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PROFESSION AVOCAT - Page 4

  • Les droits des pères sont-ils bafoués par la justice française ?

    Geste d’amour, de désespoir et de colère ? Depuis vendredi 15 février 2013, un père que la justice a "privé" de ses enfants proteste en haut d’une grue du port de Nantes. Cette histoire révèle le malaise que peuvent ressentir de nombreux pères face aux décisions de justice leur accordant qu’avec parcimonie des droits de visites et d’hébergement.

    Dans de nombreux pays, la résidence alternée connait un certain succès, comme aux Etats-Unis, au Canada, en Suède ou au Danemark.

    En France, l’égalité de principe entre parents est garantie dans les textes et renforcée depuis la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. En pratique, les pères restent souvent discriminés. Les statistiques de l’INSEE de  2005 éclairent : après un divorce, 18% des enfants ne voient plus jamais leur père et seulement 42% des enfants le voient au moins une fois par mois.

    Cette absence du père conduit à un manque de repères paternels, source de difficultés pour le développement de l’enfant. Selon l’INED, seules 15% de familles monoparentales sont constituées par le père. Au total, 1,3 million de pères seraient privés de leur enfant.

    A l’évidence le droit positif n’a pas su s’adapter à l’évolution des cellules familiales. Si en théorie les deux parents sont égaux (l’article 371-4 du Code Civil dispose que : « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants »), trop souvent le père n’obtient pas la résidence alternée de son enfant et voit se déliter avec le temps son lien parental. Trois éléments expliquent les défaites des pères face aux juges aux affaires familiales.

    En premier lieu, trop peu de pères osent demander la résidence alternée, car leurs avocats les dissuadent d’entrer dans une longue bataille judiciaire et les informent de leurs faibles chances de succès.

    En second lieu, de nombreux divorces interviennent à un moment où l’enfant est en très bas âge. A moins de trois ans, la possibilité concrète d’une résidence alternée apparaît matériellement irréalisable. Le parent titulaire de la résidence se permet parfois d’exercer une certaine aliénation parentale sur l’enfant qui détruit l’image de l’autre parent, au risque d’un désordre psychologique profond chez l'enfant.

    Une fois que l’enfant aura grandi, le père aura du mal à justifier sa demande de résidence alternée auprès des juges. Ces derniers se basent souvent sur la situation antérieure et le temps passé par chacun des parents auprès de l’enfant. Ainsi, la situation préexistante aura tendance à se perpétuer au détriment de la possible organisation d’un nouveau de mode de résidence.

    En troisième lieu, pour nombre de juges, le poids des préjugés et de la coutume est encore prégnant sur le rôle de chaque genre dans l’éducation : au père l’entretien financier, à la mère l’éducation au quotidien. 

    A ces éléments objectifs s’ajoute le développement de stratégies de contournement par le parent titulaire, rendant impossible le prononcé de la résidence alternée ou réduisant à néant le jugement qui l’accorderait : le déménagement ou les accusations diffamatoires de violence.

    De nombreux textes internationaux protègent le droit de l’enfant au maintien de son lien filial avec ses deux parents. L’article 18-1 la Convention internationale des droits de l’enfant (assemblée générale des nations unies – résolution 44/25 du 20/11/1989) dispose : « Les États parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. (…) »

    Les séparations actuelles de quinze jours (« un weekend sur deux ») qui sont la norme en matière de droit de visite et l’hébergement, sont de nature à provoquer des traumatismes répétés à l’enfant et ne garantissent pas suffisamment le maintien du lien affectif avec les deux parents.

    Ainsi, la réalité judiciaire s’est largement écartée de l’esprit de la loi établissant le principe de la résidence alternée. Il est temps d’accorder aux pères et aux mères des droits équilibrés dans l’intérêt supérieur de l’enfant.


    Publié sur Liberation.fr le 18 février 2013

  • Quel avenir pour la liberté conditionnelle face au désir d’allongement de la période de sureté ?

    Actuellement, une importante polémique a lieu en Belgique avec la libération conditionnelle de Michelle Martin la complice et ex-épouse de l’assassin-pédophile Marc Dutroux. Elle n’est en réalité que l’illustration des nouveaux débats posés depuis l’abolition de la peine de mort sur l’emprisonnement à perpétuité. En effet, la dignité humaine du détenu, sa possible réinsertion, et la surpopulation carcérale renouvèlent les débats. Quelle fin de vie en prison ? Quels aménagements de peine possibles conciliant sécurité de l’ordre public et réinsertion ?

    Noyades, harcèlements, rackets, sévices, rapts, prostitution, viols ou encore assassinats d’enfants, chaque drame concernant la sécurité d’un enfant fait angoisser des milliers de parents et de citoyens.

    En France, de plus en plus souvent, grâce à, l’Alerte enlèvement (inspirée de l’alerte Amber née aux Etats Unis et mise en oeuvre par la Secrétaire d’Etat Nicole Guedj) permet d’éviter le pire. Ce système qui mobile les Médias et les Citoyens est à l’évidence utile ; A ce jour, elle a toujours était couronnée de succès.

    Actuellement, une importante polémique a lieu en Belgique avec la libération conditionnelle de Michelle Martin la complice et ex-épouse de l’assassin-pédophile Marc Dutroux. Elle n’est en réalité que l’illustration des nouveaux débats posés depuis l’abolition de la peine de mort sur l’emprisonnement à perpétuité. En effet, la dignité humaine du détenu, sa possible réinsertion, et la surpopulation carcérale renouvèlent les débats.

    . Quelle fin de vie en prison ?

    . Quels aménagements de peine possibles conciliant sécurité de l’ordre public et réinsertion ?

    . Quel contenu à la notion de peine de sureté ?

    . Quelles conditions pour la libération conditionnelle ?

    La libération conditionnelle nécessite la manifestation d’efforts sérieux de réadaptation sociale de la part du condamné ; elle correspond à la mise en liberté d’un condamné avant la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, sous condition de respect, pendant un délai d’épreuve, d’un certain nombre d’obligations.

    Michele Martin.jpg
    - Une libération conditionnelle qui dérange

    La libération conditionnelle anticipée de l’ex-femme de Marc Dutroux Michelle Martin interpelle. Marc Dutroux a été reconnu coupable de viols et d’assassinats de six jeunes filles ; deux d’entre elles sont mortes de faim après avoir été emmurées dans la cave de la maison du couple. En Belgique, cet aménagement de la peine est né en 1888 avec la Loi Le Jeune.

    Michelle Martin, institutrice, n’a rien fait pour les aider ; elle a été condamnée à trente ans de prison, notamment pour complicité dans l’assassinat de Melissa Russo et Julie Lejeune.

    Réinsertion, rédemption, « pardon » sont-ils possibles alors que la condamnée a réellement effectuée seulement 16 ans sur sa peine ?

    Le 31 juillet 2012, le Tribunal d’application des peines de Mons a accordé cette libération et le projet d’accueil et de réinsertion auprès des Soeurs Clarisses du Couvent de Malonne, près de Namur. « Le projet est très encadré :

    - Michelle Martin, qui n’intègre pas la communauté, y résidera et doit le justifier ;

    - elle doit participer aux tâches communes comme l’entretien du potager ou la cuisine ;

    - elle peut sortir du couvent, mais elle a interdiction de se rendre dans les deux régions où elle a vécu avec son ex-mari ;

    - elle doit répondre à toute convocation de la justice ;

    - elle doit poursuivre la thérapie entamée en prison ;

    - elle ne peut établir de contacts avec les médias ;

    - elle est obligée d’indemniser ses victimes.

    Tout manquement est susceptible de conduire à la réincarcération ».

    A l’évidence cette libération a perturbé l’ordre public belge et divisée la société, aussi une trentaine de policiers assureront la protection du Couvent le temps nécessaire au retour à l’ordre. Selon Vincent Gilles, président du syndicat policier SLFP, ce dispositif coûtera 120.000 euros par mois.


    - Une hospitalité chrétienne qui choque

    soeurs.JPGConformément à la règle de Saint Benoît, l’hôte doit être reçu comme s’il était le Christ, surtout s’il s’agit d’un exclu de la société civile. Soeur Christine, l’abbesse du couvent a expliqué : « Madame Martin est un être humain capable, comme pour nous tous, du pire et du meilleur. Nous croyons donc que tabler sur le meilleur d’elle-même n’est pas de l’inconscience de notre part ».

    La hiérarchie catholique, par la voix de l’Evêque de Liège, Monseigneur Aloys Jousten, a soutenu cette démarche : « Un être humain reste un être humain », et il a salué « le témoignage de miséricorde » transmis par les Soeurs.

    Aujourd’hui, cette décision de « l’Eglise » choque l’opinion publique pour quatre raisons : d’une part les crimes commis sont d’une horreur rare, cette protection assurée dans le secret n’est plus possible à l’ère de l’hyper-transparence, l’Eglise protège encore de trop nombreux ecclésiastes coupables de pédophilie, enfin de nombreux Belges restent persuadés que Marc Dutroux faisait partie d’un réseau et disposait de protections politico-judiciaires.

    L’Église a aidé de nombreux dignitaires nazis ou collaborateurs à fuir en Argentine. Ainsi, de nombreux couvents et monastères ont abrité l’ancien milicien lyonnais Paul Touvier (condamné à mort par contumace en 1946) dans sa cavale. En mai 1989, c’est au prieuré Saint-Joseph, à Nice (Alpes-Maritimes), qu’il a été arrêté.

    Entre 1945 et 1953, plusieurs institutions catholiques ont abrité deux enfants juifs, Gérard et Robert Finaly, que leur tutrice refusait de rendre à leur famille juive française.

    En avril 2008, aux Etats-Unis, le Pape Benoît XVI a demandé pardon pour les victimes de prêtres pédophiles (entre 4 000 et 5 000 prêtres seraient concernés pour 14 000 enfants victimes) ! La Sainte Eglise a toutefois décidé de ne pas délier ses serviteurs du secret.

    Cette institution, malgré la multiplication des révélations sur la frustration des prêtres et la multiplication des actes pédophiles est une des rares à résister à l’hyper-transparence et à conserver ses archives secrètes.


    - Vers une réforme de la conditionnelle en Europe :

    La Cour de Cassation belge ayant rejeté les recours déposés par les parties civiles et le parquet contre cette libération Jean-Denis Lejeune (le père de Julie Lejeune l’une des victimes), a demandé une réforme de la justice visant à durcir les périodes de sûreté pour les condamnations des crimes les plus graves, notamment contre des enfants. Le 19 août 2012, 5000 personnes ont manifesté à Bruxelles en ce sens.

    L’opinion belge redoute de voir Marc Dutroux, condamné à la perpétuité, ressortir un jour en conditionnel de prison ; aussi, le Premier ministre Elio Di Rupo a annoncé vouloir renforcer les conditions de libération conditionnelle notamment en obligeant les récidivistes à purger au moins les trois quarts d’une peine de trente ans avant de pouvoir espérer une libération conditionnelle. "Notre objectif doit être : non à l’impunité. Nous devons poursuivre toute une série de réformes entamées dans le domaine de la justice et les engagements dans le domaine de la police".

    Pour de nombreux juristes et la plupart des victimes, il n’est pas normal qu’une personne condamnée à une peine n’exécute que partiellement cette dernière.

    Dans de nombreux Etats européens, la période de sûreté - ce temps défini par la juridiction de jugement qui a prononcé la peine privative de liberté pendant lequel aucun aménagement de peine ne peut intervenir - risque de s’allonger.

    En France, l’Article 132-23 du Code pénal dispose que : « En cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle. La durée de la période de sûreté est de la moitié de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, de dix-huit ans. La cour d’assises ou le tribunal peut toutefois, par décision spéciale, soit porter ces durées jusqu’aux deux tiers de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu’à vingt-deux ans, soit décider de réduire ces durées.

     

    Dans les autres cas, lorsqu’elle prononce une peine privative de liberté d’une durée supérieure à cinq ans, non assortie du sursis, la juridiction peut fixer une période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucune des modalités d’exécution de la peine mentionnée au premier alinéa. La durée de cette période de sûreté ne peut excéder les deux tiers de la peine prononcée ou vingt-deux ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité ».

    D’ores et déjà en Norvège, la libération conditionnelle d’Anders Behring Breivik ou sa remise en liberté après l’accomplissement de sa condamnation pose avec acuité la question de la révision de la période de sureté.

    En Espagne et en France, le motif médical devient un moyen efficace de bénéficier d’une liberté conditionnelle.

    En France, depuis la Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, les condamnés peuvent être libérés s’ils souffrent d’une maladie incurable ou si leur incarcération met en danger leur santé. Maurice Papon et les condamnées d’Action Directe Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron ont bénéficié de libérations conditionnelles pour des motifs médicaux.

    Ayant un projet professionnel sérieux, Jean-Marc Rouillan qui avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, notamment pour les assassinats de l’ingénieur général de l’armement René Audran et du PDG de Renault, Georges Besse a également bénéficié d’une libération conditionnelle.

    En Espagne, le prisonnier basque Iosu Uribetxeberria (qui souffre d’un cancer en phase terminale) a récemment obtenu sa libération par le juge principal de l’application des peines auprès de l’Audience nationale (le Parquet peut encore faire appel).

    La réflexion sur la réalité du temps de peine effectué, sur la période de sureté et les moyens de favoriser des libertés conditionnelles pour les condamnés en réinsertion est sans doute un des plus grands défis de cette époque où l’horreur des crimes commis rend tout débat et proposition de réforme soit suspecte d’atteintes aux droits et libertés soit sujette à l’idée de laxisme.

    La recherche d’un équilibre entre réinsertion des criminels et respect des victimes doit guider l’action publique.

  • De nouvelles armes pour combattre le harcèlement sexuel et moral

    Harcèlements moral ou sexuel la législation se modifie sous l'influence de l'Union européenne et des lobbys ; après la censure du Conseil Constitutionnel le Législateur a du revoir la législation en vigueur pour respecter le principe de légalité des peines et améliorer les droits des victimes.

    Harcèlements moral ou sexuel, les victimes sont toujours confrontées aux doutes de l’entourage sur la véracité des faits, aux pressions des auteurs, au courage nécessaire pour oser en parler et déposer plainte, et bien sur confronter à la difficulté de rapporter la preuve d’un fait qui est le plus souvent commis en tête à tête.

    Certaines victimes ne voient d’ailleurs d’échappatoire que dans le suicide.

    Malgré la meilleure prise en compte de ces infractions sur le lieu de travail et par notre société, le refus d’admettre la différence entre l’exercice d’un pouvoir de direction légitime et le harcèlement moral ou entre « la drague virile » et le harcèlement sexuel reste des batailles quotidiennes.
     
    Être une victime n’est pas simple dans une société du culte du modèle du « winner » (gagnant). Surtout lorsque le Conseil Constitutionnel remet lui-même en cause les textes censés les protéger.


    - La suppression du délit d’harcèlement sexuel par le Conseil Constitutionnel

    Le délit de harcèlement sexuel avait été introduit dans le Code pénal en 1992, puis précisé par les lois du 17 juillet 1998 et du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; mais cette dernière loi avait modifié la définition du délit « pour élargir le champ de l'incrimination en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement peut être constitué ainsi qu'à la circonstance relative à l'abus d'autorité ».

    Saisi le 29 février 2012, d'une question prioritaire de constitutionnalité sur l’article 222-33 qui définit le délit de harcèlement sexuel, le Conseil Constitutionnel, a crée l’émoi des victimes, associations, et parlementaires en décidant d’abroger le 4 mai cet article (avec prise d’effet de l’inconstitutionnalité au 5 mai 2012 contrairement par exemple à sa décision sur la garde à vue qui avait laissé prés d’un an au Législateur pour s’adapter), le jugeant contraire à la Constitution.

    En effet, au nom du principe de légalité des délits et des peines, le Conseil Constitutionnel remettait en cause le texte permettant de lutter contre l’impunité ; de surcroît avec effet immédiat. Cette abrogation du délit avait entraîné une lourde conséquence l’extinction immédiate des procédures judiciaires en cours.

    La composition « quasi-masculine » du Conseil (deux femmes sur douze) avait alors fait douter de sa compréhension des enjeux de la société d’aujourd’hui.

    Ce principe de légalité des délits et des peines, qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, implique que le législateur définisse les crimes et délits en termes suffisamment « clairs et précis ». En l'espèce, l'article 222-33 du Code pénal permettait selon le Conseil que « le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ».

     - La nouvelle définition du harcèlement sexuel :

    A peine nommé le Premier ministre Ayrault chargeait les ministres de la Justice, Christiane Taubira, et des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem d’élaborer prioritairement un nouveau texte.

    « S'inspirant largement des directives européennes, et notamment de la directive du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, le nouveau dispositif pénal fixe un régime de peines gradué avec des incriminations et des sanctions aggravées. Le projet de loi ouvre également, dans le Code pénal comme dans le Code du travail, la possibilité de sanctionner les discriminations qui peuvent résulter de ces faits de harcèlement, tant à l'encontre des victimes directes des faits que des témoins de ceux-ci ».

    Ce 31 juillet 2012, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité les conclusions de la Commission mixte paritaire Sénat-Assemblée sur le harcèlement sexuel.

    Une double définition est désormais proposée : "le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante".

    Par ailleurs, "est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers".

    La nouvelle loi sanctionne le harcèlement sexuel de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amendes. Ces peines seront portées à trois ans et 45.000 euros en cas de circonstances aggravantes (actes commis par une personne abusant de son autorité, sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable ou par plusieurs personnes).

    Ce nouveau texte plus clair et plus précis permettra finalement une avancée des droits des victimes face à leurs harceleurs.

    - Le prochain chantier : l’alourdissement des peines en matière d'harcèlement moral

    Les victimes de harcèlement moral craignaient jusqu’ici que la remise en cause par le Conseil Constitutionnel de l'article 222-33 du Code pénal sur le harcèlement sexuel conduise par effet de mimétisme à la remise en cause de l’infraction d‘harcèlement moral.

    En effet, les deux notions juridiques voisines étaient définies par des textes aux contours flous et à l’application complexe.

    Si l'article 222-33 du Code pénal disposait que :

    "Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende ».

    L’article 222-33-2 du Code pénal défini le harcèlement moral en ces termes : « Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».

    Si la jurisprudence a permis en matière d'harcèlement moral de donner de la substance aux contours de la notion ; elle restait plus malaisée en matière d'harcèlement sexuel d’où la censure du Conseil.

    Les victimes d'harcèlement moral peuvent être rassurées : dans deux arrêts récents en date du 11 juillet 2012 la chambre criminelle et la chambre sociale de la Cour de Cassation (Cass. QPC, 11 juillet 2012, n° 11-88.114, et n° 12-40.051) ont refusé de transmettre au Conseil Constitutionnel une Question Prioritaire de Constitutionnalité sur la Loi sur le Harcèlement moral.

    Les deux chambres ont estimé avec justesse que « cette transmission n'est pas nécessaire puisque cet article avait été jugé conforme à la Constitution par la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 » et que l’abrogation de l’article relatif au harcèlement sexuel ne constituait pas un changement de circonstance justifiant « le réexamen dès lors que les textes en cause sont rédigés de manière différente ».

    Il convient de surcroît de noter l’engagement de la Ministre de la Justice Christiane Taubira d’alourdir les peines du délit de harcèlement moral dans le travail en l’alignant sur celui de harcèlement sexuel.

    Harcèlement moral ou sexuel, une meilleure protection des victimes est en train de naître.

  • Inventer la Police du Respect

    En France, l'article 78-2 du Code de procédure pénale autorise les agents de police judiciaire à « inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ; ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire ».

    Afin d'éviter les contrôles de police au faciès qui stigmatisent les jeunes et les personnes de couleurs, le gouvernement Ayrault envisage la mise en place la délivrance d'un récépissé à l'issue des contrôles d'identités réalisés.

    Cette mesure a déjà été expérimentée avec succès aux États-Unis, au Canada, en Espagne, en Hongrie, en Bulgarie et en Grande-Bretagne. En France, elle est réclamée depuis de nombreuses années par les associations, dont SOS Racisme, mais très contestée par l'ancien Ministre de l'Intérieur Claude Guéant et les syndicats de police. Le nouveau Ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, semble pour sa part hésiter ; l'éventuel retour du matricule sur les uniformes des policiers, la remise d'une "carte de visite" ou encore l'installation de petites caméras qui filmeraient les interventions constituent pour l'heure des pistes de travail.

    A l'automne prochain, le Défenseur des droits, Dominique Baudis rendra public un rapport de réflexion générale sur les contrôles d'identité ; d'ici là un débat réel doit s'ouvrir sur les rapports citoyens-police.

    La gauche a raté la républicanisation de la Police

    En 1981, la gauche n'a pas réussi à faire une réforme de la police permettant la réconciliation avec les citoyens. Le Ministre de l'Intérieur Gaston Defferre préconisait alors une réponse policière ferme.

    En 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a réussi sous l'impulsion de Jean Pierre Chevènement la féminisation et la « colorisation » de la Police ; De même, le développement de la police de proximité, les tournois sportifs entre policiers et jeunes, furent symboliquement importants, mais ils n'ont pas suffit à recréer le lien de confiance rompu. A l'échelle locale, de nombreux Maires ont mis en place des Contrats Locaux de Sécurité (CLS) organisant la transmission d'information et le partenariat entre les acteurs locaux.

    Ces réformes furent notables mais insuffisantes à modifier la culture policière française. Les policiers femmes ou issus de l'immigration restent discriminés dans leurs carrières (notations) et victimes de brimades ou remarques désobligeantes de leurs collègues. Parfois, ils sont même dans une logique de « zèle » pour apparaître aussi « durs » que leurs collègues.

    Tandis que de nombreux leaders socialistes reprenaient à leurs comptes le concept américain de tolérance zéro ; en 2006, Ségolène Royal a tenté de concilier la prévention et la nécessité de la répression dans le concept « d'ordre juste ».

    Dans la dernière campagne présidentielle, l'engagement n°30 de François Hollande proposait d'encadrer les contrôles d'identité « par une procédure respectueuse des citoyens».

    Le récépissé, un outil de mesure statistique

    A Toronto, le récépissé révèle que la police contrôle trois fois plus les « Noirs » que les « Blancs ». Selon une enquête menée en 2009 à Paris par le CNRS et l'Open Society Justice Initiative (OSJI), un « Arabe » a en moyenne huit fois plus de risques de se faire contrôler qu'un « Blanc », un « Noir » six fois plus. Le récépissé est ainsi un outil de mesure statistique utile ; mais il devra surtout servir aux changements de pratiques et à la facilitation des dépôts de plaintes contre les comportements inacceptables.

    Le rapport entre Citoyens et Police et plus particulièrement entre Jeunes et Police s'est distendu ; alors que les contrôles policiers sont trop souvent fondés sur l'apparence vestimentaire et une représentation ethnique conduisant à des contrôles vexatoires et humiliants, les outrages et actions judiciaires pour rébellions sont en pleine explosion.

    De surcroît, en cas de contestation du contrôle, la parole du citoyen reste faible face à celle de l'Agent assermenté que ce soit devant l'inspection Générale des services ou devant les Tribunaux. De nombreux parcours professionnels sont ainsi rendus impossibles du fait de ces condamnations pour amendes ou avec sursis prononcées qui entachent irrémédiablement le casier judiciaire de ces condamnés pour outrages. Les tribunaux rechignent à autoriser les demandes d'exclusion des dites condamnations des casiers judiciaires B2.

    La Police doit retrouver son Autorité et la confiance des citoyens

    Concrètement, ces dix dernières années, la culture du « chiffre » a mis une pression intenable sur les forces de Police qui n'ont ni les moyens humains ni matériels d'accomplir leurs missions. Dans la même soirée, le même Agent doit patrouiller, auditionner et enregistrer les plaintes, ou encore sortir les véhicules. De trop nombreux commissariats ne disposent pas du minimum acceptable pour l'accueil des victimes : salles d'écoute, personnels, distributeur de cafés...

    Ces conditions de travail extrêmes expliquent certains excès. Dans les quartiers difficiles, la rupture de confiance entre les populations de ces zones et l'idée de Police au service de tous est amplifiée.

    En principe, l'article 7 du Code de déontologie de la police nationale interdit déjà les contrôles au faciès ; en réalité, le profilage ethnique et les contrôles d'identité abusifs sont bien trop nombreux. Le seul moyen de réduire ces contrôles abusifs serait d'alourdir les procédures ; la surcharge de travail entrainée dissuadera les policiers les plus zélés de procéder à des contrôles non justifiés. La rédaction et remise d'un récépissé de contrôle proposé par le Premier ministre Ayrault va dans ce sens et permettra de restaurer la confiance, le respect, et l'autorité.

    La question de la formation des policiers, de leurs niveaux d'éducation, et de l'application réelle du « vouvoiement » est essentielle ; il conviendra également de réformer le contrôle des défaillances des services de police (Inspection Générale des Services, IGS) protecteurs de leurs statuts et des droits des citoyens pour qu'il soit plus transparent et impartial.

    La hiérarchie policière et les syndicats sont hostiles à ce qu'ils appellent « la stigmatisation » de « leurs troupes » ; mais les jeunes policiers souvent désemparés dans leurs nouvelles affectations savent très bien que contrôler dix à quinze fois le même jeune sans poursuite judiciaire ne sert à rien si ce n'est à humilier. Il faut retrouver une logique d'efficacité et de complémentarité dans l'action des services publics de la police et de la justice.

    La crédibilité de la gauche en matière de sécurité passera par la résorption de la fracture police-populations. Il est plus que temps d'inventer une Police respectueuse de la dignité des citoyens.