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EUROPE - Page 16

  • Rebâtir la confiance dans la démocratie de Westminster


    Lors de son premier discours en tant que Premier ministre David Cameron déclarait « l’une des tâches qui nous attend, sans le moindre doute, est de rebâtir la confiance dans notre système politique ».

    Une nouvelle fois depuis l’avènement de la démocratie anglaise, la stabilité de la monarchie constitutionnelle est posée.

    La démocratie parlementaire britannique repose depuis toujours sur la toute puissance du parlement de Westminster et la culture du compromis entre les différentes forces politiques. Il crée la Loi et légitime le pouvoir du Premier ministre ; celui-ci est le chef du parti majoritaire à la chambre basse devant laquelle il est responsable.
    Le système électoral britannique et son scrutin uninominal majoritaire à un tour ("first past the post") a longtemps imposé un bipartisme. Ce bipartisme a été remis en cause en 1999 par les dévolutions d’Ecosse du pays de Galles et d’Irlande qui mêlent le scrutin d’arrondissement et la représentation proportionnelle, et intègrent de nouveaux partis nationalistes dans le jeu politique.

    Les élections générales de 2010 montrent que le système a échoué dans sa mission première : assurer des majorités stables et claires. L’émergence des "Lib-Dem" en tant que troisième force politique risque malgré la présentation de leur programme de gouvernement commun, de ressembler sur les sujets délicats (l'Europe, l'immigration, la sortie de crise), aux marchandages et accords d’appareils de la IVème République française.

    En neuf jours, une coalition Lib-Cons a pourtant formé un gouvernement s’engageant sur un « programme pour cinq années de gouvernement ». Un gouvernement, a deux têtes, Nick Clegg et David Cameron, a pris les commandes du pays. Pour affronter la crise économique et surtout pour redonner confiance au peuple dans ses institutions le challenge du nouveau cabinet sera de réformer les institutions en assurant une meilleure transparence et une meilleure représentation des courants qui traversent la société britannique. Sur la construction européenne, le compromis indique qu’aucun nouveau pouvoir ne pourra être dévolu à Bruxelles à l'avenir sans un référendum préalable.

    L'introduction d'une dose de proportionnelle a été demandée par Clegg et pourrait faire l’objet d’un referendum. Cette réforme du mode de scrutin risque de ne pas changer la situation et en leur temps, les travaillistes avaient promis de faire adopter un projet de constitution écrite, ils y ont renoncé.

    La décision du New Labour de soutenir l’intervention américaine en Irak, son incapacité à organiser le référendum sur l’Euro promis, et le scandale des notes de frais ont sans aucun doute été à l’origine du vote Lib-Dem.
    Cette campagne rentrera dans les anales de la politique d’Outre manche comme une des plus âpres. Avec ses premières comme les débats télévisés entre les trois candidats qui enflammèrent les cœurs britanniques durant trois semaines ; Avec ses coups de théâtre dramatiques, où une électrice travailliste s’est vue qualifier par Gordon Brown de « vielle bigote ».

    L’analyse des résultats est claire. Il n’y a pas eut un effondrement total du parti travailliste celui-ci arrive second et parvient à accaparer 258 sièges dans la Chambre des communes. Là déroute électorale n’est pas humiliante.


    Le troisième homme Nick Clegg, si populaire après sa prestation lors des débats, n’a recueilli quant à lui qu’un million de voix supplémentaires et a perdu 5 sièges au Parlement par rapport aux élections générales de 2005 (il obtient 57 sièges).

    On peut alors légitimement se demander : si cette coalition ne serait pas due au fait que Cameron n’a pas gagné suffisamment ? Il n'a réussi à rassembler que 36 % des suffrages ; n’est-il pas l’homme des demi-victoires ?
    Avant le scandale des dépenses du Parlement, Cameron était largement en tête et les analystes n’imaginaient pas un « Parlement suspendu ». Il obtient finalement 307 sièges.

    Cameron a échoué devant un Labour usé à la corde par treize ans de pouvoir. Demi-victoires parce qu’il est le leader d’un demi-parti divisé entre Thatchériens et partisans de la « Big society » inspiré de distributisme prêché par le manifeste « red tory » des partisans de Cameron.
    Cette rupture profonde au sein du conservatisme fait les beaux jours du parti eurosceptique UKIP, composé d’anciens aficionados de la Dame de Fer, et qui a privé pour ces élections générales, le parti Tory d’un million de voix.

    Ainsi, depuis des mois, on pouvait parier sur cette coalition Lib-Cons trop souvent présentée comme contre-nature. Historiquement, libéraux et conservateurs sont issus du même parti Whig, qui implosa à propos de la Révolution française entre partisans d’Edmond Burke et ceux de Thomas Paine. En réalité, la délimitation idéologique entre les deux doctrines fut toujours mince ; le « Ones nation » de Disraeli se qualifiait de social-conservatisme, et Churchill lui-même oscilla tout au long de sa carrière entre les deux partis.

    En 1974, face à « un Parlement suspendu », Ted Heath avait déjà tenté sans succès un rapprochement avec les libéraux. Harold Wilson composa un gouvernement minoritaire et il y eut des élections six mois après. Même Margaret Thatcher revendiquait une filiation avec le commandeur du parti libéral Gladstone.

    La stratégie de Cameron a consisté à faire évoluer le parti thatchérien, bien ancré à droite, vers le centre, comme le fit Tony Blair avec son New Labour. Cameron pourrait bien être tenté de recréer le parti Whig et de réunifier ainsi la famille conservative-libérale.

    Clegg et Cameron tendent vers la création d’un grand parti Lib-cons. C’est à cette condition que cette coalition pourra tenir à moyen ou long terme. Le bipartisme britannique n’est pas mort, il se revivifie de l’énergie que porte l’idée de troisième voie celle du centre.

    La question de la confiance dans le système politique n’est pas réglée et une simple réforme de scrutin risque d’être insuffisante.
    Indéniablement, sans doute à l’occasion d’un référendum constitutionnel, les Britanniques vont bientôt devoir retourner aux urnes.

    - Par Mahor Chiche Avocat à la Cour et Docteur en droit public
    et Jérôme di Costanzo, Analyste politique

    19 mai 2010

  • Présentation de Sauver Le Darfour

  • La chute du Mur de Berlin 20 ans déjà

    « Il y a beaucoup de gens dans le monde qui ne comprennent pas ou qui prétendent ne pas comprendre quelle est la grande différence entre le monde libre et le monde communiste. Qu'ils viennent à Berlin ! Il y en a qui disent qu'en Europe et ailleurs, nous pouvons travailler avec les communistes. Qu'ils viennent à Berlin ! Lass sie nach Berlin kommen (« Qu'ils viennent à Berlin ») ! Notre liberté éprouve certes beaucoup de difficultés et notre démocratie n'est pas parfaite. Cependant, nous n'avons jamais eu besoin, nous, d'ériger un mur pour empêcher notre peuple de s'enfuir. (...) Le mur fournit la démonstration éclatante de la faillite du système communiste. Cette faillite est visible aux yeux du monde entier. Nous n'éprouvons aucune satisfaction en voyant ce mur, car il constitue à nos yeux une offense non seulement à l'histoire mais encore une offense à l'humanité. (...) Tous les hommes libres, où qu'ils vivent, sont citoyens de Berlin. C'est pourquoi, en tant qu'homme libre, je suis fier de dire : Ich bin ein Berliner ! (Je suis un Berlinois). »

    J. F. Kennedy face au mur de Berlin le 26 juin 1963


  • Darfour : du désastre humanitaire à l’échec politique

    Darfour : du désastre humanitaire à l’échec politique

    Mahor Chiche et Laurent David Samama, Président de Sauver le Darfour et président de l'UEJF Paris III

    Des corps déchirés, des femmes violées, des enfants affamés et déjà 300 000 morts et 3 millions de déplacés. Voila désormais plusieurs longues années que le Darfour, cet « enfer sur Terre » selon les mots Koffi Annan, se déchire sous les yeux impassibles de la communauté internationale.

    Pourtant les coupables d’un tel désordre au Soudan sont connus. Les médias, aux Etats-Unis encore plus qu’en Europe, ne cachent pas que la Chine, ce géant désormais réveillé, soutient le corrompu et xénophobe gouvernement soudanais. Il ne s’agit donc pas d’écrire un énième article sur le couple malsain formé par les pouvoirs chinois et soudanais conduisant le Darfour vers la mort ; ce serait continuer d’accuser comme on le fait trop souvent, sans trouver de solution constructive au génocide darfouri.

    En effet, pendant que l’on tergiverse (en Europe surtout) sur le fait de savoir, si oui ou non un génocide se déroule réellement au Darfour, ce sont des villages entiers qui sont rayés de la carte au nom des ambitions régionales du régime soudanais doublées d’une suprématie arabe sur les populations noires. Malheureusement en ce qui concerne la crise au Soudan, on s’acharne systématiquement à détourner les yeux du vrai problème : le Darfour se meurt !

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    L’Europe, pourtant première bailleur de fonds de l’Union africaine et première contributrice à la Minuaid ne prend pas la pleine mesure de l’urgence au Darfour. En effet, l’UE finance souvent les projets humanitaires sans tenter de promouvoir une issue politique au conflit. L’Eufor elle-même apparaît bien impuissante à contrôler le No man’s Land qu’est devenu la frontière tchado-soudanaise.

    S’agissant de la crise darfourie, on évoque surtout les Etats-Unis comme étant à la pointe de la mobilisation. Par l’action conjuguée d’ONG, de médias influents et de personnalités reconnues, l’opinion publique américaine a été très tôt sensibilisée en faveur du Darfour, à tel point qu’on y parle non pas de massacres comme en Europe mais bien d’un génocide (avec toutes les conséquences qu’implique le terme). Si en 2004, seuls 16% des américains savaient que « quelque chose de terrible se déroulait au Darfour », ils sont aujourd’hui plus de 80%. Contrastant avec la frilosité européenne, les américains n’attendent pas de pouvoir mesurer rétrospectivement l’horreur humanitaire pour comprendre la nécessité de transparence sur le conflit darfouri. Ainsi, on connaît désormais l’action très médiatisée de Georges Clooney et d’Elie Wiesel pour le Darfour de même que le travail de mobilisation sur les campus américains.

    Très récemment encore, le cinéaste américain Steven Spielberg, hostile à l’influence négative exercée par le pouvoir chinois sur la question darfourie a démissionné de son poste de conseiller artistique des Jeux Olympiques de Pékin. S’associant à plusieurs prix Nobel de la Paix, Spielberg rappelle qu’ «en tant que partenaire politique, militaire et économique majeur du Soudan, et en tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a à la fois la possibilité et la responsabilité de contribuer à une paix juste au Darfour ».

    La sensibilisation et les bons sentiments ne font pas tout ; On sait également que les Etats-Unis font pression sur le Soudan par la voie économique. Ils ont durci leur politique d’investissement en prohibant les implantations de firmes dans des territoires douteux et interdisent désormais aux entreprises nationales de s’implanter au Soudan. Selon Zahara Heckscher, directrice de la campagne de désinvestissement de capitaux au Soudan pour Save Darfour Coalition, « Le peuple américain ne veut pas investir dans le génocide ».

    Cette diplomatie de l’ombre, moins spectaculaire mais tout aussi efficace prouve la nécessité de sortir des débats incessants pour promouvoir une action concrète et réaliste. Assurément, il faut une diplomatie musclée pour le Darfour. Il est temps que l’Europe adopte la même posture et impose de telles mesures.

    Surtout, la crise du Darfour a investi le champ politique américain si bien que chaque candidat à la présidentielle de 2008 possède une opinion sur l’attitude à adopter pour une sortie de crise au Darfour. Du coté démocrate, Hilary Clinton, John Edwards et Barack Obama ont résolument affiché leurs volontés d’engager plus concrètement les Etats-Unis au Darfour en utilisant leurs forces militaires au service d’une aide humanitaire de grande envergure notamment. Coté républicain, John Mc Cain candidat à la Maison Blanche s’est distingué par la publication de deux tribunes dans le Washington Post sur la question du Darfour. Les politiques s’expriment avec force et le Darfour devient de fait un enjeu géopolitique de première importance aux Etats-Unis. Georges Bush lui-même a menacé à plusieurs reprises le gouvernement soudanais en cas de persistance des massacres.

    Pourtant, l’élection d’un nouveau président en 2008 ne rendra pas plus aisée une issue à la crise. En effet, envisager une intervention militaire américaine au Darfour semble délicat. Du fait de leur lourde implication en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis ne peuvent se permettre d’engager seuls de nouvelles forces armées sur un troisième foyer de combats. D’autant que les américains redoutent qu’une telle intervention rallument la guerre civile entre le Nord et le Sud Soudan et leur fasse perdre les précieux renseignements des services secrets soudanais qu’ils utilisent jusqu’ici pour traquer Oussama Ben Laden.

    Malgré tout, les Etats Unis pourraient décider de bombarder les trois usines d’armement soudanaise où mettre via l’OTAN une zone d’exclusion aérienne en place. Dans l’attente du déploiement des Casques bleus, protéger les civils des bombardements serait déjà une démonstration de force utile et nécessaire.

    Ainsi les Etats-Unis représentent une rampe de lancement médiatique et diplomatique précieuse pour trouver une solution diplomatique à la crise darfourie et restent également une puissance incontournable dans l’optique d’une d’intervention militaire.

    Il n’en demeure pas moins crucial que l’Union européenne ne reste pas absente de cette mobilisation. Si le Parlement européen a déjà voté trois résolutions en faveur du Darfour, leur application reste difficile.

    En effet, il appartient à l’Europe de se saisir du combat pour la paix au Darfour et de le poursuivre. Avec l’action conjuguée des 27 Etats membres de l’Union européenne, les moyens de pression se verraient être démultipliés. Il s’agit là d’une occasion inespérée pour l’Union européenne de s’affirmer sur la scène internationale. S’affirmer sur le plan géopolitique, parler puissamment d’une seule voie (diplomatie sérieuse et concertée) et oublier les querelles internes aux 27 qui nous plongent dans un certain immobilisme afin que l’UE relève les défis de ce XXIème siècle.

    Plusieurs éléments portent à croire que l’Europe est le nouveau lieu de mobilisation pour la paix au Darfour. D’abord les liens historiques forts entre l’Europe et les pays africains concernés de près ou de loin par la crise au Darfour.

    Lieu du drame, le Soudan connu au début du XXème siècle l’influence britannique. De même, le Tchad, pays frontalier du Soudan directement confronté aux conséquences des massacres au Darfour était au début du siècle dernier un protectorat français puis une colonie qui obtint son indépendance en 1960. La République Centrafricaine elle aussi limitrophe du Soudan était administrée par la France jusqu’en 1960. Ainsi, les anciennes puissances coloniales que sont la France et le Royaume-Uni (et dans une moindre mesure, le Portugal, la Belgique, l’Allemagne ou l’Italie) peuvent et doivent user de toute leur influence en Afrique pour promouvoir la paix au Darfour.

    Le désastre humanitaire que certains estimaient sous contrôle ne l’est plus, il convient de mettre en œuvre les solutions politiques nécessaires à la restauration de la paix. Dans une tribune publiée dans Libération, Pat Cox, ancien président du Parlement européen, membre du comité de direction de l'International Crisis Group, prend la mesure du rôle que doit jouer l’Europe au Darfour et écrit : « le désistement perpétuel de l'Union européenne ne fait qu'encourager Khartoum. L'Europe doit appliquer la pression nécessaire pour aider les Nations unies à mettre fin à l'horreur. ». Pour lui, « Il existe des mesures pratiques que l'Union européenne pourrait mettre en place et qui pourraient très certainement améliorer l'efficacité des efforts entrepris par les Nations unies ». Celles-ci sont simples : elles consistent en une collaboration accrue ainsi qu’un renforcement du contrôle des investissements des 27 au Soudan. De la même façon, Pat Cox rappelle que le Parlement européen avait appelé à l’arrêt des massacres au Darfour tout en préconisant « des sanctions ciblées à l'égard du gouvernement soudanais ».

    La réaction de l’ONU se faisant attendre, il est du devoir de la Communauté internationale en générale, de l’Europe et de la France en particulier de réagir avant que certaines communautés du Darfour ne disparaissent totalement. Face au blocage actuel et semble t-il durable de la situation, une prise de conscience collective quant à la légitimité d’une présence internationale est devenue plus que nécessaire.

    L’UE doit faire un pas de plus pour sauver le Darfour, avant qu’il ne soit définitivement trop tard. Elle doit relancer le processus de paix tout en durcissant les sanctions contre le régime soudanais.

    La France va bientôt se saisir de la présidence tournante de l’Union Européenne. Présentée comme un point central du mandat de Nicolas Sarkozy, il serait bienvenu pour le Président français plein de bonnes intentions face à cette nouvelle responsabilité d’en profiter pour pacifier le Darfour. Il s’agit là d’une formidable occasion à saisir pour en terminer avec les massacres au Darfour et ramener la paix dans l’ensemble de la Corne de l’Afrique.