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EUROPE - Page 13

  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012

     

     

  • Éviter la crise sanitaire des prothèses mammaires PIP

    Depuis la publication de mon analyse de la situation des patientes porteuses de prothèses mammaires PIP et des risques juridiques de cette catastrophe sanitaire (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/220391;rupture-de-protheses-mammaires-la-valse-des-responsabilites.html), les pouvoirs publics ont commencé à prendre conscience de la détresse de ces femmes.

    La prise en compte des risques de cancer et de la nécessité de faire pratiquer l’explantation (dépose) de ces prothèses est en cours. La recherche des responsabilités s’oriente désormais également vers les chirurgiens plasticiens. Il convient maintenant d’insister sur quelques points fondamentaux pour éviter que les fraudes de la société Poly Implants (utilisation d’un gel industriel en lieu et place d’un gel médical) génèrent une crise sanitaire.

    D’autant qu’aux 30 000 femmes françaises porteuses de telles prothèses, s’ajoute les 300.000 femmes de nationalité étrangère (40.000 anglaises, 25 000 brésiliennes, 280 suisses, de nombreuses espagnoles, colombiennes et argentines etc.) ayant été implantées de prothèses PIP.

    La lente réaction de pouvoirs publics :

    Après la mobilisation de l’AFSAPS, de plaignantes, de Syndicats de médecins, de l’Ordre des Médecins et surtout lé décès de plusieurs patientes, le gouvernement se mobilise enfin en durcissant les recommandations initiales.

    La sonnette d'alarme aurait pourtant être pu tirée dés 2007, quand la société PIP connu ses premiers ennuis judiciaires en Grande-Bretagne (une centaine de femmes avaient porté plainte en raison du caractère défectueux de leurs prothèses) tandis que les Pays Bas interdisaient ce type de prothèses dés 2010. Dès 2000, les autorités sanitaires américaines avaient quant à elles alerté sur les problèmes de qualité de certains implants mammaires produits par la société PIP.

    Xavier BERTRAND, Ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et Nora BERRA, Secrétaire d’Etat chargée de la Santé, actualisent les recommandations de prise en charge des femmes porteuses de prothèses PIP.

     

    Au nom du principe de précaution, ils souhaitent que l’ensemble des patientes procèdent à l’explantation des prothèses. A travers le monde, les réactions institutionnelles demeurent variées (demande de retrait, surveillance renforcée…) ; le Conseil supérieur de la santé italien a pour sa part estimé « pour les prothèses PIP, il n'existe pas de preuve d’un plus grand risque de cancer, mais une plus grande probabilité de rupture et de réactions inflammatoires a été mise en évidence ».

    Concrètement, les femmes porteuses d’une prothèse mammaire doivent vérifier sa marque grâce à la carte qui leur a été remise. « En l’absence de carte, elles doivent contacter leur chirurgien, ou à défaut, l’établissement où a été pratiquée l’intervention ».

    Les patientes qui ne souhaiteraient pas procéder à l’explantation préventive doivent bénéficier d’un suivi par échographie mammaire et axillaire tous les 6 mois.

    Le gouvernement commence à prendre conscience de l’ampleur de la crise sanitaire à laquelle les 30 000 patientes françaises sont exposées, mais de nombreuses questions demeurent en suspens. Pour répondre aux interrogations, un numéro vert est disponible : 0800 636 636 (du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures).

    Contre les discriminations entre patientes

    L’égalité des patientes entre les opérées relevant d’une chirurgie réparatrice (par nécessité thérapeutique) et les patientes ayant choisi par confort de subir de telles interventions doit être rétablie. En effet, le préjudice est identique, qu’importe la cause initiale de la pose des dites prothèses mammaires.

    Les frais liés à cette explantation, incluant l’hospitalisation, sont désormais pris en charge par l’assurance maladie quelque soit la cause initiale de la pose des prothèses mammaires.

    Selon les recommandations gouvernementales, « s’’agissant de femmes relevant d’une chirurgie reconstructrice post cancer du sein, la pose d’une nouvelle prothèse est également remboursée », ce qui signifie que pour les autres patientes l’éventuelle repose reste à leurs charges.

    La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a indiqué son intention de porter à son tour plainte pour "tromperie aggravée et escroquerie", estimant avoir été abusée quant au caractère non conforme des prothèses incriminées.

    Il convient en l’espèce de saluer la position du Conseil de l’Ordre qui a demandé aux chirurgiens plasticiens libéraux de ne pas pratiquer de dépassements d’honoraires, ainsi que celles de certains syndicats proposant de trouver des solutions concertées.

    Cependant, ces mesures ne suffisent pas, l’égalité entre victimes doit être respectée.

    Mettre en place une étude épidémiologique prospective sur prothèses PIP retirées

    Pour le Docteur W. Haïk, aujourd’hui, « au moment de l’explantation, le chirurgien plasticien consciencieux devrait vérifier si les prothèses implantées ont fait l’objet de rupture », mais de facto trop peu de chirurgiens y pensent.

    Il convient de rendre ce process obligatoire et d’établir des statistiques.

    En somme, l’indispensable dépose-repose de prothèses mammaires ne suffira pas à rassurer les patientes, il faut prévoir un accompagnement sur 10 ans de ces patientes et surveiller en, particulier l’éventuelle apparition de cancers du sein.

    Ce suivi préventif devra être pris en charge par la solidarité nationale.

    Pour la création d’un Fond de garantie national

    Surtout, face au risque sanitaire, à la lenteur des procédures judiciaires, et face aux difficultés à trouver un ou des responsables solvables, il convient de créer un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

    En effet, la société Poly Implant Prothèse (PIP) a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et son fondateur Jean-Claude Mas est recherché par Interpol (qui a émis une "notice rouge" pour demander à ses pays membres son arrestation).

    Le Docteur Dominique-Michel Courtois, médecin-expert de l'association des victimes des prothèses de la société PIP, vient de réclamer la création d'un fonds d'indemnisation pour les malades. « Beaucoup de femmes n'ont pas les moyens de se faire enlever les prothèses en cause. On est maintenant dans l'urgence. On bascule dans une autre dimension ».

    D’un point de vue médical, les patientes qui souhaiteraient disposer d’un suivi psychologique devraient pouvoir en bénéficier, et l’ensemble des patientes devraient se voir intégrer à un programme de prévention de la crise sanitaire.

    La recherche judiciaire des responsables est nécessaire, Jean-Claude Mas (le PDG de la société PIP) devra s’expliquer, les chirurgiens-plasticiens devront également justifier individuellement des choix opérés de recourir aux prothèses de type PIP, mais cette quête ne suffira pas à assurer l’indemnisation des victimes.

    Il convient désormais de créer d'urgence un Fond de garantie national permettant le soutien des victimes.

     

  • La gréve des agents aéroportuaires et l'efficience des délégations de service public

    LE PLUS. La grève est un droit constitutionnel. Mais pour combien de temps encore... Des négociations qui traînent, les forces de l'ordre réquisitionnées, une nouvelle proposition de loi soutenue par le gouvernement pour limiter les actions des grévistes... Le droit de grève est en danger.

    Après onze journées de grève, les agents de sûreté aéroportuaire en grève (depuis le 16 décembre) dans les aéroports français ont décidé de poursuivre le mouvement, notamment à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. 
     

     La gendarmerie encadre les grévistes de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle le 24 décembre 2011 (Mahor Chiche)

    Les fédérations FO, CFTC et UNSA du secteur ont décidé lundi 26 décembre d’accepter de terminer le conflit sur la base de la prime annuelle et la promesse d’ouverture de négociations ; la CGT en pointe dans ce conflit demeure hostile à la reprise du travail. Ce mouvement est, à de nombreux égards, instructif.

    Ce mouvement mobilise des agents de sociétés privés en charge de la sécurité des voyageurs, ce qui, malgré les dénégations, a pour conséquence de créer de nombreux retards pour les passagers.

    Le mouvement, qui réclame de meilleures conditions de travail et une augmentation de salaire mensuel de 200 euros brut, a d’ores et déjà obtenu la promesse d’une prime annuelle de 500 euros. Le salaire mensuel des agents de sûreté aéroportuaire est compris en moyenne entre 1 100 et 1 600 euros. Cette proposition n'a pas satisfait les grévistes, qui, malgré un semblant d’essoufflement et de lâchage par leurs syndicats, appellent à continuer le mouvement.

    Cependant, la crise aéroportuaire est avant tout le fait de mauvais choix stratégiques. Les directions des aéroports ont tardé à accepter la négociation et le gouvernement, qui souhaite éviter à tout prix le pourrissement du mouvement et l’image désastreuse de ses vacanciers mécontents en pleine trêve des confiseurs, a joué la fermeté. La ministre de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement, Nathalie Kosciusko-Morizet, a ainsi assuré qu'il n'était "pas question de laisser les Français pris en otage par ce conflit à l'occasion des vacances de Noël". "Si la situation ne s'améliore pas, nous aurons recours à une solution appropriée" ; l’utilisation du terme "otage" étant censée dramatiser la crise (alors même que le trafic reste peu perturbé).

    Vers un nouvel encadrement du droit de grève

    Cette crise de Noël montre une nouvelle fois l’impossibilité du dialogue social préventif et la complexité du dialogue social en France où, à plusieurs reprises, les négociations ont été rompues.

    Arguant de l’existence de la loi du 21 août 2007 sur le service minimum dans les transports terrestres, le gouvernement va soutenir le 24 janvier 2012 une proposition de loi UMP visant à l’instauration d’un système similaire (dépôt de préavis de grève auprès de la direction) dans les transports aériens. Le texte sur "le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs" déposé fin novembre par le député UMP Eric Diard vise à rendre obligatoire la négociation préalable, la déclaration individuelle des grévistes quarante-huit heures avant le début du mouvement, dans les entreprises ou établissements qui concourent directement au transport aérien de passagers ainsi que la publication des prévisions de trafic vingt-quatre heures à l'avance.

    Le ministre en charge des Transports, Thierry Mariani, a estimé que "ce texte permettrait d'organiser le trafic aérien, d'informer en avance les passagers et ainsi d'éviter les engorgements (...), en conciliant de façon équilibrée, le principe constitutionnel du droit de grève, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ainsi que le principe de la continuité du service dans les aéroports".

    Pourtant, la législation actuelle prévoit déjà que les salariés des entreprises privées ayant une mission de service public doivent déposer un préavis de grève au moins cinq jours avant le début prévu des débrayages, ce qui a été fait dans le cas présent. Le dépôt de préavis n’a pas contraint la direction à négocier : voici sans doute l’unique élément du dispositif à améliorer. Plusieurs syndicats ont d’ores et déjà annoncé que cette loi provoquerait dès février prochain de nouvelles grèves.

    La réquisition des forces de l’ordre

    Les agents sont déterminés à obtenir gain de cause vu leurs conditions de travail. Ils ont très peu apprécié la réquisition de policiers pour effectuer leur travail dans deux terminaux de l'aéroport de Roissy. Alors même que le droit de grève est constitutionnellement protégé et que la détection de produits dangereux nécessite des formations spéciales dont ils ont bénéficié. Selon certains, la sécurité des voyageurs pourrait être moins bien assurée. Faute de formation, les policiers ne sont pas habilités à contrôler les bagages sur les écrans ; ils peuvent uniquement procéder à des palpations.

    En principe, l'article L.1251-10 du code du travail interdit le recours à des intérimaires ou à des contrats à durée déterminée pour remplacer des grévistes. La jurisprudence de la Cour de cassation va dans le même sens. Si cette réquisition est toujours possible au nom du principe de continuité du service public de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et de l’atteinte à l'ordre public, ces réquisitions alors même que le trafic semble peu perturbé par ces mouvements constitue une atteinte au droit de grève.

    Le référé-liberté introduit devant le tribunal administratif de Montreuil pour "atteinte au droit de grève" a toutefois été rejeté au motif que cette mesure ne constitue "pas une atteinte au droit de grève".

    En effet, le juge des référés a "fondé sa décision sur le fait que le remplacement d'agents grévistes par des fonctionnaires de l'Etat, dont les missions sont d'assurer la sécurité des biens et des personnes, ne constitue pas une atteinte au droit de grève dans la mesure où aucune réquisition [de personnels grévistes] n'est demandée".

    La capacité des délégations de missions de service public

    A mon sens, la grande question posée par ce mouvement est ailleurs. La question que révèle ce mouvement est celle de la délégation depuis 1996 de notre sécurité aérienne à des sociétés privées (Securitas, Brink's, Alyzia Sûreté, Vigimark, Samsic, ICTS, etc.).

    En effet, peut-on confier à des sociétés de sécurité privées des fonctions de sécurisation relevant traditionnellement de la compétence régalienne de l’Etat ? Pour la majorité des passagers, ces tâches devraient demeurer des prérogatives de la force publique et ce sont ces policiers que l’on devrait former à la reconnaissance des substances dangereuses.

    Encore une fois, cette affaire illustre l’absence d’analyse des avantages-inconvénients des délégations de missions de services publics.

     

     

  • Irak, la défaite des néoconservateurs ?

    Le retrait des forces américaines en Irak s’achève et tout le monde semble s’en désintéresser, alors que pendant neuf ans ce conflit a dessiné la nouvelle géostratégie mondiale.

    Les néoconservateurs américains rêvaient de démocratiser le Moyen orient et penser au nom d’une guerre juste contre le terrorisme renverser les dictatures et bénéficier du soutien du peuple irakien opprimé.

    L’histoire aura été plus complexe.

    Le 20 mars 2003 Georges Bush déclenchait unilatéralement les hostilités contre le régime de Saddam Hussein par l’opération « Liberté pour l’Irak ».

    Après les attentats du 11 septembre 2001, les américains ont estimé que l’Irak de Saddam Hussein faisait partie avec l’Iran et la Corée du Nord de l’axe du mal (Discours du président G.W. Bush du 29 janvier 2002) de collaborer avec Al-Qaïda et de posséder des armes de destruction massive. A ce titre, une guerre préventive a été menée (Doctrine Bush).

     

    L’arrivée des troupes américaines à Bagdad avaient été triomphale, les américains étaient des libérateurs. En optant pour l’occupation, les américains ont perdu en quelques semaines le crédit de leur victoire militaire ; d’autant que Colin Powell et ses preuves de présence d’armes de destruction massive furent discrédités.

    Après la victoire militaire officiellement déclarée le 1er mai 2003, la traque du dictateur avait commencé tandis que le bourbier irakien mobilisa les masses contre ce nouvel impérialisme américain.

    Le 19 août 2003, un attentat au camion piégé détruit le siège des Nations Unis à Bagdad tuant 22 personnes dont le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU le Brésilien Sergio Vieira de Mello. Cette sinistre attaque marqua le début d'un cycle de violences dans le pays contre les forces américaines et les civils irakiens.

    En novembre 2008, les gouvernements irakien et américain ont signé un pacte bilatéral incluant le Status of Forces Agreement (SOFA) qui fixe à la fin 2011 le terme de la présence militaire des États-Unis.

    La victoire électorale de Barak Obama doit beaucoup à sa position précoce contre l’intervention ainsi qu’au rejet de l’opinion américaine de cette guerre devenue inutile et incompréhensible contre des ennemis invisibles. Paradoxalement, la politique étrangère des néoconservateurs a conduit en 2008 à la défaite électorale de leur camp.

    Un conflit qui a ouvert la voie à la démocratisation des pays musulmans ?

    Saddam Hussein a perdu la guerre et fut exécuté en décembre 2006 ; il fut le premier d’une longue liste de potentats voués à disparaître (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…).

    En effet, l’impact psychologique de la deuxième guerre du golfe n’est pas à négliger dans l’émergence des révolutions arabes ; constater que le Raïs Saddam Hussein a fuit ses palais présidentiels pour se terrer dans « une cache » et se laissé capturer vivant a montré aux peuples arabes que nul tyran n'est désormais à l'abri de la justice.

    Cette déchéance de Saddam marque définitivement la fin du nationalisme arabe et justifie pour les néoconservateurs américains l’intervention menée.

    Reste à savoir si la théorie des dominos s’est appliquée à postériori et si les révolutions arabes d’aujourd’hui ne sont pas les conséquences indirectes de l’intervention américaine en Irak ?

    La défaite morale de la superpuissance américaine

    Encore une fois, ce conflit a montré que la guerre moderne avec son « zéro perte » est un leurre et que la domination du ciel est insuffisante pour sanctuariser un territoire.

    Les 170.000 soldats déployés n’ont jamais réussis à sécurisé l’ensemble du pays. Cette guerre a montré les limites du matériel conventionnel et la nécessiter d’adapter les armées aux batailles urbaines contre des kamikazes, des martyrs, (protection pour les jambes, les bras, gilets-pare balles plus performant…) et des insurgés déterminés.

    Surtout, l’Irak est devenu la patrie des combattants du Djihad, des milliers de jeunes se sont vus endoctriner et proposer d’aller combattre « le grand Satan ». Le groupe d’Abou Moussab al-Zarqaoui avait même été adoubé par Ben Laden comme membre d’Al-Qaida.

    Des filières ont été organisées, et ces combattants de retours de camps d’entrainement ou de combats sont devenus des cellules dormantes.

    En France, plusieurs filières irakiennes ont été démantelées.

    La pire défaite américaine a sans aucun doute été la défaite morale. Les images de la prison d'Abou Ghraib, le récit des emprisonnements illégaux, des tortures et mises en scène obscènes ont brisé l’image de la pureté du libérateur américain et renforcé le rejet de cette occupation et la défiance à l'encontre de l'Occident.

     

    Le Président G. W. Bush admis qu’il s’est agit de « la plus grosse erreur" commise par les Etats-Unis en Irak. L’existence de multiples prisons fantômes américaines en Europe a également terni l’image des Etats-Unis.

    Il convient malgré tout de reconnaitre que la presse a pu traiter de ses violations et que la justice américaine ont été sévères avec ces tortionnaires reconnus coupables.

    Indéniablement, la superpuissance américaine a gagné cette guerre, mais elle n’aura pas su proposer son amitié au peuple irakien. Les efforts de reconstruction n'ont pas amélioré la vie des irakiens, ils n’ont eu comme résultat que « de restaurer les destructions faites pendant l'invasion et les pillages qui s'en sont suivis ».

    L’Irak demeure une poudrière

    Aujourd’hui, l’Irak est loin d’être stabilisé, la pacification des relations avec l’Iran, la lutte contre la corruption et pour son développement demeure des défis importants.

    Surtout, le désarmement de la population et en particulier des milices, et la coexistence pacifique de ces mosaïques de communautés reste le premier défi du nouvel Irak. La survie de cette nouvelle démocratie fait également partie des challenges des prochaines années.

    Un bilan au cœur de la prochaine présidentielle américaine

    Lors de son discours du 14 décembre 2011 d’accueil de soldats américains d'Irak, le Président Obama exprima la reconnaissance de l’Amérique à ses « Boys » et salua les efforts déployés.

     

    « Etant votre commandant en chef, je suis fier, au nom de la nation reconnaissante, de vous dire enfin ces mots: bienvenue au pays, bienvenue au pays, bienvenue au pays ». « L'Irak n'est pas devenu un endroit parfait. Cependant, nous laissons derrière nous un Irak souverain, stable et à même d'assumer seul ses responsabilités, avec un gouvernement représentatif qui a été élu par le peuple ». Barack Obama aura au moins tenu une promesse celle de faire rentrer les soldats américains d’Irak.

    Léon Panetta, premier secrétaire américain à la Défense, surenchérit en ces termes : « Nous avons versé beaucoup de sang ici. Mais tout cela n'a pas été vain. C'était pour achever la mission de rendre ce pays souverain et indépendant et capable de se gouverner et se sécuriser ». « Vous repartez avec fierté, sachant que votre sacrifice a permis aux Irakiens d''éliminer la tyrannie et d'offrir la prospérité et la paix aux futures générations de ce pays »

    Au final, le conflit irakien a provoqué la mort de quatre mille cinq cents soldats (4500) américains et en a blessé tente deux mille deux cent vingt six (32.226) ; les chiffres sur les victimes irakiennes sont sous estimés.

    Les néoconservateurs américains ont obtenu l’augmentation du budget de l’armée et sa modernisation, l’élimination de Saddam Hussein, l’instauration d’un système politique pluraliste, de nouveaux contrats pour les sociétés américaines et bouté les velléités d’attaques américaines hors du sol des Etats Unis. Les acquis sont réels, mais le discrédit est également puissant.

    L’élection de Barak Obama en 2008, l’annonce du retrait des troupes américaines avec un calendrier, la mort de Ben Laden et les révolutions arabes font que désormais le conflit irakien ne passionne plus. A l’heure du bilan de Barack Obama, le retrait américain d‘Irak et la fin des pertes américaines sera pourtant un élément majeur de la prochaine électorale américaine.