du Darfour. Il est à espérer que d’autres grandes villes européennes entreprendront des actions similaires ».

    Comme l’a en effet rappelé Mahor Chiche, Président de Sauver le Darfour, « les bombardements de l’armée soudanaise sur le Darfour ont tout récemment repris. Le respect du droit international par le Soudan est impératif. Celui-ci doit appliquer les résolutions du Conseil de sécurité. Il faut maintenant mettre en vigueur une zone d’interdiction de vols par les avions du gouvernement soudanais au dessus du Darfour. » Pour M. Chiche, le travail de la justice internationale doit également être renforcé, afin que les auteurs d’atrocités sachent qu’ils devront rendre des comptes.

    Mettre un terme à l’impunité : le Soudan doit coopérer avec la Cour pénale internationale

    L’association TRIAL, qui lutte contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux (génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, etc.) a saisi l’occasion de la proximité avec la journée de la justice internationale pour s’adresser au Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Les 11 et 12 juillet 2007, le Comité des droits de l’homme examinait en effet le rapport périodique que lui a présenté le Soudan, sur la manière dont celui-ci met en œuvre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (aussi dit Pacte II).

    Au début du mois de juillet, TRIAL a donc déposé auprès du Comité des droits de l’homme un mémorandum juridique priant ce dernier d’ordonner au Soudan de coopérer avec la Cour pénale internationale sur la base du Pacte II.

    Une telle recommandation serait porteuse d’espoir pour l’avenir. Il faut rappeler pour l’heure que c’est sur la base la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité que la situation relative au Darfour a été déférée à la CPI. Or, le Soudan rejette cette résolution. Que le Comité des droits de l’homme souligne que le Soudan doit coopérer également sur la base d’un traité que cet Etat a lui-même ratifié serait donc d’une grande importance. Les recommandations du Comité des droits de l’homme sont attendues avant la fin du mois de juillet.

    Pour Me Philip Grant, Président de TRIAL, « l’exigence de justice est fondamentale. L’impunité est aujourd’hui encore la règle ». Certes, la Cour pénale internationale a lancé deux mandats d’arrêt contre des auteurs présumés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre au Darfour (notamment pour meurtres, viols, tortures, pillage, etc.), Ali Kushayb et Ahmad Mohamed Harun. Mais ce dernier est actuellement le ministre en charge des affaires humanitaires. « Quel cynisme ! » a affirmé M. Grant. « L’action de la Cour pénale internationale doit absolument être soutenue et renforcée. A terme, plusieurs dizaines d’individus pourraient et devraient être inculpés. Ces inculpations sont nécessaires pour faire reculer le sentiment d’impunité et pour rendre justice aux victimes ».

    Informer les victimes vivant en Suisse de leurs droits

    Par ailleurs, TRIAL entreprendra prochainement un travail de sensibilisation à l’attention des victimes du conflit se trouvant en Suisse, afin d’expliquer les possibilités à leur disposition de s’adresser à la Cour pénale internationale, et de les aider dans leurs démarches.

    Les victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide ont en effet non seulement la faculté de transmettre à la CPI des informations utiles aux enquêtes (preuves, témoignages) ; elles disposent également d’un droit de participer à la procédure, cas échéant de solliciter des réparations.

    Pour TRIAL, il n’est pas non plus exclu que des poursuites pénales puissent être lancées en Suisse, dans l’hypothèse où l’un des responsables des atrocités commises au Darfour devait se trouver sur sol helvétique.

  • Sauver Le Darfour

      Darfour, comment sortir de l’impasse ?

    par Michaël Chetrit et Mahor Chiche*[1]

    « Darfour. (…) Après la Somalie et le Rwanda, voici donc de nouvelles victimes qui viennent heurter la conscience de l'Occident et lui demander de l'aide. Que leur répondons-nous ? ». Ainsi s’exprimait Bernard Kouchner en décembre 2006, avant sa nomination au Quai d’Orsay, pour fustiger l’inertie du monde face à la tragédie du Darfour qui a déjà fait plus de 300 000 morts et 2 millions et demi de déplacés depuis avril 2003 dans cette région de l’ouest du Soudan.

    Le chef de la diplomatie française s’est assigné une feuille de route sur le Darfour : « améliorer la situation humanitaire et progresser vers le déploiement d’une force hybride ONU / UA et une solution politique. », et de souligner que « ce n’est pas la France seule qui va régler ce problème. Notre volonté est de travailler avec la communauté internationale, et d’abord avec l’Union européenne. »

    Ainsi, dès le 31 mai dernier, il a pu convaincre ses homologues du G8 d’inscrire à l’ordre du jour du sommet qui se déroulera du 6 au 8 juin prochains en Allemagne, la mise en place, sous mandat de l’ONU, de « corridors humanitaires » vers le Darfour, à partir du Tchad et de la Centrafrique.

    Tollé des organisations humanitaires françaises (Action Contre la Faim, Médecins Sans Frontières…). Ces ONG, qui assurent la survie de centaines de milliers de darfouris dans les camps de déplacés, redoutent que de tels couloirs humanitaires ne créent « une confusion entre humanitaires et militaires ». On comprend l’argument : éviter à tout prix une confrontation avec la junte en place à Khartoum et ses milices, qui pourrait provoquer l’expulsion des ONG et une hécatombe dans les camps de réfugiés. Déjà, ces organisations s’étaient opposées à l’idée d’une intervention militaire au Darfour. Ces avertissements doivent être pris en considération.

    Reste aujourd’hui, à passer à l’action, un morbide compteur tourne au Darfour et il n’est pas sur le point de s’arrêter. Il serait naïf de croire, qu’une diplomatie molle pourrait résoudre le problème.

    Quatre ans après les négociations stériles et échanges de missives entre le Président soudanais et les Secrétaires généraux successifs de l’ONU, nous ne pouvons plus ignorer la nature réelle du pouvoir central soudanais. Un régime massacreur qui fait des gestes d’ouverture dès lors que la pression monte et se ravise dès lors que celle-ci apparaît moins crédible.

    Il est temps qu’une véritable mobilisation politique pour le Darfour succède à la seule aide humanitaire ou générosité financière.

    Dès lors, la France ne doit pas se tromper de stratégie. Pour parvenir à une paix durable au Darfour, c’est à une démocratisation de l’ensemble du Soudan qu’il faut œuvrer. La dictature soudanaise, issue d’un coup d’Etat en 1989, a exacerbé toutes les divisions ethniques pour s’arroger les richesses pétrolières du pays, d’abord en intensifiant un Djihad au sud-Soudan contre les populations Animistes et Chrétiennes  qui a fait près de deux millions de morts, puis exploitant au Darfour les antagonismes des nomades arabes musulmans contre les agriculteurs africains, tout aussi musulmans, car ces derniers s’étaient rebellés pour réclamer une part des richesses du pays.

    Les soudanais, arabes ou africains, sont excédés par dix-huit années de dictature. En 1989, ils n’avaient d’ailleurs accordé que 10% de leurs voix aux islamistes aux élections qui précédèrent le coup d’Etat de ces derniers.

    Dès lors, l’association Sauver le Darfour appelle la France à la réunion d’une conférence internationale en vue de parvenir diplomatiquement à l’arrêt des massacres et à la démocratisation du Soudan au moyen, tout d’abord d’une négociation ferme avec la Chine - quitte à lui sécuriser son accès au pétrole soudanais ou à la menacer d’une non participation au Jeux Olympiques de Pékin - mais également grâce à la mise en oeuvre d’un isolement économique et politique complet du Soudan, ainsi qu’à l’interdiction de survol du pays.

    Les Etats-Unis ont récemment adopté des sanctions unilatérales, notamment de nature économique, contre le Soudan ; la France doit en faire de même comme s’y est engagé le candidat Nicolas Sarkozy.

    Le temps des tergiversations doit maintenant prendre fin. Le temps de l’action est venu.

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    Publications pécédantes :

    - Qui osera s’attaquer aux vrais coupables, Le Figaro, lundi 21 mai 2007.

    - L’Union européenne au Darfour : derniers recours ?, CEPES, Centre d'Etudes des Politiques Etrangères et de Sécurité (Université de l‘Uquam Montreal).

    - Il est encore temps de sauver les populations du Darfour, Le Figaro, 22 décembre 2006.

    - Paix introuvable au Darfour, Le Monde, 28 juin 2006ar

    - Repenser la lutte antiterroriste, Le Figaro, 25 juillet 2005

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    contact@sauverledarfour.org

    06 16 01 73 40


    [1] - Secrétaire national et Président de Sauver Le Darfour.  www.sauverledarfour.org

     

       
  • Faut-il intervenir au Darfour?

    Par Dante Sanjurjo, Politis, 13 Avril 2007


    Les pressions pour une opération militaire au Darfour s’accentuent à l’occasion de la campagne présidentielle. Mais les ONG actives sur place n’y sont pas forcément favorables. Explications. Faut-il envoyer des troupes au Darfour ? Avec quels objectifs militaires, dans quel cadre politique et dans quel délai ? Les populations de cette province rebelle de l’ouest du Soudan sont victimes depuis 2003 de meurtres, de viols, de tortures, de pillages, de destructions de villages, de déplacements forcés. Les estimations font état de 300 000 à 400 000 morts et de plus de deux millions de déplacés.

    Le 20 mars, à l’occasion d’un meeting organisé par le comité Urgence Darfour à la Mutualité, à Paris, Ségolène Royal, François Bayrou, Nicole Guedj (pour Nicolas Sarkozy) et Dominique Voynet ont signé un Acte d’engagement pour le Darfour. Celui ou celle qui présidera la France dans quelques semaines promet ainsi d’exercer de fortes pressions sur le gouvernement de Khartoum pour qu’il cesse ses « crimes contre l’humanité », d’oeuvrer au sein de l’ONU pour l’envoi de Casques bleus déploiement que Khartoum refuse et de donner mission aux contingents français au Tchad et en République centrafricaine de protéger les réfugiés des raids menés par des milices soudanaises. Le futur Président s’engage aussi à « user de toute son influence pour rendre possible une action européenne de protection des populations civiles du Darfour ».Parallèlement, l’association lance une pétition auprès des chefs de gouvernement et des institutions de l’Union européenne, précisant les objectifs d’une telle force.

    « En quatre ans, rappelle le texte, dix résolutions ont été votées par les Nations unies sans aucun résultat concret sur le gouvernement de Khartoum. [...] En droite ligne avec la résolution 1706 du Conseil de sécurité de l’ONU, les États européens doivent envoyer immédiatement une force d’interposition ayant pour mandat de protéger effectivement les populations d’un massacre généralisé [et] de mettre en place des corridors humanitaires sécurisés permettant aux organisations d’accéder à l’ensemble des populations nécessitant une aide vitale. »

    Dans son reportage « Choses vues au Darfour », publié par le Monde le 12 mars, Bernard-Henri Lévy propose de son côté d’armer les rebelles : « Si nous sommes incapables d’arrêter le massacre, si nous n’avons ni le pouvoir ni surtout la volonté de sanctionner le régime terroriste du Soudan, si nous n’osons même pas faire pression sur la Chine, son alliée au Conseil de sécurité, pour qu’elle accepte le principe d’un envoi de Casques bleus, ne devrions-nous pas, au moins, aider ceux qui défendent ces gens et le font les armes à la main ? » La mobilisation du philosophe a cependant des ressorts surprenants. « J’ai vu, en fin de compte, peu de mosquées dans ce Darfour dévasté [...], écrit-il. Et l’idée me vient que c’est peut-être là, après tout, un autre trait de cette guerre et une autre raison, surtout, de se mobiliser : islam radical contre islam modéré [...] ; au coeur de l’Afrique, dans les ténèbres de ce qui peut devenir, si nous ne faisons rien, le premier génocide du XXI e siècle, un autre théâtre pour le seul choc des civilisations qui tienne, et qui est celui, nous le savons, des deux islams. »Par ailleurs, si l’envoi de troupes d’interposition prêtes à user de la force pour protéger les civils semble s’imposer, si les précédents de l’inaction de la communauté internationale au Rwanda et en Bosnie plaident pour une réaction rapide, les solutions efficaces sont complexes, selon les ONG qui travaillent sur place.

    Après avoir décrit « l’enfer » dans lequel agissent les acteurs humanitaires, « témoins d’une violence inouïe, parfois victimes dans leur chair de cette même violence » sur « les terres riches de la province du Darfour [qui] ont fait place à un désert vidé de ses paysans », Denis Metzger, président d’Action contre la faim, s’interroge. « Personne ne peut moralement se satisfaire des résolutions votées par les Nations unies et restées lettres mortes, ou de la mobilisation de quelque 7 000 soldats de l’Union africaine, cantonnés à un rôle humiliant de spectateurs. Mais, si le statu quo n’est pas acceptable face à pareille tragédie humanitaire, les mesures proposées ne doivent en aucun cas compromettre la sécurité des populations et les efforts d’assistance. Le sursaut d’intérêt manifesté ces dernières semaines en France est d’autant plus justifié que la situation s’aggrave au Darfour. Mais les appels répétés à un interventionnisme musclé pourraient s’avérer contre-productifs. Considérant les expériences passées en Somalie, en République démocratique du Congo ou plus récemment en Irak, on peut s’interroger sur l’efficacité d’une intervention militaire internationale sans cadre négocié et sans accord de paix préalable. »Dans un article intitulé De mauvaises réponses à de bonnes questions, Gabriel Trujillo, responsable adjoint des programmes de Médecins sans frontières dans l’ouest du Darfour, est plus virulent. « Les questions de protection et d’assistance des populations se posent de manière aiguë, affirme-t-il ; malheureusement, les réponses proposées par Urgence Darfour et un certain nombre de personnalités politiques sont mauvaises. Pour commencer, la description qu’ils font de la situation ne correspond pas à la réalité que j’ai observée sur le terrain. Et l’intervention armée, souvent présentée comme une solution miracle, pose en fait de nombreuses questions. Face au refus du régime soudanais, elle revient à lui déclarer la guerre. Intervenir militairement, au nom du bien-être des populations, se solde souvent par un très grand nombre de victimes parmi les civils et rend par ailleurs très difficile, voire impossible, la mise en oeuvre de secours comme en Afghanistan ou en Irak.

    Quant aux corridors humanitaires, c’est une proposition absurde : une aide massive existe déjà, mise en oeuvre par une dizaine de milliers de travailleurs humanitaires. Cette campagne, à l’instar de celle qui a été lancée aux États-Unis, intervient au moment d’une importante échéance électorale. Je crains que la cause du Darfour ne soit finalement qu’un faire-valoir dans la campagne présidentielle. » D’autant que, selon MSF, les massacres de grande ampleur et les risques d’épidémie et de famine ne sont plus d’actualité depuis 2004.

    Mahor Chiche, président du collectif Sauver Le Darfour, est favorable à une intervention militaire, ou plutôt à son principe. « C’est une question d’agenda, explique-t-il. La voie diplomatique n’a pas été épuisée, il faut d’abord la renforcer, en convoquant une conférence internationale intégrant la Chine dans le front de la communauté internationale, en lui proposant d’arrêter sa politique d’obstruction en échange du maintien de ses positions pétrolières au Soudan. Dans ce cas, garder la possibilité d’une intervention militaire est important pour que la pression diplomatique soit crédible. »
    Celle-ci pourrait aboutir car le régime de Khartoum est fragile : c’est un gouvernement islamiste soutenu par une petite minorité. « La question du Darfour est politique, c’est celle du partage des terres, des richesses et du pouvoir au Soudan, poursuit Mahor Chiche. Une question politique appelle une réponse politique. » D’où l’urgence de parvenir à mettre autour d’une table l’ensemble des parties prenantes du conflit.