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mahor chiche - Page 5

  • Dans le 19e arrondissement de Paris, l'angoisse, malgré "l'esprit Charlie"

    Dans le quartier de la porte de la Villette, la bonne cohabitation de la communauté juive et musulmane n'est pas remise en cause par les attentats. Mais les incompréhensions existent. Et surtout, la peur du terrorisme a pris le dessus. 

    coexistence, communautés, égalité, fraternité, juif, musulman, chrétiens, islam radical


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  • L'avenir de la démocratie : le référendum rationalisé

     

     

    Le candidat Nicolas Sarkozy a proposé d'avoir recours, lors de son éventuel prochain quinquennat, au référendum national sur "les grands arbitrages (…) chaque fois qu'il y aura un blocage".

    Cette idée de redonner la parole au peuple français par le référendum avait également été mise en avant en 2007 par la candidate socialiste Ségolène Royal marquant ainsi une rupture avec la méfiance de la gauche à l'égard de l'instrument référendaire. François Bayrou, candidat du Modem, avait quant à lui exigé l'organisation d'un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne.

    Accusé de dérives plébiscitaires, depuis les périodes napoléoniennes, le référendum national a eu du mal à acquérir en France sa légitimité dans le logiciel de la gauche ; tandis qu'à droite l'expérience gaullienne de 1969 et son échec à recueillir l'approbation populaire de la réforme du Sénat et la régionalisation a décrédibilisé cet instrument juridique de ratification.

    En 1995, le président Jacques Chirac promis d'élargir les possibilités d'un tel recours ; après son élection, la Constitution fut modifiée afin de permettre le recours au référendum sur des "orientations générales de la politique économique et sociale de la nation" et sur les "règles fondamentales de l'organisation et du fonctionnement des services publics". Le 24 septembre 2003, il fit adopter par ce biais la réforme du quinquennat. L'abstention atteint un seuil record de 70 % et le référendum retomba dans la désuétude. Ni la réforme scolaire, ni celle des retraites, ne furent mis à l'ordre du jour référendaire.

    L'aspiration citoyenne à une plus grande implication dans les processus décisionnels a redonné vie aux théoriciens de la démocratie participative. A l'échelle locale, de nombreux élus font d'ores et déjà appel aux votations citoyennes y compris dans le choix de projets de rénovations urbaines, de tracés d'avenues, ou encore sur le droit de vote des résidents extracommunautaires. Les succès des conseils de quartiers, conseils de la jeunesse, conseil des anciens, témoignent également de cette dynamique participative.

    Si, en France, le recours au référendum demeure exceptionnel, c'est avec le processus de construction européenne, que les Français ont renoué avec le référendum en 1972, 1992 et 2005. Hormis en 1972, la participation électorale fut excellente en avoisinant les 70 %.

    De contesté, le référendum national a retrouvé par son utilisation croissante sur les traités européens une large place dans les systèmes constitutionnels européens. Ainsi, en mai 2005, le président Jacques Chirac n'avait pas hésité à faire trancher le peuple français sur le projet de traité constitutionnel européen et faire inscrire le recours obligatoire au référendum pour tout nouvel élargissement de l'Union européenne. Cette disposition a depuis été supprimée.

    Le référendum s'est rationalisé. Comme l'ont démontré les consultations de 1993 et de 2005, malgré les tentatives d'amalgames, les Français ont répondu aux questions posées et non plus uniquement en fonction de l'auteur de la question. La multiplication des contrôles constitutionnels du champ du référendum ont également permis d'éviter le contournement des règles de l'Etat de droit et d'assurer la régularité des consultations et la protection des droits fondamentaux.

    Les délégations de souveraineté imposées par l'intégration européenne justifient le recours croissant à la légitimation populaire. En principe, seul le peuple souverain peut autoriser de tels transferts et revenir sur un premier refus. Après leurs "non" au traité de Maastricht par référendum, les Danois avaient été appelés à revoter. Or, en violation de la règle juridique du parallélisme des formes, le rejet du traité par 54,67 % des français n'a pas donné lieu à une nouvelle ratification référendaire mais à un Congrès ratifiant par voie parlementaire le traité de Lisbonne. La crainte d'un nouveau rejet populaire l'a ainsi emporté sur le principe de légitimation populaire du processus européen !

    Dans cette phase de la mondialisation, où les peuples ont l'impression que les responsables politiques n'ont plus de prise sur leurs destins et que l'idée même de démocratie est en danger par sa captation par "la finance" et des organisations internationales, faire du peuple l'arbitre ultime c'est redonner de la souveraineté aux Français.

    Comme il l'a fait en proposant l'introduction des jurés populaires dans les tribunaux, Nicolas Sarkozy renoue avec cette proposition de référendums avec une volonté farouche de contourner les corps intermédiaires. L'objectif affiché est d'intégrer les citoyens aux processus décisionnels, de faire œuvre de pédagogie, mais également de sortir du tout technocratique.

    La question de l'emploi, de l'éducation, du système de santé peuvent justifier des référendums, mais le premier référendum à organiser par le prochain président de la République devra être sur l'avenir de la construction européenne et sur une rénovation de nos institutions.

     

    Mahor Chiche est aussi l'auteur d'une thèse de droit sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne".

     

    Article paru dans Le Monde en ligne le 1er mars 2012

     

     

  • Le jour où Facebook m'a banni

    Débat › Le monde contemporain


    Facebook a atteint, le 21juillet, les 500 millions d'utilisateurs, record battu faisant de ce réseau social un fait historique dans l'ère numérique. Un demi-milliard de citoyens, près de 8 % de la population mondiale, bénéficie du progrès informatique pour échanger. La mondialisation montre en l'espèce ses aspects positifs.


    Ce succès planétaire ne doit pas faire oublier les dangers de ce type de plates-formes communautaires et l'absence de droits pour les utilisateurs. Le président américain, Barack Obama, a mis en garde l'opinion américaine sur ces dangers : "En premier lieu, je veux vous dire qu'il faut être très prudent sur ce que vous publiez sur Facebook, car en cette période de YouTube et autres sites communautaires, tout ce que vous y mettrez pourra être présenté contre vous tout au long de votre vie. Quand on est jeune, on a tendance à faire des choses stupides. J'ai entendu de nombreuses histoires de jeunes personnes qui ont publié des choses sur Facebook qui leur ont porté préjudice notamment pour leur recherche d'emploi".


    Aujourd'hui, près de la moitié des patrons effectuent des recherches sur leurs candidats, ils les "googlisent", avant de les embaucher. Bien entendu la vie sans Facebook est possible, mais il faut reconnaître que cette plate-forme facilite la communication avec ses amis, ses communautés et élargit les horizons de rencontres. Le Net qui déshumanisait il y a peu et rendait antisocial "les addicts" permet, grâce à Facebook, l'éclosion de nouvelles relations sociales. Superficielles ou sincères, celles-ci ne sont finalement pas si différentes de celles de la vraie vie.


    Facebook est au coeur de la vie du Net, une sorte de "second life" qui a touché les coeurs par sa facilité d'utilisation et ses "flux d'actualité" permettant une vraie interactivité. Facebook est un réseau qui vous relie à ceux qui comptent pour vous.
    Pourtant, Facebook reste une zone de non-droit en particulier pour ses utilisateurs. J'ai pu constater à quel point il méprise les principes juridiques fondamentaux tels que la notion d'abus de droit. Le 22 juillet, j'ai essayé de me connecter sur mon profil comme chaque matin ; catastrophe : mon compte a été brutalement désactivé.


    Plus moyen d'accéder à ma liste d'amis, mes albums photos, mes publications, ou encore le "chat on line", je me suis retrouvé par la décision d'un administrateur coupé de ma communauté et privé de mon moyen de communication privilégié. Sans aucune mise en demeure préalable, sans aucun avertissement, et surtout sans aucun motif réel et sérieux, mon compte Facebook que j'ai alimenté depuis des années et qui comptait mes 887 amis a été désactivé.

    Trop de pokes (taquineries) et de demandes d'amis, trop d'articles mis en ligne, peut-être. Facebook n'aime pas les activistes. Facebook préfère prévenir toute violation des droits d'auteurs en désactivant des comptes de manière préventive sans prendre le soin de vérifier et de contrôler la réalité des éventuelles violations commises. D'autant, qu'a contrario, Facebook reste timoré vis-à-vis de la protection de la vie privée.


    La désactivation d'un compte Facebook équivaut au bannissement ; en théorie le compte n'est pas supprimé et peut être réactivé, mais aucun bouton ne le permet automatiquement. Les administrateurs Facebook envoient quant à eux des messages types affirmant sans preuve que la Déclaration des droits a été violée et que leur décision de désactivation est irrévocable. Périple qui arrive à trop de citoyens "facebookiens" démunis face à ce fameux message "votre compte a été désactivé. Si vous avez des questions ou des interrogations, vous pouvez visiter notre page des questions/réponses".


    La relation entre le citoyen "facebookien" et la société Facebook se limite à accepter ou non leur politique, leur Déclaration des droits et responsabilités révisée le 22 avril après une levée de boucliers contre la politique de licence universelle que Facebook voulait imposer. Cette licence rendait Facebook propriétaire des images et des contenus de ses utilisateurs.
    Le réseau Facebook est encore en construction, il doit s'améliorer dans la protection de la vie privée, la lutte contre la pédophilie, ou encore les groupes racistes ; une prise en compte de ces impératifs moraux est essentielle. En Angleterre, les jeunes de 13 à 18 ans auront la possibilité d'installer sur leur profil un bouton "clic CEOP" dispositif permettant de signaler tout adulte qui serait soupçonné de vouloir entrer en contact avec des mineurs.


    Facebook a renforcé sa politique en permettant à ses utilisateurs de limiter la consultation de ses données en se rendant dans "paramètres puis confidentialité". Facebook doit permettre la réactivation des comptes désactivés à tort sans que le "facebookien" doive passer par le tribunal de Santa Clara (Californie).


    En effet, l'article 16 de ces conditions générales indique : "Vous porterez toute plainte afférente à cette Déclaration ou à Facebook exclusivement devant les tribunaux d'Etat et fédéraux sis dans le comté de Santa Clara, en Californie. Le droit de l'Etat de Californie est le droit appliqué à cette Déclaration, de même que toute action entre vous et nous, sans égard aux principes de conflit de lois. Vous acceptez de respecter la juridiction des tribunaux du comté de Santa Clara, en Californie, dans le cadre de telles actions."


    Les utilisateurs de Facebook disposent d'un seul recours juridique ouvert, mais celui-ci est si compliqué et onéreux que beaucoup y renoncent. Nous sommes tous citoyens du monde Facebook jusqu'à ce qu'un robot ou un administrateur "facebookien" décide d'en disposer autrement. Facebook fait régner ses conditions sans armée juste par son monopole.


    Bien entendu, il est toujours possible de recréer un compte, mais cette procédure est fastidieuse et ne prémunit pas d'une nouvelle désactivation. En l'état actuel, il semble que cette procédure est la plus rapide et efficace.


    Mark Zuckerberg, gouverneur suprême du réseau social, doit prendre en compte cet abus de droit qu'exercent les administrateurs de Facebook et tout faire pour réactiver les comptes des "facebookiens" désactivés et bannis par erreur.

    Il est temps que Mark Zuckerberg respecte les utilisateurs de son invention, et il y a urgence.


    Mahor Chiche

    Avocat au barreau de Paris

    Article paru dans l'édition Le Monde du 15.08.10

  • Darfour - Quand la Cour pénale internationale défie la communauté internationale

    Mahor Chiche, Président de l'association Sauver le Darfour (www.sauverledardour.eu) et avocat au Barreau de Paris 29 juillet 2010 Afrique
    Dans son mandat d’arrêt en date du 4 mars 2009, la CPI a estimé qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner le président El-Béchir d’être pénalement responsable, en tant qu’auteur ou coauteur indirect, pour cinq chefs de crimes contre l’humanité et deux chefs de crimes de guerre.<br />
    Photo : Agence France-Presse Khaled Desouki
    Dans son mandat d’arrêt en date du 4 mars 2009, la CPI a estimé qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner le président El-Béchir d’être pénalement responsable, en tant qu’auteur ou coauteur indirect, pour cinq chefs de crimes contre l’humanité et deux chefs de crimes de guerre.
    Depuis le procès de Nuremberg, la justice internationale moderne se construit à petits pas, accordant une place prépondérante à la notion de droits de la personne et de droit d'ingérence. Cambodge, Sierra Léone, Bosnie, Rwanda, autant de lieux de conflits modernes qui ont encouragé l'émergence d'une justice internationale indépendante des États-nations.

    La création de la Cour pénale internationale (CPI), première juridiction pénale internationale permanente, est venue parachever cette construction du droit pénal international; la Cour a pour fondement juridique le statut de Rome, signé le 17 juillet 1998 par 120 États, et entré en vigueur le 1er juillet 2002, après sa ratification par 60 États. La CPI «peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale».

    Le président américain Barack Obama, qui s'était engagé pour le Darfour durant sa campagne présidentielle et dont l'administration étudie une possible adhésion des États-Unis à la CPI, a déclaré le 11 juillet 2009: «Quand on a un génocide en cours au Darfour ou des terroristes en Somalie, il ne s'agit pas seulement de problèmes africains, ce sont des défis lancés à la sécurité internationale et ils réclament une réponse internationale. Et c'est pourquoi nous nous tenons prêts à être des partenaires, à travers l'action diplomatique, l'assistance technique et le soutien logistique et nous soutiendrons les efforts visant à faire juger les criminels de guerre.»

    La CPI a décidé de montrer la voie du sursaut à la communauté internationale en incriminant le 12 juillet 2010 le président Omar el-Béchir de génocide.


    Recherches laborieuses

    La situation au Darfour a été déférée à la CPI par la résolution 1593 du Conseil de sécurité des Nations unies, le 31 mars 2005. Dans son mandat d'arrêt en date du 4 mars 2009, la Cour a estimé qu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner le président El-Béchir d'être pénalement responsable, en tant qu'auteur ou coauteur indirect, pour cinq chefs de crimes contre l'humanité (meurtre, extermination, transfert forcé de population, torture et viol) et deux chefs de crimes de guerre (attaques intentionnelles contre des civils et pillage).

    Concernant la qualification de génocide, la difficulté juridique résidait jusqu'à présent dans la démonstration de l'existence de l'élément intentionnel, ce qui expliquait le rejet de la requête du procureur de la CPI en ce qui concerne la charge de génocide.

    Le procureur Luis Moreno-Ocampo a alors persisté dans son travail laborieux de récolte de témoignages de victimes et de preuves afin d'inculper le président soudanais Omar el-Béchir de génocide. Le 12 juillet 2010, les magistrats de la chambre préliminaire 1 de la CPI ont délivré un nouveau mandat d'arrêt intégrant l'accusation de génocide prévue à l'article 6 du statut de Rome; le président soudanais serait responsable entre 2003 et 2005 du meurtre d'au moins 35 000 civils des trois ethnies Four, Masalit et Zaghawa, et de l'expulsion et du viol de centaines de milliers d'entre eux. Le conflit du Darfour a déjà fait depuis 2003 plus de 400 000 morts et 2,7 millions de déplacés.

    Obstacles

    Omar el-Béchir est le quatrième chef d'État en exercice à être poursuivi par la justice internationale. Lors du scrutin contesté d'avril 2010, Omar el-Béchir a été, en l'absence de la participation des partis d'opposition, réélu; la CPI engage ainsi sa crédibilité en incriminant le potentat soudanais et en réclamant de fait à tous les États parties au statut de Rome son interpellation.

    La décision du 12 juillet dernier de la CPI défie la communauté internationale et sa réalpolitik; ce nouveau mandat accentue la pression pour l'arrestation du potentat el-Béchir et complique singulièrement le statu quo mal assumé dans lequel les chancelleries s'étaient installées.

    Le concept de responsabilité de protéger implique qu'à la suite de la qualification de génocide, les États membres de l'ONU ont désormais l'obligation d'agir avec détermination pour protéger les populations civiles soudanaises. Le Soudan n'est pas partie à la Convention sur le génocide et risque d'entraver encore plus l'aide internationale (en 2009, 13 ONG internationales actives au Darfour avaient été expulsées en réponse au mandat d'arrêt de la CPI), mais les principes reconnus par les nations civilisées, jus cogens, s'imposent à tous les États.

    La Ligue arabe, l'Organisation de la conférence islamique, l'Union africaine et la Chine continuent de soutenir Omar el-Béchir dans son bras de fer contre la CPI. L'administration du président Obama ménage quant à elle ostensiblement le régime de Khartoum. Malgré les exactions qui continuent (plus de 200 morts selon la MINUAD au mois de juin dernier), les États-Unis souhaitent préserver le maintien de l'accord de paix Nord-Sud et continuer à bénéficier de la coopération du Soudan dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. Réalpolitik contre justice universelle.

    Le temps de l'action

    Il est temps que les résolutions de l'ONU déjà votées soient appliquées, la qualification de génocide des crimes commis l'autorise et le commande. Le temps de la diplomatie de velours est révolu: six ans après le début des massacres, la responsabilité du président soudanais, de son armée et de ses milices Janjawids est enfin recherchée par la justice internationale.

    Cette décision de la Cour pénale est courageuse, elle détonne avec la réalpolitik des gouvernements, elle rappelle qu'au Darfour, il y a bien des bourreaux et des victimes. Le chercheur Marc Lavergne a depuis longtemps qualifié de «Munich tropical» cette obsession des Occidentaux à chercher un compromis entre le gouvernement soudanais et les groupes rebelles.

    Il convient désormais de faire de la responsabilité de protéger une réalité. La CPI a donné les fondements juridiques à une telle démarche. La communauté internationale, à commencer par les États connus pour leur attachement au respect des droits de la personne, doit désormais se mobiliser pour améliorer la situation humanitaire et sécuritaire de la région et pour faire enfin cesser les massacres au Darfour et l'impunité de leurs auteurs.

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    Mahor Chiche, Président de l'association Sauver le Darfour (www.sauverledardour.eu) et avocat au Barreau de Paris