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VIème REPUBLIQUE - Page 4

  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012

     

     

  • La primaire PS, instrument de la rénovation du système politique français

    Le succès qu'a rencontré la primaire socialiste prouve que le processus devrait être pérennisé. Pour Mahor Chiche, avocat et militant, la régénérescence des partis, actuellement en déclin, doit passer par l'association des sympathisants et des électeurs.

    Claude Bartolone avait raison, la primaire socialiste aura finalement été une primaire de confirmation. Le leader des sondages François Hollande a été désigné par des millions de citoyens se reconnaissant dans la charte des valeurs de la gauche. Le score est net avec 56,57% des suffrages exprimés représentant 1 607 268 voix pour François Hollande, contre 43,61% pour Martine Aubry.
     

     Martine Aubry et François Hollande lors du dernier débat de la primaire le 12 octobre 2011 - CHESNOT/SIPA 
    Martine Aubry et François Hollande lors du dernier débat de la primaire le 12 octobre 2011 (CHESNOT/SIPA).

    Cette dynamique est le fruit de l’ouverture du Parti socialiste aux adhérents à 20 euros lors de la primaire interne de 2006. Raillés, parfois dénigrés comme des "ségodolatres", les adhérents ont confirmé l’aspiration des militants de gauche à participer au choix de leur champion face à la droite.

    Le congrès de Reims de 2008 et la triche généralisée qui y avait régné ont obligé les éléphants à accepter l’aspiration militante et citoyenne de désignations transparentes non susceptibles de suspicion et largement ouverte aux citoyennes et citoyens.

    Une haute autorité a veillé au respect du secret du vote, à la transmission fidèle des résultats (merci au "stylo magique") et à la sincérité du scrutin. Il convient de saluer le rôle du premier secrétaire par intérim Harlem Désir qui a eu un rôle positif dans cette campagne en tant que gardien de l’unité du parti.

    La primaire : un moyen d'associer les électeurs

    La démocratie participative portée par les cœurs de la motion A et E et Ségolène Royal l’ont emporté. François Hollande et son référendum interne sur le Traité constitutionnel européen avait ouvert la voie vers ces nouvelles pratiques. 

    Le processus fut laborieux, les incertitudes sur la participation était nombreuses, l’ouverture du processus aux Verts, au Front de gauche et au Mouvement des Citoyens a échoué. Seul le Parti radical de gauche a joué le jeu, mais les électeurs de gauche se sont massivement déplacés.

    Lors du premier tour plus de 2,7 millions d’électeurs se sont déplacés, lors du second tour opposant Martine Aubry à François Hollande 2,9 millions d’électeurs ont participé au choix du leader de la gauche. L’envie de victoire face à une droite dure est puissante.

    La victoire des rénovateurs

    La réussite des primaires marque manifestement la victoire des rénovateurs sur les apparatchiks du Parti socialiste et les petits calculs entre amis. Le pacte de Marrakech et les conditions de son accession à la tête du PS ont pesé lourd dans le score de Martine Aubry. François Hollande l’a emporté, car il est apparu comme un homme libre, préparé, et au-dessus des manœuvres d’appareil.

    La primaire socialiste est une innovation électorale qui participe à la rénovation du système politique français ; elle s’inscrit dans l’accélération de la vie politique depuis l’instauration du quinquennat.

    Aux Etats-Unis, la primaire démocrate de Denver de 2008 a permis au jeune inconnu qu’était Barack Obama de battre la candidate du système Hilary Clinton et de devenir président. En France aussi, les primaires socialistes ont semble-t-il cette faculté.

    En 2006, la primaire socialiste a mis en première position Ségolène Royal qui incarnait la rénovation et évitait le retour des "éléphants". En 2011, le processus a désigné François Hollande qui incarne (depuis sa prise de recul avec Solferino), le candidat libre et au dessus des intérêts d’appareils.

    Les trois débats télévisés des primaires ont crédibilisé les six candidats en lice : Martine Aubry, François Hollande, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal, Manuel Valls et le radical de gauche Jean-Michel Baylet. Les différences sont toutefois apparues mineures sur le fond.

    Seul, Arnaud Montebourg et son hostilité à l’Europe actuelle et favorable à la "démondialisation" a joué une partition différente. Manuel Valls s’est vu reconnaître une stature de présidentiable en obtenant la reconnaissance des Français pour apparaître comme le tenant d’un "discours de vérité". Ségolène Royal a porté avec force ses idées et fait preuve de sagesse en renforçant dans l’entre-deux-tours la dynamique de François Hollande. Martine Aubry incisive a plaidé pour l’unité dès l’annonce des résultats.

    A l’évidence, les partis français poussiéreux (déclin du nombre d’adhérents, déclin du débat d’idées au profit de conseillers en communication politique et marketing (les spin doctor) ont compris l’urgence d’ouvrir le processus de désignation. La régénérescence des partis politiques passe par l’association des sympathisants et électeurs. Les Verts et leur coopérative ont bien illustré cette nouvelle manière d’associer la société civile et les personnes ressources.

    Il convient, en outre, de noter que les trois principales forces de gauche ont organisé des primaires pour désigner leurs candidats. Europe Ecologie - Les Verts a du choisir entre le médiatique Nicolas Hulot et l’incorruptible Eva Joly, tandis que le Front de gauche aussi a du départager Jean-Luc Mélenchon d’André Chassaigne.

    En effet, face à une droite unie (retrait de la candidature Borloo), Nicolas Sarkozy désigné par l’UMP en 2007 par 98,09 % des votants est capable dès le premier tour d’atteindre de nouveau les 30%, la division historique de la gauche en chapelles sans leader rassembleur crée quant à elle un risque réel d’absence au second tour et surtout de quatrième défaite présidentielle.

    Une division impossible 

    Après le 21 avril 2002, la gauche ne peut plus se permettre la division au premier tour, le danger Marine Le Pen est à prendre au sérieux. La faible participation au prochain scrutin présidentiel pourrait avantager le Front national. A titre d’exemple, le vote des quartiers populaires dans ces primaires a souvent été faible ; dans de nombreux quartiers le taux de participation n’a pas dépassé les 8%. L'électorat ouvrier et populaire reste à convaincre.

    Après trois présidentielles perdues, la gauche devra dès le premier tour faire un score haut de 30%, sinon le différentiel de voix risque fort d’être, comme en 2007, trop important avec le candidat de l’UMP pour pouvoir être rattrapé durant l'entre-deux-tours.

    Avec ces primaires citoyennes, le PS fait le pari de mobiliser son camp en avance et d’unir derrière sa dynamique suffisamment de Françaises et Français pour tenir tête à Nicolas Sarkozy dès le soir du premier tour.

    Dans son discours de candidat victorieux des primaires, François Hollande a analysé la force du processus des primaires, il a déclaré "ce que nous venons de réaliser est un processus irréversible qui s'imposera à toutes les familles politiques".

     

    François Hollande et Martine Aubry - 16/10/2011 - REVELLI-BEAUMONT/CHAMUSSY/SIPA/ 
    François Hollande et Martine Aubry le 16 octobre 2011 (REVELLI-BEAUMONT/CHAMUSSY/SIPA).

    L’élection du président au suffrage universel direct définitivement acceptée

    Ces primaires achèvent le ralliement du Parti socialiste et de la gauche aux institutions de la Ve République et en particulier à l’élection du président de la République au suffrage universel direct instauré par le Général de Gaulle en 1962.

    Sept mois avant le premier tour de l’élection majeure de 2012, ces votations citoyennes ont eu le mérite de mobiliser le camp de la gauche et de désigner démocratiquement et en transparence un candidat non susceptible de contestation interne. L’épisode Ségolène et la division de 2007 sera évitée.

    La récente victoire au Sénat des socialistes permettra un rééquilibrage des institutions rendant au Parlement et au Premier ministre l’exercice de réelles prérogatives.

    L’américanisation de la vie politique s’achève ainsi, il ne reste plus qu’à organiser un grand rassemblement populaire d’investiture digne des primaires américaines.

    Ce samedi 22 octobre 2001 se tiendra à la halle Freyssinet la convention d’investiture de François Hollande. La fin du processus des primaires annonce l’entrée dans la campagne présidentielle.

  • Sénat : Pour un bicaméralisme égalitaire

    J’ai été voté ce dimanche 25 septembre 2001 pour l’alternance, car je suis un fervent opposant au Sénat actuel vestige d’une Vème République aux mains du pouvoir en place. La victoire électorale de la gauche d’aujourd’hui dessine sans doute la fin du mode de scrutin indirect, de la Loi électorale injuste, et du temps de la réforme impossible.

    Pour changer la France en profondeur, la gauche devra commencer son quinquennat par la réforme institutionnelle et la modernisation du Sénat actuel. La France a besoin de plus de démocratie représentative et participative.

    Pour un bicaméralisme égalitaire

     

     

    Depuis 1958, le Sénat est connu pour être traditionnellement la "maison de la droite". Depuis la réforme de 2003, la durée du mandat des Sénateurs est de six ans (elle était initialement de neuf ans). En droit comparé, la seconde assemblée représente dans un système politique fédéral les Etats fédérés tandis que dans un Etat décentralisé celle-ci représente les collectivités.

    En France, le Général De Gaulle avait conçu cette assemblée comme un rempart aux initiatives hasardeuses de la Chambre nationale et une garantie de confiscation durable du pouvoir.

    Le Discours de Bayeux du 16 juin 1946 explicite cette ambition : « Tout nous conduit donc à instituer une deuxième Chambre dont, pour l'essentiel, nos Conseils généraux et municipaux éliront les membres. Cette Chambre complétera la première en l'amenant, s'il y a lieu, soit à réviser ses propres projets, soit à en examiner d'autres, et en faisant valoir dans la confection des Lois ce facteur d'ordre administratif qu'un collège purement politique a forcément tendance à négliger. Il sera normal d'y introduire, d'autre part, des représentants, des organisations économiques, familiales, intellectuelles, pour que se fasse entendre, au-dedans même de l'État, la voix des grandes activités du pays. Réunis aux élus des assemblée locales des territoires d'outre-mer, les membres de cette Assemblée formeront le grand Conseil de l'Union Française, qualifié pour délibérer des Lois et des problèmes intéressant l'Union, budgets, relations extérieures, rapports intérieurs, défense nationale, économie, communications ».

    Si en France le Parlement dispose de peu de pouvoirs face à la prépondérance du couple exécutif Président-Premier ministre ; le Sénat dispose d’une place atypique dans l’édifice institutionnel.

    Le Sénat, une légitimité contestée

     

    L’article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 énonce que : « Le Parlement vote la Loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat. Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

    L’article 45 de la Constitution prévoit un bicaméralisme inégalitaire laissant le dernier mot à l’Assemblée nationale. « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » (…).

    Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de Loi n’a pu être adopté un système de « navette » a été mis en place. En cas de persistance du désaccord, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.

    Aux termes de l’article 89 de la Constitution, le Sénat participe à la révision de la Constitution.

    En pratique, le Sénat français est loin d‘avoir les pouvoirs de la Chambre des Lords britanniques ou du Sénat américain sur la ratification des traités internationaux ou l’accord sur les candidats aux postes proposés par le Président. Son mode d’élection l’affaibli dans son rapport avec l’exécutif et l’Assemblée nationale.

    La légitimité des grands électeurs reste insuffisante face à un Président et une Assemblée élus au suffrage universel direct.

    Malgré la qualité individuelle des Sénateurs et de leurs travaux, leur insuffisante représentation des villes urbaines, de la société civile, des femmes et leurs âges avancés rend cette institution poussiéreuse et adémocratique.

    L’ancien Premier ministre, Lionel Jospin, avait taxé le Sénat d'« anomalie constitutionnelle » qui surreprésente outrageusement les communes rurales traditionnellement conservatrices. En effet, les communes rurales, historiquement favorables à la droite, restent prédominantes dans le corps des 150 000 "grands électeurs" sénatoriaux, composé à 95 % de conseillers municipaux. Jean-Pierre Bel explique cette distorsion ainsi : « un électeur de l'Ariège pèse 100 fois plus qu'un électeur de Toulouse ».

    L’ancien Premier ministre, Pierre Mauroy, explique assez bien le malaise : « l'Assemblée nationale est plus brouillonne, elle est plus politique, les autres sont au contraire assidus et par conséquent améliorent incontestablement les textes. Les sénateurs sont de redoutables spécialistes, le Sénat est une chambre presque savante mais orientée à droite, capable d'être très conservatrice et quelque part réactionnaire ».

    Tant que le Sénat conservera son mode de scrutin injuste, sa faible représentativité, le bicaméralisme inégalitaire sera justifié !

    L’impossible réforme ?

    Sur la base de l’article 11 de la Constitution, le Président De Gaulle avait tenté de réformer le Sénat en soumettant par référendum le 27 avril 1969 au peuple français le projet de Loi « relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ». La victoire du NON 52,41 % conduit le Président à la démission et ses successeurs à la frilosité dans leurs tentatives de réformes des institutions.

    Malgré ses velléités de passage à la VIème République, François Mitterrand élu Président composa finalement avec le Sénat.

    En 2000, Lionel Jospin tenta de réformer la composition du Sénat et la répartition des sièges entre les départements, mais il se heurta au blocage du Conseil constitutionnel saisi par 60 Sénateurs.

    En 2011, le renouvellement concernait 170 sièges sur les 348 (soit prés de la moitié). Les résultats électoraux de ce 25 septembre 2011 montrent que pour la première fois la gauche est devenue majoritaire au Sénat (avec 175 Sénateurs la gauche dépasse la majorité absolue) ce qui devrait augurer d’un rééquilibrage des pouvoirs au profit à terme d’un bicaméralisme égalitaire.

    La suppression du Sénat, rêvée par une partie de la gauche, semble cependant improbable car la gauche s’est adaptée aux institutions (elle a ses élus locaux, ses Sénateurs, et besoin de pondérer les passions de l’Assemblée nationale). La réforme la plus judicieuse serait sans aucun doute de modifier le mode d’élection du Sénat et d’aller vers un bicaméralisme égalitaire.

    Une gauche majoritaire au Sénat représente une défaite historique pour la droite et une faille sérieuse dans l’édifice de la Vème République. Une cohabitation institutionnelle d’un nouveau genre va débuter. La France d’en haut et celle d’en bas n’auront pas la même couleur politique jusqu’à la prochaine élection présidentielle.

    Dans les premiers mois de son élection, le prochain Président de la République devra poser le dépassement des institutions actuelles par un référendum national sur la modernisation des institutions de la Vème République.

    Modernisation passant par celle du Sénat.

  • Pour une gauche décompléxée

    A un an de l'échéance de 2012, de jeunes élus de gauche somment leurs aînés de réinvestir les champs "sensibles", tels la banlieue et l'immigration.

    Au lendemain du 21 avril 2002, une nouvelle génération politique s'est engagée pour réinventer le modèle républicain et faire barrage aux idées d'extrême droite.

    Pourtant, deux exemples de l’actualité récente, la question des quartiers populaires et celles des révolutions arabes, révèlent que la gauche demeure incapable d'aborder dans la clarté, le courage et la vérité des sujets dits "sensibles". L’exploitation démagogique de ces thématiques par la droite populaire et la peur d’alimenter la montée du Front National explique cette stratégie d’évitement et laisse la gauche tétanisée.  

    A un an de l'élection présidentielle, au moment où les appareils politiques de gauche finalisent leurs projets et envisagent des accords de gouvernement, c'est le "ministère du silence" qui domine.

    Le silence de la gauche dans l'affaire de la mort de Zyed et Bouna

    Le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois, deux adolescents, Zyed et Bouna, trouvaient tragiquement la mort après une course poursuite avec la police. Le 27 avril dernier, la Cour d'appel de Paris a rendu un non-lieu à l'égard des policiers, poursuivis pour "non-assistance à personne en danger". Cette absence de procès, tant attendu par les familles, laisse perdurer l'idée d'une justice à deux vitesses et empêche l'émergence d'une vérité judiciaire.

    Le silence des partis de gauche face à ce déni de justice est choquant et manifeste l'incompréhension de ceux-ci face aux espoirs des enfants de la République en quête d'égalité et de respect.

    L'analyse des émeutes de 2005, qui avaient embrasé les banlieues, n'a toujours pas permis à la gauche de régler son rapport aux quartiers populaires. Accusée d'avoir priviligié l’assistanat – "faire pour eux" –, la gauche éprouve des difficultés à imaginer des politiques de partenariats dans la durée – "faire avec eux" –, trop anxieuse d'être taxée de laxisme. Résidentialisation, vidéoprotection, polices municipales sont devenues les axes d'action en vogue de la gauche gestionnaire, négligeant la prévention. Alors que certaines collectivités de gauche ont mené des expériences innovantes, la question des discriminations, de l'école, et du vivre ensemble restent, à contrario, insuffisamment portées à l'échelle du débat public national.

    La gauche, qui n'a pas gagné l'élection majeure depuis François Mitterrand, devrait oser se réapproprier ces questions pour inventer avec les citoyens une nouvelle politique d'égalité. Les partis de gauche doivent continuer à croire en la richesse de nos territoires, refuser l'existence de zones de non-droit et demeurer intransigeants quant à la présence et l'exemplarité de la puissance publique.

    Les révolutions arabes restent incomprises

    La gauche française a également tardé à comprendre les enjeux des révolutions arabes en cours. Le soutien aux forces d'opposition a trop souvent failli en raison de la conviction profonde que les systèmes policiers en place assureraient la stabilité, et protègeraient les intérêts européens face notamment à la menace islamiste. Une frange des altermondialistes a, quant à elle, trop souvent préféré s'associer aux  fondamentalistes plutot qu'aux démocrates laïcs dans leurs combats pour les droits humains.

    La gauche est inaudible sur la politique migratoire, en raison des positions floues de ses différents leaders et de l'instrumentalisation de la question de l'immigration par la droite et le Front National. L'instabilité due aux transitions démocratiques favorise l'arrivée de migrants en France et oblige à repenser la question des flux migratoires, et à mettre un terme au fantasme "d'Europe forteresse".

    Ainsi, les migrants tunisiens venus avec des titres de séjour (visas Schengen) de Lampedusa à Paris via Parme, Marseille ou Nice, ont été surpris et choqués par leurs conditions d'accueil. Héros de la révolution du Jasmin pour certains, migrants économiques pour d'autres, ils ont été traités en clandestins sans droits. Les collectivités de gauche devraient se saisir de cette crise pour mettre en oeuvre une politique d'accueil respectueuse de la dignité des migrants, et servir de laboratoire d'idées et d'actions.

    Le courage de dire la vérité

    Militants loyaux, engagés dans la bataille de la prochaine présidentielle, nous pensons qu'une politique de gauche décomplexée implique le courage de chercher la vérité et de la dire. Nous demandons aux responsables de gauche de s’émanciper de la pression de la droite populaire et de l’extrême droite pour refonder le pacte républicain, et renouer avec sa tradition internationaliste.

    Face au retournement du monde, seule l'affirmation de nos valeurs rendra possible la victoire de la gauche en 2012.

     

    Ce texte est signé par de jeunes responsables de gauche

    Meziane Abdelali, Conseiller régional Ile-de-France et Maire-adjoint de Clichy Sous Bois (EELV)

    Nadège Abomangoli, Conseillère régionale Ile de France (PS)

    Julien Boucher, Conseiller municipal du 17ème arrondissement de Paris (PS)

    Mariam Cissé, Conseillère municipale, Clichy-sous-Bois (EELV)

    Mahor Chiche, ancien Conseiller municipal du 19ème arrondissement de Paris (PS)

    Benjamin Mathéaud, Conseiller municipal Alès (PS)

    Ali Soumaré, Conseiller régional Ile de France (PS)

    Judith Shan, Conseillère régionale Ile de France et Conseillère municipale de Boulogne Billancourt (PS)

     

    Le Nouvel Observateur, 3 juin 2011

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