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QUESTIONS INTERNATIONALES - Page 9

  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012

     

     

  • Irak, la défaite des néoconservateurs ?

    Le retrait des forces américaines en Irak s’achève et tout le monde semble s’en désintéresser, alors que pendant neuf ans ce conflit a dessiné la nouvelle géostratégie mondiale.

    Les néoconservateurs américains rêvaient de démocratiser le Moyen orient et penser au nom d’une guerre juste contre le terrorisme renverser les dictatures et bénéficier du soutien du peuple irakien opprimé.

    L’histoire aura été plus complexe.

    Le 20 mars 2003 Georges Bush déclenchait unilatéralement les hostilités contre le régime de Saddam Hussein par l’opération « Liberté pour l’Irak ».

    Après les attentats du 11 septembre 2001, les américains ont estimé que l’Irak de Saddam Hussein faisait partie avec l’Iran et la Corée du Nord de l’axe du mal (Discours du président G.W. Bush du 29 janvier 2002) de collaborer avec Al-Qaïda et de posséder des armes de destruction massive. A ce titre, une guerre préventive a été menée (Doctrine Bush).

     

    L’arrivée des troupes américaines à Bagdad avaient été triomphale, les américains étaient des libérateurs. En optant pour l’occupation, les américains ont perdu en quelques semaines le crédit de leur victoire militaire ; d’autant que Colin Powell et ses preuves de présence d’armes de destruction massive furent discrédités.

    Après la victoire militaire officiellement déclarée le 1er mai 2003, la traque du dictateur avait commencé tandis que le bourbier irakien mobilisa les masses contre ce nouvel impérialisme américain.

    Le 19 août 2003, un attentat au camion piégé détruit le siège des Nations Unis à Bagdad tuant 22 personnes dont le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU le Brésilien Sergio Vieira de Mello. Cette sinistre attaque marqua le début d'un cycle de violences dans le pays contre les forces américaines et les civils irakiens.

    En novembre 2008, les gouvernements irakien et américain ont signé un pacte bilatéral incluant le Status of Forces Agreement (SOFA) qui fixe à la fin 2011 le terme de la présence militaire des États-Unis.

    La victoire électorale de Barak Obama doit beaucoup à sa position précoce contre l’intervention ainsi qu’au rejet de l’opinion américaine de cette guerre devenue inutile et incompréhensible contre des ennemis invisibles. Paradoxalement, la politique étrangère des néoconservateurs a conduit en 2008 à la défaite électorale de leur camp.

    Un conflit qui a ouvert la voie à la démocratisation des pays musulmans ?

    Saddam Hussein a perdu la guerre et fut exécuté en décembre 2006 ; il fut le premier d’une longue liste de potentats voués à disparaître (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi…).

    En effet, l’impact psychologique de la deuxième guerre du golfe n’est pas à négliger dans l’émergence des révolutions arabes ; constater que le Raïs Saddam Hussein a fuit ses palais présidentiels pour se terrer dans « une cache » et se laissé capturer vivant a montré aux peuples arabes que nul tyran n'est désormais à l'abri de la justice.

    Cette déchéance de Saddam marque définitivement la fin du nationalisme arabe et justifie pour les néoconservateurs américains l’intervention menée.

    Reste à savoir si la théorie des dominos s’est appliquée à postériori et si les révolutions arabes d’aujourd’hui ne sont pas les conséquences indirectes de l’intervention américaine en Irak ?

    La défaite morale de la superpuissance américaine

    Encore une fois, ce conflit a montré que la guerre moderne avec son « zéro perte » est un leurre et que la domination du ciel est insuffisante pour sanctuariser un territoire.

    Les 170.000 soldats déployés n’ont jamais réussis à sécurisé l’ensemble du pays. Cette guerre a montré les limites du matériel conventionnel et la nécessiter d’adapter les armées aux batailles urbaines contre des kamikazes, des martyrs, (protection pour les jambes, les bras, gilets-pare balles plus performant…) et des insurgés déterminés.

    Surtout, l’Irak est devenu la patrie des combattants du Djihad, des milliers de jeunes se sont vus endoctriner et proposer d’aller combattre « le grand Satan ». Le groupe d’Abou Moussab al-Zarqaoui avait même été adoubé par Ben Laden comme membre d’Al-Qaida.

    Des filières ont été organisées, et ces combattants de retours de camps d’entrainement ou de combats sont devenus des cellules dormantes.

    En France, plusieurs filières irakiennes ont été démantelées.

    La pire défaite américaine a sans aucun doute été la défaite morale. Les images de la prison d'Abou Ghraib, le récit des emprisonnements illégaux, des tortures et mises en scène obscènes ont brisé l’image de la pureté du libérateur américain et renforcé le rejet de cette occupation et la défiance à l'encontre de l'Occident.

     

    Le Président G. W. Bush admis qu’il s’est agit de « la plus grosse erreur" commise par les Etats-Unis en Irak. L’existence de multiples prisons fantômes américaines en Europe a également terni l’image des Etats-Unis.

    Il convient malgré tout de reconnaitre que la presse a pu traiter de ses violations et que la justice américaine ont été sévères avec ces tortionnaires reconnus coupables.

    Indéniablement, la superpuissance américaine a gagné cette guerre, mais elle n’aura pas su proposer son amitié au peuple irakien. Les efforts de reconstruction n'ont pas amélioré la vie des irakiens, ils n’ont eu comme résultat que « de restaurer les destructions faites pendant l'invasion et les pillages qui s'en sont suivis ».

    L’Irak demeure une poudrière

    Aujourd’hui, l’Irak est loin d’être stabilisé, la pacification des relations avec l’Iran, la lutte contre la corruption et pour son développement demeure des défis importants.

    Surtout, le désarmement de la population et en particulier des milices, et la coexistence pacifique de ces mosaïques de communautés reste le premier défi du nouvel Irak. La survie de cette nouvelle démocratie fait également partie des challenges des prochaines années.

    Un bilan au cœur de la prochaine présidentielle américaine

    Lors de son discours du 14 décembre 2011 d’accueil de soldats américains d'Irak, le Président Obama exprima la reconnaissance de l’Amérique à ses « Boys » et salua les efforts déployés.

     

    « Etant votre commandant en chef, je suis fier, au nom de la nation reconnaissante, de vous dire enfin ces mots: bienvenue au pays, bienvenue au pays, bienvenue au pays ». « L'Irak n'est pas devenu un endroit parfait. Cependant, nous laissons derrière nous un Irak souverain, stable et à même d'assumer seul ses responsabilités, avec un gouvernement représentatif qui a été élu par le peuple ». Barack Obama aura au moins tenu une promesse celle de faire rentrer les soldats américains d’Irak.

    Léon Panetta, premier secrétaire américain à la Défense, surenchérit en ces termes : « Nous avons versé beaucoup de sang ici. Mais tout cela n'a pas été vain. C'était pour achever la mission de rendre ce pays souverain et indépendant et capable de se gouverner et se sécuriser ». « Vous repartez avec fierté, sachant que votre sacrifice a permis aux Irakiens d''éliminer la tyrannie et d'offrir la prospérité et la paix aux futures générations de ce pays »

    Au final, le conflit irakien a provoqué la mort de quatre mille cinq cents soldats (4500) américains et en a blessé tente deux mille deux cent vingt six (32.226) ; les chiffres sur les victimes irakiennes sont sous estimés.

    Les néoconservateurs américains ont obtenu l’augmentation du budget de l’armée et sa modernisation, l’élimination de Saddam Hussein, l’instauration d’un système politique pluraliste, de nouveaux contrats pour les sociétés américaines et bouté les velléités d’attaques américaines hors du sol des Etats Unis. Les acquis sont réels, mais le discrédit est également puissant.

    L’élection de Barak Obama en 2008, l’annonce du retrait des troupes américaines avec un calendrier, la mort de Ben Laden et les révolutions arabes font que désormais le conflit irakien ne passionne plus. A l’heure du bilan de Barack Obama, le retrait américain d‘Irak et la fin des pertes américaines sera pourtant un élément majeur de la prochaine électorale américaine.

     

     

  • Le Droit de vote des étrangers et le piège du communautarisme

    Après trente cinq ans de combats pour l’égalité, le Sénat a adopté ce jeudi 8 décembre 2011 par 173 voix contre 166, une proposition de loi constitutionnelle étendant aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections municipales.

    Cette proposition de loi constitutionnelle n°505 relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers non ressortissants de l'UE avait été votée à l’Assemblée Nationale le 3 mai 2000. Le Sénat (composé d’élus locaux) avait toujours refusé de s’en saisir jusqu’au basculement à gauche de la majorité sénatoriale à l’automne 2011.

    Le droit de vote des étrangers extra-communautaires, une mesure juste et symbolique

    Contrairement aux allégations de Claude Guéant (« Si une personne étrangère souhaite voter et s’impliquer dans la vie de la cité, elle peut demander sa naturalisation. On ne peut découper la citoyenneté en tranches. »), et de Marine Lepen, la nationalité française n’est plus depuis le traité de Maastricht de 1992 liée à la citoyenneté.

    Cette dissociation entre nationalité et citoyenneté a été opérée sous l’influence européenne, permettant ainsi aux résidents communautaires (c'est-à-dire, ayant la nationalité de l’un des Etats-membres de l’Union) de participer à la vie politique locale de leur pays de résidence.

    Ainsi, en France seuls les étrangers extra-communautaires (hors Union européenne) ne bénéficient pas de ce droit. Cet état de fait constitue une discrimination que la gauche et les humanistes centristes ou de droite ont eu raison de soutenir. Cette mesure est juste et symbolique.

    Pour le sénateur socialiste François Rebsamen, « les étrangers non-communautaires en situation régulière doivent pouvoir voter aux élections municipales ».

    Cette proposition porte en elle : deux idées forces. Tout d’abord, le résident étranger qui participe à la vie associative, à la vie professionnelle, qui paie ses impôts et qui scolarise ses éventuels enfants en France participe pleinement à la vie de la Cité ce qui justifie l’octroi de ce droit de vote.

    Lors du débat sénatorial, la sénatrice communiste Eliane Assassi déclara « nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d'éligibilité des milliers de résidents étrangers qui participent (...) à la vie de la cité, à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative, etc. ». Il participe souvent d’ailleurs aux élections professionnelles, prud'homales ainsi qu’à des Conseils de quartiers, de parents d'élèves ou des Conseils de résidents étrangers.

    La seconde idée est que si la naturalisation est encouragée par la France (bien que dans la réalité celle-ci s’acquiert de plus en plus difficilement), la conservation de sa nationalité d’origine n’interdit pas, dans un monde globalisé, l’intégration à la vie locale de son pays de résidence.

    Cette mesure va dans le bon sens, elle permettra à l’ensemble des résidents en France de participer (s’ils le souhaitent) à l’échelle locale à la vie de la Cité. Cette mesure rendra aussi une certaine fierté aux descendants de ces étrangers qui ont tout abandonnés pour travailler à la construction de la France sans en avoir les remerciements attendus.

    Le fait qu’un français résidant à l’étranger ne dispose pas forcément de ce droit n’est pas une raison de ne pas accorder un tel droit ; en la matière, il n’existe aucune obligation de réciprocité. Au contraire, cette mesure devrait permettre à la France de négocier l’octroi de tels droits pour les Français de l’étranger avec les pays tiers.

    Surtout, cette mesure démontre que la gauche de gouvernement (souvent accusée de trahison) tient parole même si c’est avec retard et qu’elle refusera de se soumettre aux diktats de l’extrême droite (malgré son poids électoral et idéologique indéniable).

     

     

     

    L'adoption de cette mesure ne doit pas justifier l’absence de volontarisme à améliorer les conditions d’accueil des étrangers et surtout à investir dans le changement de nos quartiers ghettos.

    Le communautarisme n’est souvent que la marque de la faillite de notre modèle républicain

    Le Ministre de l’intérieur, Claude Guéant, a eu tort de tenter de justifier le rejet de cette proposition de Loi relative au droit de vote et à l'éligibilité des résidents étrangers non ressortissants de l'UE par le danger communautariste. Le communautarisme n’est souvent que la marque de la faillite de notre modèle républicain.

    Pour Pierre-André Taguieff, le communautarisme est un mode d'auto-organisation d'un groupe social, fondé sur une « parenté ethnique » plus ou moins fictive (mais objet de croyance), dans une perspective ethnocentrique plus ou moins idéologisée, sur le modèle « nous versus les autres » (« nous » : les meilleurs des humains, les plus humains d'entre les humains).

    Les forces communautaristes proposent une vision essentialiste des groupes humains, ce qui signifie que chacun est doté d'une identité essentielle dont on suppose qu'elle est partagée par tous ses membres ou représentants. Comme l’écrit Alain-Gérard Slama, « l'idéologie identitaire substitue la subjectivité à l'intelligence, le particulier à l'universel ; elle exclut, par définition, le débat démocratique entre des individus autonomes et responsables ».

    Depuis des années, je dénonce avec d’autres l’existence de tensions intercommunautaires sur le territoire français, d’achat de la paix sociale par certaines municipalités et le financement d’associations communautaristes. Les exemples de concessions sont connus et nombreux.

    La montée en puissance du communautarisme est si puissante que l’on a réussi à créer de véritables quartiers ethniques.

    Le danger n’est pas comme aux Etats Unis un danger électoral puisque la plupart des candidats issus de la diversité présentant des listes communautaires font des scores minables.

    Le piège communautariste est ailleurs.

    Les quartiers et campagnes de France sont depuis des années délaissés, ils manquent d’emplois, d’équipements mais surtout de présence humaine (éducateurs, enseignants compétents, services publics…). Le creuset républicain, l’Ecole publique, ce sanctuaire a été bradé au profit des logiques de ghettoïsation.

    A l’évidence, la ségrégation scolaire apparue cette dernière décennie est le trait le plus saillant de cette victoire du communautarisme.

    Après les bandes ethniques, après les clubs de foot monocolores, les classes « ethniques » ont proliféré.

    Après les ghettos pour pauvres, on a eu les ghettos pour riches ; après l’école publique pour tous on a eu la prolifération des écoles privées et la myriade de structures relais privées de soutiens scolaires.

    Face au métissage de la société, il bien existe une tentation du développement séparé qu’il faut affronter au lieu de l’éluder.

    Les victoires communautaristes ne sont pas du à l’éventuel poids électoral de telle ou telle partie de la population, mais au renoncement de nos élus à promouvoir un modèle républicain vidé de sa substance.

    En effet, si le communautarisme tend aujourd’hui à se développer, la raison majeure en est la crise de confiance dans les institutions républicaines et l’absence de perspectives communes permettant de penser qu’Ensemble notre avenir sera meilleur.

    Après le 21 avril 2002 et les émeutes urbaines de 2005 les gouvernements de la France avaient la possibilité de sortir par le haut de ces crises, ils ont préféré les atermoiements (absence de plans sérieux pour les quartiers, pour l’école, absence de lutte contre les discriminations…), la communication (création du Ministère de l’identité nationale) au détriment d ‘une politique active.

    Face aux logiques individualistes, à l’appât du gain rapide et à l’absence de moyens, de réponses préventives ou judiciaires pertinentes, le modèle méritocratique atteint trop souvent ses limites.

    Ainsi, il faut se féliciter de l’adoption d‘un texte hautement symbolique qui pour entrer en vigueur nécessitera le paraphe du Président actuel ou à venir. La gauche ne doit cependant pas en rester à cette mesure symbolique, elle doit proposer des chemins d’intégration.

    Il convient de sortir des caricatures, de cesser d’éluder les véritables défis de la nouvelle France, et proposer des mesures fortes pour redonner du sens au modèle français.

     

     

     

     

     

  • Maroc : entre despotisme et transition démocratique

    La dynamique des printemps arabes a atteint le Maroc, c’est le constat que la délégation de l’UEJF - organisation sioniste et pro-palestinienne - et de SOS Racisme a pu faire lors de son séjour à Marrakech, Rabat et Casablanca.

    Le Royaume du Maroc a pendant longtemps eu la réputation d’un régime stable avec pour seul foyer de tension le Sahara occidental. L’icône du Roi, comme Mohammed VI le réformateur, a fait de ce pays un temple du tourisme et de l’œcuménisme. La liberté religieuse y est une réalité ; le Royaume compte 25 000 chrétiens et deux diocèses à Rabat et Tanger.

    Plus de 3000 juifs vivent encore au Maroc, Casablanca dispose même d’un Musée du judaïsme. Dans le monde, le marocain André Azoulay est d’ailleurs le seul conseiller juif auprès d'un Souverain musulman. Aujourd’hui, la communauté juive marocaine est pour des raisons démographiques en voie d’extinction, mais cette histoire de coexistence pacifique a durablement marqué le Royaume.

    La décolonisation du Maroc s’est déroulée sans violence et le Roi Mohammed V a sauvé les Juifs du Maroc durant la seconde guerre mondiale en s’opposant aux mesures racistes du gouvernement de Vichy. Ces actes de bravoure marquent le patriotisme marocain.

    La question d’Israël, du sionisme, demeure malgré tout des sujets tabous et hautement sensibles.

    Le statut du « dimi » et celui de la femme marocaine, la reconnaissance de la langue Berbère, la condamnation de l’homosexualité et plus largement la question du respect des droits de l’homme demeure des sujets cruciaux pour la modernisation du régime.

    Le collectif du 20 février porte ces revendications de libertés individuelles, de justice sociale, de droit à un procès équitable, et de lutte contre la corruption. Pour la première fois, de grandes manifestations ont critiqué le pouvoir.

    Les attentats de Casablanca du 16 mai 2003 et de Marrakech du 28 avril 2011 marquent une césure. Le terrorisme meurtrier a brisé l’image idyllique du Maroc, mais la devise du Royaume demeure intacte : « Allah, Alwatan, Alamalek » (« Dieu, Patrie et Roi »).

     

     

    La campagne « Touche pas à mon pays » que l’on aperçoit sur les routes marocaines et dans les centres villes renforce le patriotisme marocain autour de l’idée d’unité nationale autour du Monarque.

    Paradoxalement, le terrorisme a renforcé les atteintes aux libertés individuelles (harcèlement policier des opposants, censure de la presse…) mais également la prise de conscience de tous les acteurs de l’urgence à mettre en œuvre le changement démocratique.

     

     

     

     Un régime policier

    L’encadrement policier de notre groupe par la police touristique et la sureté nationale pour « notre sécurité » a eu le mérite d’illustrer l’Etat policier que constitue encore le Maroc. Le régime ressemble sur ce point à la Tunisie d’avant Révolution. Contrôles poussés dés le passage à la douane : « vous êtes de quelles origines ? Française. Non, de quelles origines sont vos parents ? ». Les pressions pour éviter la rencontre de certains acteurs marocains fut forte et les sorties nocturnes furent également déconseillées.

    La presse demeure sous influence, Rachid Nini, directeur de publication du quotidien arabophone Al Massae est ainsi emprisonné depuis le 28 avril 2011. La censure d’Internet est aussi une réalité.

    Les partisans du changement sont victimes d'harcèlement policier, de stigmatisation, et de répression. De l’avis de plusieurs opposants, le siège administratif de la Direction générale de surveillance du territoire national (DGST) disposerait d’un centre de détention secret à Témara où la torture serait encore pratiquée.

    Cette absence d’Etat de droit et de libertés est de plus en plus contestée au Maroc, la contagion des printemps arabes est assurément à l’œuvre. Elle inspire réformateurs, islamistes, et révolutionnaires.

    Grâce à plusieurs stratagèmes, nous avons pu malgré la pressante présence policière en civil (digne d‘un mauvais James Bond : camouflage basique, espionnage vidéo…) rencontrer au Café maure de Rabat des responsables du « Collectif du 20 février ».

     

     

     

    L’énergie, la détermination et le courage de ses militantes et militants du changement est incroyable. Des milliers de jeunes manifestent pacifiquement le dimanche (et non le Vendredi comme dans les autres pays en révolte) dans les rues de plusieurs villes du Maroc pour le respect de leur dignité et un changement constitutionnel visant l’instauration d’un Etat de droit restreignant les pouvoirs entre les mains du roi Mohammed VI. A Casablanca, certains manifestants osent même crier « Dehors le Makhzen. Non au despotisme ».

    Les Marocains sont aujourd’hui divisés entre ceux qui croient en la volonté et la possibilité des réformes annoncées dans le discours à la nation du Roi Mohammed VI le 9 mars 2011 et ceux qui pensent que « le Maroc sans le Roi souverain ce n’est déjà plus le Maroc ».

    Une société en ébullition

    La société marocaine est diverse ; une jeunesse dorée profite d’une certaine liberté (haut niveau d’éducation, possibilité d’entreprendre, liberté sexuelle…) tandis que le désespoir et la misère se retrouve dans de nombreux quartiers (absence de scolarisation de certains enfants, football de rue comme « tue le temps » et rêve d’ascension sociale…).

     

    A l’évidence, une majeure partie des Marocains attend sans trop y croire la fin de la corruption et la libéralisation du régime.

    De Marrakech à Casablanca, on trouve assez facilement de l’alcool, et en Boîtes de nuit la libération des mœurs est bien réelle. Chicha, alcool, gogo-danseurs, homosexualité s’affichent dans des Boîtes dignes des meilleurs clubs parisiens. Musique orientale ou occidentale selon le type d’établissement : les jeunes hommes et femmes se lâchent sur la piste sous le regard vigilant de videurs imposants.

    Sur la corniche à Casablanca, nous avons pu entendre un tube du chanteur israélien Kobi Peretz preuve de l’ouverture de la société marocaine et d’une certaine schizophrénie. Au souk, les DVD du spectacle de Gad Elmaleh cartonnent, juif marocain, il est comme Djamel Debbouze un symbole national.

    La jeunesse dorée marocaine trouve dans ces lieux un espace de respiration et de liberté, mais aux alentours la mendicité est criante. L’analphabétisme est également important.

    La société duale est le trait saillant de cette société marocaine.


    Vers la fin de la sacralité du roi

    Le Roi Mohammed VI s’est engagé par son discours du 17 juin 2011 sur la voie du changement en proposant une réforme constitutionnelle. Le 1er juillet 2011, 98 % des électeurs Marocains ont adopté celle-ci avec un taux de participation exceptionnel de 72,65 %.

    Mohammed VI a renoncé à la notion de sacralité du Roi mais la nouvelle Constitution dispose que "l'intégrité de la personne du roi ne peut être violée". La réforme accorde également plus de pouvoirs au Premier Ministre et au Parlement (les domaines de compétences du Parlement passent de neuf à plus de trente). De manière symbolique, la langue amazighe (berbère) est désormais considérée, avec l'arabe, comme langue officielle du Royaume. La réforme prévoit surtout la création d'une Cour constitutionnelle qui pourra être saisie par les citoyens (exception d’inconstitutionnalité).

    Les avancées dans le texte de la Constitution sont réelles, mais la celle-ci conserve malgré tout d’importantes prérogatives politiques au Roi. Mohammed VI conserve le contrôle des décisions sensibles dans des secteurs de la défense, de la sécurité intérieure et des affaires étrangères.

    L'islam demeure religion d'État mais « la liberté de croyance est garantie dans le cadre de la loi et sans que cela porte atteinte à l'ordre public ». Mohammed VI demeure Commandeur des croyants et continue d’apparaître comme un élément de stabilité du Royaume.

    Bien que signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Maroc est loin des standards internationaux. L’État démocratique moderne marocain et la séparation des pouvoirs restent à construire.

    La menace islamiste

    Le processus de transition démocratique marocain mis en place et les élections législatives de ce mois de novembre 2011 ont permis au Parti de la justice et du développement (PJD) d’enregistrer une large victoire électorale.

    Selon les résultats officiels, le PJD a obtenu 107 des 395 sièges de la nouvelle Assemblée. Il n’est pas étonnant qu’après des années de répressions des mouvements démocratiques et laïcs, les mouvances islamistes succèdent dans le monde arabe aux potentats en place (Tunisie, Egypte…).

     

     

    Certes, les islamistes du Parti Justice et Développement (PJD) ressemblent plus à des islamistes modérés, comme ceux de l’AKP en Turquie, qu’à des fondamentalistes ; il convient également de noter qu’ils ont également conquis le pouvoir démocratiquement et sans violence.

    Malheureusement, ce mouvement n’est en rien facteur d’ouverture à la modernité.

    Lors d’un meeting de la jeunesse du Parti Justice et Développement (PJD) tenu le 10 juin à Témara (Maroc), Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, a déclaré que son parti n’hésiterait pas à mener campagne pour voter contre la nouvelle Constitution si celle-ci consacrait les Libertés Individuelles, notamment la liberté de croyance et la liberté sexuelle.

    « Les laïques veulent répandre le vice parmi ceux qui ont la foi, ils veulent que dorénavant, les citoyens puissent proclamer le pêché. Que ceux qui veulent manger pendant le ramadan le fassent chez eux ! Leur a-t-on jamais reproché pareille chose? Mais ces gens-là veulent faire des pique-niques pour manger pendant le ramadan, pourquoi ? Pour que vos enfants les voient et osent violer les interdits de Dieu. Et ils veulent, probablement, du moins d’après ce que nous avons entendu, proclamer la liberté sexuelle. Ils veulent que la déviation sexuelle (l’homosexualité), qui certes, a toujours existé, devienne répandue et qu’elle se proclame publiquement. Cela, le PJD le refuse. Que celui qui porte en lui de tels immondices se cache, car s’il nous montre sa face, nous lui appliquerons les châtiments de Dieu ».

    Pendant trop longtemps, l’occident a préféré le soutien à des régimes despotiques et fermé les yeux sur les violations des droits de l’homme pour endiguer le risque islamiste. Aujourd’hui, les mouvements d’oppositions démocratiques sont trop souvent divisés et laminés tandis que les mouvances islamistes bénéficient de tolérance étatique, de financements extérieurs, de légitimité sur le terrain (de par leur accompagnement social et absence d’expérience ministérielle) et de soutiens populaires indéniables.

    Il faut nouer à l'échelle européenne une politique de soutiens ans failles aux démocrates.

    Le Maroc partenaire de l’Union européenne

    Comme nous l’a confirmé la jeune et dynamique Députée Mbarka Bouaida, le vent de liberté qui souffle sur la région d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient a atteint le Maroc et inspire la volonté de réformes démocratiques.

     

     

    L’Union européenne et ses exigences démocratiques (abolition de la torture, liberté de la presse et d’association…) pour faire du Maroc un Etat associé incite le Royaume a changé avant que l’ensemble du système marocain ne soit remis en cause.

    Régionalisation, règlement de la question du Sahara occidental, renforcement du parlementarisme et lutte contre la corruption voici les priorités.

    L’Union européenne doit mettre en œuvre une nouvelle politique de voisinage pour inscrire dans la durée l’exigence d’Etat de droit au sein de ses Etats partenaires.

    Si les révolutions arabes sont porteuses d’espoir ; les succès électoraux des islamistes qui en découlent doivent appeler à un plus grand soutien des forces démocratiques et laïques en lutte contre les pouvoirs en place.

    L’Union européenne a cette responsabilité.